L’assurance vie et le droit civil – chapitre II : Le contrat d’assurance-vie a des incidences sur le droit civil, notamment sur le droit des régimes matrimoniaux, sur le droit des successions, le droit des obligations et le droit des sûretés. Section 1/ Assurance vie et Régime matrimonial : §1 / Souscription et gestion du contrat d’assurance vie par un époux commun en bien Nous l’avons vu précédemment le souscripteur doit avoir la capacité juridique de souscrire et le pouvoir de verser les fonds sur le contrat. Un époux commun en biens peut-il seul souscrire un contrat d’assurance vie ou lui faut-il l’intervention de son conjoint ? La difficulté réside dans le pouvoir de disposer des fonds. A/ Souscription individuelle Lorsque les primes proviennent des fonds propres de l’époux souscripteur, celui-ci pourra agir seul. Il devra toutefois procéder à une déclaration de remploi, conformément aux articles 1434 et suivants du Code Civil, pour combattre la présomption de communauté, qui obligerait à récompense. Lorsque les primes versées sur le contrat proviennent de la communauté, il faut opérer une distinction entre les actes d’administration et les actes de disposition. Si les primes sont prélevées sur l’excédent des revenus, il s’agit d’un acte d’administration que chacun des époux peut réaliser seul (Art 223 CC libre disposition des gains et salaires sous réserve de la contribution aux charges du mariage). Si les primes proviennent du capital de la communauté, il s’agit alors d’un acte de disposition et l’article 1421 du Code Civil permet à chacun des époux de disposer des biens communs, sous réserve de répondre des fautes qu’il commet dans sa gestion ou d’une intention frauduleuse (La sanction du détournement frauduleux des pouvoirs est l’inopposabilité de l’acte à la victime). Aux termes des articles 223 et 1421 du Code Civil l’époux commun en biens peut souscrire seul un contrat d’assurance vie, même lorsque les fonds proviennent de la communauté. Encore faut-il qu’il ne s’agisse pas d’une libéralité. En effet l’article 1422 du Code Civil dispose que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer entre vifs à titre gratuit des biens de la communauté ». Si l’un des époux a dépassé ses pouvoirs sur les biens communs l’autre peut en demander l’annulation (Art.1427 CC). La désignation du bénéficiaire suppose donc le consentement des deux époux. Cependant l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a pu juger dans l’affaire « Pelletier » que le changement de bénéficiaire d’un contrat d’assurance constituait un acte de gestion courante des biens communs n’exigeant pas à ce titre le consentement du conjoint (Cass. Ass. Plén. 12/12/1986 Bull. Civ. plén.n° 14). On peut craindre qu’un époux souscrive seul, conformément à l’article à l’article 1421 du Code Civil, un contrat sans bénéficiaire désigné, puis ne désigne qu’ultérieurement le bénéficiaire pour ne pas encourir la nullité de l’article 1427 du code civil. B/ Souscription en co-adhésion Le code des assurances dans l’alinéa 2 de l’article L321-1 autorise expressément les co-adhésion dans la mesure où il est précisé : « plusieurs personnes peuvent contracter une assurance réciproque sur la tête de chacune d’elles par un seul et même acte ». Certaines compagnies d’assurances sont réticentes à l’égard des co-adhésions. Il n’est pas rare qu’elles émettent certaines réserves ou restrictions en précisant que : « la co-souscription n’est possible que pour des couples mariés sous un régime de communauté universelle. » Exigences qu’elles ont en général bien du mal à justifier. Dans ces co-adhésions, mettant en jeu le plus souvent les époux, on distingue les « co-adhésions réciproques » des co-adhésions conjointes. La co-adhésion réciproque Si le bénéfice du contrat est délivré au décès du premier mourant, on parle d’adhésion réciproque. Dans le cas d’une adhésion réciproque par deux époux, au premier décès, le contrat est stipulé avoir été souscrit sur la seule tête du premier mourant, l’époux survivant bénéficiaire étant considéré comme « personne distincte du souscripteur ». Ainsi en a décidé la haute juridiction dans un arrêt rendu en date du 22/O1/2002. Ce mode de co-adhésion est plus facilement admis que le suivant. Certaines compagnies d’assurance n’hésitent pas à préciser que « sauf stipulation contraire, le versement du capital, en cas de décès sera effectué au premier décès (le co-souscripteur était alors le plus souvent le bénéficiaire du capital). Le versement du capital au second décès n’est possible que dans le cadre de la communauté universelle avec attribution intégrale au conjoint survivant ». Nous sommes alors dans les co-adhésions dites conjointes. La co-adhésion conjointe Le terme adhésion conjointe est réservé au contrat souscrit par deux personnes ou plus qui ne se dénoue qu’au décès du survivant des souscripteurs. C’est-à-dire que ce contrat se poursuivra lors du décès du premier mourant, et ne s’éteindra qu’au décès du survivant des époux. On a parfois contesté l’utilité patrimoine du contrat souscrit en adhésion conjointe. Quelques arguments simples permettent d’en justifier l’intérêt. Il est certain que l’adhésion conjointe est plus contraignante que l’adhésion simple, dans laquelle chaque époux dispose seul de tous les pouvoirs de gestion attachés à la souscription du contrat. Mais l’adhésion conjointe présente quelques avantages patrimoniaux qui en justifient l’emploi. A l’exception de la désignation du bénéficiaire qui demeure un droit personnel de chaque époux, la co-gestion, imposée par l’adhésion conjointe garantit à chaque époux que rien ne sera fait sur cet élément du patrimoine, participant du niveau de vie présent et futur sans l’accord de l’autre, cette restriction « conjointe » de l’autonomie de gestion de chaque époux peut-être jugée souhaitable. Elle garantit à l’époux survivant qu’il sera bien attributaire de l’ensemble des capitaux placés dans le contrat d’assurance.