PARAGRAPHE 2 :
LE DÉBITEUR SOUMIS À UNE PROCÉDURE COLLECTIVE
Une procédure collective est une procédure décidée par un juge afin d’organiser le paiement des créanciers d’une entreprise en difficultés et, si cela est possible de permettre à cette dernière de poursuivre son activité201. Les procédures collectives sont organisées au Cameroun par l’acte uniforme OHADA relatif aux procédures collectives d’apurement du passif adopté le 10 septembre 2015, il remplace celui du 10 avril 1998.
L’acte uniforme compte 3 procédures collectives que sont le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation définies à son article 1-3. Aussi bien dans le cadre du règlement préventif, que dans les procédures curatives, le recouvrement des créances en souffrance demeure menacé par les procédures collectives, même si les suretés protègent quelque peu le banquier (A). En outre, si le banquier n’est pas totalement désintéressé au sortir de la procédure collective, il peut encore mener certaines actions pour le recouvrement de sa créance (B).
A – LA PARALYSIE DES DROITS DE RECOUVREMENT DU BANQUIER
Les procédures collectives paralysent à plusieurs égards le recouvrement des créances bancaires202, mais le banquier muni de suretés est quelque peu ménagé.
Pour ce qui est des autres créanciers, ils sont beaucoup plus exposés. La procédure de règlement préventif réduit considérablement leurs droits, dans le cadre de cette procédure, interdiction est faite au débiteur de payer les créances nées antérieurement à la décision d’ouverture du règlement préventif, de faire un acte de disposition étranger à l’exploitation normale de l’entreprise ou de consentir une sureté203.
Les poursuites individuelles sont également suspendues pour toutes les créances antérieures à la décision pour une durée de 3mois qui peut être prorogée d’un mois204. Cette suspension survit à l’homologation du concordat. Dans le précédent acte uniforme cette suspension ne s’imposait qu’aux créanciers ayant fait des concessions dans le concordat, mais la révision de 2015 donne au juge le pouvoir d’étendre les remises du concordat aux autres créanciers qui ont refusé de les accorder dans la limite de deux ans205.
Cela a pour conséquence de prolonger la suspension des poursuites individuelles du banquier, même s’il n’est pas partie au concordat qui a été homologué206.
La paralysie des droits du banquier par la suspension des poursuites s’étend aux personnes physiques coobligées du débiteur ayant consenties une sureté réelle ou personnelle en garantie de sa dette207. C’est également le cas lorsque le débiteur est soumis à une procédure curative.
Le redressement judiciaire et la liquidation des biens soumettent les créanciers à une discipline collective208, elle implique la constitution d’une masse représentée par le syndic qui seul agit en son nom et dans l’intérêt collectif. La décision d’ouverture d’une procédure curative arrête le cours des intérêts pour le débiteur et les coobligés personnes physiques209.
Elle arrête également les inscriptions de toute sûreté mobilière ou immobilière. Elle interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers composant la masse qui tend à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, à la résolution du contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Elle bloque toute procédure aux fins d’exécution.
Le souci de rétablissement de l’entreprise doublé d’une nécessité d’égalité des créanciers amenuisent les chances de recouvrement du banquier. Bien souvent, à l’échec de la procédure collective initiale, la liquidation suit. Malheureusement, le paiement de tous les créanciers est un dénouement rarissime.
Une étude réalisée sur l’égide de l’ancien AUPCAP a d’ailleurs relevé que les dividendes reçus par les créanciers étaient de faible montant. Ils ne recouvraient approximativement que 14% de leurs créances210. Alors, lorsque les créances sur les débiteurs en difficultés déjà classées en créances douteuses ne sont pas complètement recouvrées. Le banquier est obligé de continuer le recouvrement par diverses actions.
B – LES ACTIONS DU BANQUIER IMPAYÉ À LA CLOTURE DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE
À la clôture de la procédure collective le banquier dispose des actions contenues dans l’acte uniforme des procédures collectives. L’existence de l’impayé à la clôture des procédures collective matérialise la réalisation du risque d’insolvabilité du débiteur. Cependant, tout n’est pas pour autant perdu pour le banquier211.
La survivance de l’obligation justifie l’exercice de nouvelles poursuites tant à l’égard du débiteur que des codébiteurs que sont les dirigeants fautifs et les associés tenus solidairement et indéfiniment des dettes sociales. Certaines de ces actions passent par la reprise de la procédure de liquidation des biens, et par des poursuites individuelles sous certaines circonstances.
L’action en comblement du passif212est exercée à l’encontre d’un dirigeant de fait ou de droit qui par ses agissements fautifs a contribué à l’insuffisance d’actif213. Il faut pour cela que les agissements fautifs soient antérieurs à l’insuffisance d’actifs.
Dans le cas contraire, pour éviter d’exercer deux actions afin de mettre à la charge du dirigeant le passif antérieur et postérieur, il est préférable d’exerce l’action en extension de la procédure collective214.
L’action collective en responsabilité d’un tiers posé à l’article 118, alinéa 1er de l’AUPC, n’est envisageable que dans le cadre d’une procédure collective. Elle est possible contre les tiers qui par leurs actions, ont contribués à la diminution de l’actif ou à l’aggravation du passif du débiteur défaillant.
Le banquier peut également par le biais du syndic exercer une action en faillite personnelle prévue aux articles 196 et suivants de l’AUPC. Malgré son caractère de sanction civile, la faillite est de plus en plus instrumentalisée dans le bid d’apurer le passif, car la réhabilitation est assujettie à l’absence du passif.
L’action en responsabilité du syndic peut être exercée au cours de la procédure collective, ou dans un délai de 3 ans à compter de la clôture de la procédure ou de la fin de l’exécution du concordat. L’article 243 AUPC donne une liste de fautes pouvant conduire à la responsabilité de tout mandataire judiciaire. L’assurance obligatoire sert à couvrir de telles fautes, car destinée à garantir la réparation des préjudices causés.
Si après la clôture de la liquidation, il est démontré que certains actifs n’ont pas été recouvrés, la procédure peut être reprise. La reprise de la liquidation a lieu sur tous les biens omis y compris sur ceux qui n’étaient pas visés dans la demande de reprise215.
Elle peut également être reprise si l’impossibilité de recouvrement relevait d’un obstacle ayant les caractéristiques d’une force majeure et que ce dernier a été levé.
Les procédures collectives endiguent le l’exercice du droit de recouvrement du banquier tout comme l’immunité. Certes, des voies de contournement ont été aménagées pour lui donner une issue. Que ce soit la compensation ou l’exercice des actions à la fin des procédures collectives, elles aboutissent rarement au recouvrement complet des créances en souffrance. Ceci s’explique également par la précarité du système judiciaire camerounais.
De prime abord, avec l’avènement du droit OHADA de l’AUPSRVE et l’acte uniforme sur les suretés modifié, le recouvrement des créances en souffrance parait assez simple. Mais il n’en est rien, le recouvrement des créances en souffrance dans la plupart des cas est ce qu’on peut appeler un accouchement difficile. Un accouchement Où il arrive très souvent que le nourrisson soit mort suffoqué.
La surprotection des personnes morales de droit public et des intérêts des débiteurs soumis aux procédures collectives tous deux grands débiteurs des banques favorise ce décès. Les obstacles de fait également ne sont pas des moindres, l’incapacité matérielle d’exécuter sur le débiteur constitue un obstacle bien des fois insurmontable au recouvrement des créances en souffrance. L’échec du recouvrement qui en résulte est lourd de conséquence.
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201ROIG (E.), « les procédures collectives », droit-finances.commentcamarche.com [en ligne] consulté le 14 Mai 2020.
202SIDIKOU (B.), « le banquier face à la procédure de règlement préventif modifié en Droit OHADA », [en ligne] village-justice.com, consulté le 24/05/2020.
203Article 11 AUPCAP.
204Article 9 AUPCAP.
205Article 15 Alinéa 2 AUPCAP.
206Article 18 AUCPAP.
207Article 9 AUPCAP.
208Article 72 et suivants AUPCAP.
209Exception faite des créances résultant des contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à 1an ou assorties d’un paiement différé d’un an ou plus.
210SILIENOU (H.I.), le traitement de l’impayé à la clôture des procédures collectives du droit OHADA, thèse pour le doctorat en Droit Privé, université de Dschang Janvier 2018, p. 2 ; SAWADOGO (F.M.), « les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le règlement préventif », Dr. Pat n° 253, Décembre. 2015, p. 32.
211SILIENOU (H.I.), op.cit. p.103.
212Article 183 AUPCAP.
213SILIENOU (H.I.), op.cit.,p 104.
214Article 189 AUPCAP.
215SILIENOU (H.I.), op.cit. p.108.