Apparition du commerce moderne au Maroc : Surfaces de distribution
Apparition du commerce moderne au Maroc
L’apparition du commerce moderne au Maroc est liée principalement à l’émergence d’un ensemble d’événements au niveau mondial (révolution industriel, production de masse…) ainsi que les différentes fluctuations économiques et sociales qu’a connues l’environnement marocain.
I- Historique des surfaces de distribution
L’évolution du commerce moderne a débuté tardivement autour de 1850.
En un siècle et demi, des bouleversements très profonds vont s’opérer dans ce secteur d’activité, suite aux divers événements survenus (révolution industriel, production de masse, crise économique de 1930, généralisation de l’automobile…).
Cette dynamique du commerce moderne apparaît dans la création de quatre formes majeures : le grand magasin, le libre service, le discount et les hypermarchés[2].
[1] Marc Filser, véronique des Garets, Gilles Paché, la distribution organisation et stratégie, Edition EMS, 2001 p 25.
[2] Idem, p 26-27.
1- Le grand magasin
« la vente à prix fixe d’assortiment large et profond ».
Cette forme représente la première étape de la révolution industrielle, créée à paris en 1852, elle proposait un assortiment large et profond, des prix fixes, affichés et non discuté et elle instaurait l’entrée libre (pas d’obligation d’achat pour le chaland).
Le grand magasin est non seulement une innovation majeur en terme de formation commerciale mais aussi une inspiration de la structure centralisée et hiérarchique des grands firmes.
2- Le libre service
A la différence du grand magasin qui était une invention française, les inventions succédant ont vu le jour aux Etats-Unis.
Le libre service introduit en 1916 même s’il est passé inaperçu à l’époque, il constitue la forme radicale pour la distribution et le marketing moderne.
En effet le libre service fait disparaître le marchand, le produit va devoir se vendre seul à travers son conditionnement, sa marque promue de la publicité.
3- Le discount
La grande dépression de 1930 aux Etats-Unis était la cause primordiale de l’apparition du discount, une forme de vente dont l’unique et le principal axe de communication sur lequel repose est le prix bas[3].
4- Les hypermarchés
« le tout sous le même toit »[4].
L’hypermarché constitue la plus récente innovation majeure dans le commerce moderne apparue en 1963.
L’hypermarché est une combinaison des divers axes sur lesquels tablent les surfaces de ventes pré signalées.
En effet pour que la formule de l’hypermarché soit attractive, il fallait un grand magasin où le principe du libre service est omniprésent avec des prix bas par rapport au commerce traditionnel.
L’importance de la superficie de l’hypermarché a fait que sa construction soit établie au niveau de la périphérie des centres urbains d’où le nom du commerce émergent le commerce des périphéries.
[3] Marc Filser, véronique des Garets, Gilles Paché, op.cit, p 26. 27.
[4] Idem, p 27. 28.
II- Typologie des surfaces de distribution
Les différentes formes de vente caractérisant le commerce moderne d’aujourd’hui sont des dérivés des quatre formes de ventes déjà mentionnées à savoir : le grand magasin, le libre service, le discount et l’hypermarché.
[5] Marc Filser, véronique des Garets, Gilles Paché, op.cit, p 28. 29.
Ce sont ces formes qui ont abouti à l’émergence de nouveaux magasins même si on constate des différences au niveau de l’assortiment, les prix pratiqué et le niveau de service.
Le tableau suivant illustre les principales formes des surfaces de distribution, avec pour chacune d’elles ses caractéristiques les plus marquantes, sa date et son pays d’apparition :
Types de magasins | Principales caractéristiques | Date et pays d’apparition |
Supermarché | Superficie de 400 à 300m²
Libre service à dominance alimentaire |
USA 1930
France 1955 |
Hypermarché | Superficie de pus de 2500m²
Libre service alimentaire et non alimentaire |
France 1963 |
Grand magasin | Vente assistée assortiment non alimentaire large et peu profond
Prix fixe |
France 1852 |
Magasin populaire | Libre service assortiment alimentaire et non alimentaire large et peu profond | USA 1879 |
Hard discount | Libre service alimentaire
Une référence par produit Prix bas |
Allemagne 1950 |
Convience store (dit magasin dépanneur) | Libre service à dominance alimentaire, assortiment large et peu profond
Horaires d’ouverture très larges |
USA 1960 |
Grande surface spécialisée | Libre service avec conseil Assortiment spécialisé très profond | USA 1950 |
Category killer | Libre service, assortiment spécialisé très profond, prix très bas | USA 1970 |
Discount store | Libre service non alimentaire, assortiment large et profond, prix très bas | USA 1950 |
Megastore (dit magasin amiral) | Grande surface spécialisée, mise en scène des produits, atmosphère sophistiquée | USA 1980 |
SOURCE : Marc Filser, véronique des Garets, Gilles Paché, la distribution : organisation et stratégie, Edition EMS, 2001, P 28-29.
III- Facteurs induisant l’apparition du commerce moderne au Maroc
L’émergence et l’essor du commerce moderne au Maroc sont dus à la combinaison de deux sortes de facteurs.
Des facteurs internes liés principalement au changement économique et social de l’environnement marocain et des facteurs externes en relation avec l’ouverture de l’économie marocaine et la mondialisation des firmes de distribution.
1- Facteurs internes
a- Densité démographique et urbanisation
La croissance démographique et l’urbanisation constituent les facteurs décisifs du développement de toute activité commerciale.
Densité démographique
Au début du 20ème siècle, le Maroc faisait encore figure des pays peu peuplé.
Cependant, en l’espace de 80 ans, sa population a plus que quadruplé passant de quatre millions et demi vers 1900 à prés de vingt millions et demi.
En effet le Maroc a connu un essor démographique important et particulièrement au niveau des grandes villes ceci se traduit par un fort taux de natalité (21.5% par an durant la période 1994-2004)[2].
Ainsi qu’un taux d’accroissement élevé même s’il a tendance à se ralentir ces dernières années (1.4% en 2004).
Le profil démographique de la population marocaine se caractérise par son extrême jeunesse: 31% ont moins de 15 ans et 41 % moins de 20 ans)[3].
Urbanisation
Avant l’instauration du protectorat, le pourcentage de la population urbaine ne représentait qu’une infime partie de la population totale moins de 10%.
Après 1912 les villes devenaient de plus en plus nombreuses et se répartissaient sur tout le territoire national et de même l’effectif urbain a connu une poussé spectaculaire surtout avec l’exode rural (la population urbaine représentait en 1971 35% du total, ce taux tant passé à 42.7% en 1982, 51.4% en 1994 et 56.6% en 2002)[5].
Cette croissance des effectifs urbains permet d’affirmer que le 20ème siècle est une phase historique dans la démographie du Maroc en général et dans son urbanisation en particulier, la population marocaine s’est complètement métamorphosée.
Ce bouleversement s’est accompagné de nombreuses modifications de l’espace urbain tant dans son organisation que dans ses fonctions même si le taux de croissance démographique semble se ralentir légèrement actuellement le processus d’urbanisation est soutenu chose qui a un effet notable sur le développement de l’activité commerciale.
Le tableau suivant illustre l’évolution de la population marocaine durant la période 1971-2004:
Année de recensement | Population | Taux d’accroissement | ||
Urbain | Rural | Ensemble | ||
1971 | 5409725 | 9969534 | 15379259 | 2.8% |
1982 | 8730339 | 11689156 | 20419555 | 2.6% |
1994 | 13407835 | 12665882 | 26073717 | 2.1% |
2004 | 16463634 | 13428074 | 29891708 | 1.4% |
SOURCE: www.wikipédia.org
b- Le pouvoir d’achat du consommateur marocain
Les consommateurs fréquentant les grandes surfaces de distribution se caractérisent généralement par la possession d’un revenu mensuel moyen d’environ 11 611 DH, leur panier moyen est estimé à 180 DH pour un foyer client de 4.5 personnes.
Les consommateurs marocains sont particulièrement sensibles à la variable prix qui demeure un facteur clé du succès des enseignes alimentaires ceci poussent aujourd’hui les enseignes à s’orienter vers des discounts (off price) afin d’élargir leur zone de chalandise aux populations à faible et moyen pouvoir d’achat.
c- Changement socioculturel des modes de vie
Les attitudes et les comportements du consommateur marocain ont connu un changement remarquable suite au développement rapide des médias nationaux et internationaux ainsi que les divers moyens de communication.
Le consommateur marocain de nos jours est conscient de l’importance de la dimension temps au cours de sa vie quotidienne, exigeant en matière de qualité, d’aspect sanitaire et de fraîcheur des produits et influencé par le système occidental sans oublier son aspiration continuelle à un bien être et un meilleur style de vie.
d- Développement rapide du marché publicitaire
Le développement de la consommation des produits alimentaires dans le commerce moderne est lié à l’évolution du marché publicitaire au Maroc.
La ventilation des investissements publicitaires au Maroc par type de média montre la prédominance de la télévision (50% environ) suivie de la presse (25%) de l’affichage urbain (17%) et de la radio (8%).
La grande distribution fait très peu de publicité télévisé et radio, elle s’appuie surtout sur la communication affiches et dépliants vue que la publicité pour les grandes entreprises alimentaires a des retombées directes sur la grande distribution.
2- Facteurs externes
a- Libéralisation des marchés
Ce processus de libéralisation de son économie va connaître une accélération avec l’adhésion du Maroc à l’organisation Mondial du Commerce (OMC) et la signature d’une série d’accords d’association de libre échange avec différents partenaires (Unions Européenne, Etats-Unis, Turquie, Pays Arabes).
Des réductions importantes au niveau des droits de douane coule de source, ainsi à titre d’exemples des réductions allant de 50 à 100% aux produits originaires de la communauté Européenne dans le cadre du dernier accord sur les produits agricoles (2004), de même dans le cadre de l’accord de libre échange avec les Emirates Arabes Unis, le Maroc a concédé d’importantes préfectures tarifaires pour les produits importés, dans le cas des biscuits, du chocolat et la confiserie, du concentré de tomates et des jus, les droits de douane sont nuls.
La réduction des droits de douane sur les matières premières nécessaires la production des biens alimentaires ainsi que ceux des produits finis ont eu un impact sur l’offre des biens alimentaires sur le marché intérieur.
La privatisation des entreprises publiques a donné naissance à la formation de groupes puissants capables de mettre sur le marché des volumes de l’offre importants et des gammes de plus en plus diversifiées (cas du groupe ONA).
En outre la libéralisation des prix à l’intérieur des frontières nationales a permis une meilleure visibilité pour les producteurs et a été à l’origine de la croissance relativement importante des investissements.
[1] Mohamed REFASS, la population, LA GRANDE ENCYCLOPEDIE DU MAROC, Vol.9, 1ére édition, copyright 1987. GEI, juillet 1988, p13.
[2] Les indicateurs sociaux 2002, direction du statistique.
[3] www.recensement.hcp.ma.
[4] Taoufik AGOUMY, op.cit, p144, 145 Passim.
[5] Caractéristiques socio-économiques et démographiques de la population, Direction du statistique.
b- Investissements étrangers et grande distribution au Maroc
Le secteur du commerce attire une part non négligeable d’investissement étrangers, il a drainé durant l‘année 2003, 5.71 % de l’ensemble des investissements étrangers.
Les capitaux étrangers investis dans ce secteur, ont atteint le montant de 483.7 millions de dirhams en 2003, contre 148.4 millions de dirhams en 1999[11].
De façon générale, le capital des grandes chaînes de distribution à prédominance alimentaire, est une contribution des investisseurs étrangers.
L’essentiel de ces investissements provient des pays occidentaux et essentiellement de la France et des Etats-Unis qui restent les principaux pourvoyeurs de fonds (53% du volume global).[12]
[6] /[7] /[8] /[9]/[10] Mekki AIT AKKA, lahcen EL-AMLI, Rachid HAMIMAZ, Abdelaziz SBAI, op.cit, p12./ Idem, p 13/p13./Idem, p 18, 19,20 Passim/p 20-21 Passim.
[11] Office de change.
[12] Ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, Etude sur les grands magasins Février 2002, p11.
Tous ces facteurs avec notamment leurs implications ont crée une atmosphère favorable à l’apparition et au développement de la grande distribution qui trouve en face d’elle des producteurs de grande dimension lui assurant un approvisionnement régulier, de plus en plus diversifié et de qualité de plus en plus améliorée.
IV- Les grandes phases de développement de la distribution moderne
La distribution au Maroc est restée durant une longue période traditionnelle, le changement de son paysage est dû à l’introduction de nouvelles formes de distribution de masse et l’implantation à un rythme croissant des grandes surfaces.
Cette évolution peut être résumée en quarte grandes périodes principales:
Les années soixante
Durant cette période les deux formes de distributions traditionnelles et modernes coexistaient et se complétaient, les autorités publiques voulaient d’une part maintenir les formes de distribution traditionnelle sur lesquels tablaient l’économie de pays et d’autre part encourager l’établissement de nouvelle formes de distribution moderne introduites avant l’indépendance.
Les années soixante-dix
Cette décennie a été marqué par la promulgation de plusieurs textes qui réglementaient le commerce notamment, la loi N° 008/71 du 12/10/1971 sur la réglementation et le contrôle des prix et des conditions de détention et de vente des produits, suivie par la loi N° 009/71 relative aux stocks de sécurité.
Cette législation s’est intéressée particulièrement à la protection du consommateur, en mettant en place les bases d’une réglementation des pratiques anti-concurrentielles:
Refus de vente, les ventes discriminatoires, les ventes avec primes.
La loi N° 1-73-210 du 02/02/1973 et le décret du 08/03/1973 sur la marocanisation, qui avaient pour objectif de faire participer les marocains à la gestion de certaines activités se sont traduits, à contrario, par la fermeture des grandes surfaces dont le capital était détenu par des étrangers.
Les années quatre-vingt
Après une décennie marquée par l’intervention des pouvoirs publics, dans ce qui est convenu d’appeler l’assainissement des circuits de distribution, la décennie quatre vingt a connu un désengagement progressif de l’administration et une certaine libération du commerce en libre service, principalement dans les grandes villes du royaume: Casablanca, Rabat, Marrakech et Agadir[2].
Les années quatre vingt dix
Ce n’est qu’à partir de ces années que l’on va assister à l’émergence des grandes surfaces, notamment des grandes chaînes de distribution nationale ou à participation étrangère qui ont pénétré progressivement le marché national[3].
Le tableau suivant représente les principales enseignes partageant le marché de la grande distribution au Maroc:
Source: Données recueillies de yabiladi. Com/article – économie-8.html.
[1] /[2]/[2] Ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, Etude sur les grands magasins, Février 2002, p 6. /p 6./ Idem, p 6
Conclusion de chapitre I
Durant ce chapitre on a essayé de mettre en évidence les différentes phases de l’évolution du commerce au Maroc : le passage du souk au marché urbain puis l’apparition des petites boutiques et les épiceries et enfin l’introduction des surfaces de distribution, reste à savoir l’attitude du consommateur marocain face à cette amalgame de formes de vente, chose qui fera l’objet du chapitre suivant.