c) Le droit au logement en droit français
∙ Affirmation par le législateur
Le droit au logement est véritablement apparu dans les textes législatifs en France, à partir des années 80. En effet, le contexte de fragilité économique et sociale entraîna de nouvelles aspirations politiques, que rappelle ainsi Françoise Zitouni, maître de Conférences à l’Université Paul Cézanne – Aix-Marseille III:
« Dans les années 80, l’affirmation d’un droit fondamental au logement s’inscrit dans la perspective de la construction d’une démocratie sociale prolongeant la démocratie politique. Le citoyen (…) doit avoir le choix de son mode et de son lieu d’habitation. »
Le droit au logement fut affirmé en France à de nombreuses reprises par le législateur depuis 1982 :
loi du 22 juin 1982 dite Quillot | Rééquilibrage des relations entre locataires et propriétaires (I) | « le droit à l’habitat est un droit fondamental » |
loi Mermaz du 6 juillet 1989 | Rééquilibrage des relations entre locataires et propriétaires (II) | « le droit au logement est un droit fondamental. Il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent ». |
loi Besson du 31 mai 1990 | Dimension programmatique du droit au logement | Art. 1 : « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation. Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir » |
loi Gayssot-Besson du 29 juillet 1998 | Dimension programmatique droit au logement | Art. 1 : « le droit au logement est
duun droit fondamental lié au respect de l’égale dignité de tous les êtres humains ». |
Mais malgré ces proclamations solennelles, la doctrine resta sceptique. « Le droit de tous les Français d’avoir un toit » relève d’un droit « douteux » selon le Professeur Paul Roubier.45
Selon Gérard Cornu46, ancien professeur à l’Université de Paris II Panthéon-Assas, le droit au logement ne serait qu’une « promesse fallacieuse », ou encore un « faux droit » selon le Doyen Jean Carbonnier.47
En effet, en dépit de ses proclamations législatives, le droit au logement n’est pas devenu un droit subjectif, qui permettrait à un individu d’exiger un logement de l’Etat ou d’un propriétaire privé. Le législateur français a seulement mis en place des règles, qui dans des situations déterminées, doivent faciliter l’accès et le maintien dans un logement.
∙ Absence de consécration constitutionnelle
Contrairement à d’autres Etats européens48, la France n’a pas expressément consacré le droit au logement dans sa Constitution, ni même dans son bloc de constitutionnalité.
En effet, le droit au logement est absent de la Constitution du 4 octobre 1958, et en figure pas non plus dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, ni dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Certains auteurs considèrent cependant que le droit au logement peut être déduit du Préambule de 1946. L’obligation pour la nation d’assurer à chaque individu les conditions nécessaires à son développement (garantir à tous la sécurité matérielle et le repos) qui est contenue dans le préambule de 1946, semble admettre implicitement l’existence d’un droit au logement.
Ainsi Georges Vedel, ancien membre du Conseil Constitutionnel, estimait que si le droit au logement n’était pas constitutionnellement consacré, il pouvait être considéré comme l’une des branches d’un droit à la sécurité matérielle. Roger Saint-Alary, professeur émérite à l’Université de Paris II, affirmait également dès 1982 : « comment une telle protection pourrait-elle être acquise si la nation n’assurait pas à chacun un logement ? »
Ainsi, l’absence de proclamation explicite du droit au logement dans le Préambule de 1946 ne lui permet pas d’accéder au statut de « droit-créances » comme le droit à la protection de la santé, à la protection sociale, le droit à mener une vie normale, le droit à l’instruction et à la culture, le droit à la solidarité nationale. Réduit au statut de droit-créance non reconnu, le droit au logement semble condamné à un rôle uniquement programmatique, à la portée juridique limitée.
Les effets juridiques des textes internationaux, européens et communautaires qui mentionnent le droit au logement restent donc limités : ces conventions et ces chartes ne sont contraignantes que dans la mesure où les Etats les acceptent et possèdent les moyens de les respecter.
Par conséquent, ces textes relèvent surtout de la déclaration d’intention mais ils indiquent certains engagements des Etats, qui pourront contribuer progressivement à faire évaluer le droit national. En France, le droit au logement est mentionné dans plusieurs textes législatifs mais il ne fait l’objet d’aucune proclamation constitutionnelle.
Ainsi, en France, le droit au logement relève davantage d’une logique programmatique engageant l’Etat à mettre en œuvre des politiques publiques en matière de logement, mais n’accordant pas de véritable protection légale aux individus.
Le droit au logement a fait l’objet de nombreuses proclamations qui renforcent davantage la portée symbolique que juridique de ce droit.