{"id":28283,"date":"2013-08-05T02:00:00","date_gmt":"2013-08-05T00:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/wikimemoires.net\/2013\/08\/05\/caracteristiques-de-loeuvre-musicale-susceptible-detre-protegee\/"},"modified":"2022-11-15T18:45:01","modified_gmt":"2022-11-15T18:45:01","slug":"caracteristiques-de-loeuvre-musicale-susceptible-detre-protegee","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/wikimemoires.net\/2013\/08\/caracteristiques-de-loeuvre-musicale-susceptible-detre-protegee\/","title":{"rendered":"Caract\u00e9ristiques de l'\u0153uvre musicale susceptible d'\u00eatre prot\u00e9g\u00e9e"},"content":{"rendered":"

C.- Caract\u00e9ristiques g\u00e9n\u00e9rales de l’\u0153uvre susceptible d’\u00eatre prot\u00e9g\u00e9e
\nComme souvent, lorsque la rigueur des textes fait d\u00e9faut, le travail jurisprudentiel et doctrinal est intensifi\u00e9. La discipline du droit d’auteur n’\u00e9chappe pas \u00e0 cette r\u00e8gle, d’autant que les concepts manipul\u00e9s rel\u00e8vent fr\u00e9quemment de la subjectivit\u00e9.
\nUne distinction s’est traditionnellement \u00e9tablie entre les crit\u00e8res n\u00e9gatifs de d\u00e9finition de l’\u0153uvre (\u201cn\u00e9gatifs en ce sens qu’ils ne doivent, en aucun cas, guider le juge dans l’appr\u00e9ciation qu’il porte sur une \u0153uvre de l’esprit\u201d 24!) et les attributs qu’elle doit imp\u00e9rativement pr\u00e9senter pour b\u00e9n\u00e9ficier de la protection par le droit d’auteur.
\n\u2022 Pour ce qui rel\u00e8ve des caract\u00e9ristiques n\u00e9gatives, l’on peut sommairement 25 passer en revue ces \u201cconsid\u00e9rations sans pertinence\u201d (expression emprunt\u00e9e \u00e0 F. De Visscher et B.Michaux 26 ) en se r\u00e9f\u00e9rant \u00e0 la classification op\u00e9r\u00e9e par B. Edelman 27 :
\n– le droit ne prend pas en compte le m\u00e9rite <\/strong>, c’est-\u00e0-dire la valeur esth\u00e9tique de la cr\u00e9ation, pas plus qu’il ne consid\u00e8re la quantit\u00e9 de travail fourni pour cr\u00e9er l’\u0153uvre ;
\n– le droit d’auteur fait peu de cas des genres <\/strong> musicaux (classique, jazz, rock, par exemple), ce qui, si telle une diff\u00e9rence \u00e9tait exerc\u00e9e, \u201csupposerait l’\u00e9nonc\u00e9 d’un jugement de valeur\u201d!28 , \u00e9cart\u00e9 par la non-consid\u00e9ration sus-mentionn\u00e9e du m\u00e9rite ;
\n– de la m\u00eame mani\u00e8re, le juge ne peut privil\u00e9gier telle forme d’expression <\/strong> (musique, peinture\u2026) plut\u00f4t que telle autre, ni porter int\u00e9r\u00eat \u00e0 la longueur de l’\u0153uvre ;
\n– enfin, peu importe la destination <\/strong>de l’\u0153uvre (ludique, contemplative, d\u00e9corative\u2026 pour reprendre les finalit\u00e9s cit\u00e9es en exemple par B. Edelman).
\n\u2022 En d\u00e9finitive, pour introduire les qualit\u00e9s qu’une \u0153uvre doit effectivement d\u00e9gager pour \u00eatre reconnue et prot\u00e9g\u00e9e, nous pouvons nous r\u00e9f\u00e9rer au propos de M. Buydens, qui affirme que : \u201cle droit d’auteur n’a pas pour vocation de prot\u00e9ger toute prestation intellectuelle quelle qu’elle soit, mais seulement celles qui r\u00e9pondent aux conditions sp\u00e9cifiques qu’il impose, \u00e0 savoir la condition d’originalit\u00e9 et celle de mise en forme\u201d 29.
\nCes conditions, par l’importance cruciale qu’elles ont acquise dans la d\u00e9termination juridique de l’\u0153uvre, m\u00e9ritent une attention particuli\u00e8re ; \u00e0 leur sujet, P.-Y. Gautier a joliment soulign\u00e9 que : \u201cl’originalit\u00e9 constitue l’\u00e2me de l’\u0153uvre, la forme \u00e9tant son corps\u201d 30.
\n\u00a71.Notion d’originalit\u00e9
\n\u201cAlors qu’elle conditionne la protection par le droit d’auteur, l’originalit\u00e9 se pr\u00eate difficilement \u00e0 une d\u00e9finition g\u00e9n\u00e9rale\u201d 31. Voil\u00e0 qui ne laisse subsister que peu d’espoir de pr\u00e9senter cette notion de fa\u00e7on discr\u00e8te et sommaire. Il est vrai que l’originalit\u00e9 constitue, du point de vue de sa conception, l’un des nombreux buissons d’\u00e9pine de la mati\u00e8re. Nous allons toutefois tenter de brosser, \u00e0 grands traits, un tableau g\u00e9n\u00e9ral des discussions qui aur\u00e9olent inlassablement le concept.
\na. A la recherche de l’originalit\u00e9\u2026
\nLe premier \u00e9l\u00e9ment \u00e0 \u00e9pingler pour cerner l’originalit\u00e9 est assur\u00e9ment son absence formelle totale de la loi du 30 juin 1994 (elle n’\u00e9tait pas plus exprim\u00e9e dans la loi pr\u00e9c\u00e9dente du 22 mars 1886). A. Strowel le rappelle par ces mots : \u201cc’est la doctrine et la jurisprudence qui ont mis en \u00e9vidence cette condition d’existence du droit, en la d\u00e9duisant des notions d'»auteur» et d'»\u0153uvre litt\u00e9raire et artistique»\u201d 32. L’on est renvoy\u00e9, de la m\u00eame mani\u00e8re qu’on le f\u00fbt lors de la d\u00e9finition de l’\u0153uvre, aux affres jurisprudentielles et doctrinales.
\nLa Cour de cassation souligne la voie \u00e0 emprunter 33 : un \u201ceffort intellectuel\u201d doit \u00eatre d\u00e9gag\u00e9 ; \u201cde ce dernier d\u00e9coule «le caract\u00e8re individuel» de l’\u0153uvre en cause ; de ce caract\u00e8re se d\u00e9duit enfin qu’il y a «cr\u00e9ation» : telle est la s\u00e9quence mise en \u00e9vidence par la Cour\u201d 34. Le syllogisme juridique est donn\u00e9 ; ses d\u00e9veloppements ont conduit \u00e0 une approche pragmatique de l’originalit\u00e9, qui diff\u00e9rencie originalit\u00e9 subjective et originalit\u00e9 objective 35.
\n\u2022 L’originalit\u00e9 subjective <\/strong> fait appel \u00e0 la perception conceptuelle 36 de la \u201ccr\u00e9ation originale\u201d : il est exig\u00e9 que l’\u0153uvre \u201crev\u00eate «la marque de la personnalit\u00e9 de [son] auteur» sans que soient requises en outre des qualit\u00e9s artistiques ou esth\u00e9tiques\u201d 37, 38. L’auteur doit en somme s’\u00eatre \u201cinvesti\u201d dans la cr\u00e9ation, fut-ce seulement dans la d\u00e9marche abstraite. En cons\u00e9quence, \u201cl’\u0153uvre doit porter les stigmates de l’activit\u00e9 cr\u00e9atrice\u201d 39 ; elle doit \u00eatre marqu\u00e9e du sceau personnel de son cr\u00e9ateur, de quelque mani\u00e8re que ce soit.
\n\u2022 L’originalit\u00e9 objective <\/strong> rel\u00e8ve essentiellement de constructions doctrinales. Plusieurs auteurs 40 s’accordent \u00e0 \u00e9crire qu’une part de l’originalit\u00e9 doit \u00eatre appr\u00e9ci\u00e9e en regard d’un choix, de l’utilisation personnelle faite par l’auteur d’une marge de libert\u00e9. \u201cA l’\u00e9vidence, une cr\u00e9ation enti\u00e8rement d\u00e9termin\u00e9e par diverses contraintes ne permet pas \u00e0 celui qui la r\u00e9alise, d’y mettre quelque accent personnel que ce soit\u201d 41.
\nb. Originalit\u00e9 et nouveaut\u00e9
\nLa plus grande difficult\u00e9 reste assur\u00e9ment d’entrevoir la ligne de d\u00e9marcation entre originalit\u00e9 et nouveaut\u00e9. Sans s’immiscer compl\u00e8tement dans la controverse 42!, l’on peut affirmer que ce qui est original n’est pas syst\u00e9matiquement nouveau (par exemple, l’adaptation d’une chanson tomb\u00e9e dans le domaine public), et ce qui est nouveau n’est pas n\u00e9cessairement original, m\u00eame si le facteur de nouveaut\u00e9 recouvre s\u00fbrement quelque \u00e9l\u00e9ment d’originalit\u00e9. Reste \u00e0 savoir si, dans notre optique, ladite nouveaut\u00e9 sera originale au sens du droit d’auteur et si, plus g\u00e9n\u00e9ralement, elle remplira les conditions lui octroyant le statut d’\u0153uvre prot\u00e9geable\u2026
\n\u00a72.N\u00e9cessit\u00e9 d’une mise en forme de la cr\u00e9ation
\n\u201cIl faut que l’auteur ait marqu\u00e9 sa volont\u00e9 de communiquer en coulant sa cr\u00e9ation dans une certaine forme : une simple id\u00e9e n’est pas prot\u00e9geable\u201d 43. Pour qu’une cr\u00e9ation pr\u00e9tende \u00e0 la protection par le droit d’auteur 44 , il faut donc qu’elle ait \u201cd\u00e9pass\u00e9 le stade de l’id\u00e9e, du concept, du th\u00e8me et (\u2026) re\u00e7u une certaine «concr\u00e9tisation»\u201d 45.
\nCette \u201cexigence d’extraction de la forme de l’esprit vers la r\u00e9alit\u00e9\u201d 46 , on l’imagine sans peine, peut poser quelques probl\u00e8mes ; de fait, \u201cla fronti\u00e8re entre l’id\u00e9e non prot\u00e9geable et la cr\u00e9ation de forme (\u2026) est impr\u00e9cise et peut varier selon les domaines\u201d 47. En mati\u00e8re de cr\u00e9ation d’\u0153uvres musicales cependant, les difficult\u00e9s soulev\u00e9es par la mise en application de ces prescriptions sont, on peut le croire 48 , relativement amoindries.
\na. Mise en forme de l’\u0153uvre musicale
\nLe raisonnement g\u00e9n\u00e9ral repris par P.-Y. Gautier est le suivant : \u201cl’\u0153uvre est con\u00e7ue – c’est l'»id\u00e9e» ; puis intervient la gestation : pr\u00e9paration, assemblement, coordination, (plan) croissance – c’est la «composition» ; enfin, l’\u0153uvre vient au monde : \u00e9criture du roman, de la pi\u00e8ce, du sc\u00e9nario – c’est l'»expression»\u201d 49. Ce n’est, logiquement, qu’entr\u00e9e dans la phase de \u201ccomposition\u201d que l’\u0153uvre pourra b\u00e9n\u00e9ficier de la protection octroy\u00e9e par le droit d’auteur.
\nCette argumentation peut \u00eatre appliqu\u00e9e sans peine au sch\u00e9ma de la cr\u00e9ation musicale ; et l’on peut l\u00e9gitimement affirmer qu’en l’occurrence, l’\u201cid\u00e9e\u201d se confond presque toujours avec sa \u201cmat\u00e9rialisation\u201d, fut-ce \u00e0 l’\u00e9tat d’\u00e9bauche ou de recherche des notes destin\u00e9es \u00e0 constituer le th\u00e8me d\u00e9finitif. Somme toute, l’id\u00e9e, naissant de l’esprit, est n\u00e9cessairement concomitante avec sa transcription, soit sur une partition, soit sur un instrument. Il s’agit certainement l\u00e0 du sens usuel de la notion de \u201ccomposition\u201d entendue habituellement en mati\u00e8re musicale\u2026
\nb. Crit\u00e8res d’appr\u00e9ciation relatifs \u00e0 la forme de l’\u0153uvre musicale
\nEn paraphrasant A. Berenboom 50 et P.-Y. Gautier 51, 52 , nous pouvons \u00e9crire que les trois \u00e9l\u00e9ments composant l’\u0153uvre musicale sont la m\u00e9lodie, l’harmonie et le rythme 53.
\n\u2022 La m\u00e9lodie <\/strong>, c’est le th\u00e8me, c’est-\u00e0-dire l’assemblage de notes permettant l’identification de l’\u0153uvre (par exemple, l’air qui accompagne le refrain d’une chanson). C’est essentiellement sur base de la m\u00e9lodie que sont fond\u00e9es les comparaisons en cas de contestation de l’originalit\u00e9 de l’\u0153uvre ;
\n\u2022 L’harmonie <\/strong> (les accords qui soutiennent la m\u00e9lodie) et le rythme <\/strong> (la cadence de l’\u0153uvre), ne sont pas comme tels susceptibles de protection mais, combin\u00e9s avec la m\u00e9lodie, ils constituent la typicit\u00e9 de l’\u0153uvre et lui donnent une certaine \u201ccouleur\u201d, qui permettra \u00e0 la cr\u00e9ation d’\u00eatre consid\u00e9r\u00e9e comme originale et d\u00e8s lors de b\u00e9n\u00e9ficier des garanties offertes par le droit d’auteur. C’est ainsi qu’un th\u00e8me ant\u00e9rieur et repris par un musicien peut \u00eatre reconnu comme \u0153uvre originale, dans la mesure o\u00f9 le nouvel habillage conf\u00e8re une couleur in\u00e9dite \u00e0 la m\u00e9lodie pr\u00e9existante.
\nTels sont les grands fondements du droit d’auteur ; ses bases, jet\u00e9es ici succinctement, r\u00e9sultent de plus de deux cents ans d’existence et d’\u00e9volution, et refl\u00e8tent une volont\u00e9 certaine, \u00e0 tout le moins de principe, de donner \u00e0 l’auteur d’une \u201ccr\u00e9ation de l’esprit\u201d (pour reprendre les termes de la loi fran\u00e7aise du 11 mars 1957) les moyens d’en pr\u00e9server la teneur et la sp\u00e9cificit\u00e9, facteurs relevant directement de sa personnalit\u00e9.
\nIl convient \u00e0 pr\u00e9sent d’examiner comment la loi a int\u00e9gr\u00e9 ces principes et, surtout, comment elle en a traduit et organis\u00e9 la protection. On pourra s’apercevoir sans difficult\u00e9 que, comme A. Berenboom l’a annonc\u00e9 – d\u00e9nonc\u00e9 ? – , \u201cle l\u00e9gislateur s’est beaucoup plus pr\u00e9occup\u00e9 de l’aspect \u00e9conomique de la cr\u00e9ation que de sa substance\u201d 54.
\nLire le m\u00e9moire complet<\/span> ==><\/em> (Piratage et contrefa\u00e7on : Approche socio-criminologique des violations au droit d’auteur et aux droits voisins en mati\u00e8re musicale<\/a>)<\/strong>
\nTravail de fin d’\u00e9tudes en vue de l’obtention du dipl\u00f4me de licenci\u00e9 en criminologie
\nUniversit\u00e9 de Li\u00e8ge – Facult\u00e9 de Droit – \u00c9cole de Criminologie Jean Constant<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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