C. Les \u00e9meutiers et les raisons de leur col\u00e8re
\nLes informations sur les \u00e9meutiers sont peu nombreuses. Seules les donn\u00e9es tir\u00e9es des interpellations polici\u00e8res permettent d\u2019obtenir des \u00e9l\u00e9ments sur le \u201cprofil\u201d des \u00e9meutiers, s\u2019il en existe un. Mais rien n’assure que l\u2019\u00e9chantillon des jeunes interpell\u00e9s corresponde r\u00e9ellement au profil de la population qui a particip\u00e9 aux \u00e9meutes et cela d\u2019autant plus que plusieurs sources indiquent que de nombreuses \u00ab interpellations [\u2026] se sont produites apr\u00e8s les violences, pour beaucoup d\u2019entres elles le lendemain matin. Dans ces cas, les personnes ont \u00e9t\u00e9 interpell\u00e9es sur identification par des policiers \u00bb194. Les donn\u00e9es ainsi recueillies peuvent donc \u00eatre biais\u00e9es car cela a peut-\u00eatre pouss\u00e9 \u00ab les policiers \u00e0 n\u2019interpeller que dans le p\u00e9rim\u00e8tre des jeunes qui leur sont connus, voir (dans le plus biais\u00e9 des cas) \u00e0 profiter du d\u00e9sordre ambiant pour interpeller Untel qu\u2019ils esp\u00e9raient voir tomber depuis longtemps, et contre lequel ils n\u2019avaient pas encore r\u00e9uni d\u2019\u00e9l\u00e9ments suffisants. \u00bb195
\nToutefois, et avec toutes les pr\u00e9cautions que cela requi\u00e8re, un \u201cprofil\u201d des \u00e9meutiers se d\u00e9gage des \u00e9tudes de ces donn\u00e9es polici\u00e8res et judiciaires196 : il s\u2019agit pour la plupart de gar\u00e7ons, \u00e2g\u00e9s de 15 \u00e0 20 ans qui habitent dans des quartiers class\u00e9s zones urbaines sensibles. La plupart sont de nationalit\u00e9 fran\u00e7aise et n\u00e9s en France mais d\u2019 \u201corigine \u00e9trang\u00e8re\u201d.197 \u00ab En rupture scolaire \u00bb198, ils sont principalement en fin de cursus secondaire. Et si certains sont au lyc\u00e9e, ils sont tr\u00e8s peu \u00e0 occuper un emploi. Des donn\u00e9es sur les mineurs d\u00e9f\u00e9r\u00e9s au juge en Seine-Saint-Denis \u00e9clairent ce point : \u00ab 26% sont d\u00e9scolaris\u00e9s, 21% sont en formation en SEGPA ou dans des centres de formation pour apprentis, 8,5% ont une activit\u00e9 professionnelle \u2013 n\u00e9cessairement peu qualifi\u00e9e -, et seulement 44,5% poursuivent des \u00e9tudes g\u00e9n\u00e9rales ou techniques. \u00bb199 Pour ce qui est de leur probable pass\u00e9 de d\u00e9linquant (Nicolas Sarkozy avait affirm\u00e9 que \u00ab 70% des gens qui ont \u00e9t\u00e9 arr\u00eat\u00e9s ont un pass\u00e9 d\u00e9lictuel \u00bb et que \u00ab deux tiers des personnes interpell\u00e9es sont connues des services de police \u00bb), il n\u2019est pas av\u00e9r\u00e9. En tout cas pas pour la majorit\u00e9 des \u00e9meutiers interpell\u00e9s. En effet, \u00ab sur les 949 mineurs plac\u00e9s en garde-\u00e0-vue, 318 avaient des ant\u00e9c\u00e9dents judiciaires \u2013 dont un tiers suivis au titre de l\u2019enfance en danger \u2013 c’est-\u00e0-dire \u00e0 peine plus de 20% des mineurs interpell\u00e9s. \u00bb200
\nEt la proportion est quasiment la m\u00eame pour les majeurs201. \u00ab C\u2019est certes plus que dans un \u00e9chantillon repr\u00e9sentatif des jeunes des villes de la couronne parisienne, mais cela n\u2019autorise pas \u00e0 conclure qu\u2019il y avait une grande majorit\u00e9 de d\u00e9linquants. \u00bb202
\nPour ce qui est des \u00ab raisons de la col\u00e8re \u00bb203 de ces jeunes \u00e9meutiers, l\u00e0 encore, il est difficile d\u2019\u00e9tablir une liste claire, exhaustive et repr\u00e9sentative des motivations d\u2019implication. Tout d\u2019abord parce que, nous l\u2019avons d\u00e9j\u00e0 \u00e9voqu\u00e9, aucun porte-parole ne s\u2019est manifest\u00e9 pendant ou apr\u00e8s les \u00e9v\u00e9nements et ainsi aucune parole collective n\u2019a \u00e9t\u00e9 port\u00e9e. Ensuite, parce que rares sont ceux \u2013 journalistes ou sociologues \u2013 qui sont all\u00e9s recueillir cette parole aupr\u00e8s des \u00e9meutiers. Malgr\u00e9 tout, certains travaux sociologiques204, qui se sont bas\u00e9s sur des entretiens aupr\u00e8s d\u2019\u201d\u00e9meutiers\u201d, peuvent nous aider \u00e0 mettre au jour un certain nombre de motifs d\u2019implication et de participation \u00e0 ces \u00e9meutes.<\/p>\n
194 Lagrange Hugues, \u00ab Autopsie d\u2019une vague d\u2019\u00e9meutes \u00bb, op. cit., p. 46
\n195 Lagrange Hugues, \u00ab Autopsie d\u2019une vague d\u2019\u00e9meutes \u00bb, op. cit., p. 47.
\n196 Nous croisons ici les donn\u00e9es d\u2019Hugues Lagrange, qui portent sur l\u2019ensemble du territoire fran\u00e7ais et celles de Laurent Mucchielli, qui portent uniquement sur la Seine-Saint-Denis. Eux-m\u00eames s\u2019appuient sur les dossiers judiciaires des jeunes interpell\u00e9s.
\n197 En ce qui concerne leurs origines, si Hugues Lagrange insiste sur le poids des familles subsahariennes dans les endroits o\u00f9 ont eu lieu les \u00e9meutes, L. Mucchielli consid\u00e8re que la majorit\u00e9 des \u00e9meutiers sont originaires des pays du Maghreb.
\n198 Lagrange Hugues, \u00ab Autopsie d\u2019une vague d\u2019\u00e9meutes \u00bb, op. cit., p. 49.
\n199 Ibid. 200 Ibid., p. 48.
\n201 Cf. donn\u00e9es dans Lagrange Hugues, \u00ab Autopsie d\u2019une vague d\u2019\u00e9meutes \u00bb, op. cit., p. 48.
\n202 Ibid., p. 48.
\n203 Mucchielli Laurent, \u00ab Les \u00e9meutes de novembre 2005 : les raisons de la col\u00e8re \u00bb art. cit., p. 11.<\/p><\/blockquote>\nLe motif g\u00e9n\u00e9ral le plus souvent avanc\u00e9 par les jeunes interrog\u00e9s est la volont\u00e9 de se montrer dans l\u2019espace public, de s\u2019exprimer et de se faire entendre. Viennent ensuite des motifs d\u2019implication relatifs aux \u00e9v\u00e9nements d\u00e9clencheurs des \u00e9meutes. C\u2019est-\u00e0-dire, \u00e0 la mort des deux adolescents \u00e0 Clichy-sous-Bois, (les jeunes \u00e9voquent le drame surtout pour dire que la police en est responsable et que le ministre de l\u2019Int\u00e9rieur a tent\u00e9 de les dissimuler) et l\u2019\u00e9pisode de la grenade lacrymog\u00e8ne \u201ctir\u00e9e\u201d en direction de la mosqu\u00e9e \u00e0 Clichy (ici c\u2019est l\u2019absence d\u2019excuses de la part de la police qui est \u00e9voqu\u00e9e). \u00ab Dans les deux cas, c\u2019est donc ce qui est consid\u00e9r\u00e9 comme un d\u00e9ni et un mensonge de la part des autorit\u00e9s qui fonde l\u2019indignation et le sentiment de l\u00e9gitimit\u00e9 morale de la col\u00e8re \u00e9meuti\u00e8re. \u00bb205 L\u2019opposition au ministre de l\u2019Int\u00e9rieur de l\u2019\u00e9poque, Nicolas Sarkozy, appara\u00eet alors comme centrale dans la col\u00e8re des jeunes \u00e9meutiers.
\nUne autre s\u00e9rie de raisons que les jeunes mettent en avant pour expliquer leur participation aux \u00e9meutes fait, quant \u00e0 elle r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 leur exp\u00e9rience de vie quotidienne, \u00e0 ce que Laurent Mucchielli appelle un \u00ab v\u00e9cu d\u2019humiliations multiples accumul\u00e9es \u00bb206. Ainsi, les jeunes \u00e9voquent principalement la rel\u00e9gation scolaire et professionnelle, la discrimination \u00e0 l\u2019embauche, mais aussi le comportement des policiers : les contr\u00f4les d\u2019identit\u00e9s r\u00e9p\u00e9t\u00e9s, les \u00e9carts de langages, les provocations, etc. Les jeunes expliquent alors massivement leur implication par l\u2019envie de se confronter avec les forces de l\u2019ordre.
\nEt certains jeunes, plus minoritaires, invoquent \u00e9galement une dimension ludique des \u00e9meutes \u2013 qui sont alors vues comme l\u2019occasion d\u2019un grand d\u00e9fouloir \u2013 la comp\u00e9tition inter-cit\u00e9s, ou encore, la m\u00e9diatisation elle-m\u00eame.<\/p>\n204 Laurent Mucchielli, d\u2019une part et l\u2019\u00e9quipe de sociologues qui a collabor\u00e9 au rapport du Centre d\u2019analyse strat\u00e9gique d\u2019autre part ont men\u00e9 des entretiens aupr\u00e8s de jeunes \u00e9meutiers. Laurent Mucchielli a men\u00e9 une douzaine d\u2019entretiens de jeunes habitant un quartier class\u00e9 \u00ab zone urbaine sensible \u00bb du d\u00e9partement des Hauts- de-Seine et l\u2019\u00e9quipe de sociologues parmi lesquels Michel Kokoreff, Olivier Galand et Pierre Baron, a men\u00e9 une trentaine d\u2019entretiens aupr\u00e8s de jeunes \u00e2g\u00e9s entre 14 et 25 ans des communes de Saint-Denis et d\u2019Aulnay-sous- Bois. C\u2019est sur ces travaux que nous nous baserons ici pour \u00e9tablir les \u00ab raisons de la col\u00e8re \u00bb des \u00e9meutiers. Mucchielli Laurent, \u00ab Les \u00e9meutes de novembre 2005 : les raisons de la col\u00e8re \u00bb art. cit. Galland Olivier, De Maillard Jacques, Kokoreff Michel et alii, Enqu\u00eates sur les violences urbaines : comprendre les \u00e9meutes de novembre 2005. Les exemples d’Aulnay-sous-Bois et de Saint-Denis, art. cit. (Rapport du Centre d\u2019Analyse Strat\u00e9gique)
\n205 Mucchielli Laurent, \u00ab Les \u00e9meutes de novembre 2005 : les raisons de la col\u00e8re \u00bb, art. cit., p. 23.<\/p><\/blockquote>\nD. R\u00e9actions et r\u00e9ponses de la classe politique fran\u00e7aise
\nFace \u00e0 l\u2019ampleur des \u00e9v\u00e9nements, les r\u00e9actions de la classe politique se sont faites nombreuses. Hommes et femmes politiques de tout bord ont largement r\u00e9agi \u00e0 cette crise prolong\u00e9e des banlieues. Ainsi, comme le montre V\u00e9ronique Le Go
\naziou207, lors des premi\u00e8res nuits de violences, les r\u00e9actions portent principalement sur le caract\u00e8re violent des actes commis par les jeunes \u00e9meutiers. Que ce soit \u00e0 gauche ou \u00e0 droite, sont \u00e9voqu\u00e9s les affrontements avec la police et les biens d\u00e9grad\u00e9s et on pointe la violence des \u00e9v\u00e9nements et des comportements des jeunes. Manuel Valls, par exemple, fera \u00e9tat d\u2019une \u00ab violence de plus en plus dure \u00bb. Et cette violence que pointent les hommes politiques est largement condamn\u00e9e et cela d\u2019autant plus lorsque les \u00e9meutes vont durer et s\u2019\u00e9tendre. On est donc en pr\u00e9sence d\u2019une sorte de \u00ab consensus r\u00e9publicain anti-violence \u00bb208, men\u00e9e principalement par les \u00e9lus de droite. Ainsi, notamment au d\u00e9but des \u00e9meutes, peu de chose seront dites sur les causes des violences. Dans l\u2019opposition, si certains font allusion aux baisses de subventions accord\u00e9es aux associations dans les quartiers ou au d\u00e9mant\u00e8lement de la pr\u00e9vention et de la police de proximit\u00e9, comme Dominique Strauss Kahn, peu \u00e9voquent la situation difficile des quartiers sur le plan scolaire, en mati\u00e8re d\u2019emploi, de logement ou encore les discriminations. Et pour ce qui est de la droite, et notamment de l\u2019UMP, \u00e0 l\u2019instar de Nicolas Sarkozy, ces causes ne sont pas plus \u00e9voqu\u00e9es et la th\u00e8se qui pr\u00e9vaut pour expliquer ces \u00e9meutes, leur ampleur et leur dur\u00e9e, sera la th\u00e8se d\u00e9linquante.
\nOutre ce consensus sur la condamnation des violences, un consensus sur \u00ab l\u2019acteur principal de la r\u00e9solution des probl\u00e8mes \u00bb209 est \u00e9galement pr\u00e9sent. Pour la majorit\u00e9 de la classe politique, l\u2019acteur le plus \u00e0 m\u00eame de faire cesser les violences et de ramener le calme dans les quartiers est la police. Ainsi, le r\u00e9tablissement de l\u2019ordre passe n\u00e9cessairement par des moyens policiers. Et m\u00eame si certains, notamment \u00e0 gauche, critiquent l\u2019action du gouvernement et d\u00e9plorent le manque d\u2019effectif des forces de l\u2019ordre, ou appellent \u00e0 l\u2019instauration d\u2019une police de proximit\u00e9 dont la disparition, selon eux, serait \u00e0 imputer \u00e0 la droite, tous en appellent \u00e0 la police pour faire cesser les troubles. Sauf les Verts, seule formation \u00e0 aller \u00e0 contre-courant de ce discours uniforme : \u00ab ils estimeront pr\u00e9judiciable d\u2019envoyer la police dans les quartiers, m\u00eame au plus fort des \u00e9meutes, compte tenu de l\u2019\u00e9tat de tension entre les forces de l\u2019ordre et les jeunes des quartiers, et ils en appelleront \u00e0 l\u2019envoi de m\u00e9diateurs pour tenter de calmer le jeu et d\u2019ouvrir un espace de dialogue. \u00bb210<\/p>\n207 Nous nous appuyons principalement sur le travail de V\u00e9ronique Le Goaziou sur les r\u00e9actions des hommes politiques. Il ne s\u2019agit pas pour nous de faire un inventaire de toutes les prises de positions politiques mais de dresser un portrait g\u00e9n\u00e9ral des sp\u00e9cificit\u00e9s et de la teneur de ces r\u00e9actions.
\nLe Goaziou V\u00e9ronique, \u00ab La classe politique fan\u00e7aise et les \u00e9meutes : silence et d\u00e9ni \u00bb in Mucchielli Laurent et Le Goaziou V\u00e9ronique, Quand les banlieues br\u00fblent… : retour sur les \u00e9meutes de novembre 2005, op. cit., pp. 36-57.
\n208 Ibid., p. 41<\/p><\/blockquote>\nS\u2019il y a globalement consensus des diff\u00e9rentes formations de la classe politique fran\u00e7aise, les propos et la gestion de la crise par Nicolas Sarkozy divisent. En effet, le ministre de l’Int\u00e9rieur sera l\u2019objet de vives critiques, notamment de la part du Parti socialiste (PS), dans les premi\u00e8res semaines des \u00e9v\u00e9nements. Qualifi\u00e9 de \u00ab ministre-pyromane \u00bb par Arnaud Montebourg, le ministre de l\u2019Int\u00e9rieur est mis en cause principalement sur sa m\u00e9thode. En effet, \u00ab ce sera moins [\u2026] le contenu de sa politique qui sera vis\u00e9 que la forme et la m\u00e9thode utilis\u00e9e \u00bb211. Accus\u00e9 de mettre le feu aux poudres, de faire de la politique-spectacle, on lui reproche \u00e9galement certains de ses propos. Outre ceux qu\u2019il a tenus lors des \u00e9meutes, sur la mort des deux jeunes \u00e0 Clichy notamment, on lui reproche \u00e9galement les mots \u00ab K\u00e4rcher \u00bb et \u00ab racaille \u00bb, qu\u2019il avait prononc\u00e9s lors de pr\u00e9c\u00e9dents d\u00e9placements en banlieue212. Et les critiques ne viennent pas uniquement de l\u2019opposition. Dans le gouvernement, une voix s\u2019\u00e9l\u00e8ve \u00e9galement contre les propos du ministre de l\u2019Int\u00e9rieur : celle d\u2019Azouz Begag, alors ministre de la Promotion de l\u2019\u00c9galit\u00e9 des chances. Mais si des critiques s\u2019\u00e9l\u00e8vent vertement contre Nicolas Sarkozy, au d\u00e9but des \u00e9meutes, V. Le Goaziou constate tout de m\u00eame que le PS \u00ab fera preuve d\u2019une relative empathie \u00e0 l\u2019\u00e9gard du ministre de l\u2019int\u00e9rieur qui ne sera plus gu\u00e8re mis en cause lorsque les \u00e9meutes s\u2019\u00e9tendront \u00bb213.
\nEn ce qui concerne les extr\u00eames, dont nous avons finalement peu parl\u00e9 pour le moment, ils resteront relativement silencieux. A l\u2019extr\u00eame gauche, il faudra attendre l\u2019instauration de l\u2019\u00e9tat d\u2019urgence pour entendre v\u00e9ritablement la voix de Lutte Ouvri\u00e8re ou de la Ligue communiste r\u00e9volutionnaire (LCR), au c\u00f4t\u00e9 du Parti communiste fran\u00e7ais (PCF)214. Pour exemple, la premi\u00e8re intervention publique de la LCR interviendra le 8 novembre, soit pr\u00e8s de douze jours apr\u00e8s les premiers incidents. L\u2019objet de cette intervention : une critique acerbe de la loi de 1955 instaurant l\u2019\u00e9tat d\u2019urgence. Pour la LCR, c\u2019est une \u00ab loi qui a permis les pires pratiques coloniales lors de la guerre d\u2019Alg\u00e9rie \u00bb215. Ainsi, \u00ab il para\u00eet manifeste que les acteurs politiques d\u2019extr\u00eame gauche se sont sentis plus \u00e0 l\u2019aise pour d\u00e9fendre les libert\u00e9s publiques, menac\u00e9es selon eux par l\u2019\u00e9tat d\u2019urgence, que pour analyser le ph\u00e9nom\u00e8ne \u00e9meutier, ses causes, ainsi que la situation de la vie des habitants des quartiers populaires \u00bb216.<\/p>\n210 Le Goaziou V\u00e9ronique, \u00ab La classe politique fan\u00e7aise et les \u00e9meutes : silence et d\u00e9ni \u00bb op. cit., p. 42.
\n211 Ibid., p. 40.
\n212 Quelques mois avant les \u00e9meutes, Nicolas Sarkozy annonce qu\u2019il va \u00ab nettoyer au K\u00e4rcher la cit\u00e9 des 4000 \u00bb (juin 2005 \u2013 Courneuve). Lors de sa visite \u00e0 Argenteuil, dans le quartier de la Grande Dalle, il dira \u00e0 une habitante : \u00ab vous en avez assez de cette bande de racailles ! Bien on va vous en d\u00e9barrasser. On est l\u00e0 pour \u00e9radiquer la gangr\u00e8ne. \u00bb
\n213 Ibid., p. 41.
\n214 V\u00e9ronique Le Goaziou qui travaille sur les d\u00e9p\u00eaches AFP produites sur les \u00e9meutes ne comptabilise aucune d\u00e9p\u00eache AFP mentionnant des r\u00e9actions de Lutte ouvri\u00e8re ou de la LCR avant le 8 novembre.
\n215 Communiqu\u00e9 de la LCR intitul\u00e9 \u00ab Non \u00e0 l\u2019\u00e9tat d\u2019urgence \u00bb, cit\u00e9 dans Le Goaziou V\u00e9ronique, \u00ab La classe politique fran\u00e7aise et les \u00e9meutes : silence et d\u00e9ni \u00bb, art. cit., p. 43.<\/p><\/blockquote>\nEt \u00e0 l\u2019oppos\u00e9 de l\u2019\u00e9chiquier politique, \u00e0 l\u2019extr\u00eame droite, le silence est \u00e9galement de mise.
\nPour ce qui est du Front national (FN), on rel\u00e8ve seulement quelques r\u00e9actions apr\u00e8s une semaine de violences dans les quartiers. Une d\u00e9claration est \u00e0 retenir, celle de Marine Le Pen qui, le 4 novembre, r\u00e9clame l\u2019instauration de l\u2019\u00e9tat d\u2019urgence pr\u00e9vu par la loi d\u2019avril 1955, estimant qu\u2019 \u00ab il est temps de faire cesser les saccages, les incendies criminels, les tirs \u00e0 balles r\u00e9elles ainsi que les agressions contre les personnes. \u00bb217 Le FN justifiera ce relatif silence par le fait que \u00ab compte tenu de la politique adopt\u00e9e par le gouvernement, il n\u2019y avait plus grand-chose \u00e0 ajouter \u00bb. De son c\u00f4t\u00e9, le MPF de Philippe de Villiers (Mouvement pour la France), s\u2019appuyant sur ses arguments de lutte contre la \u00ab d\u00e9ferlante migratoire \u00bb et \u00ab l\u2019islamisation de la soci\u00e9t\u00e9 \u00bb, tentera, en vain, d\u2019 \u00ab occuper le terrain, par des communiqu\u00e9s et des actions dans les quartiers \u00bb218.
\nUne fois le niveau des violences revenu \u00e0 la normale et l\u2019ordre public r\u00e9tabli dans les quartiers qui avaient connu des \u00e9meutes, le regard de la classe politique se d\u00e9placera quelque peu, des violences vers les habitants des banlieues fran\u00e7aises. A l\u2019adresse desquels des mesures en mati\u00e8re d\u2019emploi, de logement, d\u2019\u00e9ducation ou encore de sant\u00e9, seront adress\u00e9es par le gouver
\nnement. En effet, en parall\u00e8le de l\u2019annonce de l\u2019instauration de l\u2019\u00e9tat d\u2019urgence, Dominique de Villepin proposa une s\u00e9rie de mesures sociales en direction des quartiers populaires fran\u00e7ais. En mati\u00e8re d\u2019\u00e9ducation par exemple, le Premier ministre proposera une r\u00e9forme d\u2019apprentissage accessible maintenant d\u00e8s l\u2019\u00e2ge de 14 ans \u00ab pour les enfants qui ont quitt\u00e9 l’\u00e9cole \u00bb ou qui ont des difficult\u00e9s. En mati\u00e8re de vie associative, de r\u00e9tablir les aides aux associations dont les contributions avaient auparavant \u00e9t\u00e9 r\u00e9duites (pr\u00e8s de 200 millions d’euros sont promis). Il proposera \u00e9galement la mise en place d\u2019un \u00ab contrat de responsabilit\u00e9 parentale \u00bb ou encore la cr\u00e9ation d\u2019un \u00ab service civil volontaire \u00bb. Le projet de loi pr\u00e9voit aussi la cr\u00e9ation d\u2019une Agence nationale pour la coh\u00e9sion sociale et l\u2019\u00e9galit\u00e9 des chances mais aussi la nomination de six pr\u00e9fets \u00ab \u00e0 l\u2019\u00e9galit\u00e9 des chances \u00bb et la cr\u00e9ation de quinze nouvelles zones franches.
\nEt si le regard de la classe politique et les mesures prises par le gouvernement pour am\u00e9liorer la vie dans les quartiers apr\u00e8s les \u00e9meutes se tourn\u00e8rent vers les difficult\u00e9s des habitants des quartiers populaires, le regard de la droite se tourna \u00e9galement vers les immigr\u00e9s et les \u00e9trangers. En effet, Nicolas Sarkozy demandera l\u2019expulsion du territoire des \u00e9trangers qui avaient \u00e9t\u00e9 condamn\u00e9s dans le cadre des \u00e9meutes. Le 9 novembre, date \u00e0 laquelle le ministre de l\u2019Int\u00e9rieur demande l\u2019application de cette directive, cent vingt personnes sont concern\u00e9es. Cette d\u00e9cision sera tr\u00e8s fortement critiqu\u00e9e par les associations des droits de l\u2019homme d\u2019une part, et par les Verts et le PCF. En revanche, V. Le Goaziou note que cette d\u00e9cision \u00ab n\u2019appellera pas de commentaires du c\u00f4t\u00e9 du PS et de l\u2019extr\u00eame gauche. \u00bb219
\nD\u2019autres propositions \u00e9maneront du gouvernement ou de membres de l\u2019UMP \u00e0 la suite des \u00e9meutes. Notamment une loi pr\u00e9voyant la suppression des allocations familiales aux parents qui n\u2019exerceraient pas correctement leur fonction parentale.
\nLire le m\u00e9moire complet<\/span> ==><\/em> Les \u00e9meutes de l\u2019automne 2005 dans les m\u00e9dias : \u00e9tude compar\u00e9e du traitement de cinq quotidiens fran\u00e7ais<\/a><\/strong>
\nM\u00e9moire de recherche de Master 2 de Science politique
\nInstitut d\u2019Etudes Politiques de Lyon<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"C. Les \u00e9meutiers et les raisons de leur col\u00e8re Les informations sur les \u00e9meutiers sont peu nombreuses. Seules les donn\u00e9es tir\u00e9es des interpellations polici\u00e8res permettent d\u2019obtenir des \u00e9l\u00e9ments sur le \u201cprofil\u201d des \u00e9meutiers, s\u2019il en existe un. 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