1. 1. 2 : Hypothèses et implications de cette notion de l’efficience
Il s’agit dans cette section de mettre en exergue les éléments sur lesquelles repose cette notion de l’efficience des marchés financiers.
Ils sont relatifs entre autres à la rationalité des investisseurs mais aussi aux caractéristiques de l’acquisition et au traitement de l’information, élément moteur dans la prise de décision des opérateurs intervenant sur ce marché.
L’efficience des marchés financiers implique la vérification de cinq conditions essentielles :
Les marchés financiers ne peuvent être rationnels que si les agents économiques agissant sur ces marchés sont rationnels, ce qui implique deux conditions :
Ainsi, si les investisseurs anticipent un événement susceptible de faire augmenter le cours d’un titre, ils doivent l’acheter ou le conserver, mais en aucun cas le vendre. Par contre, un événement négatif doit engendrer une décision de vente.
En d’autres termes, les agents doivent maximiser le gain qu’ils peuvent réaliser pour un niveau de risque donné ou minimiser le risque pour un niveau de gain donné.
– La libre circulation de l’information
Tous les agents doivent bénéficier de la même information en même temps pour pouvoir agir immédiatement sur le marché dans des conditions identiques.
Il ne doit pas y avoir un décalage temporel entre le moment où un agent économique reçoit une information et le moment où un autre reçoit la même information. Et, ils doivent pouvoir traiter l’information en temps réel.
Si l’information a un coût, les agents économiques peuvent parier qu’il est supérieur à la perte probable engendrée par son ignorance. Par conséquent, ils vont laisser tomber le suivi des informations.
C’est l’une des raisons qui fait que tous les agents économiques doivent pouvoir obtenir les informations sans que cela n’engendre pour eux des coûts supplémentaires de gestion.
– L’absence de coûts de transaction et d’impôt de bourse
«Les agents économiques peuvent hésiter à investir ou à désinvestir si des coûts de transactions ou de taxes boursières grèvent ou annulent le gain potentiel réalisable.
En présence de coûts de transaction, l’investisseur n’agira sur le marché que dans la mesure où le gain espéré est supérieur aux coûts de la transaction. Dans ce ca, le prix du titre ne reflètera pas instantanément la totalité des informations le concernant» [P. Gillet (1999), p. 18].
Comme le fait remarquer cet auteur, on peut dire que la notion d’efficience reste très théorique et impossible à se concrétiser sur le plan pratique. Car, la plupart des bourses considèrent une dépendance entre les coûts de transaction, rémunération des intermédiaires et taux d’imposition.
– L’atomicité des investisseurs et la liquidité
Seule l’information peut faire varier le prix. De même, les agents économiques ne réaliseront de transactions sur les titres que si ces transactions elles mêmes sont susceptibles pour des raisons de liquidité, de faire varier leur prix. Très concrètement sur un marché efficient, aucun investisseur ne peut influencer les prix par simple ordre d’achat ou de vente.
Comme indiqué dans l’hypothèse de l’absence des coûts de transactions et d’impôt de bourse, dans la plupart des cas, il existe un décalage important entre ces hypothèses et leur application sur les marchés financiers.
Aujourd’hui on peut le constater et à juste titre, que sur la plupart des marchés financiers modernes, ces hypothèses ou conditionnalités précitées ne sont pas tout simplement réunies.
A son niveau le plus général, la théorie de l’efficience des marchés financiers correspond à la théorie de l’équilibre concurrentiel appliquée au marché des titres financiers. Les implications de cette notion sont les suivantes:
– Le prix observé reflète toute l’information disponible
Une condition essentielle de la théorie des marchés financiers stipule que toute l’information pertinente est disponible gratuitement pour tous les participants au marché.
Ainsi, un marché efficient est un marché sur lequel, à tout moment, les prix pratiqués reflètent pleinement toute l’information disponible. Le prix observé est alors une estimation non biaisée de sa valeur fondamentale.
– La présence d’un grand nombre d’opérateurs sur le marché
Nombreux sur le marché, les participants sont en concurrence active dans le but de réaliser des profits de telle sorte qu’aucun d’entre eux ne puisse à lui seul influencer sur le niveau des prix qui s’établiront.
Il s’en suit d’une part, que les écarts entre le prix observé et sa valeur fondamentale vont décroitre du fait de la présence d’un grand nombre de participants.
Et d’autre part, si les prix reflètent toute l’information disponible alors tous les événements futurs dont dépendent les profits des entreprises et leurs conséquences sont identifiés. Il est alors possible de leur affecter une distribution de probabilité.
De ce fait, les fluctuations de prix sont aléatoires, car elles ne peuvent être dues qu’à l’apparition d’événements imprévisibles.
– L’imprévisibilité des variations de prix ou le modèle de marche aléatoire
Le modèle de marche aléatoire remonte aux travaux de L. Bachelier [1900] dans sa thèse d’Etat intitulée «Théorie de la spéculation », puis proposé par E. Fama en 1970. Ce dernier suppose que le comportement des cours boursiers pouvait être exprimé mathématiquement par une marche au hasard. C’est l’idée de l’hypothèse dite « random walk ».
Cette hypothèse repose sur le fait que les changements, de période à période, dans le prix d’une action sont statistiquement indépendants et que les variations de prix (rentabilités)3 sont imprévisibles puisque tous les événements connus et anticipés sont déjà reflétés dans le cours actuel.
En d’autres termes l’analyse des cours actuels ou passés ne fournit aucune indication pour le futur. Donc la série des rentabilités ne présente aucune corrélation sérielle.
Le modèle de marche aléatoire se présente de la façon suivante :
Les rentabilités suivent donc un bruit blanc et le prix observé sur le marché fluctue de façon aléatoire autour de sa valeur fondamentale.
Ainsi, la théorie de l’efficience des marchés, de par son caractère imprévisible des rentabilités, a très souvent été associée au modèle de marche aléatoire. Cependant, il faut rappeler que la relation entre marche aléatoire et efficience n’est pas une équivalence. En effet, si l’hypothèse de marche aléatoire repose sur la théorie de l’efficience, l’hypothèse de marché efficient n’implique pas que les prix suivent une marche aléatoire.
Par conséquent, le fait que les prix ne suivent pas une marche aléatoire n’entraine pas l’inefficience du marché. Il suffit par exemple que l’hypothèse de neutralité vis-à-vis du risque ne soit pas respectée ou bien que les fonctions d’utilité des individus ne soient pas séparables et additives [V. Mignon (1998), p.12].
Toute fois plusieurs études telles que celles effectuées par E. Fama (1991), R.J. Shiller (1984) ont montré que les conclusions retenues par la théorie de la marche aléatoire ont été obtenues parce que les techniques statistiques employées à l’époque n’étaient pas appropriées.
Et, suite aux violations empiriques le modèle de marche aléatoire s’est avéré trop restrictif et la martingale est apparue comme une alternative.
– L’impossibilité de réaliser des profits anormaux et le modèle de martingale
Le modèle de martingale comme présenté par P. Samuelson [1965] s’écrit comme suit:
Cela signifie que la meilleure prévision qu’on peut faire du prix en t+1 sur la base de l’ensemble d’information It est le prix en t.
Le modèle de martingale implique que l’on ne peut s’attendre à une rentabilité qui soit supérieure à celle du marché au sens ou l’espérance conditionnelle des variations de prix est nulle.
Contrairement au modèle de marche aléatoire, le modèle de martingale n’interdit pas la dépendance entre les rentabilités. P. Samuelson (1965) a montré que le modèle de martingale impliquait d’une part l’imprévisibilité des rentabilités futures et, d’autre part, l’égalité entre le prix observé et sa valeur fondamentale.
Ce modèle interdit toute fois la possibilité de réaliser un profit en spéculant sur la différence entre le prix observé et sa valeur fondamentale. En d’autres termes, on ne peut sur la base d’un certain ensemble d’information réaliser des profits anormaux.
3 Les variations relatives des prix sont fréquemment assimilées aux rentabilités. Ceci résulte du fait que le rapport dividende/cours est généralement considéré comme négligeable par rapport aux variations relatives des prix.
En effet, les rentabilités peuvent ainsi être (faiblement) dépendantes, mais il est impossible de spéculer sur cette dépendance pour générer des profits anormaux.