1.2 Les expériences de réformes administratives

Beaucoup de pays ont manifesté de l’intérêt pour le N.M.P. afin de procéder au renouvellement, à la rénovation ou à la modernisation de leur appareil étatique. Ainsi, l’expérience de modernisation est partagée entre trois modèles : le modèle francophone, le modèle anglophone et un mixage entre les deux (cas par exemple de l’expérience de modernisation en Australie). Dans ce qui suit, nous allons présenter certaines de ces expériences qui ont fait l’objet de modèles de référence pour d’autres pays et continuent de le faire, à savoir :
1- Le modèle francophone à travers l’expérience de la modernisation en France qui inspire beaucoup de ses ex-colonies et des pays à vocation francophone. C’est le cas, par exemple, du Maroc.
2- Le modèle anglophone, dont l’expérience de la modernisation aux États-Unis à travers le mouvement de réinvention du gouvernement et l’expérience de la modernisation du Royaume-Uni à travers la création des agences spéciales représentent les pionniers de ce modèle.
3- L’expérience du Canada et du Québec dans la mesure où les deux subissent l’influence du modèle anglais venant à la fois des États-Unis et du Royaume– Uni.
4- Enfin, un bref aperçu sur l’expérience de la Nouvelle Zélande dans la mesure où celle-ci représente un modèle réussi, du moins à court terme, dont le Canada ne cesse de parler (Bernier et Dubois, 1998).
L’objectif recherché par ces pays n’est pas seulement d’introduire des réformes radicales dans leur administration, mais aussi de rompre avec les modèles et les approches traditionnelles de gestion des affaires publiques (Charih et Landry, 1997). Ces expériences feront l’objet d’étude dans les sections suivantes.

1.2.1 L’expérience de modernisation française

Dès le début des années 80, la France a entrepris une série de réformes substantielles pour corriger son appareil administratif. Des réformes qui se veulent à la fois globales et sectorielles 8 dans la mesure où elles affectent autant l’ensemble de l’État français que certaines de ses composantes principales (Laforte, 1998).

Par ailleurs,l’origine de la réforme actuelle, qui est celledela
modernisation, remontecommission «Efficacité deaux années (1988-98), à la suite des travauxl’État » du 10ième plan présidé par François dedeCloslaets

(Kelly, 1993). Ces travaux sont appuyés par la naissance d’un rapport intitulé «le Pari de la responsabilité» ou « Rapport de Closets» qui envisage la modernisation comme une transformation globale aux multiples dimensions. Celle-ci, n’est ni unique ni nouvelle, mais elle est la prolongation de la transformation radicale envisagée en 1982 par le gouvernement français, lorsqu’il a annoncé la décentralisation comme premier acte de la modernisation (Laforte, 1998).
À cet égard, il nous parait important de présenter d’abord un résumé des réformes précédentes avant de citer les plus récentes. En effet, ces réformes ne sont pas mutuellement exclusives mais elles sont plutôt inter-liées, même si chacune d’elle met l’accent sur un aspect particulier.

1.2.1.1 Brève évolution des réformes françaises

L’année 1982 marque le point de départ de la réforme globale actuelle par le lancement du mouvement de la décentralisation (la loi de décentralisation de Mars 1982). Cette dernière a constitué des assises de base pour les réformes qui suivent dans le but de rénover la gouvernance de l’État (Laforte, 1998). À partir de cette date, l’organisation administrative du territoire comportera quatre paliers aux responsabilités bien définies. L’État à Paris, la région, le département et la commune. La division du territoire en 26 régions permettra à Paris de céder une grande partie de ses pouvoirs au profit de la région. Une loi de transfert des compétences en 1983 est adoptée pour appuyer la décentralisation.
Parallèlement à la décentralisation, le gouvernement a unifié en juillet 1983, le statut général des différentes fonctions publiques tout en précisant et préservant les spécificités de chaque secteur. En 1984, le gouvernement a créé la fonction publique territoriale suivi de la fonction publique hospitalière en 1986.
«Dorénavant, les emplois seront donc répartis en trois catégories hiérarchiques au sein de plusieurs corps (il y en a plus de 1000) dans les trois fonctions publiques: la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière» (Laforte, 1998 : 3).
Pour assister ces trois fonctions publiques, un processus systématique de la formation, tant pour les cadres que pour les hauts fonctionnaires et les magistrats, est mis en place.
En 1985, on a levé l’anonymat des fonctionnaires dans le but de personnaliser l’administration publique et par conséquent une vague de la qualité totale s’est mis en avant en 1987-88 (Kelly, 1993). Tous ces éléments forment ce qu’on appelle les préparatifs vers la réforme actuelle visant la modernisation de l’administration publique française.

1.2.1.2 Le fondement de la modernisation

« Le fondement de la modernisation française a été de reconnaître que seuls les responsables opérationnels proches des usagers, du terrain, sont en mesure de définir des objectifs opérationnels. » (Trosa, 1995 : 42)
De ce fait, la modernisation de l’administration est conçue comme un passage d’une administration de procédure à une administration de responsabilité (Kelly, 1993). Le concept de modernisation est large et inspire son fonctionnement des quatre grandes caractéristiques qui, auparavant, font défaut dans l’administration publique. Ainsi, la modernisation implique le passage de la procédure aux objectifs, de l’exécution à des procédures itératives entre les services extérieurs et les administrations centrales, de la réglementation à l’expérimentation et de la décision unilatérale au partenariat dans une perspective volontariste de doter les services de plus d’autonomie de gestion (Trosa 1995). Il s’agit en fait, d’un changement culturel important. En effet, la modernisation vise la rupture avec les pratiques de gestion traditionnelle où le centre fixe les normes et édicte les directives à suivre conformément aux règles de droit écrites. Le fondement philosophique derrière la modernisation est la remise en question du modèle pyramidal (modèle de Shannon), où le sommet stratégique tel qu’il est nommé par Mintzberg (1982), ne joue plus le rôle de décideur de stratégies et d’architecte de finalité Andrews (1987), mais devient plutôt une partie prenante dans ces derniers. On s’est enfin rendu compte que seuls les responsables opérationnels qui opèrent directement avec les citoyens sont en mesure de définir les objectifs et de prendre les décisions appropriées. En effet, et comme l’atteste Trosa (1995 : 42), «le balancier s’est en quelque sorte inversé: plutôt que de croire que le centre décide et que les services extérieurs appliquent, aujourd’hui, l’on estime que les services extérieurs analysent et proposent et que la décision résulte d’un contrat entre le service extérieur et sa hiérarchie».
Cette prise de conscience vient non seulement de la reconnaissance du caractère de prestation de services et d’exécutant des administrations d’État, inspirée des réformes anglo-saxonnes (executive agencies), mais beaucoup plus de la conviction que les conditions de la mise en oeuvre d’une politique font partie de sa définition (Trosa 1995).
Si le modèle britannique se limite à la quantification des objectifs généraux du ministère, celui de la France suggère en plus de faire des propositions à l’administration centrale, dans le cadre des objectifs globaux d’un ministère, et selon un ordre de priorités.

1.2.1.3 Le renouveau du service public

Lancé dans la circulaire du 23 février 1989, la modernisation française actuelle, connue sous le non de «renouveau du service public» tourne autour de quatre axes majeurs (Côté, 1990, dans Kelly, 1993) :

1- Une politique de rénovation de la relation de travail :

Elle vise la création d’une gestion plus dynamique du personnel et le développement du dialogue social au sein du service public à travers une réactualisation des instances paritaires, une extension de la pratique contractuelle, etc. On assiste à l’abandonce de la stratégie de la rigueur salariale et de la réduction des effectifs adoptés avant 1989 pour mettre en place la stratégie de re-mobilisation et une gestion plus efficace des ressources humaines. Cette politique a été concrétisée par des outils spécifiques tels que la valorisation des qualifications, des carrières et des expertises, la formation continue9, une plus grande mobilité professionnelle, une gestion prévisionnelle des emplois, la rénovation de la grille des classifications et des rémunérations10 et la réglementation relative aux conditions de déplacement11.
Les nouveaux statuts d’emploi ont permis de dissocier l’état des personnes (leur grade) de leur rôle (leur emploi). Il s’agit en fait, de la remise en question du système hautement hiérarchique de l’administration française (Thoenig, 1992, dans Kelly, 1993).
Généralement, et selon les mêmes auteurs, la modernisation de la gestion des ressources humaines est très remarquable en ce qui concerne la formation continue et le décloisonnement des emplois dans l’administration.

2- Une politique de développement des responsabilités :

Elle constitue le champ propice pour l’application de la déconcentration comme c’était le cas de la décentralisation. Elle se fait tant par la création de projets de service comportant une stratégie, des objectifs et un plan d’action, que par la création d’un centre de responsabilité mettant en œuvre des contrats entre les services et l’administration centrale. Ce mode de fonctionnement permet d’assouplir les règles (financières et comptables) et de donner plus d’autonomie administrative aux services.

3- La politique d’évaluation des programmes :

Elle consiste à établir un bilan de la modernisation afin d’analyser le succès et les erreurs, et par conséquent, d’améliorer la mise en oeuvre pour le futur. Elle repose sur les instruments de gestion modernes quantitatifs (comptabilité analytique, tableau de bord budgétaire, ratios de fonctionnement) et qualitatifs (la perception de la modernisation par les gens)12 (voir l’annexe 2) .
On a également créé des instances d’évaluation indépendantes capables d’assurer la transparence, l’indépendance et la pluralité du processus (Kelly, 1993).

4- Une politique axée sur le service à la clientèle :

Elle consiste à instaurer une relation de partenariat entre les citoyens ou (usagers) comme consommateurs des services de l’administration. À ce titre, le gouvernement français prévoit l’intensification de l’information au public et la personnalisation des relations par une simplification des formalités et des procédures.

9 L’accord -carde sur la formation continue est passé pour trois ans (1989-91) et renouvelée pour 1992-1994, cette entente vise trois objectifs (ENAP 1992;17): Améliorer les modalités de la politique de formation, donner une impulsion nouvelle aux moyens, orienter la formation en fonction de la carrière. (Francis Kelly 1993:15)
10 Cette mesure est connue par «le protocole de sept ans» qui vise trois objectifs (Pêcheur 1990:427)
– valoriser les rémunérations les plus faibles;
– améliorer les déroulements de carrière
– tenir compte des nouvelles qualifications.
11 On a supprimé toute différenciation d’ordre hiérarchique (Francis Kelly 1993:15)

1.2.1.4 La charte de la déconcentration de 1992

Après une décennie de décentralisation, le milieu administratif français accueille la déconcentration comme un élément complémentaire du processus de la modernisation du secteur public. En effet, le gouvernement français a poursuivi la politique d’amincissement de l’administration publique centrale en envoyant ses agents exercer sur place les fonctions qu’il s’était réservées (Laforte, 1998). Ainsi, une redéfinition du rôle de chacun des échelons de l’État et la délocalisation des fonctionnaires de Paris vers les régions entraîneront une réduction des directions centrales qui passeront de 220 à 150 unités (Laforte, 1998)13

12 Les études sur la perception des gens sur la modernisation sont fréquemment réalisées par des équipes universitaires.

Toutefois, ce mouvement réformiste sera complété d’abord par la charte des services publics (1994) où l’usager participe lui-même à l’organisation des services publics et évalue la qualité du service rendu. Ainsi, l’approche client a pris toute l’attention qu’elle mérite dans presque toutes les tentatives de réformes de plusieurs pays (France, Grande-Bretagne, É-U…), devenant ainsi au centre de préoccupation des services publics.
Avec l’avènement du gouvernement d’Alain Jupé en juillet 1995, l’administration publique est soumise à des objectifs de haut niveau. Ces derniers se focalisent sur cinq grandes orientations (Laforte, 1998):
– clarifier les missions de l’État et le champ des services publics
– mieux prendre en compte les besoins et les attentes des citoyens
– changer l’État central qui légifère trop et mal
– déléguer les responsabilités;
– rénover la gestion publique. (Laforte, 1998)
Ces orientations seront élargies, multipliées et mises à jour par le programme de réforme du gouvernement de Lionel Jospin en novembre 1997 (Laforte, 1998).
Ainsi, le management public se régénère beaucoup plus par la production des événements à l’intérieur de l’appareil politique (le changement du gouvernement, départ d’un ministre, par exemple, etc.) que par les problèmes auxquels fait face l’administratif publique.

13 La charte de la déconcentration en date du 6 Février 1992

En général, la modernisation française s’inscrit dans le cadre du changement stratégique, axée sur le management participatif, ce qui ouvre la voie vers une stratégie négociée reposant sur l’action. Cependant, l’aspect participatif des démarches et leur état embryonnaire font en sorte qu’actuellement il est tout à fait précoce d’avancer un jugement ou de dresser un bilan.
Par ailleurs, si la vitrine de la modernisation française est attrayante , l’intérieur du magasin, en revanche, laisse un peu à désirer, en particulier pour ce qui est du système de gestion de quotidien (Kelly, 1993).
Lire le mémoire complet ==> (Gestion du changement dans l’administration publique en vue de sa modernisation)
Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de maître ès sciences (M. Sc.) – Sciences de la gestion
Université de MONTREAL – Ecole des hautes études commerciales affiliée

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de MONTREAL - Ecole des hautes études commerciales affiliée
Auteur·trice·s 🎓:
Hayat BEN SAID

Hayat BEN SAID
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de maître ès sciences (M. Sc.) - Avril 2005
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