Louis Céline : l’enfant délaissé et le cuirassier Destouches

Céline, le prophète maudit / Louis Céline : l’enfant délaissé et le cuirassier Destouches

Partie I

Louis Ferdinand-Céline : Histoire d’une vie et d’une œuvre polémique en prise avec l’histoire

Cette première partie inaugure notre travail de recherche qui s’articule autour de deux grandes parties

Dans cette première partie qui s’intitule « Louis Ferdinand Céline : Histoire d’une vie et d’une œuvre polémique en prise avec l’histoire » nous allons tout d’abord, nous consacrer à la vie de Louis-Ferdinand Céline, de sa naissance en 1894 jusqu’à sa mort en 1961, afin de mettre en exergue son parcours littéraire, professionnel et idéologique.

Cela nous permettra d’établir un lien avec son discours antisémite, proféré dans ses pamphlets publiés entre 1937 et 1941 et ainsi déterminer l’origine de son antisémitisme. Est-il d’ordre familial, transmis par un membre de sa famille ? Ou bien est-il la conséquence de sa misanthropie ?

C’est ce à quoi nous essayerons de répondre à travers trois chapitres qui résument la vie de cet auteur polémique. Loin d’être un réquisitoire ou une plaidoirie en sa faveur. Cette première partie cherche avant toute chose à comprendre sa prise de position, ainsi que ses propos radicaux envers la communauté juive.

Chapitre I

Naissance d’un démiurge

« Une biographie, ça s’invente 1 ! ».

Dans ce présent chapitre, nous allons retracer la vie de l’auteur, depuis sa naissance, jusqu’à la publication de son premier roman Voyage au bout de la nuit. Dans le but de savoir, tout d’abord, si l’antisémitisme de Louis-Ferdinand Céline est transmis par son entourage familial, ou s’il est dû au contexte social de l’époque.

Puis, nous tenterons de comprendre les raisons qui l’ont poussé à soutenir une thèse sur le docteur Ignace Philippe Semmelweis, et ce afin de mettre en lumière, l’impact qu’a eu la Société des Nations sur Céline. Enfin nous essaierons d’établir un lien entre son parcours individuel sur le plan privé, ainsi que professionnel et ses écrits pamphlétaires.

1. L’enfant délaissé

Louis-Ferdinand Destouches naît le 27 mai 1894, à Courbevoie. Il est le Fils unique de Fernand Destouches, un employé d’assurances et correspondancier, et de Marguerite Guillou, issue d’une famille de commerçants qui reprend le commerce de mercerie de ses parents.

Cette même année, un scandale politique secoue la France, il s’agit de l’affaire Dreyfus qui va diviser le pays en deux camps pendant douze ans. Pour rappel, le capitaine Alfred Dreyfus est accusé de haute trahison, pour avoir livré des informations secrètes aux Allemands. Condamné à perpétuité, puis déporté à l’île du diable, le tribunal français finira par l’acquitter en 1906.

Pendant douze années, le peuple français sera divisé en deux pôles : les dreyfusards qui clament l’innocence du capitaine et dénoncent la montée de l’antisémitisme en France qui est la cause de cet acharnement ; et les antidreyfusards qui incriminent Alfred Dreyfus, sans douter un instant de sa culpabilité, même après sa libération. Cette affaire n’a pas laissé les Destouches indifférents, car le père, antidreyfusard, reprochait aux Juifs la misère qu’endurait sa famille.

En 1899, la famille Destouches déménage au passage Choiseul, où Louis Ferdinand Destouches passe toute son enfance. Une enfance morose avec un père particulièrement absent de sa vie qui cumule des heures supplémentaires, dans le but de subvenir aux besoins familiaux. Ferdinand cherche en vain une figure paternelle à laquelle s’identifier. Il finit par la trouver plus tard chez son oncle Édouard, puis durant sa jeunesse chez Courtial des Pereires.

Sa mère, tout aussi occupée que son père par le commerce, ne lui accorde que très peu d’affection, cependant, elle veille à le former comme commerçant pour tenir la boutique familiale.

Mais c’est surtout avec sa grand-mère, Céline Guillou, que le petit Ferdinand s’entendra le mieux. Elle lui apprend à lire, à écrire et essaye de l’instruire. Sa mort, en 1904, marque Louis Destouches à jamais.

Pour lui rendre hommage et se remémorer tous les instants de bonheurs passés avec sa grand-mère, il décide, en 1932, d’utiliser son prénom comme nom d’auteur, lors de la publication du Voyage au bout de la nuit.

Après le décès de Céline Guillou, les Destouches héritent de ses biens ce qui leur procure une certaine aisance. Ils décident de former le petit Louis pour le commerce moderne.

Cependant, cela exige une certaine maîtrise des langues étrangères, ce qui pousse sa famille à l’envoyer, tout d’abord, en Allemagne, afin d’acquérir la langue allemande, puis en Angleterre, plus précisément à Broadstairs, où il apprend l’anglais dans un pensionnat pour fils de bourgeois.

Il termine ses études d’anglais en novembre 1909 et retourne en France pour commencer sa formation de commerçant chez le joaillier Lacloche. De 1910 à 1912, Ferdinand cumule des allers-retours entre Paris et Nice, mais c’est en 1912 que son patron décide de l’engager définitivement, mais à la condition : qu’il passe son service militaire.

2. Le cuirassier Destouches

Le 3 octobre 1912, Louis-Ferdinand Céline est incorporé au 12e régiment des cuirassiers de Rambouillet. Il passe la grande partie de ses journées à faire les corvées et à obéir aux ordres de ses supérieurs et l’image idéalisée qu’il avait de l’armée se dissipe rapidement.

Afin d’échapper à sa vie monotone, il s’essaye à l’écriture et entame la rédaction de son premier livre Le Carnet du cuirassier Destouches1. C’est une première expérience avec l’écriture, à travers laquelle est décrite sa vie de cuirassier.

La routine de la caserne est bouleversée durant l’été 1914. En effet, la situation politique internationale est sous tension extrême, car le 28 juin 1914, l’Archiduc François-Ferdinand et son épouse sont assassinés à Sarajevo par un nationaliste serbe.

Cet acte terroriste déclenche la Première Guerre mondiale et conduit l’Autriche-Hongrie à entrer en guerre avec la Serbie. Par la suite, les alliés des deux pays vont se joindre au conflit et le 1er août 1914, la France déclare la guerre aux Empires centraux.

Le 12e régiment est rapidement enrôlé dans la guerre et entre réellement en scène le 21 août marquant ainsi, le baptême de feu pour Céline. Après la déroute de sa troupe contre les Allemands près d’Audun-le-Roman, il participe le 16 octobre à l’offensive entreprise pour conquérir la ville de Poelkapelle, assurant, ainsi, la protection des autres régiments. Louis Destouches est blessé au bras droit par une balle, lors de son retour de mission.

Cet épisode de sa vie a bouleversé la vision qu’il portait sur les hommes et l’existence humaine. Les atrocités vécues sur le champ de bataille feront naître en lui un fervent antimilitariste qui prône la paix tout en remettant en cause les institutions politiques et militaires de cette époque.

Il est transféré, par la suite à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris pour se faire soigner et se voit décerner la médaille d’honneur qui récompense sa bravoure au front. C’est au début du mois de mai 1915 que Céline sort de l’hôpital et est envoyé par le consulat de France à Londres pour un emploi sédentaire au service du contre-espionnage. Durant la même année, il est déclaré par l’armée française invalide à 70% et obtient définitivement sa réforme militaire.

Il se marie la même année avec Suzanne Nebout. Un mariage d’intérêt pour Céline qui n’attache aucune importance à sa femme, puisqu’après seulement trois jours de vie conjugale, il décide de tout quitter pour s’embarquer vers le Cameroun.

En février 1916, la France et les Britanniques s’allient et occupent le Cameroun, anciennement colonie allemande. Le territoire est divisé en deux. La France, dans le but de valoriser les nouvelles colonies au Cameroun, encourage diverses compagnies de commerce et de plantation à venir s’implanter dans ce territoire nouvellement conquis.

Louis Destouches est recruté par la compagnie forestière Sangha-Oubangui comme négociant. L’envie de faire fortune et de découvrir ce continent exotique, le pousse à embarquer le 10 mai 1916 à bord du R.M.S (Royal Mail Ship).

Cependant, quand il met les pieds au Cameroun, la déception est profonde chez Ferdinand Céline. Dès son arrivée, il est envoyé par sa compagnie à Bikobimbo, pour travailler comme négociant avec les indigènes.

Son travail consiste à échanger les défenses d’éléphant apportées par les autochtones contre deux paquets de cigarettes. Cette vie lui rappelle vaguement, celle de la caserne et afin d’éviter l’ennui et la solitude, il s’adonne à l’écriture.

Il commence à rédiger une nouvelle de quinze pages, ayant pour titre Des vagues1. Elle sera publiée en 1977 à titre posthume, par Gallimard. En parallèle, il s’intéresse à la science, plus précisément, à la médecine.

1 David ALLIOT, Céline, la légende du siècle, Infolio, Illico, Paris, 2007.

1 Louis-Ferdinand CELINE, Carnet du cuirassier Destouches, Gallimard, Paris, 1970.

1 Louis-Ferdinand CÉLINE, Des vagues, Gallimard, Paris, 1975.

Certes, il est encore incapable d’ausculter un patient ou de le guérir, mais il tente de soulager la douleur des villageois qu’il côtoie et se penche de plus en plus vers la médecine. Au cours de son séjour en Afrique, sa santé se dégrade et il doit quitter le Cameroun pour retourner dans son pays natal.

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