L’évolution de la responsabilité du commissaire aux comptes au Maroc

La responsabilité du commissaire aux comptes – Chapitre II :

Section I : Evolution de la responsabilité du CAC au Maroc :

Le contrôle légal est introduit au Maroc par le dahir du 11 août 1922 portant application de la loi française du 24 juillet 1867. Le commissaire aux comptes, qui peut être un associé, était considéré comme le mandataire des actionnaires chargé de permettre à ceux-ci de se prononcer en connaissance de cause sur les comptes sociaux. Le texte de la loi était vague et restait muet sur la question de la responsabilité du commissaire aux comptes.
En octobre 1966, le décret royal portant loi n°195-66 a comblé quelques lacune, mais uniquement pour les sociétés d’investissement. Les commissaires aux comptes certifient, sous leur responsabilité, après vérification, l’existence matérielle du portefeuille qu’il figure au bilan.
La loi 17-95 de 1996 qui régit les sociétés anonymes a consacré une importance primordiale au commissaire aux comptes en l’investissant d’une mission d’intérêt général de contrôle et de surveillance des comptes sociaux, non seulement au profit des actionnaires, mais également des tiers. Motivé par le souci de crédibilité du contrôle légal, le législateur à imposé, dans le cadre de la nouvelle loi, des règles strictes de compétences et il a délimité le champ des incompatibilités.
C’est depuis le 17 octobre 199619 que le commissaire aux comptes exprime son opinion sur les états de synthèse s’ils donnent, ou non, image fidèle du résultat de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière patrimoine de la société à la fin de l’exercice.
La question de permanence de la mission de commissaire aux comptes est souvent un objet de méprise de la part de ceux qui mettent en cause sa responsabilité : la mission permanente s’entend sur la durée d’un exercice, et, non de façon quotidienne, bien évidemment20.

Section II : La responsabilité civile :

A. Fondement de la responsabilité :

Le dahir de 1922 disposait dans son article 43 que l’étendue et les effets de la responsabilité du commissaire aux comptes envers la société, sont déterminées par les règles du mandat. Cette disposition a été confirmé par l’article 74 du dahir de 1984 sur les coopératives qui a renvoyé de façon explicite aux règles générales du mandat, alors que le décret de 1966 sur les sociétés d’investissement a fait référence te notion de faon accessoire.
La règle jusque là prédominante était que la nomination du commissaire aux comptes devait s’analyser en un contrat de mandat passé entre celui-ci et les actionnaires.

B. Contenu de la responsabilité civile :

Les commissaires aux comptes sont tenus responsables, tant à l’égard de la société que des tiers, des conséquences dommageable, des fautes et négligences commises dans l’exercice de leurs fonctions21 .
Ils sont civilement responsables des infractions commises par les administrateurs ou les membres du directoire ou du conseil de surveillance, que en ayant eu connaissance ils ne les ont pas révélées dans leur rapport à l’assemblée générale.
L’action en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrit par 5 ans, à compter du fait dommageable, ou s’il a été dissimulé, de sa révélation22.
La nouvelle loi ne faisant aucune allusion à la notion de manda, ni à la responsabilité du mandataire, laisse transparaître que la responsabilité des commissaires aux comptes n’est pas une simple responsabilité contractuelle. Cependant, bien que la notion du mandat ne soit pas adaptée en général, à la situation du commissaire aux comptes, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un contrat particulier où s commissaires aux comptes sont nommés par l’assemblée générale, mais dépendent pas exclusivement d’elle, étant investit d’une mission légale de surveillance dans l’intérêt de la société, en tant que personne distincte de celle de ses actionnaires ou associés.
Ainsi, la responsabilité du commissaire aux comptes peut à la fois être contractuelle ou délictuelle. La mise en jeu de la responsabilité délictuelle suppose la réunion de trois éléments : faute, un dommage certain, en de causalité direct entre la faute et le dommage.
En matière contractuelle, la faute n’à pas en principe a être prouvée. Elle résulte de l’inexécution du contrat.
En matière délictuelle, le dommage causé à un tiers, ne résulte pas d’une relation juridique antérieure entre le commissaire aux comptes et la victime. L’acte préjudiciel causé par le commissaire aux comptes, doit être un acte interdit par la loi. Il consiste dans un acte dommageable, volontaire ou résultant d’un délit civil, ou un acte de négligence, d’imprudence ou de quasi-délit civil23.

17 Antoine SARDI : « Audit et Contrôle Interne Bancaire » ED Afges Septembre 2002.
21 Article 180 de la loi 17-95.
22 Article 181 de ladite loi.
23 Les conditions générales d’engagement de cette responsabilité du CAC sont édictées par les articles 77 78 du DOC.

Quel est alors contenu des trois éléments de base de la responsabilité civile du commissaire aux comptes ?
La faute : il y’a faute lorsqu’un commissaire aux comptes cause un préjudice à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. La faute est déterminée en fonction de l’étendue de l’obligation du commissaire aux comptes. Or, celle-ci ne peut être qu’une obligation de moyens et non de résultat. Il y’a donc faute du commissaire aux comptes, lorsque celui-ci n’a pas agi avec soin et diligence. Il appartient donc à la société ou aux tiers de prouver la faute et de démontrer l’existence d’un préjudice, autrement dit, de démontrer que le commissaire aux comptes n’a pas déployé les efforts requis pour exécuter sa mission avec toute la compétence et le soin que l’on est droit d’attendre d’un professionnel raisonnablement diligent.
Le dommage subi : pour qu’il y ait mise en jeu de la responsabilité du commissaire aux comptes, il est nécessaire que la faute commise par lui ait entraîné un préjudice. Le dommage peut être matériel, moral ou les deux à la fois.
Le lien de causalité entre la faute et le dommage subi : le préjudice subi doit être la conséquence directe et immédiate de la faute commise; ‘est à la société ou aux tiers qu’il revient d’établir ce lien. A titre d’exemple, si le commissaire aux comptes refuse de certifier les comptes, à la suite de quoi les administrateurs sont révoqués par l’assemblée générale, il s’agit bien d’un préjudice s’il est établi que la position prise, à tort, par le commissaire aux comptes a entraîné la révocation. De même, le refus de certifier peut faire perdre, par exemple, une chance à la société ou à un tiers acquéreur, la société ou les tiers doivent prouver qu’ils ont perdu une chance réelle et séreuse par la faute du commissaire aux comptes.

Section III : La responsabilité pénale :

La nouvelle loi sur les sociétés anonymes et la loi réglementant la profession d’expert-comptable ont instauré des mesures pénales très strictes à l’encontre des commissaires aux comptes dans l’exercice de leurs fonctions. L’objectif recherché étant de protéger les intérêts respectifs des différentes parties en cause qui peuvent se trouver lésés du fait de la commission de certaines infractions, que nous examinerons ci-après.

A. Violation du secret professionnel :

« … Toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonction permanentes ou temporaires, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateur, ont révélé ces secrets, sont punis de l’emprisonnement d’un moi à six mois et d’une amende de 120 à 1000 DH24… ».
En outre, les commissaires aux comptes et leurs collaborateurs sont astreint au secret professionnel25, la loi ne définit pas cependant pas de manière précise la notion de secret professionnel et son étendu. Ainsi, pour établir le délit de violation secret professionnel, deux éléments doivent être réunis :
** Existence d’informations couvertes par le secret professionnel connues par le commissaire aux comptes dans l’exercice de sa mission;
** Divulgation de ces informations par tous moyens (verbalement ou par écrit);

B. Incompatibilités dans l’exercice du commissariat aux comptes :

« Tout commissaire aux comptes qui accepte d’exercer cette mission sans respecter les incompatibilités légales définies par la même loi et par la loi réglementant la profession d’expert- comptable sera punie d’un emprisonnement de 1 à 6 mois et d’une amende 8.000 à 40.000 DH, ou de l’une de ces deux peines seulement 26»
« Est punit d’un emprisonnement de 1 à 6 mois et d’une amende de 8.000 à 40.000 DH, ou de l’une de ces deux peines seulement, toute personne qui sciemment aura gardé les fonctions aux commissaire aux apports, contrairement aux incompatibilités légales 27 ».
Par ailleurs, la loi réglementant la profession d’expert-comptable prévoit des mesures pénales à l’encontre de toute personne, interdite d’exercer temporairement ou définitivement ou, qui sans être inscrite au tableau de l’ordre, effectue entre autre, la mission du commissaire aux comptes28.
Les peines prévues consistent en un emprisonnement de 3 mois à 5 ans et/ou d’une amende de 1.000 à 40.000 DH, ou de l’une de ces deux peines seulement.

C. Indication inexactes en cas de suppression des droits préférentiels de souscription :

« Est punit d’emprisonnement de 1 moi à 1 an et d’une amende 12.000 à 120.000 DH, ou l’une de ces deux peines seulement, les commissaires aux comptes, qui auront sciemment donné ou confirmé, des indications inexactes dans les rapports présentés à l’assemblée générale appelée à décider de la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires29 ».

D. Communication d’informations mensongères sur la situation de la société :

« Sera punie d’un emprisonnement de 6 mois à 2 ans et d’une amende de 10.000 à 100.000 DH, ou l’une de ces deux peines seulement, tout commissaire comptes, qui soit en son nom personnel, ou au titre d’associé d’une société de commissaires aux comptes, aura sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société. Ces informations concernent aussi bien les comptes sociaux, que les informations données dans le rapport du conseil d’administration sur la situation de la société 30».cette situation peut résulter soit :

  • ** D’un acte positif, qui consiste à donner ou à confirmer une information mensongère, tel que certifier un bilan;
  • ** Du silence du commissaire aux comptes – le texte utilise l’expression sciemment – qui ne fait aucune objection par exemple, à un bilan inexacte, son silence vaut acceptation de façon tacite.

Le dahir portant loi relative aux OPCVM, prévoit les mêmes peines pour cette situation, avec un seuil minimum de l’amende de 5.000 DH au lieu des 10.000 DH.

26 Article 404 de ladite loi.
27 Article 383 de ladite loi.
28 Article 101 et 102 Loi d’expert-comptable.
29 Article 398 de la Loi sur les sociétés anonymes

E. Non révélation des faits délictueux :

L’article 169 de la loi sur les sociétés anonymes, met à la charge des commissaires aux comptes, l’obligation de porter à la connaissance du conseil d’administration ou du directoire, et du conseil de surveillance, aussi souvent que nécessaire, tous les faits leur apparaissant délictueux dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leur mission. Les commissaires aux comptes qui passent outre cette obligation sont frappés de mêmes peines prévues par l’article 405, cité ci-dessus, dans le cas de communication d’informations mensongères sur la société.
La révélation initialement prévue dans le projet de loi était destinée à informer le procureur du Roi. Cette disposition a été amendée en ce sens que l’obligation de révélation demeure mais seulement au profit du conseil d’administration. En cas de manquement de cette obligation, le commissaire aux comptes s’expose à des peines pénales assez lourdes.
Il convient d’insister à cet égard, compte tenu des conséquences possibles découlant de cette disposition, sur le fait qu’il est nécessaire de cerner correctement l’étendue de cette obligation en vue d’éviter les conflits et les conséquences qui viendraient à naître à ce titre.
Ainsi, le commissaire aux comptes est tenu de révéler des faits, ce qui signifie qu’il n’est pas tenu de rechercher si tous les éléments du délit son constitués.
En outre, il doit avoir eu connaissance de ces faits dans l’exercice ses fonctions et qui concernent le fonctionnement de la société. Le commissaire aux comptes a donc une obligation de moyen, il ne saurait être chargé de rechercher des délits.
En effet, il faut souligner que ce n’est pas l’existence des délits non révélés par le commissaire aux comptes qui doit engager sa responsabilité, mais plutôt la connaissance par le commissaire aux comptes de ces délits, qui crée l’obligation de les révéler.
Enfin, le commissaire aux comptes est tenu de révéler tous les faits. A ce titre, c‘est au commissaire aux comptes que revient la responsabilité ‘en apprécier le caractère délictueux pour les révéler aux organes de gestion ou non, et quelque soient leurs importances.
En outre, il n’est pas fait explicitement obligation au commissaire aux comptes de porter ces faits à la connaissance de l’assemblée générale. Cependant, nous pensons qu’il est requis du commissaire aux comptes, en cas de persistance de ces faits et en fonction de leur importance significative, d’en faire mention dans le rapport général destiné à l’assemblée annuelle.
Le commissaire aux comptes
Mémoire de fin d’études
Introduction
Chapitre premier : Le commissaire aux comptes dans un établissement de crédit et de financement
Section I : Le cadre législatif du CAC sur le plan national
Section II : Le commissariat aux comptes est une mission d’intérêt public
Section III : Les particularités du commissariat aux comptes dans le domaine bancaire
Chapitre II : La responsabilité du commissaire aux comptes
Section I : Evolution de la responsabilité du CAC au Maroc
Section II : La responsabilité civile
Section III : La responsabilité pénale
Section IV : La responsabilité disciplinaire
Conclusion

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