Analyse de l’épisode mosellan – La maladie du charbon en France

4 Discussion

4.1 Analyse de l’épisode mosellan

En France, la maladie du charbon chez les bovins apparaît régulièrement de manière sporadique dans des régions ayant déjà connu par le passé des épisodes charbonneux. Avant la mise en place de réglementations sur l’équarrissage et la vaccination des bovins, la maladie était endémique. Les cas humains sont rares peut-être sont-ils sous-diagnostiqués (8).

En Moselle, le premier cas identifié humain a permis la réalisation rapide d’investigations étiologiques et a permis de prendre des mesures prophylactiques adaptées. Le bilan est finalement restreint : une seule vache contaminée décédée et trois cas humains d’anthrax cutané.

Aucun autre animal de l’exploitation n’a été atteint. Les trois cas humains ont évolué favorablement sous traitement. Dans l’entourage proche, on ne décrit aucun autre cas. Pourtant, selon l’interrogatoire, plusieurs personnes auraient consommé une partie de la viande malade.

Ce dossier montre l’importance d’une intervention multidisciplinaire : médecins traitants, médecins hospitaliers, équipes des DDASS et DSV 57, préfet. L’origine de la contamination fut rapidement identifiée.

L’extension de la maladie tant animale qu’humaine fut limitée aux premiers sujets ayant été en contact étroit avec l’animal malade. On suppose que les trois personnes malades se sont contaminées par transmission cutanée favorisée par des lésions préexistantes sur les parties découvertes (mains, avant-bras). De plus, les formes digestives et respiratoires sont décrites comme rares. Les spores s’agglutinent et forment des agrégats ne facilitant pas leurs mises en suspension dans l’air (34).

Il faut insister sur la nécessité du recueil des données lors d’événements similaires. Le corps médical par son interrogatoire initial minutieux a permis à l’action vétérinaire d’identifier l’exploitation agricole en cause rapidement.

Puis tout au long de l’épisode, le recueil des données permit une réponse appropriée des autorités locales (désinfection des lieux dans des conditions de protection maximale) et eut pour but d’aider l’enquête pénale

Cet épisode a réactualisé les protocoles de désinfection de l’exploitation et des précautions lors de l’intervention des agents vétérinaires sur l’exploitation lors des prélèvements. La maladie du charbon étant une maladie rare, la gestion du cas était mal documentée surtout en matière de prélèvements à réaliser.

Dans ce dossier, il y a eu contamination humaine suite à l’abattage d’un bovin dans une ferme. Or l’abattage de bovins dans une ferme est illégal (en dehors de l’arrêté du 9 juins 2000 relatif à l’abattage des animaux de boucherie accidentés). De telles pratiques sont un danger en matière de Santé Publique.

Les animaux élevés sur l’exploitation et destinés à la commercialisation doivent être abattus dans un abattoir (y compris ceux destinés à l’abattage rituel), ou, pour les volailles, dans une tuerie particulière.

Mais il est toujours permis de tuer le cochon, le mouton, les volailles (pas les bovins), à la ferme pour l’autoconsommation (35). Les conditions d’abattage sont réglementées.

L’abattage des animaux hors des abattoirs, autrement dit à la ferme ou dans les tueries particulières doit se faire en respectant la loi relative à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort (35).

Tout décès d’un animal dans des conditions non accidentelles doit être suivi d’une enquête vétérinaire. La vache incriminée a pourtant montré des symptômes cliniques avant son décès.

Selon l’enquête, il ne semblait pas que la mort soit de cause « naturelle ». C’est en diagnostiquant les cas humains qu’on découvrit l’épisode animal. Dans la bibliographie, cette zoonose semble sous-estimée (36). Il faut aussi se méfier de morts brutales de bovins en hiver.

Des cas de maladie du charbon liés au fourrage contaminé sont décrits dans la littérature (5). Dans l’épisode de l’été 2008 dans le Doubs, l’enquête révéla que, dans 4 des 21 exploitations touchées, il y a eu probablement des cas mortels de bovins par la maladie du charbon dans les mois précédents (5).

Certains auteurs sont convaincus que le portage sain de spores par les ruminants est important, particulièrement pour les animaux d’un troupeau où des cas sporadiques se sont produits.

Seuls des facteurs déterminants comme le parasitisme ou des infections virales digestives (maladie des muqueuses, etc.) ou respiratoires (rhinotrachéite infectieuse, etc.) qui provoquent des irritations ou des lésions des muqueuses et une immunodépression, font tomber l’animal du statut de porteur sain à celui de malade (7). En Moselle, la vache morte était une des plus âgée du troupeau.

Le père de l’exploitant a enterré les restes de la carcasse à différents endroits dans la ferme et aurait ainsi favorisé la dissémination des spores de Bacillus anthracis dans l’environnement si le diagnostic de maladie du charbon n’avait pas été posé et si les protocoles de désinfection n’avaient pas eu lieu.

Un des acteurs était professionnel dans un atelier de boucherie en Allemagne. La communication avec les autorités vétérinaires allemandes est primordiale. Il en va de même avec les autres pays européens où des cas humains et animaux de maladie du charbon sont décrits. En exemple, citons l’article italien (37) relatant l’existence de cas d’anthrax en particulier dans le sud de l’Italie.

Il existe des zones endémiques comme en Afrique ou en Asie. Les contrôles des exportations et importations doivent être drastiques. Aux Etats-Unis, des fabricants de tambours ont présenté la forme cutanée en travaillant des peaux originaires de Guinée (38).

Une étude anglaise contrôla des produits animaux importés d’Afrique servant à la réalisation de tambours. Ils retrouvèrent des spores d’anthrax sur certaines peaux (39).

Devant ce risque professionnel, connaître l’origine des peaux ou des sous-produits d’animaux ne semble pas suffisante. Des moyens efficaces de désinfection doivent être mis en œuvre et il faut lutter contre l’importation illégale de peaux ou de laines.

L’événement mosellan a permis de réactualiser par la DDASS la cartographie des champs maudits et d’engager une enquête rétrospective depuis 1900 auprès des archives départementales de la Moselle afin de recenser les cas antérieurs de charbon.

Cette initiative doit s’étendre à d’autres régions. Durant l’été 2008, dans le Doubs, un épisode de maladie du charbon chez les bovins se produisit. Au total, 39 morts brutales sans symptômes préalables ont été attribuées à la maladie du charbon dans la zone touchée sans aucun cas humain.

L’expertise épidémiologique menée par l’Afssa est en faveur d’une résurgence multifocale de spores liée aux conditions météorologiques particulières de l’année (Eté 2007 : très humide. Hiver et printemps 2008 : forte alternance de périodes sèches et humides.

Eté 2008 : nappes phréatiques pleines) et à un sol déjà contaminé et favorable à la conservation des spores. Tout facteur ou intervention ayant conduit à remuer ou à transporter de la terre a pu également jouer un rôle dans la dissémination et la résurgence des spores (5).

Un tel événement présente des conséquences médicales, vétérinaires, pénales, financières et psychosociales. L’exploitant agricole est maintenant suivi psychologiquement.

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