L’utilisation frauduleuse de la carte bancaire du consommateur

L’utilisation frauduleuse de la carte bancaire du consommateur

Section 2 :

Les protections complémentaires

657. Un système de protection complet

La directive sur les services financiers à distance accorde d’autres protections au consommateur, à titre complémentaire, en matière de paiement par carte (A), de vente forcée (B) ou de communications commerciales non sollicitées (C).

En outre, un certain nombre de voies de recours doivent être assurées au consommateur en cas de conflit (D) ; d’autres mesures également envisagées par la directive concourent à la protection du consommateur (E).

A. Les mesures réparatrices en cas d’utilisation frauduleuse de la carte bancaire du consommateur

658. L’imprécision de la directive

La directive oblige les Etats membres à prendre des mesures en cas d’utilisation frauduleuse d’une carte de paiement996 dans le cadre des contrats à distance.

Dans ce cas, le consommateur victime d’une telle utilisation frauduleuse doit pouvoir demander l’annulation du paiement et être recrédité des sommes versées (art. 8).

Le législateur européen n’en dit pas plus, étant donné que la question des paiements a déjà fait l’objet d’une recommandation de la Commission997.

996 Pour le problème des « yes-cards », cf. enquête sur la recette de fausses cartes bancaire diffusée sur Internet, Yahoo actualités multimédia, 18 novembre 2004, « le GIE carte bancaire estime que l’utilisation de ces yes- cards cause un préjudice de 15 millions d’euros aux banques en 2003 ».

997 Recommandation 97/489/CE de la Commission du 30 juillet 1997 concernant les opérations effectuées au moyen d’instruments de paiement électronique, en particulier la relation entre émetteur et titulaire.

659. Le Code monétaire

Le droit français est d’ores et déjà en adéquation avec la directive de 2002. En cas d’utilisation frauduleuse de sa carte, les articles L. 132-1 à L. 132-6 du Code monétaire et financier998 prévoient en particulier que le consommateur peut bénéficier d’une « re-créditation » de son compte dès la première demande.

En effet, l’article L. 132-4 indique que « la responsabilité du titulaire d’une carte mentionnée à l’article L. 132-1 n’est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte ». Cet article paraît suffisamment large pour inclure les paiements réalisés via l’Internet.

En revanche, un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris999 semble remettre en cause cette protection dans la mesure où il impose au demandeur (le consommateur en l’espèce) de prouver qu’il était resté en possession de sa carte lors de l’utilisation frauduleuse.

Pratiquement, cette solution risque d’inciter les établissements de crédit à refuser systématiquement le remboursement des sommes frauduleusement utilisées, vu que la preuve sera difficilement apportée par le consommateur de bonne foi, et accentuant par-là le déséquilibre que la loi veut restreindre.

660. Responsabilité du cybermarchand

Les dispositions de la directive de 2002 doivent aussi être mises en relation avec celles de l’article 15 de la LEN du 21 juin 2004.

En effet, cette dernière introduit une « responsabilité de plein droit » du cybermarchand ; en d’autres termes, le fournisseur de services financiers en ligne est responsable envers l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat.

Il pourra toutefois s’exonérer en prouvant que l’inexécution est imputable à l’acheteur, du fait de sa mauvaise foi ou d’une mauvaise utilisation du service.

Ainsi, la protection du consommateur se trouve « renforcée par la nécessité de respecter un certain nombre d’obligations accrues par rapport à une activité de commerce traditionnelle1000 ».

Cependant, compte tenu des possibilités d’exonération qui réajustent in fine les tâches de chaque cocontractant, l’obligation qui pèse sur le fournisseur revient, semble-t-il, à garantir simplement la fiabilité de son procédé dématérialisé de paiement ou de fourniture de la prestation commandée (exécution de l’obligation), à défaut d’instituer une véritable responsabilité de plein droit (dont le prestataire ne pourrait s’exonérer qu’en prouvant un cas de force majeure) ; il est parfaitement normal que l’établissement de crédit qui propose la souscription, sur son site Internet, à un service financier, soit responsable de son fonctionnement.

A notre sens, il ne s’agit que d’une adaptation de l’obligation générale de délivrance mise à la charge du vendeur.

998 Introduits par la loi n 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

999 CA Paris, 9 décembre 2004, JCP E, 9 juin 2005, p. 858, note BOUTEILLER P.

1000 BROUSSE F., L’impact de la LEN sur la relation client, 4 septembre 2004, disponible sur : www.droit- ntic.com.

B. L’interdiction de la vente forcée

661. Demande préalable

La directive oblige également les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour interdire les ventes forcées telle que la fourniture de services financiers à un consommateur sans demande préalable de celui-ci et lorsqu’elle s’accompagne d’une demande de paiement immédiat ou différé.

En outre, en cas de fourniture non demandée, le consommateur doit être dispensé de toute obligation, et l’absence de réponse de sa part ne vaut pas consentement.

Néanmoins, cela ne signifie pas qu’un contrat ne peut pas être tacitement reconduit, lorsque le droit national le prévoit.

La directive précise en effet que cette interdiction est « sans préjudice des dispositions des États membres relatives à la reconduction tacite de contrats à distance lorsque celles-ci permettent une telle reconduction tacite » (art. 9).

Par exemple, en matière de contrats d’assurance, lorsque la loi prévoit la reconduction tacite du contrat en l’absence de notification contraire d’une des parties, il ne s’agit pas d’une vente forcée.

Notons à ce propos que la loi du 28 janvier 20051001 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur vient réglementer la pratique de la reconduction tacite entre professionnels et consommateurs1002.

Pour tous les contrats de prestation de service, elle crée un nouvel article L. 136-1 du Code de la consommation prévoyant que le professionnel doit informer le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite.

A défaut de respecter cette obligation d’information, le consommateur pourra mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction.

De même, la loi de 2005 complète le Code des assurances d’un nouvel article L. 113-15-1 pour les contrats d’assurance couvrant les personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles : la date limite d’exercice par l’assuré du droit à dénonciation du contrat doit être rappelée avec chaque avis d’échéance annuelle de prime ou de cotisation1003.

Dès lors et « puisque l’immense majorité de ces contrats sont conclus à distance, la faculté de rétractation que prévoit le code en la matière semble pouvoir être utilisée en suite de la reconduction »1004.

Cela démontre « que le droit des contrats de consommation conclus à distance converge avec le dispositif général prévu par la loi Chatel pour éviter que le consommateur demeure prisonnier d’une relation contractuelle dont il ne souhaitait pas le renouvellement »1005.

1001 Loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 dite loi CHATEL.

1002 LEVENEUR L., Une nouvelle loi de « protection » des consommateurs, Contrats – Concurrence – Consommation, mars 2005, p.3 ; CLARET H., La loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, JCP G, 1er juin 2005, n° 22, p. 1001.

1003 Si l’assureur adresse l’avis au consommateur moins de 15 jours avant la date limite ou s’il avait la bonne idée de le lui envoyer postérieurement à cette date, l’assuré devra être informé avec cet avis qu’il dispose d’un délai de 20 jours suivant la date d’envoi de cet avis pour dénoncer la reconduction du contrat. Si l’assureur omet purement et simplement d’informer le consommateur (assuré) conformément au nouvel article du Code des assurances, celui-ci pourra mettre un terme au contrat, sans pénalités, à tout moment à compter de la date de reconduction en envoyant une lettre recommandée à l’assureur.

662. En droit interne

Ce principe d’interdiction de vente forcée est déjà établi par le droit français. L’article L122-3 du Code de la consommation1006 précise que « la fourniture de biens ou de services sans commande préalable du consommateur est interdite lorsqu’elle fait l’objet d’une demande de paiement ».

Il est, pour ainsi dire, déjà transposé en droit français. La jurisprudence également admet depuis un certain temps qu’en matière de consommateur, le silence ne vaut pas acceptation1007.

Dans le domaine particulier des services bancaires et financiers et à la lumière du droit de la concurrence, le Professeur T. BONNEAU relève que les dispositions du Code de commerce relatives aux concentrations bancaires sont applicables a priori aux établissements de crédit.

En revanche, il n’en va pas de même pour les autres règles du droit de la concurrence (vente avec prime, refus de vente) vu que l’article L.511-4 du Code monétaire et financier ne mentionne que les opérations de banque ; ces autres dispositions ne sont donc pas applicables aux établissements de crédit en ce qui concerne les opérations de banque et les opérations connexes1008.

C’est en réalité, note l’auteur, le Code monétaire et financier, lui-même, qui, dans son article L.312-1-2 (alinéas 1 et 2), interdit en principe les ventes groupées et la vente avec prime1009 faisant échos aux articles L.121-35 et L.122-1 du Code de la consommation ; la notion de client diffère simplement de celle de consommateur.

1004 STOFFEL-MUNCK P., L’encadrement de la tacite reconduction dans les contrats de consommation depuis la loi Chatel, L. n° 2005-67, 28 janv. 2005, JCP G, 6 avril 2005, n°14, p. 669.

1005 Ibid.

1006 Issu de l’ordonnance nº 2001-741 du 23 août 2001 transposant la directive 97/7/CE.

1007 Depuis Cass. civ., 25 mai 1870, DP 70.1.257, S, 70.1.341, Grands arrêts, n°84.

1008 BONNEAU T., op. cit., n°221, pp. 140-141.

1009 BONNEAU T., Des nouveautés bancaires et financières issues de la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, JCP E, 2002, 120, spéc. n°7 ; SAINT- ALARY B., Le nouveau dispositif sur les ventes groupées et les ventes à prime doit-il inquiéter les banques ?, Banque et droit, n°82, mars-avril 2002, 12

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’Internet au service des opérations bancaires et financières
Université 🏫: Université Panthéon-Assas (Paris II) - Droit- Economie- Sciences sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Georges Daladier ABI-RIZK

Georges Daladier ABI-RIZK
Année de soutenance 📅: Thèse pour le Doctorat en Droit, présentée et soutenue publiquement le 17 mars 2071
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