{"id":21502,"date":"2013-02-19T22:00:00","date_gmt":"2013-02-19T21:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/wikimemoires.net\/2013\/02\/19\/caracterisations-du-documentaire-philosophique-pour-enfants\/"},"modified":"2022-03-19T16:08:42","modified_gmt":"2022-03-19T16:08:42","slug":"caracterisations-du-documentaire-philosophique-pour-enfants","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/wikimemoires.net\/2013\/02\/caracterisations-du-documentaire-philosophique-pour-enfants\/","title":{"rendered":"Caract\u00e9risations du documentaire philosophique pour enfants"},"content":{"rendered":"

B. Approche g\u00e9n\u00e9rique
\nLe documentaire philosophique peut \u00eatre d\u00e9fini par rapport au genre auquel il appartient\u00a0: le documentaire pour enfants. Depuis Hetzel, l\u2019exigence est toujours la m\u00eame\u00a0: transmettre en amusant. L\u2019acquisition d\u2019un savoir scientifique constitue tout d\u2019abord l\u2019objectif p\u00e9dagogique premier de l\u2019auteur du document et de son \u00e9diteur, m\u00eame si parfois la volont\u00e9 de s\u00e9duire le jeune lecteur l\u2019emporte sur le d\u00e9sir de transmettre. La question qui nous int\u00e9resse alors est la suivante\u00a0: en philosophie, quel savoir transmet-on ?
\n<\/a><\/a>1. Les objectifs p\u00e9dagogiques
\nLe livre documentaire pour enfants propose la vulgarisation scientifique d\u2019un savoir, transmission du savoir sans d\u00e9formation. En acc\u00e9dant \u00e0 une certaine connaissance du r\u00e9el, l\u2019enfant se situe dans un rapport cognitif au livre documentaire. Son \u00ab\u00a0horizon d\u2019attente\u00a0\u00bb, pour reprendre une terminologie classique, se d\u00e9finira sur le mode du vrai et non de l\u2019imaginaire ou de l\u2019improbable. Le documentaire offre une compr\u00e9hension du monde et en cela, il ne doit pas d\u00e9cevoir l\u2019enfant lecteur dans ses attentes.
\nOn peut alors s\u2019interroger sur la nature du contenu scientifique des documentaires philosophiques. L\u2019enfant, dans son impatience de d\u00e9couvrir le monde, sera-t-il satisfait par ce que lui offrira la philosophie\u00a0? Ne restera-t-il pas dans l\u2019insatisfaction, puis la d\u00e9ception, lorsque, \u00e0 la fin de la lecture de SAVOIR, c\u2019est quoi d\u2019Oscar Brenifier, il aura plus de questions que de r\u00e9ponses ? Ou alors faut-il que l\u2019enfant change son \u00ab\u00a0horizon d\u2019attente\u00a0\u00bb et qu\u2019il comprenne par lui-m\u00eame ou accompagn\u00e9 d\u2019un adulte, que ce documentaire n\u2019est pas un documentaire comme les autres, et qu\u2019il r\u00e9pond \u00e0 d\u2019autres codes\u00a0? Ce qui nous m\u00e8ne \u00e0 nous poser trois questions\u00a0: n\u2019y a-t-il pas alors cr\u00e9ation d\u2019un genre nouveau\u00a0? La lecture et la compr\u00e9hension de ces documentaires n\u2019impliquent-elles pas la connaissance des codes de ce genre par le lecteur et donc de comp\u00e9tences de lecture sp\u00e9cifiques\u00a0? L\u2019enfant peut-il s\u2019approprier seul un tel ouvrage\u00a0?
\nContrairement au livre documentaire classique, le documentaire philosophique propose un contenu fuyant, ne s\u2019imposant pas de mani\u00e8re \u00e9vidente, o\u00f9 le lecteur doit d\u00e9velopper une lecture active pour acc\u00e9der \u00e0 la connaissance. L\u2019objet du savoir semble s\u2019\u00eatre d\u00e9plac\u00e9\u00a0: il n\u2019est plus la connaissance elle-m\u00eame, acquise, directement donn\u00e9e, mais l\u2019acte lui-m\u00eame, le mouvement vers la connaissance. Ce proc\u00e9d\u00e9 cognitif est d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9sent dans la collection \u00ab\u00a0Autrement Junior\u00a0\u00bb, S\u00e9rie Soci\u00e9t\u00e9, (cf. tableau 2 p.25) o\u00f9 sont \u00e9dit\u00e9s des documentaires \u00e0 vis\u00e9e fortement philosophique. Ces derniers placent l\u2019enfant dans un comportement actif et responsable par rapport au savoir. La politique \u00e9ditoriale est clairement annonc\u00e9e en quatri\u00e8me de couverture\u00a0:
\nSensibiliser les enfants aux probl\u00e8mes de soci\u00e9t\u00e9, leur faire comprendre qu\u2019ils ont un r\u00f4le \u00e0 jouer et les aider \u2013 avec des rep\u00e8res pr\u00e9cis, comme la loi \u2013 \u00e0 former leur propre jugement.
\nM\u00eame si le fil conducteur restera, pour chaque titre de la collection, la loi, et m\u00eame si le lecteur pourra y trouver un contenu informatif dense \u00e0 travers \u00ab\u00a0des textes concis, des exemples et des anecdotes\u00a0\u00bb (pr\u00e9cisions apport\u00e9es en quatri\u00e8me de couverture), les diff\u00e9rentes parties du livre seront pr\u00e9sent\u00e9es de fa\u00e7on \u00e0 ce que l\u2019enfant ne reste pas dans une attitude passive. Nous verrons dans une deuxi\u00e8me partie que cette conception du savoir est plus ou moins pr\u00e9sente dans les diff\u00e9rentes collections philosophiques.
\n
<\/a><\/a>2. La mise en sc\u00e8ne de l\u2019information
\nEn \u00e9tudiant la structure interne du documentaire philosophique, on peut remarquer que l\u2019organisation de l\u2019information ne se pr\u00e9sente pas syst\u00e9matiquement selon le principe de la traditionnelle double page. Utilis\u00e9e dans les collections \u00ab\u00a0PhiloZenfants\u00a0\u00bb (Nathan), \u00ab\u00a0Les petits Albums de Philosophie\u00a0\u00bb (Autrement) dont l\u2019auteur commun est Oscar Brenifier, et \u00ab\u00a0Petites pens\u00e9es\u00a0\u00bb (\u00c9ditions pour penser \u00e0 l\u2019endroit), la double page dispara\u00eet dans les autres collections philosophiques. La mise en page se rapproche, par son organisation en chapitres puis en paragraphes, de la structure classique du livre pour adultes, m\u00eame si l\u2019illustration est l\u00e0 pour la rendre moins sobre et nous rappeler en m\u00eame temps que nous sommes toujours dans un livre pour enfants. La collection \u00ab\u00a0Chouette\u00a0! penser\u00a0\u00bb de Gallimard Jeunesse en est l\u2019exemple le plus probant. Dans Pourquoi les hommes font-ils la guerre\u00a0? de Myriam Revault d\u2019Allonnes, le contenu compte une introduction qui n\u2019est pas clairement annonc\u00e9e, et en trois chapitres pr\u00e9sent\u00e9s dans le sommaire.
\nLa double-page, pr\u00e9sente dans les collections cit\u00e9es pr\u00e9c\u00e9demment, n\u2019est plus celle d\u2019une mise en page mosa\u00efque, constitu\u00e9e de tout petits corpus de textes et d\u2019images. Fran\u00e7oise Ballanger rappelle \u00e0 propos du documentaire\u00a0: \u00ab\u00a0Il n\u2019y a pas un texte mais des textes dans un documentaire\u00a0\u00bb. Le documentaire philosophique fait exception, car il appara\u00eet au contraire comme une entit\u00e9 ins\u00e9cable\u00a0: m\u00eame si le texte se structure en diff\u00e9rentes parties, il existe un lien – celui de la pens\u00e9e – propre \u00e0 l\u2019encha\u00eenement logique des id\u00e9es et \u00e0 l\u2019argumentation. Le discours est construit de mani\u00e8re coh\u00e9rente avec force transitions et articulations logiques. Christian Delacampagne, philosophe, finit ainsi son chapitre 2 \u00ab\u00a0Pourquoi sommes-nous violents\u00a0?\u00a0\u00bb\u00a0:
\nC\u2019est par la violence, et par elle seule, que [les r\u00e9gimes autoritaires] s\u2019efforcent de contraindre leurs adversaires \u00e0 ex\u00e9cuter leur volont\u00e9. La guerre demeure pour eux la continuation de la politique par d\u2019autres moyens. Ces moyens sont-ils efficaces\u00a0? Une guerre peut-elle \u00eatre \u00ab\u00a0utile\u00a0\u00bb pour r\u00e9soudre un conflit\u00a0? Voil\u00e0 qui demande \u00e0 \u00eatre v\u00e9rifi\u00e9.
\nLa conclusion et la nouvelle probl\u00e9matique permettront de d\u00e9buter un prochain chapitre\u00a0: \u00ab\u00a0Y a-t-il des guerres utiles\u00a0?\u00a0\u00bb.
\nLe documentaire philosophique se diff\u00e9rencie ici des autres documentaires o\u00f9 l\u2019encha\u00eenement des id\u00e9es et la construction dialectique de la pens\u00e9e ne servent pas de fil directeur \u00e0 la structuration du texte. L\u2019analyse comparative des outils documentaires permettra de caract\u00e9riser davantage le documentaire philosophique.
\n
<\/a><\/a>3. Les outils documentaires
\nDans le documentaire classique, r\u00e9side la volont\u00e9 d\u2019am\u00e9liorer la compr\u00e9hension de l\u2019enfant et de proposer en cela des cl\u00e9s de lecture dans le paratexte : le sommaire, la table, l\u2019index, le lexique et le glossaire sont autant d\u2019outils documentaires destin\u00e9s \u00e0 faciliter la navigation du lecteur dans l\u2019ouvrage. Pr\u00e9sents \u00e9galement dans les documentaires philosophiques, ils sont utilis\u00e9s diff\u00e9remment. On observera donc encore ici en \u00e9tudiant les sommaires que le texte n\u2019est pas segment\u00e9 en parties : des chapitres constituent le plus souvent le sommaire ou la table, reli\u00e9s entre eux par une articulation logique.
\n
<\/a><\/a>a) Le sommaire
\nM\u00eame s\u2019il appara\u00eet au d\u00e9but ou \u00e0 la fin de l\u2019ouvrage, le sommaire n\u2019est pas toujours clairement identifi\u00e9 en tant que tel ou du moins il se veut original : le mot m\u00eame de \u00ab\u00a0sommaire\u00a0\u00bb dispara\u00eet dans les \u00ab\u00a0petits Albums de Philosophie\u00a0\u00bb, substitu\u00e9 par le groupe nominal : \u00ab\u00a0Les chapitres\u2026\u00a0\u00bb. Dans la collection \u00ab\u00a0PhiloZenfants\u00a0\u00bb, il reste pr\u00e9sent mais structur\u00e9 syst\u00e9matiquement en six chapitres, eux-m\u00eames \u00e9chappant \u00e0 une \u00e9criture lin\u00e9aire, \u00e9clat\u00e9s visuellement sur une page, o\u00f9 chaque chapitre correspond \u00e0 une question ins\u00e9r\u00e9e dans une bulle. En nous int\u00e9ressant aux \u00e9crits d\u2019Oscar Brenifier, nous verrons comment, par la pr\u00e9sence r\u00e9currente de la bulle dans le sommaire – moyen technique emprunt\u00e9 \u00e0 la bande dessin\u00e9e – la parole vient coexister avec l\u2019\u00e9crit. Dans \u00ab\u00a0les Go\u00fbters Philo\u00a0\u00bb, le sommaire se travestit et devient un \u00ab\u00a0menu\u00a0\u00bb. Il ne s\u2019agit pas, comme nous le verrons plus tard, d\u2019une simple m\u00e9taphore culinaire. Ce type de sommaire peut \u00eatre qualifi\u00e9 de \u030f litt\u00e9raire \u030b: les titres contiennent des formulations imag\u00e9es, des intonations ou des jeux de mots. Ainsi dans La fiert\u00e9 et la honte de Brigitte Labb\u00e9, le premier titre du sommaire renferme \u00e0 la fois une exclamation et une m\u00e9taphore\u00a0: \u00ab\u00a0Ah\u00a0! La tomate\u00a0! La grosse patate\u00a0!\u00a0\u00bb. Le proc\u00e9d\u00e9 est utilis\u00e9 de mani\u00e8re syst\u00e9matique par l\u2019auteur, dans l\u2019ensemble des titres de la collection. On s\u2019\u00e9tonnera cependant de l\u2019utilisation de tels proc\u00e9d\u00e9s rh\u00e9toriques. La volont\u00e9 de s\u2019adresser \u00e0 tous avec humour en utilisant des images emprunt\u00e9es au r\u00e9f\u00e9rentiel commun de la doxa, ne provoque-t-elle pas en m\u00eame temps un enfermement du sens, une limitation dans l\u2019acte de philosopher\u00a0? La question du sens est alors largement pos\u00e9e pour les sommaires de type litt\u00e9raire\u00a0: facilitent-ils la compr\u00e9hension de l\u2019enfant ou constituent-ils un obstacle suppl\u00e9mentaire ?
\nLe sommaire ou la table des mati\u00e8res litt\u00e9raire existe certes dans la plupart des documentaires pour enfants. Il ne constitue donc pas une sp\u00e9cificit\u00e9 du documentaire philosophique. Citons pour exemple la collection de Gallimard, \u00ab\u00a0Les Yeux de la d\u00e9couverte\u00a0\u00bb, qui a fait date dans l\u2019histoire du documentaire en proposant un ouvrage riche en images pour une lecture plaisir. L\u2019auteur anglais George Hart propose d\u00e9j\u00e0 en 1990 dans M\u00e9moire de l\u2019\u00c9gypte, un sommaire litt\u00e9raire. Les titres mettent ainsi en app\u00e9tit le jeune lecteur\u00a0: \u00ab\u00a0\u00c0 table\u00a0! Du pain, du vin et\u2026\u00a0\u00bb, les points de suspension, mettant l\u2019eau \u00e0 la bouche du lecteur, et amor\u00e7ant le titre suivant : \u00ab\u00a0Musique et danse, que la f\u00eate commence\u00a0!\u00a0\u00bb
\nParall\u00e8lement, Brigitte Labb\u00e9 propose dans le sommaire de La violence et la non-violence en neuvi\u00e8me titre : \u00ab\u00a0Toujours des raisons\u2026\u00a0\u00bb, puis\u00a0: \u00ab\u00a0\u2026 jamais de bonnes\u00a0\u00bb en dixi\u00e8me titre. Dans les deux ouvrages, le m\u00eame proc\u00e9d\u00e9 est utilis\u00e9\u00a0: deux titres successifs forment une phrase, en jouant sur un effet de rupture et de continuit\u00e9. Le documentaire emprunte donc ici au documentaire classique des codes linguistiques.
\nDans certains documentaires philosophiques, il retrouve une autre forme d\u2019emprunt, \u00e0 savoir la pr\u00e9sence d\u2019un sommaire ou d\u2019une table des mati\u00e8res clairement identifi\u00e9. Lorsque le sommaire est annonc\u00e9, il joue alors le r\u00f4le de marqueur de la politique \u00e9ditoriale et participe ainsi \u00e0 la constitution de l\u2019identit\u00e9 de la collection en utilisant de mani\u00e8re constante les m\u00eames proc\u00e9d\u00e9s. La collection \u00ab\u00a0Chouette\u00a0! penser\u00a0\u00bb de Gallimard veut par exemple \u00eatre rigoureuse en pr\u00e9sentant un sommaire classique, simple et sans artifice. Myriam Revault d\u2019Allonnes, directrice de la collection, met par cons\u00e9quent davantage l\u2019accent sur le s\u00e9rieux du contenu scientifique que sur la s\u00e9duction du jeune lecteur par une mise en mots savoureuse. Caroline Leclerc semble avoir pris le m\u00eame parti pour sa collection \u00ab\u00a0Brins de philo\u00a0\u00bb. Une table de type classique, plac\u00e9e en fin d\u2019ouvrage, permet un rep\u00e9rage facile\u00a0: les chapitres sont num\u00e9rot\u00e9s, les sous-titres sont en italique, les titres sont souvent formul\u00e9s de mani\u00e8re interrogative, la simplicit\u00e9 et la clart\u00e9 des titres se substituent \u00e0 un style humoristique et\/ou m\u00e9taphorique.
\nLe sommaire n\u2019est parfois constitu\u00e9 que d\u2019une liste de fables. On peut alors se demander \u00e0 propos des Philo-fables de Michel Piquemal selon quel principe l\u2019auteur a plac\u00e9 les histoires les unes par rapport aux autres\u00a0: on exclura l\u2019ordre alphab\u00e9tique, le classement en fonction des auteurs ou des origines du texte et on s\u2019\u00e9tonnera de trouver dans la partie intitul\u00e9e \u00ab\u00a0mots-cl\u00e9s\u00a0\u00bb, un index en fait, les histoires class\u00e9es par th\u00e8me, alors que l\u2019on retrouve pas cette m\u00eame logique de classement dans l\u2019ensemble de l\u2019ouvrage. L\u2019index aide \u00e0 faire du texte un mat\u00e9riau propice \u00e0 la r\u00e9flexion philosophique. Nous verrons plus loin qu\u2019il ne constitue pas le seul \u00e9l\u00e9ment du paratexte \u00e0 lui conf\u00e9rer son appartenance au genre documentaire (il est int\u00e9ressant d\u2019observer pour cet ouvrage comme pour les autres la cotation qui lui est attribu\u00e9e en biblioth\u00e8que\u00a0: il est cot\u00e9 dans la premi\u00e8re classe de la classification Dewey en philosophie \/ psychologie).
\n
<\/a><\/a>b) L\u2019index et le glossaire
\nL\u2019index, autre outil documentaire, n\u2019est pas pr\u00e9sent dans tous les documentaires philosophiques. Dans la collection \u00ab\u00a0PhiloZenfants\u00a0\u00bb, on pourra s\u2019interroger sur l\u2019absence d\u2019index et de lexique. Est-ce par volont\u00e9 de ne pas figer le savoir ou d\u2019\u00e9chapper d\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment aux codes du documentaire classique ? Il en est de m\u00eame dans \u00ab\u00a0les Go\u00fbters Philo\u00a0\u00bb. Expliquera-t-on ce choix p\u00e9dagogique ou \u00e9ditorial (cela reste \u00e0 d\u00e9finir) en s\u2019appuyant sur les propos de Michel Puech, philosophe et coauteur de la collection\u00a0?
\nLes Go\u00fbters Philo (23 titres parus, traduits en une quinzaine de langues) sont des livres d\u2019id\u00e9es pour transmettre des outils de r\u00e9flexion, des bo\u00eetes \u00e0 outils pour r\u00e9fl\u00e9chir sur des contenus, sans aucun souci de \u00ab r\u00e9f\u00e9rence \u00bb. Nous voulons que la philosophie \u00e9chappe \u00e0 la corporation des profs-de-philo, mais sans devenir du conseil psychologique pr\u00e9fabriqu\u00e9, en restant l\u2019h\u00e9ritage des grands penseurs, de la tradition philosophique, en restant de la \u00ab vraie philosophie.
\nDans ce sens, un index et un lexique ne sont pas n\u00e9cessaires pour faire de la \u00ab\u00a0vraie philosophie\u00a0\u00bb\u00a0: l\u2019auteur ne cherche pas \u00e0 ne pas introduire un vocabulaire philosophique sp\u00e9cifique ou des noms de grands philosophes. Il tente l\u2019exercice difficile de ne pas trahir \u00ab\u00a0l\u2019h\u00e9ritage des grands penseurs\u00a0\u00bb tout en proposant une philosophie accessible \u00e0 tous. Son objectif est d\u2019\u00ab\u00a0\u00eatre capable de communiquer de vrais contenus, philosophiques et culturels, avec une vraie accessibilit\u00e9 grand public\u00a0\u00bb.
\nDans les deux collections cit\u00e9es pr\u00e9c\u00e9demment se manifestent les lignes d\u2019une politique \u00e9ditoriale. En optant pour une mise en sc\u00e8ne du propos diff\u00e9rente, \u00ab\u00a0Les Petits Albums de Philosophie\u00a0\u00bb (Autrement) restent fid\u00e8les \u00e0 l\u2019image de la maison d\u2019\u00e9dition\u00a0: l\u2019index est pr\u00e9sent\u00e9 \u00ab\u00a0autrement\u00a0\u00bb. En derni\u00e8re page figurent trois parties\u00a0: \u00ab\u00a0Les chapitres\u2026\u00a0\u00bb (sommaire), \u00ab\u00a0R\u00e9f\u00e9rences des histoires et des mythes \u00e9voqu\u00e9s\u00a0\u00bb (index) et \u00ab\u00a0Dans la m\u00eame collection\u00a0\u00bb. Ce ne sont pas des mots-cl\u00e9s mais des histoires et des mythes qui sont r\u00e9f\u00e9renc\u00e9s dans cet index original, class\u00e9s non par ordre alphab\u00e9tique, comme le voudrait un index traditionnel, mais par ordre d\u2019apparition.
\nEnfin, la pr\u00e9sence d\u2019un glossaire, liste alphab\u00e9tique de mots cl\u00e9s d\u00e9finis de type scientifique, est rare. Ceci tend \u00e0 prouver que l\u2019accent est mis davantage sur l\u2019acte de philosopher que sur l\u2019acquisition de connaissances, et moins encore d\u2019un vocabulaire philosophique. Le Livre des philosophes de Laurent D\u00e9chery, contient un glossaire. Class\u00e9 dans les albums documentaires hors-collection sur le site de Gallimard Jeunesse \u00ab\u00a0certains sujets documentaires n\u00e9cessit[ant] une pr\u00e9sentation en grand format, avec de grandes images [\u2026]\u00a0\u00bb comme il est expliqu\u00e9 dans la pr\u00e9sentation de ces albums documentaires \u02d7 l\u2019ouvrage contient \u00e9galement un sommaire classique en page 2. Publi\u00e9 en 1998, avant la naissance des collections philosophiques pour les 7-11 ans, il se pr\u00e9sente comme un ouvrage unique\u00a0: documentaire philosophique malgr\u00e9 lui, ayant pour fond la philosophie et pour forme le documentaire classique. Il poss\u00e8de les sp\u00e9cificit\u00e9s du documentaire classique. Et ceci \u00e0 plusieurs endroits\u00a0: son grand format (28,5 cm x 22,5 cm), les outils documentaires propos\u00e9s, la nature essentiellement informative du contenu (le questionnement n\u2019est mis en valeur dans la derni\u00e8re partie intitul\u00e9e \u00ab\u00a0les coulisses de la philosophie\u00a0\u00bb, que pour introduire d\u2019autres connaissances), le respect de la double page et la prolif\u00e9ration d\u2019images.
\n\u00c9tant donn\u00e9 la diversit\u00e9 des sommaires et l\u2019apparition non syst\u00e9matique de l\u2019index, il semble difficile de trouver dans l\u2019outil documentaire une caract\u00e9ristique du documentaire philosophique.
\n
<\/a><\/a>4. Les choix iconographiques
\nPour comparer les documentaires \u00ab\u00a0classiques\u00a0\u00bb et les documentaires \u00ab\u00a0philosophiques\u00a0\u00bb du point de vue iconographique, il est int\u00e9ressant de prendre pour point de d\u00e9part l\u2019ouvrage de Laurent D\u00e9chery. Il est remarquable que ce soit, nous semble-t-il, le seul documentaire philosophique contenant une telle diversit\u00e9 d\u2019images, toutes l\u00e9gend\u00e9es : les illustrations en couleur de Peter Lawman c\u00f4toient en effet les photographies (noir et blanc ou couleur) et les cartes g\u00e9ographiques. La pr\u00e9sentation d\u2019un philosophe est illustr\u00e9e syst\u00e9matiquement par un dessin en couleur occupant l\u2019int\u00e9gralit\u00e9 de la page de gauche. Le philosophe repr\u00e9sent\u00e9 a toujours le regard tourn\u00e9 vers le lecteur, cherchant \u00e0 capter son attention.
\nSi l\u2019on se r\u00e9f\u00e8re \u00e0 \u00ab\u00a0l\u2019\u00e9chelle d\u2019iconicit\u00e9 d\u00e9croissante\u00a0\u00bb de Moles, hi\u00e9rarchisant les images en fonction de leur degr\u00e9 d\u2019abstraction, la photographie appara\u00eet comme l\u2019une des repr\u00e9sentations les plus r\u00e9alistes de l\u2019objet lui-m\u00eame. Tr\u00e8s pr\u00e9sente dans le documentaire classique, elle t\u00e9moigne de la r\u00e9alit\u00e9 du discours. L\u2019\u00e9chelle propos\u00e9e par Moles expliquerait l\u2019absence de photographies dans les documentaires philosophiques, dans le sens o\u00f9 cette \u00e9chelle \u00ab\u00a0va de l\u2019objet lui-m\u00eame, comme repr\u00e9sentant d\u2019une esp\u00e8ce, \u00e0 des repr\u00e9sentations abstraites et conventionnelles\u00a0\u00bb et propose ainsi un \u00ab\u00a0chemin vers l\u2019abstraction\u00a0\u00bb. La philosophie, en tant que lieu privil\u00e9gi\u00e9 de l\u2019abstraction, ne pourrait \u00eatre accompagn\u00e9e, si l\u2019on \u00e9tudie l\u2019iconographie des documentaires philosophiques (en excluant les documentaires de nature philosophique appartenant \u00e0 une collection non-philosophique), d\u2019images r\u00e9alistes. Seul le dessin serait \u00e0 m\u00eame d\u2019illustrer ou d\u2019\u00e9clairer le discours philosophique. Quelles sont donc les motivations d\u2019un tel choix iconographique\u00a0? D\u2019une part, le texte abstrait peut appeler une image la plus abstraite possible\u00a0; mais la photographie de presse ne donne-t-elle pas elle aussi \u00e0 penser\u00a0? D\u2019autre part, le dessin ne risque-t-il pas d\u2019\u00e9loigner l\u2019enfant du sujet trait\u00e9\u00a0? Il semble qu\u2019\u00e0 ces deux questions la r\u00e9ponse soit la m\u00eame\u00a0: le dessin, en noir et blanc ou en couleur, appara\u00eet comme un moyen de mise \u00e0 distance du discours, soit dans une fonction \u00e9thique, soit dans une fonction \u00e9ducative. Le dessin presque toujours humoristique permettra ainsi de d\u00e9dramatiser, d\u2019att\u00e9nuer la gravit\u00e9 d\u2019un sujet tel que celui de la mort. En se d\u00e9faisant du pathos, l\u2019enfant sera alors apte \u00e0 philosopher librement. \u00c9voquons ici les illustrations de Jacques Azam r\u00e9alis\u00e9es pour la collection \u00ab\u00a0Les Go\u00fbters Philo\u00a0\u00bb. Pour illustrer l\u2019id\u00e9e douloureuse qu\u2019il arrive qu\u2019un jeune \u00eatre humain vienne \u00e0 mourir, le dessinateur choisit de repr\u00e9senter l\u2019all\u00e9gorie de la mort courant apr\u00e8s un petit gar\u00e7on. Puis pour \u00e9voquer \u00ab\u00a0notre mort \u00e0 nous\u00a0\u00bb, on voit un cercueil renfermant un homme \u00e0 la peau verd\u00e2tre se contemplant dans un miroir avec un large sourire. Dans la collection \u00ab\u00a0PhiloZenfants\u00a0\u00bb la m\u00eame repr\u00e9sentation de la mort est propos\u00e9e, \u00e0 savoir\u00a0: le squelette et la faux, bottant le derri\u00e8re d\u2019un chat ou subissant le pied de nez de ce m\u00eame chat. Il y a par ailleurs dans certains ouvrages, un double effet de mise \u00e0 distance : la distance est cr\u00e9\u00e9e par le dessin et par l\u2019intervention d\u2019un animal personnifi\u00e9, \u00eatre fictif transitionnel ch\u00e9ri des enfants, permettant d\u2019att\u00e9nuer le discours. Dans d\u2019autres collections, sur le m\u00eame principe, des volatiles tentent de converser\u00a0, Diog\u00e8ne appara\u00eet sous les traits d\u2019un h\u00e9risson, et Socrate se m\u00e9tamorphose en un cheval.
\nAtt\u00e9nuer ne signifie pas \u00e9dulcorer et le dessin a aussi pour fonction de donner des cl\u00e9s de compr\u00e9hension au jeune lecteur. Il se substitue parfois m\u00eame \u00e0 l\u2019exemple, comme c\u2019est le cas dans les titres de la collection \u00ab\u00a0PhiloZenfants\u00a0\u00bb. \u00c0 la question\u00a0: \u00ab\u00a0Peut-on \u00eatre intelligent sans r\u00e9fl\u00e9chir\u00a0?\u00a0\u00bb, correspond un dessin repr\u00e9sentant un chien qui \u00e9coute davantage son c\u0153ur que sa raison. L\u2019id\u00e9e v\u00e9hicul\u00e9e par le dessin n\u2019est pas pr\u00e9sente explicitement dans la question. L\u2019illustration de Pascal Lema\u00eetre apporte donc un sens suppl\u00e9mentaire, nourrit la question et suscite d\u2019autres interrogations\u00a0: y a-t-il une intelligence du c\u0153ur\u00a0? Faut-il suivre ce que nous dicte la raison ou privil\u00e9gier les sens\u00a0? Le c\u0153ur est-il le lieu symbolique des \u00e9motions et des sentiments\u00a0? L\u2019intelligence peut-elle s\u2019y loger\u00a0? Il y a donc ici une double coh\u00e9rence\u00a0: entre le texte et l\u2019image d\u2019une part, entre l\u2019auteur et son projet philosophique d\u2019autre part.
\nPour reprendre la terminologie que Sophie Van der Linden utilise pour l\u2019album, plusieurs fonctions peuvent \u00eatre ainsi assign\u00e9es \u00e0 l\u2019image dans le documentaire philosophique\u00a0: la \u00ab\u00a0fonction de contrepoint\u00a0\u00bb, cr\u00e9ant une distanciation, un effet de d\u00e9calage entre le texte et l\u2019image, la \u00ab\u00a0fonction de r\u00e9p\u00e9tition\u00a0\u00bb et la \u00ab\u00a0fonction compl\u00e9tive\u00a0\u00bb, lorsque l\u2019image vient \u00e9clairer le texte.
\nEn rejetant la photographie comme approche trop abrupte du r\u00e9el, le documentaire philosophique s\u2019\u00e9loigne du documentaire classique. M\u00eame si l\u2019\u00e9tude comparative met en \u00e9vidence certaines sp\u00e9cificit\u00e9s, le documentaire philosophique demande \u00e0 \u00eatre d\u00e9fini davantage. Il semble alors qu\u2019il faille appr\u00e9hender ce type de document autrement.
\nLe documentaire philosophique emprunte au documentaire des outils, tels que le sommaire, la table, l’index ou le glossaire, tout en se les r\u00e9appropriant. En optant pour une approche iconographique diff\u00e9rente, il s’\u00e9mancipe pourtant de la forme classique du documentaire. Il faut alors envisager son \u00e9tude du point de vue \u00e9ditorial.
\nLire le m\u00e9moire complet<\/span> ==><\/em>
\n(
Les documentaires philosophiques \u00e0 destination des 7-11 ans ou comment philosopher \u00e0 hauteur d\u2019enfant<\/a>)<\/strong>
\nM\u00e9moire de Master 1 de litt\u00e9rature de jeunesse
\nUniversit\u00e9 Du MANS – Master 1 de litt\u00e9rature de jeunesse<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

B. Approche g\u00e9n\u00e9rique Le documentaire philosophique peut \u00eatre d\u00e9fini par rapport au genre auquel il appartient\u00a0: le documentaire pour enfants. Depuis Hetzel, l\u2019exigence est toujours la m\u00eame\u00a0: transmettre en amusant. L\u2019acquisition d\u2019un savoir scientifique constitue tout d\u2019abord l\u2019objectif p\u00e9dagogique premier de l\u2019auteur du document et de son \u00e9diteur, m\u00eame si […]<\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_uag_custom_page_level_css":"","site-sidebar-layout":"default","site-content-layout":"","ast-site-content-layout":"","site-content-style":"default","site-sidebar-style":"default","ast-global-header-display":"","ast-banner-title-visibility":"","ast-main-header-display":"","ast-hfb-above-header-display":"","ast-hfb-below-header-display":"","ast-hfb-mobile-header-display":"","site-post-title":"","ast-breadcrumbs-content":"","ast-featured-img":"","footer-sml-layout":"","theme-transparent-header-meta":"","adv-header-id-meta":"","stick-header-meta":"","header-above-stick-meta":"","header-main-stick-meta":"","header-below-stick-meta":"","astra-migrate-meta-layouts":"default","ast-page-background-enabled":"default","ast-page-background-meta":{"desktop":{"background-color":"var(--ast-global-color-4)","background-image":"","background-repeat":"repeat","background-position":"center center","background-size":"auto","background-attachment":"scroll","background-type":"","background-media":"","overlay-type":"","overlay-color":"","overlay-gradient":""},"tablet":{"background-color":"","background-image":"","background-repeat":"repeat","background-position":"center center","background-size":"auto","background-attachment":"scroll","background-type":"","background-media":"","overlay-type":"","overlay-color":"","overlay-gradient":""},"mobile":{"background-color":"","background-image":"","background-repeat":"repeat","background-position":"center center","background-size":"auto","background-attachment":"scroll","background-type":"","background-media":"","overlay-type":"","overlay-color":"","overlay-gradient":""}},"ast-content-background-meta":{"desktop":{"background-color":"var(--ast-global-color-5)","background-image":"","background-repeat":"repeat","background-position":"center center","background-size":"auto","background-attachment":"scroll","background-type":"","background-media":"","overlay-type":"","overlay-color":"","overlay-gradient":""},"tablet":{"background-color":"var(--ast-global-color-5)","background-image":"","background-repeat":"repeat","background-position":"center center","background-size":"auto","background-attachment":"scroll","background-type":"","background-media":"","overlay-type":"","overlay-color":"","overlay-gradient":""},"mobile":{"background-color":"var(--ast-global-color-5)","background-image":"","background-repeat":"repeat","background-position":"center center","background-size":"auto","background-attachment":"scroll","background-type":"","background-media":"","overlay-type":"","overlay-color":"","overlay-gradient":""}},"footnotes":""},"categories":[13],"tags":[803],"acf":[],"uagb_featured_image_src":{"full":false,"thumbnail":false,"medium":false,"medium_large":false,"large":false,"1536x1536":false,"2048x2048":false},"uagb_author_info":{"display_name":"WikiMemoires","author_link":"https:\/\/wikimemoires.net\/author\/wikieradmin\/"},"uagb_comment_info":0,"uagb_excerpt":"B. Approche g\u00e9n\u00e9rique Le documentaire philosophique peut \u00eatre d\u00e9fini par rapport au genre auquel il appartient\u00a0: le documentaire pour enfants. Depuis Hetzel, l\u2019exigence est toujours la m\u00eame\u00a0: transmettre en amusant. L\u2019acquisition d\u2019un savoir scientifique constitue tout d\u2019abord l\u2019objectif p\u00e9dagogique premier de l\u2019auteur du document et de son \u00e9diteur, m\u00eame si […]","_links":{"self":[{"href":"https:\/\/wikimemoires.net\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/21502"}],"collection":[{"href":"https:\/\/wikimemoires.net\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/wikimemoires.net\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/wikimemoires.net\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/wikimemoires.net\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=21502"}],"version-history":[{"count":0,"href":"https:\/\/wikimemoires.net\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/21502\/revisions"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/wikimemoires.net\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=21502"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/wikimemoires.net\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=21502"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/wikimemoires.net\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=21502"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}