Les caractères du contrat d’assurance-crédit

Les caractères du contrat d’assurance-crédit

sous-section 3 :

Les caractères du contrat d’assurance-crédit

147. L’exclusion de l’assurance-crédit du champ d’application du code des assurances a pour conséquence que cette opération relève du droit commun des obligations.

Les parties fixent librement le contenu des polices279.

En principe, le contrat d’assurance-crédit ne nécessite que l’échange de volonté des parties, même s’il est astreint à des exigences de forme 280.

Il nous a paru intéressant d’examiner le caractère consensuel et d’ordre public (Paragraphe 1) du contrat d’assurance-crédit, et son caractère aléatoire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1:

Le caractère consensuel et d’ordre public du contrat d’assurance-crédit

148. Le contrat d’assurance-crédit devient parfait dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré 281 . Il s’agit d’une technique contractuelle qui repose sur les règles du droit des obligations. En principe on peut librement aménager le contenu du contrat.

Toutefois, l’institution d’assurance présente un intérêt social évident, et des dangers pour les assurés consommateurs, qui ont amené le législateur à instituer des règles d’ordre public, auxquelles il ne peut être dérogé.

L’article L 111-4 du Code des Assurances, dispose que « l’autorité administrative peut imposer l’usage de clauses type de contrats ».

Toutes stipulations d’une police, restreignant le champ de garantie par rapport aux clauses type, sont réputées non écrites282.

278 Les instances dumarché commun en ont été conscientes puisqu’elles ont proposé l’instauration obligatoire d’une réserve d’égalisation à l’instar de ce qui est prévu pour l’assurance-grêle, ou les résultats sont également cycliques comme on le sait.
279 Cass.1er civ. 11juin 1981, Bull. civ, I, no 206, D. 1982, somm.23.
280 L’écrit est exigé par l’article L 112-3 du Code des assurances, ainsi que différentes indications exigées par l’article L 112-4.
281 Cass. Civ. II, 14 Juin 2007, 06-15955 ; RC et Ass. 2007, Com. n°290.
282 Lyon, 22 Octobre 1987, RGAT, 1988, p.58, note D. Begin.

L’article L 111-2 du Code des assurances dispose que : « Ne peuvent être modifiées par convention les prescriptions des titres I, II et III du présent livre, sauf celles qui donnent aux parties une simple faculté et qui sont contenues dans des articles déterminés ».

En revanche, il est intéressant de donner un aperçu sur le caractère synallagmatique (Sous paragraphe 1), et le caractère onéreux (Sous paragraphe 2) du contrat d’assurance-crédit.

Sous paragraphe 1 :

Le caractère synallagmatique du contrat d’assurance-crédit

149. Le contrat d’assurance met à la charge des parties, des obligations nécessairement réciproques.
Nous allons dès lors mettre en lumière les obligations mises à la charge de l’assureur (A), et de l’assuré (B).

A- Pour l’assureur

150. Les pertes et les dommages occasionnés causés par la faute de l’assuré ou par des cas fortuits sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police 283.

Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré.

L’assureur doit exécuter la prestation prévue au contrat dans le délai convenu284. Il ne peut être engagé au delà.
L’obligation de l’assureur consiste donc en l’exécution d’une prestation en cas de réalisation du risque assuré285.

B- Pour l’assuré

Le contrat d’assurance met à la charge de l’assuré les obligations suivantes :

  • 1o- L’obligation de déclaration du risque, ou de son aggravation

151. L’assuré doit répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend à sa charge.

Il doit déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire précité, dans un délai de 15 jours286.

  • 2o- L’obligation de payer la prime d’assurance

152. Le contrat d’assurance met nécessairement à la charge de l’assuré le paiement d’une prime ou cotisation:

    • Proportionnée à l’importance et à la probabilité de réalisation du sinistre
    • Aux époques convenues

283 L’article L 113-1 du Code des assurances.
284 L’article L 113-5 du Code des Assurances.
285 Laquelle peut prendre plusieurs formes :
– Paiement d’une indemnité ou d’un capital
– Organisation de la défense de son assuré : garantie défense et recours, protection juridique.
– Prestation d’assistance
286Article L 113-2 du Code des Assurances.

Au terme de l’article L 113-2, 1°, du Code des Assurances, l’assuré est obligé de payer la prime aux époques convenues.

A défaut, il s’expose à la procédure de suspension de la garantie, et de résiliation du contrat d’assurance, prévue par l’article L 113-3 du code des assurances.

  • 3o- L’obligation de respecter les conditions de garantie
  • 4o- L’obligation de prendre des mesures conservatoires en cas de sinistre
  • 5o- L’obligation de déclaration du sinistre

153. L’assureur doit être averti le plus rapidement possible de la survenance d’un sinistre, de manière à lui permettre de prendre les mesures nécessaires pour en limiter les conséquences, ou exercer ses recours éventuels.

L’article L 113-2, 4°, du Code des Assurances, oblige l’assuré à donner avis à l’assureur, dès qu’il en a eu connaissance et au plus tard dans le délai fixé par le contrat, de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l’assureur, sous peine de déchéance de garantie287.

287 Ce délai ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés.

Toutefois, lorsqu’elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive
ne peut être opposée à l’assuré que si l’assureur établit que ce retard lui a occasionné un préjudice. De plus, elle ne peut être opposée dans tous les cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure.

Sous paragraphe 2 :

Le caractère onéreux du contrat d’assurance-crédit

154. La garantie de l’assureur n’est due qu’en contrepartie d’une prime ou cotisation.
Il ne pourra donc pas se prévaloir de la subrogation légale de l’article L 121-12 des Assurances, ou de l’article 1251 du Code Civil, s’il effectue un règlement purement commercial, sans avoir reçu de prime en contrepartie.

Il ne pourrait alors que se faire subroger conventionnellement dans les droits de la victime qu’il indemnise, en respectant les formalités de l’article 1250 du Code Civil (subrogation expresse, en même temps que le paiement…)

Si l’assuré ne règle pas sa prime, l’assureur a la possibilité de suspendre sa garantie, et de résilier son contrat en respectant les formalités de l’article L113-3 du code des assurances.

Paragraphe 2 :

Le caractère aléatoire du contrat d’assurance-crédit

155. L’article 1964 du Code Civil définit le contrat d’assurance comme une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain.

L’aléa existe dès lors qu’au moment de la formation du contrat les parties ne peuvent apprécier l’avantage qu’elles en retireront parce que celui-ci dépend d’un évènement incertain 288.

Il résulte de l’article L 113-1 du Code des assurances que l’assureur ne répond que des «cas fortuits» ou des conséquences dommageables de la faute simple de l’assuré, à condition que celle- ci ne soit pas volontaire.

156. Le sinistre ne doit donc pas être réalisé lors de la souscription du contrat 289. Le caractère aléatoire du contrat d’assurance s’oppose à ce qu’un assureur prenne en charge un sinistre que l’assuré savait déjà réalisé au moment de la souscription du contrat : notion de passé inconnu290.

288 Cass. Civ. III, 4 Juillet 2007, 06-13275
289 Cass. Crim., 11 décembre 2007, 07-81665 ; RC et Ass. 2008, n°115.
290 Cass. Civ. I, 10 Avril 1996, 94-11.174 – Cass. Civ. I, 12 février 1991, 88-18.179 ; RGAT

Le sinistre doit dépendre d’un cas fortuit.

L’article L 113-1 du Code des Assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et des dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré291.

Il s’agit d’une exclusion légale, d’ordre public, qui se rapproche du principe indemnitaire. Le sinistre volontaire possède alors un caractère «frauduleux» qui peut constituer un délit d’escroquerie à l’assurance.

Conformément au principe général de l’article 1315, al.2, du Code Civil, c’est à l’assureur, qui entend s’exonérer de son obligation de garantie, de rapporter la preuve du caractère intentionnel du fait dommageable.

157. Afin de sauvegarder le principe aléatoire, l’assureur pourra donc insérer une condition de garantie, subordonnant par exemple celle-ci au respect des règles de l’article.

Le plus souvent, cette exigence sera insérée dans le contrat sous forme d’une clause d’exclusion de risque de la manière suivante : «Sont exclus de la garantie les dommages non aléatoires, tels que ceux qui découlent inévitablement de la nature du travail et de ses modalités d’exécution…».

Dans la mesure où même une condition de garantie peut être qualifiée d’exclusion indirecte de risque, il appartiendra toujours à l’assureur de rapporter la preuve de l’absence de caractère aléatoire du risque, lequel sera apprécié souverainement par le Juge292.

 1991, p. 363 – Cass. Civ. I, 4 novembre 2003, 01-14.942 ; RGDA 2004, p.337, note J. Kullmann.
291 Absence d’aléa.
292 Cass. Civ. I, 20 juin 2000, RGDA 2000, p.1049, note J. Kullman.

Avant de terminer l’étude du caractère du contrat d’assurance-crédit, il est intéressant d’examiner le caractère d’adhésion (Sous paragraphe 1) et le caractère de bonne foi (Sous paragraphe 2) de ce contrat.

Sous paragraphe 1 :

Le caractère d’adhésion du contrat d’assurance-crédit

A cet égard, deux points seront succinctement étudié l’adhésion de l’assuré (A) d’une part, et l’adhésion de l’assureur (B) d’autre part.

A- L’adhésion de l’assuré au contrat d’assurance-crédit

158. Normalement, c’est l’assureur qui propose un type de contrat à son futur assuré, lequel est libre ou non de l’accepter.

L’assuré consommateur ne peut généralement négocier la totalité des stipulations du contrat qui entre généralement dans un modèle déterminé, variable selon les Compagnies.

Mais une négociation reste cependant possible, notamment en ce qui concerne les franchises, plafonds, taux de prime ou les conditions de garantie.

Les caractères du contrat d’assurance-crédit

Il résulte de l’article 1152 du Code Civil que «dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l’obligation».

Il en résulte que l’interprétation d’un contrat d’assurance doit se faire en faveur de l’assuré.

Toutefois, en ce qui concerne les grandes entreprises, les Polices d’assurance sont souvent négociées par l’intermédiaire des Courtiers, qui établissent parfois eux-mêmes les contrats293.

293 On ne peut plus alors parler de «contrat d’adhésion».

Dans tous les cas, c’est à l’assuré de rechercher quel est le type de contrat qui répond le mieux à ses besoins spécifiques, et il peut avoir intérêt à se faire conseiller par des professionnels, qui connaissent bien le marché de l’assurance : intermédiaires tels les agents généraux, les courtiers…

B- L’obligation de conseil de l’assureur

159. Comme tout professionnel, l’assureur est cependant tenu d’une obligation de prudence et de diligence lors de la conclusion des contrats (notion d’avant-contrat spécifique du contrat de vente), ainsi que d’une obligation de conseil.

L’assureur doit s’informer des besoins spécifiques du client, et lui proposer une couverture adaptée.
Le problème se rencontre notamment à l’occasion de l’activité déclarée par l’assuré.

Ainsi, l’assureur devra conseiller une garantie couvrant sa responsabilité en cas de dommages causés à l’occasion dans les divers aspects de son activité professionnelle.

La faute commise par l’assureur dans son devoir d’information et de conseil, engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’assuré, permettant à ce dernier d’obtenir réparation du préjudice que cette faute lui causerait, notamment du fait d’un défaut d’assurance, sur le fondement de l’article 1147 du Code Civil.

Le montant des dommages et intérêts auquel peut prétendre l’assuré peut correspondre au montant de l’indemnisation dont la faute de l’assureur l’a privée.

Sous paragraphe 2 :

Le caractère de bonne foi du contrat d’assurance-crédit

160. La bonne foi doit précéder et accompagner toute la vie du contrat d’assurance-crédit.
Les parties doivent coopérer dans la mise en œuvre du contrat les articles 1134 et 1135 du Code Civil.

A- La bonne foi de l’assureur

161. Nous allons mettre en lumière la bonne foi de l’assureur au moment de la souscription du contrat (§1) et à l’occasion du règlement du sinistre (§2).

§1 – Au moment de la souscription du contrat

162. L’assureur est tenu d’une obligation de conseil de bonne foi tout au long de la vie du contrat, et notamment lors de la souscription du contrat.

Il doit faire preuve de loyauté, en conseillant à son client des garanties adaptées, et en l’informant clairement sur les clauses et conditions du contrat.

§ 2 – A l’ occasion du règlement du sinistre

163. Il est fait appel à la notion de bonne foi pour sanctionner l’assureur qui se comporte de manière déloyale à l’égard de l’assuré, en refusant ou en retardant le règlement du sinistre :

    • Manœuvres dilatoires294
    • Absence de réaction à l’approche de l’expiration de la prescription biennale295.
    • L’assureur doit attirer l’attention de son assuré sur la nécessité de souscrire une assurance complète, alors que l’exclusion de garantie contenue dans la police recelait un piège indécelable pour l’assuré296.

164. D’une manière générale, les juges estiment que la résistance de l’assureur à honorer ses engagements devient abusive lorsque l’assureur maintient son refus de régler alors qu’il détient tous les éléments selon lesquels le sinistre est effectivement couvert par le contrat.

294 Cass. Civ. I, 19/01/1988, RGAT 1988, p.479, note J. Bigot
295 Cass. Civ. I, 6/12/1994; RGAT 1995, p.57 note J. Kullman
296 Cass. Civ. I, 6/01/1994, RGAT 1994 1986, note L. Mayaux

C’est souverainement qu’après avoir analysé les différentes opérations auxquelles s’est livré chacun des experts, a souverainement estimé, qu’aucun désaccord n’existait entre eux, que la nomination d’un troisième expert était inutile et que, par son refus de verser un acompte et son comportement dilatoire, l’assureur avait aggravé les dommages et provoqué la perte totale du fonds assuré297.

Toutefois, l’abus du droit de l’assureur de se défendre en justice, après avoir refusé d’exécuter son contrat, n’est susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil, que si son comportement fautif est caractérisé298.

B- La bonne foi de l’assuré

165. L’assuré doit répondre de bonne foi aux questions qui lui sont posées par l’assureur lors de la déclaration du risque299, et doit déclarer les circonstances nouvelles d’aggravation de risque300, faute de quoi il s’expose à la nullité du contrat sur le fondement de l’article L 113-8 du Code des assurances, en cas de preuve de mauvaise foi de sa part.

A défaut de mauvaise foi, il s’expose seulement à la réduction proportionnelle de taux de prime de l’article L 113-9 du code des assurances.

L’assuré doit respecter les conditions de garantie prévues dans la police d’assurance (mesures de prévention, utilisation de moyens de protection…), faute de quoi il s’expose à un non garanti.

Aux termes de l’article L 113-1 du Code des Assurances, les conséquences de la faute intentionnelle de l’assuré sont légalement inassurables, ce qui est un principe d’ordre public.

L’assuré devra faire preuve de bonne foi dans la déclaration de sinistre 301 , faute de quoi il s’expose à une déchéance de garantie.

297 Cass. Civ. I, 29 février 2000, 97-21.301
298 Cass. Civ. II, 30 juin 2004; 02-19.758; R.C. et Ass. 2004, n°282 et 314.
299 Article L 113-2, 2°.
300 Article L 113-2, 3°.
301 Prise de mesures de sauvegardes, préservation des recours de l’assureur, respect du délai de déclaration du sinistre, accomplissement des formalités prévues au contrat, établissement d’un état de pertes …

En cas de réalisation d’un sinistre frauduleux, l’assuré est non seulement déchu de la garantie, mais pourra être poursuivi pour délit d’escroquerie à l’assurance.

Dès lors, après tant d’avatars, tant de détours, tant d’influences souvent réciproques, qu’est devenue la compagnie d’assurance-crédit moderne ?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L'assurance-crédit interne
Université 🏫: Université Montpellier I - Faculté de droit et de science politique - Discipline : Droit privé et sciences criminelle
Auteur·trice·s 🎓:
Jessica Chahoud

Jessica Chahoud
Année de soutenance 📅: Thèses pour obtenir le grade de Docteur De L'Université Montpellier I - 6 novembre 2021
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