Les missions des éditeurs universitaires privés et publics

Les missions des éditeurs universitaires privés et publics

6.2 – Les missions des éditeurs privés et publics

Selon le rapport du GFII, L’ebook dans l’EPUR, le secteur de l’EPUR se distingue de l’édition générale, notamment parce que le premier participe à la diffusion des savoirs scientifiques pour un public spécialisé constitué de chercheurs, de professionnels, voire d’étudiants.

Cependant, ce n’est pas la seule différence.

Nous souhaitons souligner dans cet ouvrage la spécificité du secteur de l’EPUR par rapport à l’édition générale.

En effet, sur nombre de points clés, l’EPUR n’obéit pas aux mêmes mécanismes et diffère de cette dernière en termes de modèles économiques, offre de services, répartition de la valeur dans la chaîne de l’information, ou encore pratiques d’achats et usages des publications. [GFII, 2012]

Cet ouvrage va donc nous permettre de souligner quelques différences entre l’édition privée et l’EPUR.

Les éditeurs publics ont une mission d’intérêt public et les éditeurs privés se basent sur leur activité économique.

Les premiers se basent donc sur une économie du savoir pour la valorisation des connaissances alors que les seconds privilégient une économie de la création basée sur la créativité et la propriété intellectuelle.

La valeur d’un livre d’EPUR tient donc plus à son caractère de nouveauté dans le monde scientifique, ce qui favorise l’évaluation de l’auteur par ses pairs. Les éditeurs privés publient des ouvrages d’une grande vulgarisation scientifique afin de cibler un lectorat très large, faire un grand nombre de ventes et ainsi, assurer leur viabilité économique.

Les presses universitaires listées précédemment proposent en général les versions PDF des ouvrages, donc des livres homothétiques, dans leur catégorie livres numériques.

Par conséquent, elles ne développent pas beaucoup l’aspect livre enrichi que l’on retrouve chez les éditeurs privés. Pourtant, ce sont les travaux universitaires qui ont fait avancer l’édition du livre numérique, à l’instar des Presses universitaires de Caen.

L’exemple du catalogue de cet éditeur montre d’ailleurs cette ambiguïté.

Première presse universitaire française à développer une chaîne d’édition du livre numérique, cet éditeur ne propose pourtant que quatre revues et trois livres au format numérique.

La chaîne d’édition est donc correctement mise en place, mais le format de livre numérique au sein de l’édition scientifique n’est encore assez ancré dans les usages, ce qui entraîne une production très faible de ces fichiers.

5. Méthode d’apprentissage à distance en ligne.

L’interopérabilité des données et la standardisation des formats mises en place dans l’édition scientifique assurent la liberté du lecteur vis‐à‐vis de l’achat du livre numérique ou de la liseuse et permet aux éditeurs et plates‐formes de cohabiter.

Cette normalisation n’est pas aussi présente dans le marché de l’édition privée dont certains acteurs n’hésitent pas à développer leur format, voire leur propre liseuse.

C’est le cas d’Amazon, entreprise spécialisée dans le commerce électronique, notamment de livres, qui a développé le format Mobi pour sa liseuse Kindle.

Dans l’édition publique et d’un point de vue économique, le partage de la valeur d’un livre s’oppose à celui d’une revue, notamment au niveau de la rémunération des auteurs.

Dans l’édition scientifique de revues numériques, les auteurs ne sont pas rémunérés, plus particulièrement dans le cadre de ventes de bouquets par une plate‐forme, donc dans un système B to B6. Ce qui n’est pas le cas dans l’édition scientifique de livres papiers où les auteurs sont rémunérés, comme dans l’édition privée.

Les pratiques d’achats des lecteurs diffèrent également.

Dans l’édition privée, le modèle B to C est très fréquent, le consommateur étant un acheteur individuel qui achète pour son usage personnel des titres à télécharger ou à consulter en ligne.

Dans l’EPUR, nous ne parlons pas d’achat individuel, mais d’achat groupé car ce sont plus souvent des institutions qui vont acquérir des droits d’accès aux ressources pour en permettre l’accès à leurs usagers, ce qui correspond à un modèle B to B.

Les catalogues en ligne des bibliothèques sont d’ailleurs prioritairement utilisées comme mode d’accès à l’information par le milieu des universitaires, des chercheurs et des professionnels, ceux‐ci connaissant la constitution du fonds et sachant s’orienter facilement grâce à la rigueur des notices bibliographiques [Tessier, 2008].

Le grand public aura plutôt tendance à questionner son moteur de recherche préféré pour y trouver une information abondante, d’une qualité pas toujours assurée et beaucoup moins normalisée.

L’EPUR favorise l’interopérabilité de ses données pour être diffusé sur le Web et faciliter leur accessibilité dans les catalogues de références bibliographiques.

6. Business to Business, les contrats se passent d’entreprises en entreprises, de l’éditeur aux plates‐formes, des plates‐formes aux institutions pour diffuser et/ou vendre les livres, moyennant un droit d’accès aux titres. Dans le système B to C, Business to Consumer, l’éditeur est directement en lien avec l’acheteur.

Les ressources de l’EPUR sont acquises pour un lectorat spécialisé dont les usages diffèrent de ceux du lectorat généraliste de l’édition privée.

Le lectorat scientifique est d’ailleurs composé de plusieurs types d’usagers aux besoins précis, selon leur statut ou leur discipline7.

Ainsi, le lectorat professionnel souhaitera de la « mobilité, un accès rapide aux articles de références, des illustrations fixes ou animées pour illustrer des cas pratiques ».

Pour les étudiants, l’accès simultané aux ouvrages par plusieurs usagers et la facilité de trouver un article, idéalement en ligne sont des critères importants. Les étudiants chercheurs voudraient « Effectuer des recherches exhaustives sur un sujet, établir des états de l’art ».

Quant aux enseignants chercheurs, leurs usages sont également diversifiés tout en étant très spécifiques.

  • Effectuer des recherches d’informations profondes et exhaustives ;
  • Effectuer une veille permanente et personnalisée sur la production académique dans leur discipline ;
  • Disposer d’une couverture mondiale et multilingue des références dans leur champ de recherche ;
  • Disposer d’un service personnalisé d’accès ; Chapitre 5, [GFII, 2012]

Face à cette diversification du lectorat spécialisé et réduit, les « niches », les éditeurs publient de plus en plus de livres hautement spécialisés. Les livres scientifiques doivent par conséquent être édités selon des critères stricts au niveau des usagers.

L’édition privée est également composée de nombreuses thématiques et d’usages très variés, mais n’ayant pas ce même but de diffusion et valorisation de la recherche, elle ne développe pas les mêmes modalités d’accès et fonctionnalités du livre numérique, quitte à en faire des applications afin de donner une mise en page spécifique au texte.

7. Nous n’évoquerons ici que les usages principaux des différents statuts présentés dans le livre blanc.

Pour vous informer sur les usages selon les disciplines ou les ouvrages, reportez‐vous au chapitre 5 du livre, « Des besoins différents suivant les disciplines » et « Des besoins différents suivants les types d’ouvrages consultés », [GFII, 2012].

Conclusion  :

La production de livres numériques dans l’édition scientifique est lancée en 2011 dans de nombreuses presses universitaires françaises.

Celles‐ci ayant bénéficié des avancées des Presses universitaires de Caen, elles doivent désormais faire évoluer leur politique éditoriale, tant au niveau de la vente des livres que de la relation avec les différents acteurs de la chaîne, qu’ils soient traditionnels ou nouveaux venus.

Ceci nécessitera d’autres journées de travail et conférences entre les différents organismes développant conjointement ces points au niveau national.

Les Presses universitaires du Septentrion ont débuté la publication numérique en prenant en compte l’interopérabilité des données qu’elles éditent, que ce soit au niveau des métadonnées des ouvrages que des fichiers qui composent ces derniers.

Cette reconversion numérique a engendré une réflexion sur l’identité graphique de l’éditeur face à la mondialisation des ouvrages et va l’amener à revoir ses relations avec l’autorat et le lectorat qui ont de plus en plus de contacts entre eux et avec l’éditeur via le Web 2.0.

La nouvelle chaîne éditoriale amène également des changements au niveau même de la définition du livre et de la valeur qu’il peut prendre grâce à sa diffusion sur le Web. la transformation des documents analogiques en documents numériques n’est qu’une étape mineure du travail d’édition numérique.

La valeur du document numérique réside dans d’autres dimensions que sa seule existence. L’édition numérique est un processus de création de valeur permettant des usages nouveaux, qui passent par la mise en place d’une nouvelle donne documentaire et la mise en œuvre de fonctionnalités spécifiques. p. 57‐58 [Dacos, Mounier, 2010]

En 2012, le livre numérique est un complément du livre imprimé en développant de nouvelles fonctionnalités propres à sa diffusion et aux usages qu’elle engendre. Dans quelques années, ce sera peut‐être l’inverse.

De fait, le livre doit être pensé différemment selon les éditeurs publics et privés, ceux‐ci se basant sur leur activité économique et pas sur la diffusion des connaissances.

Le marché du livre numérique entame une période de croissance chez tous les éditeurs, publiques comme privés. Comme l’a souligné le GFII, la vente de livres scientifiques va progresser avec les années et le SNE annonce déjà que les revenus de l’édition numérique sont en hausse de 7,2 % entre 2010 et 2011 [SNE, 2012].

Dans ce marché en progression, il est d’ailleurs possible que les modalités d’accès soient aussi variées que pour les revues. Ceci permettrait de toucher l’ensemble des usagers, mais ce paysage de modèles économiques dans l’édition scientifique risque de creuser les différences dans cette même édition et avec le secteur privé.

En août 2012, l’accès payant aux ressources numériques et privilégié et l’open access est encore rare, mais favorable à la diffusion des savoirs qui est un des objectifs de l’édition scientifique française.

De plus, les usages du livre numérique ne sont pas encore fixés et sont considérés comme « mouvants » dans les établissements supérieurs.

Les usagers ne font pas la distinction entre les différents types de ressources, articles, revues, chapitres d’un ouvrage, qu’ils considèrent tous comme des documents électroniques. Avec le livre numérique, la lecture est de plus en plus fractionnée et l’achat de chapitres de livres étant possible, les internautes le lisent comme un article.

Ceci remet d’ailleurs en cause le concept de l’unicité du livre vers un livre modulaire recomposable à la demande. Selon le GFII, certaines plates‐formes ne font pas la différence entre les ventes de revues et de livres numériques. Pourtant, l’édition scientifique fait bien la différence entre la publication d’un article et d’un ouvrage, notamment au niveau des auteurs.

Cette indifférenciation entre revue et ouvrage ne va donc pas dans l’intérêt des éditeurs de livres scientifiques.

De plus Robert Darnton a fait mention que fin des années 2000, les modalités d’accès aux revues étaient si chères que les bibliothèques universitaires américaines faisaient l’impasse sur l’achat de monographies, celles‐ci ne représentant plus que 20 % du budget alloué [Darnton, 1999].

Selon l’auteur, ces phénomènes mettent en péril le principe même de monographie. De même, le livre numérique va modifier les critères d’évaluation de la recherche, comme par exemple avec le label EDES développé par la BSN, qui sera bénéfique pour les centres de recherche et les publications de leurs chercheurs et enseignants chercheurs.

La mutation du livre papier au livre numérique peut être comparée à celle de « Gutenberg ». Une transformation technique capitale pour la lecture mais également pour l’auteur. Pierre Mounier développe cette double révolution dans un article n’ayant rencontré qu’un faible écho à sa publication en 2010.

Sa première révolution est celle du passage du statique au dynamique. Le livre imprimé est en effet un objet inerte, dont la forme est fixée et immuable.. […]

La deuxième révolution du livre numérique est celle de sa socialisation. [Mounier, 2010]

Lire le mémoire complet ==> (Publication numérique dans l’édition scientifique : Presses universitaires du Septentrion)

Mémoire de stage Master 2, Mention Ingénierie documentaire, édition et médiation multimédia IDEMM

Université Charles de Gaulle, Lille 3 – Unité de Formation et de Recherche IDIST

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Publication numérique dans l’édition scientifique. Le cas des Presses universitaires du Septentrion
Université 🏫: Université Charles de Gaulle, Lille 3 - Ingénierie documentaire, édition et médiation multimédia - Mémoire de stage master 2
Auteur·trice·s 🎓:

Émilie Duvinage
Année de soutenance 📅:
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