Typologie des messages utilisés par les associations pour communiquer

Typologie des messages utilisés par les associations pour communiquer

IV. Typologie des messages utilisés par les associations pour communiquer

Afin de mettre en avant les éléments relatifs au positionnement des associations sur le marché de la générosité, nous allons étudier les messages et campagnes de communication des associations à travers une grille de lecture réalisée par Pierre Bocchini10 et que nous avons adaptée pour les besoins de cette étude.

Nous verrons ainsi quelques unes des caractéristiques relatives au positionnement des associations parmi lesquelles :

  •  le type d’actions menées par les associations
  •  la thématique récurrente aux messages formulés : le combat à mener
  •  la tonalité et le style de discours utilisés
  •  la façon dont la victime est mise en scène
  •  le rôle proposé au donateur
  •  les stratégies d’appel au don

La définition d’un positionnement amène une façon de communiquer, bien que ceci ne puisse pas être schématisé. La manière dont les associations communiquent vers leurs donateurs est aussi liée à leur histoire (base militante ou non), aux valeurs qu’elles défendent (on imagine mal une association de défense des droits de l’homme bafouant le droit à l ‘image des victimes représentées), ou à la structuration de leurs ressources financières (répartition des fonds privés dans les ressources), etc.

1. Le type d’actions menées par les associations

Trois grands types de fléaux sont dénoncés lors des messages formulés par les associations

Les trois grands types de fléaux dénoncé  :

La maladie / le Sida, le cancer, la lèpre, etc.

La faim, le sanitaire et social .

Un mal socio-politique / la pauvreté, l’exclusion, les mines anti-personnel, la torture, etc.

10 vice-Président de la Novosphère depuis 1995 et ancien Directeur Général d’Optimus (agence de conseil en marketing et communication spécialisée dans le secteur d’utilité publique).

De part la nature de ces fléaux, il existe un clivage fort entre deux types d’associations :

Deux grands types d’associations

Deux grands types d’associations  :

Les organisations « antidote » engagées contre un mal qui attend de trouver sa solution : l’ARC contre le cancer, Ensemble Contre le Sida, L’AFM contre les maladies génétiques)

Les organisations « solution » qui luttent contre un mal éradiquable : Action Contre la Faim, Raoul Follereau pour la lutte contre la lèpre etc

2. Une thématique récurrente : le combat à mener

Lorsque l’on étudie les messages véhiculés par les associations dans leurs campagnes de communication, on remarque que la plupart d’entre elles communiquent sur la nécessité d’un combat à mener.

Ce thème, qui est l’essence même de l’existence des associations, est une thématique récurrente, qui se décline sur 3 registres clés : le combat par la mobilisation collective ou individuelle, le combat contre le temps qui passe et le fléau qui perdure, le combat pour une victoire accessible.

Il peut paraître curieux que les associations répondent à une situation de crise (porteuse de violence) par un appel au « combat », mot de vocabulaire relatif à la guerre.

Cependant, cette thématique est régulièrement employée, sous différente forme :

Le combat par la mobilisation collective ou individuelle

Cette forme d’interpellation est utilisée dans un cadre d’action politique en proposant de combattre les causes du problème. L’association sensibilise ainsi le public sur la force et le pouvoir ponctuels que peuvent constituer des personnes informées.

Le combat par la mobilisation collective ou individuelle

Dans cette campagne, Amnesty International appelle directement le lecteur à s’engager, se mobiliser contre la torture.

On peut par ailleurs noter la force de l’apposition du mot arme et de la matérialisation de celle-ci par un stylo.

De plus, le poing levé porte une dimension symbolique forte : la révolution la manifestation la volonté de faire valoir ses droits

Le slogan de Médecins Du Monde « nous luttons contre toutes les maladies, même l’injustice. » peut être placé dans cette catégorie puisqu’il donne, au-delà du soin, une dimension politique ainsi qu’une dimension d’engagement, à l’action de l’association.

Le combat contre le temps qui passe propose une mobilisation dans la durée, ce qui nécessite de rappeler régulièrement l’urgence.

Qu’il s’agisse d’une situation précise ou d’une cause plus générale (la faim ou les mines anti-personnelles), le temps est celui de l’urgence, laquelle s’exprime à travers des énoncés types qui insistent sur les conséquences meurtrières du temps qui passe et sur le pouvoir réparateur des dons d’argent.

L’urgence est directement liée à l’argent. L’argent vient à bout du temps. Les questions de l’espace et de l’éloignement sont absentes puisque les solutions proposées se résument à la vitesse et à l’argent qui est réduit soit aux sommes dérisoires demandées (15€ ou 100F avec Action Contre la Faim lors de la campagne autour de Leïla – sur laquelle nous reviendrons plus tard ; 1F par jour puis 1€ par semaine avec Médecins Sans Frontières), soit à la facilité de la démarche financière.

– Le combat pour la victoire contre le fléau dénoncé

Lors d’un combat, l’accent est mis sur la victoire, le « mieux » qui arrive à l’issue du combat. Dans la communication humanitaire, il en va de même : il faut montrer ce contre quoi il faut lutter, mais aussi ce pour quoi il faut lutter. Il faut un message d’espoir suite au dénoncement de la misère : il faut proposer de rééquilibrer les émotions du donateur potentiel.

Quand Action Contre la Faim communique, dans le dossier de presse de sa deuxième campagne, avec des mots tels que « La faim peut et doit être vaincue. Or, ce combat est à la portée de tous. », la notion d’accessibilité de la victoire est mise en avant.

3. La tonalité et le style du discours

La tonalité du discours révèle une volonté de distanciation (en proposant un filtre) ou, au contraire, de proximité entre le donateur et la victime par l’intermédiaire de l’association.

On peut classer ces tonalités en trois catégories : la tonalité directe, sobre ou suggestive. Selon la tonalité choisie, l’association amène des types de dons différents : la tonalité ostentatoire amènerait un don émotif ou magique, la tonalité sobre un don plaisir ou un don rationnel, et la tonalité suggestive un don militant ou un don plaisir.

La tonalité « directe » qui appelle le donateur à ouvrir les yeux

Celle-ci est basée sur la violence et l’immédiateté de la mise en contact du donateur potentiel avec la victime et le fléau : le problème est alors montré dans toute sa crudité.

La situation est résumée en une image ou une formule simple et violente. Le message culpabilise directement ou indirectement le récipiendaire (cf Handicap International envoyant un mailing accompagné d’une petite béquille en bois).

Ce style, emprunté à l’information journalistique, légitime l’outrance visuelle et produit un effet de réalité et d’objectivité (apparente absence de mise en scène et de parti pris). L’ostentation de la victime et de sa souffrance cherche à provoquer une réaction chez le récipiendaire du message : un don émotif ou magique.

Exemple : Raoul Follereau, Action Contre la Faim.

Ci-dessous, la campagne lancée en 2000 par Action Contre la Faim montre des victimes aux corps décharnés et aux visages émaciés.

Cette campagne illustre la détresse et la solitude des populations victimes de la faim.

Ici, une femme ne pouvant plus nourrir son enfant, là, un homme seul, privé de tout moyen de subsistance.

A ces photos utilisées afin de « montrer » une certaine réalité aux lecteurs, nous ne trouvons aucune explication quant au contexte dans lequel elles ont été prises.(excepté sur le site Internet où il est précisé que ces photos ont été prises avec beaucoup de sensibilité et de respect par Eric Bouvet, au Soudan),

Le fond noir tend à accentuer le caractère dramatique de la situation.

Seuls le logo et la signature d’Action Contre la Faim (deuxième image) sont en couleur, comme si l’intervention de l’association était la solution (un point de couleur) à cette extrême détresse (renforcée par l’effet noir et blanc).

Action Contre la Faim Action Contre la Faim

La tonalité sobre / réaliste

A l’opposé du premier modèle, la tonalité joue sur la puissance de l’absence, évoquant de manière indirecte la réalité du drame et de la victime.

Cette communication sobre tend à se développer car le public est saturé d’images et d’informations. La sobriété instaure une garantie de sérieux et véhicule une image de pudeur (contraire à la surmédiatisation). Le donateur potentiel ne se sent pas manipulé, ce qui n’est pas pour autant le cas. Cette tonalité tente de susciter des dons plaisirs ou rationnels. La notion de culpabilité s’efface alors au profit de la responsabilité.

Différentes formes d’expression sont utilisées : texte sur fond noir, sans images, face-à-face sous forme de récit intimiste, style métaphorique faisant passer un message difficile en empruntant un autre contexte pour l’évoquer.

Exemple : la campagne de Solidarités, hiver 2002.(voir page )

Médecins du Monde a lancé, fin 1999, une campagne d’information dont l’objectif est de sensibiliser le grand public à la vocation de Médecins du Monde qui est de soigner, mais aussi d’aller au-delà du soin, c’est-à-dire témoigner des situations inacceptables (dénoncer, interpeller, faire pression pour que «ça change», proposer des solutions et agir)

Ci-dessous, 4 des affiches de la campagne institutionnelle de Médecins Du Monde.

4 des affiches de la campagne institutionnelle de Médecins Du Monde

Cette campagne positionne l’association sur un créneau militant, dénonçant les résultats d’actions ou de manque d’actions de la part des politiques nationales ou internationales en laissant le lecteur libre d’identifier les responsables de la situation.

La tonalité suggestive / allusive

Entre les deux extrêmes, se situe un style plus sobre, la vie telle qu’elle est vécue. Cette forme vise à refléter une réalité quotidienne sans choquer et en usant de l’ellipse, du symbole, ou en refusant d’utiliser des artifices rhétoriques. Les souffrances et le malheur sont souvent suggérés au travers de petites choses de la vie quotidienne, ce qui instaure une proximité entre la victime et le donateur.

Le message est allusif, il faut parfois le relire pour comprendre tout ce qu’il implique. Cette tonalité s’adresse à des donateurs faisant partie de la classe moyenne supérieure. Elle attire donc plus de dons militants et de dons plaisir.

Exemple : le spot TV de la Fondation de France en novembre 2001 et les campagnes d’Amnesty International.

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