Utilisation des modes alternatifs de règlement des litiges en ligne

Utilisation des modes alternatifs de règlement des litiges en ligne

Section 2 :

Le développement des modes alternatifs de règlement des litiges encouragé par le législateur européen

403. Les MARD comme outil de la confiance

L’Union européenne, soucieuse de promouvoir la confiance mais aussi le développement du commerce électronique, souligne la nécessité de pouvoir régler les litiges de manière efficace et adéquate par la voie de procédures extrajudiciaires ou d’autres procédures comparables.

C’est en effet une condition essentielle pour que les parties puissent jouir totalement des possibilités offertes par le marché intérieur.

404. La création d’un réseau

Pour la plupart des services bancaires et financiers, et contrairement aux pratiques de nombreux autres secteurs, un large éventail de solutions extrajudiciaires est, d’ores et déjà, proposé à l’échelon national.

Plutôt que de recréer ce qui existe déjà, le plan d’action pour les services financiers (COM 1999/232) a suggéré que la Commission étudie la possibilité de recourir aux infrastructures actuelles pour régler les litiges transfrontaliers, en reliant les organes nationaux compétents en un réseau européen ad hoc.

Cette proposition se fonde sur la Recommandation n° 98/257 de la Commission du 30 mars 1998 concernant les principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire de litiges de consommation.

405. Objectifs

Le but d’un tel réseau européen est de faciliter l’accès des préjudiciables à des procédures extrajudiciaires pour la résolution de litiges transfrontaliers, dans le cas où le fournisseur de services financiers est établi dans un État membre autre que le leur.

L’idée fondamentale est d’instaurer une reconnaissance mutuelle et un échange d’informations entre les organes nationaux compétents.

Cette coopération vise essentiellement à permettre à tout utilisateur de services bancaires ou financiers transfrontaliers d’en appeler à l’arbitrage d’une tierce partie en cas de litige et ce même si le fournisseur n’est pas lié par le système de règlement des litiges en vigueur dans le pays de résidence du préjudiciable.

406. Un accès national

A cette fin, la personne lésée se voit garantir l’accès à l’organe de règlement des litiges auquel est soumis le fournisseur de services, via l’organe compétent de son propre pays de résidence.

Les systèmes de règlement extrajudiciaire des litiges portant sur la fourniture de services financiers prennent des formes différentes, selon les États membres.

Certains pays ont opté pour une centralisation à l’échelon national, d’autres pour une décentralisation régionale, voire locale. Par ailleurs, il existe aussi bien des systèmes publics que privés.

Le statut des décisions arrêtées par ces systèmes varie également, de simples recommandations pour les deux parties (émanant, par exemple, de l’office national suédois pour les réclamations de consommateurs ou du service des réclamations de la Banque d’Espagne), à des décisions ayant un caractère contraignant pour le fournisseur de services (typiques de la plupart des instances privées de médiation dans le secteur bancaire et celui des assurances).

Il convient ici de souligner qu’à l’exception de quelques procédures d’arbitrage spécifiques, les dispositifs de règlement extrajudiciaire des litiges ne privent jamais les contractants de leur droit d’intenter une action en justice, s’ils jugent insatisfaisante la décision de résolution amiable.

407. L’encouragement

La directive européenne du 8 juin 2000 sur le « commerce électronique »514 consacre également un article 17, qui montre clairement la volonté de garantir de meilleurs moyens de recours en rendant possible l’utilisation en ligne des mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends (médiation, arbitrage…)515.

Cette voie a été encouragée par une recommandation de l’OCDE puis relayée par la CNUCDI dans le cadre de sa loi type sur la conciliation commerciale internationale516.

Plus loin, c’est la directive des services financiers à distance qui s’est attelée à cette tâche en demandant aux Etats membres de mettre en place des procédures extra-judiciares de réclamation517.

L’encouragement au recours aux modes alternatifs de règlement des conflits vaut également en matière financière comme le confirme une communication du 7 février 2001 de la commission européenne sur le commerce électronique et les services financiers518.

512 La cour d’appel de Versailles a jugé dans un arrêt du 31 mars 2005 qu’un litige né de pourparlers ultérieurs au contrat contenant la clause compromissoire n’est pas arbitrable si les pourparlers ne forment pas avec le contrat un « ensemble contractuel unique », JCP G, 19 octobre 2005, n° 42, p.1946, obs. BEGUIN J.

513 Médiation et conciliation : de nouveaux horizons pour les professionnels du droit, dossier in Droit et Patrimoine, 1999, n° 77, p. 35 et s.

514 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).

515 Ibidem, p. 18.

516 MATHIEU M.-E., op. cit., n° 305, p. 286.

517 Ibid

518 De BROUWER F. et MARTY C., La communication de la commission européenne en matière de commerce électronique et de services financiers, Banque et Droit, mars-avril 2001, n° 76, p. 16 et s. On notera également que la Commission a lancé des initiatives comme la mise en place du réseau EEJ-NET (réseau européen extrajudiciaire) ayant pour objet de relier les systèmes européens alternatifs de résolution des litiges nationaux notifiés à la Commission. Dans le secteur des services financiers, le réseau FIN-NET (Financial Services complaints Network) a été lancé et vise à relier les systèmes chargés au niveau national de la résolution extrajudiciaire des plaintes concernant les services financiers, cités par GRANIER T. et JAFFEUX C., op.cit., p.172.

L’objectif de l’article 17 de la directive sur le commerce électronique est de permettre une utilisation effective des mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges, en particulier par voie électronique.

A cette fin, il impose aux Etats membres, d’une part, une obligation de résultat de supprimer ou de modifier dans leurs législations les obstacles à cette utilisation (§ 1er) et, d’autre part, une obligation de moyens de veiller à ce que les organes de règlement extrajudiciaire assurent le respect des garanties procédurales appropriées (§ 2).

§ 1er. Utilisation des modes alternatifs de règlement des litiges en ligne : obligation de résultat de mettre fin aux obstacles juridiques

408. Les obstacles

L’article 17, §1er, de la directive sur le « commerce électronique » impose aux Etats membres de « veille(r) à ce qu’en cas de désaccord entre un prestataire de services de la société de l’information et le destinataire du service, leur législation ne fasse pas obstacle à l’utilisation des mécanismes de règlement extrajudiciaire pour le règlement des différends, disponibles dans le droit national, y compris par des moyens électroniques appropriés ».

409. Justification

Cette obligation trouve sa justification dans deux constats :

  • Premièrement, la difficulté d’accès à la justice pour un nombre important de personnes se heurte généralement à deux types d’entraves : d’une part, l’obstacle financier résultant de la disproportion entre la valeur limitée de l’affaire et le coût d’une procédure judiciaire aura un impact dissuasif sur le préjudiciable.

D’autre part, les barrières socio-culturelles et psychologiques inhérentes à la difficulté d’intervenir localement en cas de litige avec un prestataire établi dans un pays tiers.

En outre, les difficultés linguistiques sont susceptibles de poser des problèmes dans le cadre de relations transfrontières.

Enfin, le manque de connaissance des droits étrangers et du fonctionnement du système judiciaire des autres Etats décourage le citoyen d’intenter une action afin de faire valoir ses droits. Face à ces obstacles, la mise en place de procédures simples, rapides et efficaces s’avère nécessaire.

  • Deuxièmement, l’insuffisance d’efficacité ou d’adaptation des mesures judiciaires et extrajudiciaires au commerce électronique.

Ainsi, il a été constaté que « certaines mesures judiciaires ou extrajudiciaires qui peuvent être prises pour faire face à des comportements illicites ou à des litiges sur Internet ne sont pas toujours suffisamment efficaces ou adaptées pour pouvoir convaincre les prestataires de fournir des services et les destinataires, en particulier les consommateurs, de les utiliser »519.

519 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le Marché intérieur, Exposé des motifs, COM (1998) 586 final, p. 13.

410. Modification des législations

L’objectif de l’article 17, §1er, est de permettre une utilisation effective des mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges, en particulier par voie électronique520.

Dans cette optique, le considérant n° 51 de la directive sur le commerce électronique précise que « chaque Etat membre doit modifier toute législation susceptible de gêner l’utilisation de mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges par les voies électroniques.

Le résultat de cette modification doit être de rendre réellement et effectivement possible, en droit et dans la pratique, le fonctionnement de tels mécanismes, y compris dans les situations transfrontalières ».

411. Une obligation de résultat

La directive oblige donc les Etats membres à faire un examen de leur législation et à l’adapter, si nécessaire, afin de rendre possible le règlement extrajudiciaire des litiges en ligne. Cette obligation est particulièrement contraignante en ce qu’elle s’analyse en une obligation de résultat.

Ainsi par exemple, si la législation nationale exige que la clause compromissoire soit constatée par écrit, l’Etat membre doit faire en sorte que l’écrit en question puisse revêtir tant la forme électronique que papier.

412. Valeur de l’accord

Si l’accord conclu par les parties suite à une médiation doit être signé par celles-ci, le législateur national doit faire en sorte que l’on puisse reconnaître la même valeur juridique à l’accord signé électroniquement que celle reconnue à un accord signé manuscritement.

Il convient également de veiller à ce que l’interprétation des notions de notification, de dépôt, d’audience, de réunion, de descente sur les lieux, etc. ne fasse pas obstacle à la validité juridique d’une procédure de règlement alternatif des litiges menée par voie électronique.

On constate une large similitude entre la rédaction de l’article 17, § 1er, de la directive et celle de son article 9 qui fait obligation aux Etats membres de supprimer de leurs législations tous les obstacles à la conclusion de contrats par voie électronique521.

520 Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur, COM (1999) 427 final, p. 29.

521 Cet article 9 faisant l’objet d’un commentaire approfondi dans la seconde partie de cet ouvrage, nous renvoyons le lecteur à celui-ci, v. infra n° 478 et s.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’Internet au service des opérations bancaires et financières
Université 🏫: Université Panthéon-Assas (Paris II) - Droit- Economie- Sciences sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Georges Daladier ABI-RIZK

Georges Daladier ABI-RIZK
Année de soutenance 📅: Thèse pour le Doctorat en Droit, présentée et soutenue publiquement le 17 mars 2043
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