II. Le Choix de la Modalité de Coopération Pour répondre aux problèmes qui ont pu être évoqués une firme a divers instrument; elle a besoin d’atteindre une taille critique pour diversifier le risque et réaliser des économies d’échelle. Pour cela fusionner avec des concurrents serait une solution. Toutefois au-delà de la dichotomie Marché/Firme déjà évoqué, il faut étudier l’aspect concurrentielle par les conséquences que la fusion peut entraîner. En effet, bien que le résultat soit équivalent en terme d’efficience économique en terme d’impact sur le surplus du consommateur et le surplus de la société les conséquences sont différentes selon que la fusion ou la coopération est choisi. D’autre part, pour que la coopération marche il faut que tout le monde ait intérêt à participer activement. Il faut donc pour que la coopération soit un succès que chacun soit incité à le faire. Le choix de la formule d’association a donc son importance.
*** L’impact micro-économique des rapprochements
** Une collusion pure
La fusion entre 2 firmes est la forme la plus poussée de collusion; à coté de cela il existe le cartel, mais son efficacité en terme de performance économique reste à prouver (Asch, Seneca, 1976; Selten, 1984). Lorsque 2 firmes fusionnent, elles perdent leurs identités et agissent comme une entité unique. L’impact de ce type de mouvement industriel est intéressant à étudier de part l’effet qu’il a sur la concurrence et sur les marchés; cet effet apparaît très bien au niveau des prix. Soit une industrie avec n firmes produisant un bien homogène [Jacquemin et Slade dans Schmalensee, 1989, pp.430-432].
** Une entreprise conjointe
Les objections faites aux entreprises conjointes sont nombreuses et la plus commune tient dans sa ressemblance avec les cartels ou les fusions. A travers ces participations les intérêts des différentes parties sont liés. La concurrence entre les partenaires s’en trouve réduite à 2 niveaux : au niveau de l’entreprise conjointe mais aussi au niveau des autres marchés. Selon Jacquemin et Slade [dans Schmalensee, 1989, p.438] les entreprises conjointes sont particulières lorsque leur création naît de la fusion des opérations déjà existantes entre les différents acteurs. Sous un accord de participation capitalistique la production est déterminée par un partenaire, le contrôleur, et les profits sont divisés en fonction de la répartition respective de chacun. Soit D(Q) la fonction de demande inverse, Ci(qi) la fonction de coûts individuelle et Kik la participation de la ième firme dans la kième firme. D’où la fonction de profit de la firme i
*** Les mécanismes d’incitation
Le Dilemme du Prisonnier pose un problème fondamental : pour que la coopération soit positive, il faut que tout le monde joue le jeu. La théorie dit qu’il faut un horizon temporel infini ou considéré comme tel. Ce n’est toutefois pas le seul moyen. L’incitation est une donnée à prendre en compte de façon sérieuse.
** L’incitation à ne pas tricher
Le problème de la désincitation à tricher dans le cas trop tentant de la possession commune est à prendre en considération à part entière. Ainsi le recourt à un propriétaire unique est une bonne solution sous la condition que : – l’avantage potentiel de la spécialisation ou de la production en équipe est limité aux groupes suffisamment petits pour être contrôlés de manière efficiente par une seule personne. Il faut que :
- – le hasard moral est important mais que…
- – le bénéfice du contrôle est tel qu’il compense largement l’effort du propriétaire,
- – le bénéfice du contrôle est certain.
Ces conditions ne sont pas toujours réunies c’est pourquoi la propriété commune ou collective est importante. L’élément déterminant de la coopération va être la motivation de l’agent dans la recherche de l’efficience. Cela va tenir aussi bien à l’intensité de travail qu’aux mécanismes de contrôle. Au niveau de la motivation des membres de l’entreprise la rémunération est le facteur essentiel car c’est elle qui va inciter à l’efficacité. La supériorité du marché va tenir dans cette incitation à fournir l’effort maximal puisque cet effort va être rémunéré à sa productivité marginale. Ainsi lorsque l’on substitue l’organisation au marché il va falloir adopter un système d’incitation similaire pour se garantir un effort maximum. De manière parallèle, au niveau de la mise en place d’un accord de coopération un mécanisme d’incitation est également nécessaire, dans la mesure où les gains générés par u accord ne constituent pas un gage de stabilité et de pérennité. La question du monitoring est extrêmement importante. Elle a un coût qu’il faut prendre en compte. La condition est que le contrôle n’influence pas la forme d’organisation. Un partenariat implique un accord entre 2 ou plusieurs personnes pour qu’elles se comportent d’une certaine façon en échange d’une part de profit. Même lorsque les retours du contrôle sont surs, des difficultés devront être attendues. Si le contrôle de chaque partie est parfaitement observable sans coût pour chacun, ce type d’accord sera une réponse prévisible de productivité croissante de l’effort d’équipe et donc permettra de constituer des entités plus grandes. Pouvoir observer sans coût les comportements n’est pas suffisant pour éliminer toute tricherie car le hasard moral reste [Alchian et Demsetz, 1972]. Cela implique une incitation à tricher (shirk). La coopération est donc plus facile quand on peut observer les comportements réciproques. Quand le retour est certain, la mesure de l’effort du partenaire sera aisément déterminée en retirant de ce bénéfice son effort propre. Toutefois l’augmentation du nombre de partenaire augmente l’incitation à tricher car il devient difficile de déterminer d’où vient le problème, et car la part de chacun dans l’effort se réduit. Ainsi le partage d’un droit peut permettre de gagner en efficience en baissant le coût marginal de contrôle de grandes entités. Toutefois, il faut garder en tête le problème de hasard moral qui augmente avec le nombre de partenaire.
** Le rôle du monitoring
Le rôle du monitoring peut être analysé par la théorie des jeux : game of chicken. Si B monitore, il est préférable à A de tricher; mais si B triche, il est préférable à A de monitorer.
Firme A Firme B | Options | ||
Monitor | Shirk | ||
Options | Monitor | (v/2,v/2) | (0,v) |
Shirk | (v,0) | ((v-c)/-2,(v-c)/2) |
Ce jeu conduit au bluff. Chacun va essayer de convaincre l’autre de sa bonne volonté dans l’espoir d’effrayer suffisamment l’autre pour qu’ils fournissent l’effort. Il s’agit d’un jeu répété tant que le partenariat dure. La discipline de la négociation continue va limiter l’avantage qui devrait revenir au partenaire d’adopter une attitude exagérément non coopérative. Si le nombre de partenaire augmente, la nature du jeu change et devient un dilemme du prisonnier ou tricher est une stratégie dominante. Dans cette situation, la coopération est difficile et instable. Toutefois il faut garder à l’esprit que le jeu est répété et que les partenaires vont coopérer jusqu’à ce que l’un d’eux triche s’ils ont suffisamment d’information sur le comportement de chacun. Cependant le conflit est rare. En effet, le but est pour chaque firme de bénéficier de la valeur v de leur coopération, avec chacun une part égale à l’issu de la période. S’il y a tricherie unilatérale, c’est le tricheur qui gagne. Si chacun triche, il existe un coût c à supporter. La solution au problème va dépendre de x, qui est la proportion de tricheur; celle-ci est en faite réduite : dx/dt = x(1-x) [(x(v-c)/2 + ((1-x)v)/2]
Par suite la probabilité qu’il y ait tricherie va être de v2/c2, on peut donc dire qu’il faut bien avoir c>v. Plus le coût de la tricherie est haut plus la désincitation à tricher est forte. Toutefois, la question de bénéfice certain du monitoring est une simplification irréaliste, et en faite chacun est donc exposé au risque. Cela a des implications :
- – il faut trouver un moyen d’assurer des compensations,
- – dans le cas de firme neutre face au risque, le partage permet une répartition du risque plus efficiente. Mais si les partenaires sont risquophobes, la coopération va permettre de réduire le coût de ce risque.
Ce gain va être comparé avec le coût du hasard moral. Ainsi chaque partenaire en plus de recevoir une part du bénéfice, a le droit d’utiliser et diriger l’accord. La décision de chacun peut alors limiter la décision de l’autre et chacun est aussi responsable des aléas de l’autre. Par conséquent, ces accords sont à prendre avec beaucoup de précaution. On se place alors dans 2 cas de figure. Lorsqu’il s’agit d’une relation interne à la firme c’est à dire d’une relation de subordination entre les différents niveaux hiérarchiques de la firme, la rémunération salariale est le seul moyen d’incitation à l’effort. Lorsqu’il s’agit d’une relation interfirme on est à nouveau dans une approche alternative au simple choix entre internaliser et avoir recourt au marché. En effet le recourt au marché est coûteux et pas toujours approprié à toutes les situations; de façon parallèle le recourt à l’internalisation pose des problèmes symétriques; par suite le recourt à des partenaires extérieurs à la firme est aussi indispensable. Toutefois pour que cela réussisse, il faut savoir développer une relation de long terme où l’incitation des partenaires est extrêmement importante. Il va s’agir de coopérer et de faire en sorte que chacun ait à gagner quelque chose dans le développement de cette relation. La question du droit de propriété est ainsi loin d’être étrangère à la coopération. En effet, lors de la mise en place de contrat de long terme cela n’est peut être pas évident; toutefois lors de la mise en place d’un accord de coopération avec mise en commun de capitaux la notion de droit de propriété prend toute son importance. Chacun va être lié à l’autre par un contrat mais comme dans toute possession en commun ce contrat va inclure des obligations réciproques si bien qu’on va se trouver dans un droit de propriété de type collectif ou communal. Les gains privés issus de l’accord ne sont pas capables de générer seul la stabilité nécessaire à la coopération (comme à tout contrat d’ailleurs). Il existe des difficultés majeures que les acteurs ne peuvent pas toujours contrôler; ces problèmes ne sont pas insurmontables : le monitoring, la gestion optimale des contrats peut permettre de réussir un accord de coopération. Les contrats ne sont pas la panacée face à la mauvaise volonté, mais ils restent indispensables. D’autre part, il faut être un professionnel gérer de tels accords en définissant des objectifs clairs et des moyens précisément établis. Ce sont encore des questions d’information (sélection adverse et hasard moral) qu’il va falloir gérer pour choisir le partenaire et surveiller l’accord. Les Etats ont leurs rôles à jouer. Il va falloir encadrer ces comportements pour permettre d’arriver à la situation idéale de coopération. C’est le rôle des contrats et de la réglementation. Industrie du pétrole : Alliances dans l’Industrie Pétrolière Mémoire réalisé dans le cadre du DEA D’Economie Industrielle Université de Rennes 1