Les médias du Hezbollah au service de la mémoire – Troisième partie :

Nous abordons dans cette section les fonctions que les médias du Hezbollah remplissent dans le contexte de la guerre souple contre Israël, et dans le processus de la construction de la mémoire collective.
Nous verrons que ces outils de communication sont destinés à promouvoir les productions artistiques comme les films, les portraits, les affiches, et les testaments des martyrs dans la société de résistance (Chapitre I), où nous expliquerons les missions du département des activités médiatiques du Hezbollah, ainsi que les productions cinématographiques qui ont comme thème principal l’histoire et les récits de la guerre mais qui sont présentés dans un contexte national, et enfin nous analyserons les productions iconographiques qui ont comme rôle de commémorer les martyrs et de diffuser l’idéologie du Hezbollah.
Dans un second lieu, on explique les façons dont ces médias fonctionnent pour accompagner les travaux du Hezbollah en diffusant ses nouvelles, sa pensée ainsi que son idéologie, à travers la presse écrite et audiovisuelle, laquelle occupe une fonction de complémentarité de mission avec les monuments et les activités commémoratives.
Ces médias serviront en même temps comme des instruments de guerre (Chapitre II), dans lequel on aborde la diversité de la presse écrite qui vise la catégorie des enfants ainsi que celle des adultes, et puis on montre l’importance de la chaîne Al-Manar, la seule chaîne télévisée du Hezbollah et son lien avec la société de la résistance et avec le monde extérieur.

Chapitre I : La production artistique

« Les grandes propagandes ont leur catéchisme : évangile selon Saint Marx, petit livre rouge du président Mao ou coran des islamistes.
Elles multiplient les cérémonies de commémoration et recourent à un vocabulaire ecclésiastique avec les fidèles, la foi, les martyrs […] Bien que la religion propose l’adoration des icônes et des substrats du divin, la politique sanctifie des incarnations révolutionnaires ou déifie des allégories […] l’imagerie politique développe une fonction liturgique […] c’est l’assomption d’une figure messianique dont la passion pérennise l’aventure
108». Jean-Paul GOUREVITCH

A- Le département des activités médiatiques : diversité de missions et de rôles

Ce département est formé de trois associations distinctes109, dont chacune a un but spécifique : « l’association libanaise des arts (Risalat) », qui gère directement tous les travaux culturels et artistiques du parti, comme l’organisation des ateliers de peinture et des pièces de théâtre, la publication des livres et des magazines, et la production cinématographique et télévisée, etc.
Une deuxième association qui est « l’association pour le renouvellement de l’héritage de la résistance » (Ehya’a) se spécialise dans tout ce qui concerne la mémoire orale de la résistance : témoignages des prisonniers, des blessés et des résistants, les testaments des martyrs, et les expériences des familles des martyrs.
Et enfin, « l’association libanaise du tourisme et de l’héritage » (Siage) qui a comme rôle principal de sauvegarder et de restaurer les monuments, les sites et les bâtiments qui étaient en relation directe avec les travaux de la résistance, comme le mémorial de Mlita, la prison de khyam, les tombeaux des martyrs, le château de Beaufort, et plusieurs projets au cours d’élaboration110.
Le Cheikh Ali Daher111 que nous avons rencontré, déclare que « tous les partisans de la résistance sont invités à sauvegarder et à protéger la mémoire de la résistance, qu’ils soient des étudiants, des militants, des écrivains, ou des employés… ».
Il ajoute que la mission principale de ce département est de « conserver cette mémoire et de protéger l’histoire de la résistance, à travers plusieurs activités qui portent sur les lieux, les films, les publications (livres, revues, romans…), les activités culturelles et médiatiques, les activités commémoratives, l’hommage aux martyrs, aux blessés et aux prisonniers, les pièces de théâtre, les ateliers et les concerts musicaux ».
Le Cheikh Daher ajoute : « Nous avons plusieurs buts stratégiques pour l’avenir », en expliquant que les opérations de suicide volontaire des martyrs du Hezbollah, ainsi que toutes les opérations importantes du parti seront commémorées par des sites et des monuments, comme une récompense à leurs sacrifices.
Il affirme ensuite que tous les martyrs appartenant aux autres partis de résistance sont aussi concernés par leurs projets, en justifiant que chaque martyr qui a défendu le territoire du sud contre l’occupant israélien, comme le parti communiste et le PSNS, est commémoré « de la même façon que les martyrs du Hezbollah. »
Daher déclare que ce département est en train de réaliser « la carte touristique de la résistance » qui sera réalisée par l’association Siage, dans le but d’informer les touristes libanais, arabes ou occidentaux sur les sites de la résistance qui se trouvent au Sud-Liban.
Toutefois, la carte aura un rôle plus loin que celui déclaré par le responsable du département médiatique, car une telle carte, qui sera réalisée avec un support du ministère libanais du tourisme, et qui sera diffusée dans toutes les administrations de l’Etat libanais, aura comme rôle d’imposer la culture de la résistance comme un élément principal dans la société libanaise, et comme un thème national touristique pour tous les libanais.
Le projet est constitué de deux cartes : la première sera utilisée pour montrer les lieux des combats célèbres qui ont eu lieu au sud seulement, ainsi que toutes les autres opérations militaires, et pour montrer les sites et les monuments de la résistance qui se trouvent dans cette région, tout en se concentrant sur la zone de sécurité construite par l’armée israélienne dès 1982 jusqu’à 2000.
Chaque indicateur symbolisé par un drapeau du Hezbollah sur la carte indique une action de la résistance durant toute la période de combat contre les israéliens : une bataille, une bombe préparée par les membres du parti, ou une opération de suicide volontaire…
Les objets principaux de la carte incluent tous les actes accomplis par la résistance islamique et les autres groupes de résistance. Chaque drapeau est légendé et est expliqué sur la marge de la carte : date du combat, résultat, nombres des morts et des blessés…)
En revanche, La deuxième carte englobe tout le territoire libanais, en montrant les sites touristiques qui se trouvent dans le pays, avec les sites religieux et naturels, et les lieux des activités de la résistance durant la période de l’occupation israélienne qui ont eu lieu hors de la zone sud (comme la bataille de Khaldeh à la banlieue Sud de Beyrouth, le massacre de Sabra et Chatila, le monument d’Abbas Al Mousawi qui se trouve au village d’Al-Nabi-Shit au Bekaa.
L’association a commencé à faire la procédure légale pour que la carte soit immatriculée au ministère de l’intérieur, tout en collaborant directement avec la direction du département de renseignement de l’armée Libanaise, pour qu’elle soit adoptée par le ministère libanais du tourisme, et ensuite pour qu’elle soit diffusée dans les administrations et les établissements officiaux112.

B- Le cinéma : un nouveau moyen pour présenter l’autre visage du Hezbollah

Selon Jérôme BIMBENET, le film offre « un ensemble de représentations qui renvoient directement ou indirectement à la société dans laquelle il s’inscrit ». Elle ajoute que les années 1930 furent « les grandes années du cinéma de propagande.
Les trois totalitarismes majeurs qui sont l’union soviétique, l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste contrôlent l’image et la représentation du pouvoir, ils institutionnalisent la propagande, et le cinéma devient une arme de persuasion 113 ».
De son côté, le Hezbollah a utilisé les productions cinématographiques à l’instar de tous les Etats qui ont connu la guerre, dans le but de commémorer ses martyrs et pour diffuser son idéologie et la culture de résistance.
L’association Risalat a travaillé depuis sa création en 2005 dans le domaine culturel et artistique de la résistance. Son archive contient un ensemble de productions télévisées, des films inspirés des récits réels portant sur la vie des martyrs et sur la société de la résistance.
En effet, et selon Soha Menassa114, « la guerre en tant que suite d’évènements, n’intéresse les cinéastes que dans la mesure où elle affecte l’individu dans sa vie, ses sentiments, ses comportements »…mais quant au spectateur, selon elle, tout devient réel et animé devant lui du moment où il se retrouve dans chaque histoire, et par suite « ce qui aurait pu être » devient à ce moment « ce qui a été ».
Elle ajoute que le processus personnel artistique et cinématographique de remémoration devient un processus de remémoration collective par procuration.
En revanche, les films réalisés par Risalat ont présenté les martyrs du Hezbollah comme des personnes modestes, simples, qui aiment la vie, qui ont des émotions comme tous les gens, mais qui ont sacrifié leurs vies pour défendre le territoire et pour conserver la dignité des autres.
À titre d’exemple, le film hablon kal warid (une corde comme une veine) introduit la souffrance des habitants du Sud-Liban dans un contexte tragique, ce film est inspiré des faits réels d’une famille qui a été chassée de sa propre maison au Sud, laquelle a été transformée ensuite par le Tsahal en une caserne militaire.
Ce drame de 90 minutes et traduit en français, anglais et perse, raconte la souffrance de cette famille.
Ce film qui a été projeté dans la plupart des salles de cinéma libanais, a été dirigé par un directeur iranien avec une équipe libano-iranienne, et avec la présence d’un acteur libanais chrétien très célèbre sur la scène libanaise Georges Shalhoub115.
Le suspens se présente à travers le film ahl al wafa (les gens fidèles) réalisé par le cinéaste syrien célèbre Najdat Anzour et marqué par la performance des acteurs libanais divers comme Ammar Shalaq et Pauline Haddad, et traduit en anglais et perse, il raconte durant les 72 minutes la préparation de la résistance d’une opération militaire contre l’armée israélienne, mais une erreur inattendue apparaît soudainement et met l’attention sur la sagesse et l’expérience du Qaed (dirigeant militaire) qui va diriger l’opération ensuite suivant les nouvelles considérations.
Les valeurs humaines qui rapprochent et « humanisent » les combattants du Hezbollah se manifestent à travers le film abyad wa aswad (noir et blanc) de douze minutes, qui montre les conséquences psychologiques de l’opération militaire israélienne « les raisins de la colère » en avril 1996 éclatée entre le Hezbollah et Israël, sur la vie d’un combattant de la résistance qui a été blessé gravement dans sa tête, ce qui rend sa vie tragique.
Il montre les détails de sa vie quotidienne qui sera humiliée par la société et aussi par l’ennemi, mais le film se termine par une fin surprenante.
L’amour et la passion sont aussi présents dans les films qui rappellent l’intégration de la résistance dans les vies des gens de la société du Hezbollah, on cite le film Jamila, un court film de quinze minutes qui raconte l’histoire d’une jeune fille libanaise de douze ans qui rentrait de son école, lorsqu’un jeune homme lui demanda de l’informer sur la route qui emmène au village de Odayseh.
Un instant après son départ, elle entendit le bruit d’une explosion énorme dans une caserne israélienne proche, et qui était due à l’opération suicidaire accomplie par cet homme.
La jeune fille ensuite sera attachée à ce martyr et a une grande passion pour le rencontrer dans la vie éternelle. Ce film est réalisé par une équipe libanaise, par la direction d’Adel Serhan, et la performance d’Ayda Wehbi, Abdo Chahine, et Katia Naim, il est aussi traduit en anglais, français, espagnol et perse.
Les films imaginaires ne s’excluent pas des films de la résistance puisque celui d’Al Sakhra (la roche), de 15 minutes montre la complémentarité entre la résistance et le peuple, il raconte l’histoire d’un agriculteur et d’un groupe de combattants de la résistance. Cet homme travaille dans un terrain où il y avait une roche sur laquelle sont écrit des expressions en hébreu.
Tout au long du film, il essaye de l’enlever, et le groupe en parallèle fait exploser un convoi du Tsahal, ce qui a fait arracher la roche de l’agriculteur dans une ambiance de solidarité et de complémentarité entre Abou Mohamad, le vieil homme qui représente tous les habitants de la zone occupée par l’ennemi et la résistance qui a aidé ces gens à s’ en débarrasser.
L’association Risalat 116, responsable de cette production cinématographique travaille aussi sur la création et la préparation des pièces artistiques durant les célébrations du Hezbollah, elle réalise tout ce qui est en relation avec l’identité visuelle durant chaque activité, en commençant par la création d’un logo convenable, et d’une clip vidéo qui raconte le contenu et l’histoire de l’activité dont on parle, en passant par les campagnes publicitaires à travers l’installation des pancartes dans les routes des villes et des villages quelques jours avant l’activité, et parfois elle produit des chansons spéciales durant les fêtes importantes qui seront exposées avant le discours de Nassrallah.
Médias du Hezbollah au service de la mémoire collective

• Comparaison avec le cinéma de la guerre en Israël et en Biélorussie : commémorations…et leçons de guerre

On traite en cas particulier les deux films internationaux qui ont porté sur le château de Beaufort au Liban et la forteresse de Brest en Biélorussie laquelle a eu une histoire similaire du premier. Les israéliens ont fait leur film international « Beaufort » qui a raconté les événements et l’histoire de la bataille qui a eu lieu au Château selon leurs points de vue, et selon leur politique.
Ce film raconte les événements de l’invasion israélienne du Sud-Liban, et tout particulièrement l’opération militaire qui est destinée à occuper le château de Beaufort, où des militants palestiniens se sont installés pour le défendre.
Il est réalisé par le cinéaste israélien Joseph Cedar117 en 2007, celui-ci a rédigé la première scène de ce film quand il a été emprisonné à cause de son refus de participer en tant qu’un réserviste dans l’armée israélienne à un combat militaire, en justifiant qu’il a perdu le sentiment d’être un soldat.
Après sa démission de l’armée, il a été bouleversé par la lecture d’un article de presse de Ron Leshem qui l’a publié dans le journal israélien Yediot Acharonot. Cet article a porté sur les récits d’un officier israélien qui a accompli son service militaire au Liban, ainsi que sur les histoires horribles des soldats qui ont perdu leurs vies pour « une guerre ridicule » selon lui.
Cet article a été transformé en un roman qui a remporté le prix Sapir, le plus prestigieux prix littéraire en Israël. Ensuite Cedar a collaboré avec l’auteur de l’article pour s’inspirer dans la réalisation de son film. L’équipe de la production a fait un décor dans une ancienne forteresse en Israël, qui était presque identique à celle de Beaufort 118.
Selon le cinéaste Cedar, ce film raconte la même situation durant laquelle se terminent toutes les batailles en général, et qui correspond à un moment brutal et tragique. Ce moment a eu lieu à Beaufort, avec la gigantesque explosion qui a détruit une partie de la colline sur laquelle se trouvait le château.
C’était un moment inoubliable, et une image qui cristallise à elle seule « l’inconcevable gâchis des vies humaines ». Ce film a été nommé aux oscars de 2008 dans la catégorie du meilleur film étranger aux Etats Unis, puis il a été récompensé au festival de Berlin en 2007, lorsque Cedar a gagné l’ours d’argent du meilleur réalisateur.
Le film a mis l’attention sur les côtés négatifs de la guerre, et spécialement sur « les fissures d’esprit » d’un soldat durant la guerre, et de tous ses collègues envoyés à la guerre. Ce groupe de soldats était isolé au château de Beaufort, dans un combat très fort, accompagné de l’obscurité, de la peur, et des moments tragiques119.
Ce film a fait une polémique en Israël car il a critiqué le pouvoir politique israélien, qui a envoyé ses soldats pour créer une victoire malgré leur faiblesse, ce pouvoir politique était « détaché de la réalité » selon Cedar, alors que les soldats ont affronté un ennemi invisible qui s’installe à la forteresse.
En contrepartie, aucun film libanais n’a été réalisé sur l’histoire du château de Beaufort, malgré les grandes facilités offertes aux réalisateurs Libanais pour produire un tel film : la disponibilité du site, la richesse des témoignages, la diversité des réalisateurs et d’acteurs, et l’importance d’un tel film pour la mémoire collective.
En effet, toutes les réalisations locales qui portent sur le conflit israélo-arabe n’auront pas la possibilité d’être exposées aux grands festivals internationaux, car elles restent jusqu’à maintenant des films de courts métrages, le plus souvent réalisés par le Hezbollah.
Les palestiniens, qui sont aussi concernés par l’histoire de ce château, puisque ce sont les membres de l’OLP qui y ont résisté durant la bataille célèbre contre les israéliens, n’ont pas réalisé que des articles de presse et des ouvrages, qui décrivent cette bataille durant laquelle trente membres ont été tués après leur défense historique.
La faiblesse des réalisations est due, bien sûr, au manque de parrainage, d’argent et d’équipes professionnelles pour réaliser un film capable de retracer leur histoire.
En Biélorussie, un film qui raconte les événements de la forteresse de Brest a été réalisé, intitulé « la bataille de Brest-Litovsk ». La similarité est trop forte : une histoire de défense d’une forteresse, durant laquelle plusieurs combattants russes ont résisté contre le nazisme.
Ce film de long métrage sorti en 2010 et réalisé par le scénariste russe Alexander kott, a été nommé pour le prix Nika du meilleur film de fiction au 33e festival international du film de Moscou120 et a obtenu plusieurs autres récompenses.
Le film a fait partie d’une nouvelle génération des films de guerre russe traitant la grande guerre mondiale et les autres combats121. Ce film les rejoint, car sa reconstitution historique est solide122. Il était considéré parmi les plus grands films de guerre de cette époque, il est un véritable film de guerre, dont son approche documentaire a réussi à se fondre dans une vérité historique très proche de la réalité123.
Ce qui est remarquable dans les deux exemples de productions cinématographiques israélien et russe, est que les réalisateurs ont voulu transmettre leurs points de vue sur les évènements historiques : soit leur mécontentement, soit leur fierté.
Le réalisateur du film Beaufort ne représente pas l’opinion de la majorité du peuple israélien, il a conclu les leçons après une dizaine d’années de sa participation à la guerre, il a voulu exprimer la ridiculité de toutes les guerres, et son mécontentement envers les politologues de son pays qui ne s’intéressent pas à la vie des citoyens.
Par contre, les russes ont fait le contraire, ils ont rédigé l’histoire de leur nation, le réalisateur était fier de montrer la défense héroïque des résistants lors d’une guerre qui a eu lieu depuis longtemps, mais la réalisation de son film était dans le but de sauvegarder ces événements, afin qu’ils ne soient oubliés.

C- Les testaments des martyrs :

Le Hezbollah est connu pour la façon de commémorer ses martyrs même avant leur mort. Ces commémorations commencent par la préparation du testament du combattant, pour qu’il soit diffusé après son martyrisme.
Une fois le jeune homme commence son travail djihadiste avec le parti, il doit passer par cette étape qui tire son origine historique de l’armée iranienne de Bassidje, dont ses soldats ont eu l’habitude de laisser souvent des écrits et un testament, accompagnés de cassettes, et plus rarement de vidéocassettes.
Mais c’est avec les martyrs libanais que l’emploi des cassettes vidéo s’est généralisé. Sana Mhaydli, le membre du PSNS, a été la première martyre qui laisse une vidéo dans laquelle elle faisait ses adieux à ses proches.
Selon Farhad KHOSROKHAVAR, on y trouve les thèmes de prédilection des martyrs : « le premier est la mutation de la tristesse en joie, le deuxième est la motivation de l’acte, lié à la lutte contre l’oppresseur, le troisième est l’identification de la mort en martyr au mariage, ce qui justifie les festivités, le refus de la tristesse et la nécessité de la joie collective, le martyr ne meurt pas mais demeure vivant et présent parmi les siens »124.
De son côté, le Hezbollah a ensuite commencé à filmer les testaments de ses combattants dans les montagnes et sur les collines.
Chaque combattant prend la parole pour lire son testament en arabe littéraire, qui porte le plus souvent sur sa gaieté d’être choisi par Dieu comme un martyr, le destin le plus noble dans la vie, il s’adresse ensuite à sa femme, à ses enfants et à ses parents, en les invitant à suivre les règles de la sharia islamique, d’être patients comme la famille du prophète qui a souffert durant la bataille de Karbala, et en invitant aussi ses enfants, ses frères et ses amis à protéger la résistance, à défendre cette école divine qui a libéré la terre et les esprits de l’occupation sioniste.
Le combattant qui marche à côté des arbres et des ruisseaux, vêtu du costume militaire et d’un foulard noir, sera filmé aussi en train de faire sa prière en souriant, en reflétant l’attention sur le grand degré de satisfaction spirituelle et personnelle d’être dans cette position et d’avoir choisi la décision de résister avec le parti de dieu.
Cette vidéo de quelques minutes sera projetée sur la chaîne Al-Manar ou auditivement sur la station Al-Nour. La projection des testaments est précédé d’un verset coranique qui glorifie les martyrs et affirme l’importance de leurs places chez Dieu, ils seront accompagnés par une musique spirituelle, par une imagination du paradis, où des pigeons y montent, qui symbolisent les martyrs qui vont y accéder.
L’utilisation de ces testaments diffusés quotidiennement sur la chaîne d’Al- Manar joue un rôle très important dans la diffusion de l’idéologie du parti chez les jeunes en particulier, car ils sont les futurs combattants. En effet, on peut constater deux thèmes principaux dans tous ces testaments : la religion et la résistance.
Tous les martyrs incitent leurs frères et leurs amis, leurs filles et sœurs à suivre les règlements de la religion, ils les incitent aussi à défendre l’existence de cette résistance. Les effets audiovisuels de ces vidéos de trois ou quatre minutes peuvent toucher la réflexion de chaque spectateur dans cette société.
La beauté des paradis imaginés, et la satisfaction du martyr qui se traduit par son sourire stimulent les jeunes à penser sur leurs rôles dans la vie. Ainsi, leur curiosité de connaître la raison de cette satisfaction va ensuite les pousser à suivre la pensée et le mode de la résistance.
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108 Jean-Paul GOUREVITCH, L’image en politique, De Luther à Internet et de l’affiche au clip, Paris, Hachette Littératures, 1998, P.73-74
109 Toutes ces associations travaillent sous la tutelle du Hezbollah, les drapeaux du parti figurent dans ces bâtiments, mais ils sont accrédités officiellement et légalement par le ministère libanais de l’intérieur et des municipalités
110 Comme celui de la vallée d’Al-Hjeir où le Hezbollah a eu sa fameuse victoire contre les chars de Mer kava en juillet 2006, et le projet qui sera construit dans la ville de Bint-Jbeil, la ville qui est restée hors de la portée israélienne lors de la même guerre, ce qui l’a donnée une grande valeur et un symbolisme de résistance pour le Hezbollah
111 Entretien effectué le 13/06/2014.
112 Le directeur du département Ali Daher nous a promis de nous donner une copie de la carte, mais s’est abstenu ensuite.
113 (J) BIMBENET, Film et histoire, Collection U, © Armand Colin, Paris 2007. P5-6.
114 MENASSA (S), Le cinéma d’après-guerre au Liban (1990-2005): une approche politique, mémoire de DEA soutenu en 2008 à l’institut de sciences politiques de l’université Saint-Joseph-Liban, dans le recueil des meilleurs mémoires, volume 3, 2013. P.30
115 Brochure de l’association Risalat
116 Il faut noter que Risalat est parmi les institutions rares du parti qui sont mises à jour sur l’internet, car elle attire l’attention sur la catégorie des jeunes qui représentent la catégorie la plus connectée aux réseaux sociales (Facebook, twitter…)
117 Cedar a passé neuf mois au Liban entre 1987 et 198, il était un soldat d’infanterie, parachutiste, et infirmier, il est stationné dans des forts disséminés dans le Sud-Liban. Cependant, deux de ses amis sont morts durant son expérience au Liban
118 Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de «Beaufort» et de son tournage !, publié sur le site web « Allocine », disponible sur ce lien :
http://www.allocine.fr/film/fichefilm-125775/secrets-tournage/ [consulté le 21/01/2015]
119 KERSHNER Isabel, Dark fissures of an Israeli soldier’s soul, publié au journal américain The New York Times, le 20/01/2008, disponible sur ce lien: http://www.nytimes.com/2008/01/20/movies/20kers.html?_r=0 [consulté le 21/01/2015]
120 La bataille de Brest-Litovsk (film), WIKIPEDIA, disponible sur ce lien: http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Bataille_de_Brest-Litovsk_(film) [consulté le 21/01/2015]
121 Comme le film « l’Etoile de lebvedev » en 2002 qui raconte les événements de l’opération Bagration de 1944, ou bien le film « Escadron de Bondartchouk » qui raconte l’histoire de l’engagement russe en Afghanistan
122 Battle for Honor: La bataille de Brest-Litovsk (2010) de Alexander Kott, publié le 05/09/2011 sur le Blog : HISTORICOBLOG, disponible sur ce lien : http://historicoblog3.blogspot.fr/2011/09/battle-for- honor-la-bataille-de-brest.html {consulté le 21/01/2015]
123 CRITIQUE DVD, LA BATAILLE DE BREST-LITOVSK, article publié sur le site : « L’heure de la sortie », le 29/08/2011, disponible sur ce lien : http://www.lheuredelasortie.com/sortie-dvd-1708-la-bataille-de- brest-litovsk/ [consulté le 21/01/2015]
124 (F) KHOSROKHAVAR, Les Nouveaux Martyrs D’ALLAH, Ouvrage publié sous la direction de Perrine Simon Nahum, © Flammarion, 2002. P 230

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