« … technologique de la fracture numérique et son acception socio-économique – nous montrerons que la seconde englobe la première. Nous évaluerons les portées thématiques et géographiques de la fracture numérique. Puis nous apporterons des justifications au choix de notre point de… »

REIMS Management School Formation Approfondie au Management

Mémoire de fin de master En vue de l’obtention du Diplôme Sup de Co Reims

La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis

La fracture numérique en France : au-delà de la dimension technologique, quels enjeux et quels défis socio-économiques pour la France d’aujourd’hui et de demain ?

PAR : Frank ADEBIAYE

JURY : Diana MANGALAGIU – SUPERVISEUR

2004-2006

Avant-propos

Quelques considérations sur la technologie

La fracture numérique est – par essence – un sujet éminemment technologique. Avant de le traiter, il convient de déterminer ce que l’on appelle, sans plus y prêter attention, « technologie ». Étymologiquement, il faut parler du λογος de la τεκνη, c’est-à-dire du langage de la technique.

La technologie est donc avant tout un discours. Par conséquent, un discours sur la technologie est un discours sur le discours, un méta-discours ! L’élucidation du sujet d’un tel discours ne s’en trouve que compliqué. La fracture numérique en tant que sujet technologique n’échappe pas à cette règle. Il faudra donc nous garder de tout méta-discours sur la fracture numérique. Car dans ce cas, le péril est double. D’une part, nous aurons à faire à un sur-commentaire sur les techniques liées à la fracture numérique. D’autre part, par le redoublement du discours, ce dernier s’en retrouvera prépondérant par rapport à son objet, à savoir la technique elle-même.

Dès lors une première conclusion s’impose d’elle-même : il ne saurait y avoir de technologie sans technique. Si nous voulons, comme c’est le cas dans cet opus, toucher quelque chose de tangible, de concret, d’opérationnel, il nous faut faire le tri dans le discours pour toucher, appréhender au mieux cette technique et d’en évaluer par nous-mêmes les tenants et les aboutissants.

À ce stade, deux apports nous paraissent utiles à la construction de cet édifice de sens, deux déchiffreurs infatigables – et contemporains – de la technique : Jacques Ellul (1912-1994) et Günther Anders (1902-1992).

Jacques Ellul, tout d’abord, nous met en garde – avec sa véhémence et son sens de la provocation coutumiers – contre l’utilisation abusive du mot « technologie » :

Ce livre s’appelle Le Bluff technologique. Ce titre fera réagir sévèrement la plupart des passants. S’il y a un domaine dans lequel aucun bluff n’est justement permis, c’est bien celui de la technique ! Les choses sont claires ici : on peut ou on ne peut pas. Quand l’on dit que l’on va marcher sur la Lune, effectivement on marche peu de temps après sur la Lune.

Quand on dit que l’insertion d’un cœur artificiel est possible, on le fait et on constate que cela marche ! Où est le bluff ? Mais il s’agit ici seulement d’une erreur de lecture. […] Le mot technologie, quel qu’en soit l’emploi moderne des médias, veut dire : discours sur la technique.

Faire une étude sur une technique, faire de la philosophie de la technique, ou une sociologie de la technique, donner un enseignement [nous mettons en italique] d’ordre technique, voilà la technologie. […] Mais cela n’a rien à voir avec l’emploi [nous soulignons] d’une technique […]1.

Günther Anders, quant à lui, met au jour une autre distinction entre technologie et technique ; il y introduit la notion de modernité.

Technology est à l’origine un mot qui désigne simplement une technique particulière ; le terme de technologie est un anglicisme qui s’est imposé pour désigner les techniques les plus modernes : on parle volontiers de technologie spatiale pour désigner la fabrication et l’usage des fusées, mais on ne parlerait de technologie à propos de menuiserie, de plomberie ou de maçonnerie que pour des outils ou des matériaux faisant intervenir un élément de ces techniques de pointe (par exemple, une machine à commande numérique, des pièces normalisées ou des matériaux nouveaux).

Nous entérinons cet usage en utilisant ce mot selon le sens qui lui restera pour désigner le complexe industriel et technique propre à notre époque et l’idéologie du progrès matériel qui l’accompagne.

La technologie est un ensemble de techniques, d’outils et de machines, d’organisations et d’institutions, et également de représentations et de raisonnements, produits à l’aide d’une connaissance scientifique très avancée de certains aspects de la nature et des hommes.

Cette connaissance ne peut parvenir à ce degré de maîtrise et de précision spécialisée que grâce aux produits technologiques que ses précédentes avancées ont permis à l’industrie de mettre au point.

Par exemple, les manipulations génétiques sont inimaginables sans des connaissances très spécialisées en biologie moléculaire, qui elles-mêmes ne peuvent être acquises qu’à l’aide d’un appareillage complexe mettant en œuvre une maîtrise très fine de la physique, de la chimie, etc.

Ainsi, chaque technologie met en œuvre des techniques très diverses avec une grande précision, et donc le développement technologique induit une coordination entre les différents secteurs industriels, la normalisation des techniques et des produits, le réglage précis des échanges, et tout cela à son tour induit le développement des technologies par les capacités nouvelles de production et les éléments de base normalisés et recombinables à volonté dont se dote ainsi la production industrielle. […]

En ce sens la technologie est un stade supérieur de la technique, d’abord parce qu’elle s’est acquise des bases qui lui sont spécifiques à partir des formes précédentes, mais surtout parce qu’elle s’est créée à partir de là, en quelque sorte, un monde qui lui est propre. […]2

Nous voilà prévenus. C’est désormais le « monde propre » de la fracture numérique que nous allons explorer.

Introduction

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication [ NTIC – note de l’auteur ] sont parmi les forces qui mènent la globalisation. Elles réunissent les hommes et apportent aux décideurs des outils révolutionnaires pour le développement. Dans le même temps, l’écart entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas accès à l’information ne cesse de s’élargir et il y a un vrai danger à ce que le monde des pauvres soit exclu de l’économie globale émergeante basée sur le savoir3.

Par ces deux phrases, Kofi Annan pose admirablement le problème de la fracture numérique. Il ne fait pas que la caractériser ; il explique pourquoi c’est un problème.

Kofi Annan définit la fracture numérique comme un « écart entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas accès à l’information ». Il évacue habilement la question technique pour se pencher sur sa finalité : l’information. Le « monde propre »4 de la fracture numérique, c’est l’information.

En qualifiant les NTIC de « forces », Kofi Annan se démarque de la pensée très critique d’Ellul4. Plus encore, il les inscrit dans le phénomène de la « globalisation » où leurs vertus s’exercent en « réuniss[a]nt les hommes ».

Ce n’est pas tout, la visée économique, que l’on devine déjà, se précise tout à fait. Les NTIC « apportent aux décideurs des outils […] pour le développement » dans le cadre d’une « économie globale […] basée sur le savoir ». Enfin, il met tout ce monde en mouvement : les « outils » sont « révolutionnaires », l’« écart […] ne cesse de s’élargir », l’« économie globale […] basée sur le savoir » est « émergente ».

La démarche de Kofi Annan a donc été de définir la fracture numérique (« écart entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas accès à l’information »), de dégager les enjeux (« réuni[r] les hommes », « outils révolutionnaires pour le développement ») et de laisser entrevoir des défis (« économie globale émergente globale du savoir »). Ne perdons pas de vue non plus que Kofi Annan a évacué rapidement la question de la technique elle-même pour s’intéresser à sa finalité.

Nous proposons de suivre la même démarche, en posant donc comme nous invite Kofi Annan, l’hypothèse de la prépondérance de la finalité sur la technique elle-même. À la différence – toutefois – que nous nous pencherons plus particulièrement sur le cas français.

Pourquoi le cas français ? Parce que c’est celui qui nous est le plus familier, parce que nous pouvons ainsi avoir accès aisément à un nombre conséquent de données chiffrées et d’études sur la fracture numérique.

Ce faisant, nous pourrons nous consacrer plus nettement à la problématique centrale de notre mémoire, à savoir :

Montrer qu’au-delà de la dimension technologique, la fracture numérique en France comporte des enjeux et pose des défis socio-économiques pour la France d’aujourd’hui et de demain

Nous nous attacherons donc, dans un premier temps, à définir précisément la notion de fracture numérique. Nous ferons notre choix entre l’acception technologique de la fracture numérique et son acception socio-économique – nous montrerons que la seconde englobe la première.

Nous évaluerons les portées thématiques et géographiques de la fracture numérique. Puis nous apporterons des justifications au choix de notre point de vue – nous reviendrons notamment sur les raisons du choix français.

Dans un deuxième temps, nous mettrons en évidence les enjeux à l’œuvre derrière la fracture numérique en France. Ces enjeux sont de trois ordres : infrastructures, accès, usages. Nous les examinerons tant au niveau des individus qu’à celui des entreprises.

Enfin, nous nous intéresserons aux défis posés par la fracture numérique. Dans le cas français, nous en voyons trois, majeurs : l’aménagement du territoire, l’e-gouvernance et la compétitivité.

Sommaire

C Introduction
I. Définition
I.1. Approche thématique
Technologique vs. socio-économique
Fracture vs. fossé numérique
I.2. Approche géographique
Au niveau international : la problématique du développement
À l’échelle des pays : les pays développés sont aussi touchés par la fracture numérique
I.3. Le problème de la mesure et le point de vue adopté
Le problème de la mesure
Point de vue adopté
II. Enjeux
II.1. Les infrastructures
Quelles sont les infrastructures qui se cachent derrière le mot « TIC » ?
Radioscopie de l’implantation des normes de connectivité en France
L’ultime alternative ? : la délégation de service public et les réseaux d’initiatives publics
II.2. L’accès
La lente victoire du haut débit sur le bas débit
La réalité de l’accès à Internet des Français selon le lieu de consultation
La fracture socio-économique de l’accès à Internet
II.3. Les usages
La durée et la fréquence d’usage
Les services utilisés
L’intérêt pour ces mêmes services
III. Défis
III. 1. L’aménagement du territoire
III. 2. L’administration en ligne
Donner accès à un maximum de « téléservices »
Développer la satisfaction des usagers
III. 3. La compétitivité
Bref bilan de la compétitivité des équipements en TIC des entreprises françaises
L’usage organisationnel des TIC dans les entreprises
Conclusion

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis
Université 🏫: REIMS Management School Formation Approfondie au Management
Auteur·trice·s 🎓:
Frank ADEBIAYE

Frank ADEBIAYE
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin de master En vue de l’obtention du Diplôme Sup de Co Reims - 2004-2006
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