Promouvoir l'égalité de genre à partir de l'activité ludique

D. Initiatives

L’une des postures évoquées précédemment est la communication.
Les organisateur·ice·s d’événements ludiques sont amené·e·s à utiliser cet outil jusqu’à un rayonnement international comme par exemple le Festival International des Jeux de Cannes.
La communication est une image, un reflet de la profession.
En 2016, l’affiche du FIJ de Cannes a fait polémique chez les professionnel·le·s du jeu et a donc été modifiée suite aux remarques du public. (Affiches en Annexes).

première version de l’affichedeuxième version de l’affiche
couleursgarçon en bleu fille en rosefille en bleu garçon en vert
texte“pour l’amour des jeux” en noir
“JEUX” et “#” en rose
“pour l’amour des jeux” en bleu
“JEUX” + “#” en vert
personnagesdistinction entre fille et garçon : la fille porte une robe et a les cheveux longs. pièces de puzzle qui se complètent : le garçon en bleu a le morceau qui rentre dans le morceau de la fille en rosedistinction entre fille et garçon : la fille porte une robe et a les cheveux longs. pièces de puzzle qui se complètent : la fille en bleu a le morceau qui rentre dans le morceau du garçon en vert
détailscoeurs sur les pièces de puzzle pas de sponsorscoeur pour la fille et trèfle pour le garçon
sponsors visibles meeples en plus

On peut remarquer sur la première version de l’affiche que les codes du masculin et du féminin ont été utilisés (rose/bleu, cœurs, “amour”, robe, cheveux longs) mais aussi les codes de la norme hétérosexuelle en faisant apparaître sur l’affiche une fille et un garçon uniquement et en utilisant le mot “amour” pour décrire la situation.
Les pièces de puzzle peuvent aussi rappeler un rapport sexuel hétérosexuel (pièce bleue du garçon qui rentre dans la pièce rose de la fille).
Dans la seconde version de l’affiche, les codes couleur ont changé, le bleu est maintenant attribué à la fille (toujours en robe avec les cheveux longs) et le garçon est en vert. La couleur rose a totalement disparu de l’affiche.
La fille porte toujours la pièce de puzzle avec le cœur mais le garçon a maintenant une pièce de puzzle avec un trèfle et c’est la pièce de puzzle de la fille qui complète celle du garçon.
Des meeples ont été aussi ajoutés en bas de l’affiche.
Certaines personnes (professionnel·le·s ou parents) et structures ne se retrouvant pas dans les jouets et jeux proposés dans le commerce ont donc décidé de proposer des alternatives.
C’est ainsi qu’a été créé “The Moon Project” porté par la maison d’édition TOPLA, qui édite des jeux “éducatifs” sur les mathématiques, le français et l’environnement.
The Moon Project est composé de trois jeux pour promouvoir l’égalité : un mémo des métiers avec un homme et une femme pour chaque métier, une bataille féministe dans laquelle le roi et la reine ont la même valeur et enfin le jeu des 7 familles inspirantes avec 42 femmes qui ont marqué l’histoire.
Ce projet a pu voir le jour grâce à un financement participatif sur Ulule (plus de 30 000 € récoltés) alors qu’il a été lancé par une maison d’édition, ce qui semble étonnant car les autres jeux de TOPLA n’ont pas été financés par le public. Les projets de jeux prônant l’égalité sont très souvent à l’initiative de particuliers ou de petites structures n’ayant pas les moyens de sortir un jeu sans un financement important.
Ceux-ci se tournent alors vers le financement participatif ce qui induit que le projet n’a pas été soutenu par des éditeurs plus importants.
Un autre exemple est le projet “Who‟s she ?”, un jeu de « qui est-ce ? » avec 28 femmes célèbres qui ont changé le monde et les questions à poser ne sont pas sur le physique mais sur les accomplissements de la personne.
Promouvoir l'égalité de genre à partir de l'activité ludique
Ce projet a été financé sur Kickstarter, un site de financement participatif et a obtenu plus de 500 000 €. Ces deux projets ont donc obtenu les fonds suffisants, ce qui veut dire que le public aime ce genre de jeux et est prêt à investir de l’argent pour y avoir accès.
Ces jeux ont un intérêt éducatif certain mais le ressort ludique n’est pas forcément présent.
J’ai pu échanger avec des animateur·ice·s qui avaient présenté le jeu des 7 familles inspirantes à des enfants de primaire (entre 5 et 10 ans) qui m’ont dit que le fait de chercher les informations sur les personnages cassait la fluidité du jeu et les enfants avaient l’impression d’être à l’école, que l’on essayait de leur faire apprendre quelque chose par le jeu.
Le problème de ces jeux est donc l’intention : ces jeux n’ont pas été créé dans un but exclusivement ludique mais dans un but éducatif comme le dit la maison d’édition TOPLA elle-même : “Topla se lance sur le terrain de l’égalité filles-garçons via The Moon P roject avec le même objectif : apprendre autrement.”
Ces jeux mettent donc une intention derrière le jeu, ce qui ne correspond pas au projet des ludothèques mais peut correspondre au projet d’écoles par exemple.
L’Association des Ludothèques Françaises en 2018 a été à l’initiative de missions de service civique “promouvoir l’égalité de genre à partir de l’activité ludique”.  L’ALF a proposé à ses structures adhérentes intéressées d’accueillir un·e jeune en service civique pour 8 mois avec pour mission “promouvoir l’égalité de genre à partir de l’activité ludique”.
Ludambule a accepté d’accueillir une volontaire qui est arrivée en septembre 2018.
C’est avec elle que j’ai réalisé la situation expérimentale de TAP et nous avons beaucoup échangé sur ce que l’on pouvait mettre en place en ludothèque, échangé nos idées et nos observations.
Lors de mon stage à Ludambule, nous avons recensé toute la documentation sur le genre et l’égalité dans le jeu dont dispose l’association et avons commencé à faire l’inventaire des jeux de la ludothèque véhiculant des stéréotypes ou encourageant l’égalité.
Mathilde, en service civique à Ludambule a aussi eu l’idée de mettre un petit dépliant dans les jeux véhiculant des stéréotypes pour interpeller les joueur·se·s sans les déranger dans leur jeu, ils/elles ne sont pas obligé·e·s de le lire mais ce dépliant est personnalisé selon le jeu.
Par exemple, dans un jeu avec des chevaliers comme Medieval Academy le dépliant pose la question de ce qu’est le féminin de chevalier, à savoir une chevalière, qui n’est pas une femme qui combat à cheval mais une bague.
Le dépliant propose ensuite, si le sujet intéresse les joueur·se·s de se rapprocher de Ludambule pour en discuter. Dans un jeu avec une princesse à sauver comme Camelot, le dépliant explique que le rôle de princesse, passive qui attend qu’un homme vienne la sauver ne doit pas être le seul rôle représenté pour les jeunes filles et jeunes garçons, cette représentation transmet des injonctions pour chaque genre.
Mathilde a donc travaillé à faire de nombreux dépliants pour un certain nombre de jeux. Aussi, Elle a eu l’idée de proposer un graphisme autre pour certains jeux.
Par exemple, nous avons pris Colt Express dans lequel les personnages féminins sont stéréotypés : il y a deux femmes représentées dans ce jeu, Cheyenne, une indienne dont la particularité est de voler et Belle donc la particularité est la séduction.
Ces personnages sont donc très stéréotypés dans leurs actions et leur nom mais aussi dans les dessins. Les hommes de ce jeu sont habillés avec un pantalon et un t-shirt ou même une veste tandis que Belle et Cheyenne ont une robe avec la poitrine très en avant, visible et une posture suggestive.
Nous avons donc proposé pour chaque personnage féminin un calque transparent sur lequel nous avons dessiné une veste, un châle ou une robe plus couvrante, nous avons aussi proposé un calque pour certains personnages masculins avec des vestes, des t-shirts ou un chapeau rose.
Enfin, le système de classement des jeux de Ludambule fonctionne par étapes : d’abord les jeux surdimensionnés, puis les jeux genrés ou prônant l’égalité de genre puis les autres jeux sont classés selon ESAR.

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