L’efficacité du contrôle de la gestion des chambres régionales des comptes – Partie II :
Chapitre I : La procédure de contrôle des magistrats de la chambre régionale

Section I : La description de la procédure

Les magistrats des chambre régionale des comptes poursuivent une certaine procédure dans le contrôle de la gestion qui leur est propre en ce sens que chaque magistrat adopte sa méthode de travail (§ 1.) mais cette autonomie comporte certaines limites (§ 2.).

Paragraphe 1 : le choix des thèmes de contrôle

Le contrôle de la gestion découle du contrôle juridictionnel de l’examen des comptes. Ainsi, le magistrat instructeur va découvrir la plupart des cas de par ce biais. Rappelons que le champ d’investigation de la chambre régionale des comptes est relativement large111.
En effet, sont susceptibles d’être soumis au contrôle de la gestion, outre les collectivités territoriales et leurs établissements publics selon l’art. L. 211- 8 du CJF, les organismes ayant un lien financier direct ou indirect avec les collectivités notamment les sociétés d’économie mixte locale, les groupements d’intérêt public et les groupements d’intérêt économique ainsi que les associations subventionnées.
De plus, la loi du 6 février 1992 a complété le champ de compétence de la chambre avec la vérification des conventions relatives aux marchés ou aux délégations de service public. Ce sont des critères larges mais ce sera à la chambre et plus précisément au commissaire du gouvernement de montrer que les conditions de compétence sont remplies, par le biais d‘un avis, selon l’art. R 211- 2 du CJF.
Le seuil de compétence pour être contrôlé est que l’organisme doit avoir un apport de concours financier112 d’au moins 1500 ?.
De même, une remarque préliminaire peut être effectuée, le contrôle est motivé aussi par des signalements pouvant provenir des juridictions pénales, administratives mais aussi des ordres de réquisition qui sont systématiquement transmis à la chambre régionale des comptes ainsi que les coupures de presse.
Ainsi, beaucoup de critères peuvent influencer le contrôle comme le délai écoulé depuis le dernier contrôle, l’importance de la collectivité…
A ce propos, la rencontre avec Didier Roguez, conseiller à la chambre régionale des comptes du Nord Pars de Calais, a permis de connaître la démarche poursuivie par les magistrats dans la procédure de contrôle de la gestion.
Ainsi, avant chaque contrôle, le magistrat consulte le dossier permanent dont dispose la chambre régionale qui relate l’ensemble des données sur l’organisme contrôlé notamment si l’organisme ou la collectivité a fait l’objet d’un précédent contrôle et les remarques que la chambre a soulevé dans ce cas ainsi que les suites qui ont été données aux observations.
De plus, lorsqu’il s’agit du contrôle d’une collectivité territoriale, le compte administratif est étudié sur plusieurs exercices de l’ordre de 4 ou 5 ans. Toutefois, ce cas n’est pas une généralité, les magistrats peuvent toujours remonter plus loin dans le temps.
Un autre point important est l’analyse financière de la collectivité qui consiste en « une méthode de choix des investissements adaptée aux préoccupations des collectivités locales »113. Cette analyse constitue une approche plutôt en terme quantitatif des finances locales que qualitative.
Plus précisément, cette analyse financière permet de mettre en évidence l’évolution des grandes masses et dans cette matière, l’utilisation de ratios établis par la direction générale des collectivités locales est requise afin de fournir des éléments de comparaison.
Au final, les magistrats pourront avoir une idée précise de la situation financière de la collectivité locale. L’intérêt de cette analyse est l’émission d’un diagnostic ainsi que la détection de zones de risques de la collectivité pouvant influer sur l’équilibre des comptes de la collectivité.
De même, si d’éventuels facteurs de déséquilibres sont mis en évidence, le contrôle peut être ensuite étendus aux organismes liés à la collectivité. Ainsi, l’analyse financière constitue une sorte de moteur influençant de nouveaux contrôles de la gestion.
A la suite de cette première étape, des thèmes de contrôle semblent se dégager de façon évidente mettant en exergue les faiblesses de l’organisme.
De plus, les magistrats vont regarder si la collectivité est concernée par les thèmes de contrôle communs entre la cour des comptes et la chambre régionale des comptes. En effet, les juridictions financières mènent des travaux en commun sur des réglementations et des procédures ainsi que sur des politiques publiques.
A titre d’exemples, des enquêtes communes ont été réalisées sur le revenu minimum d’insertion, sur les casinos, sur la politique de la ville…. L’intérêt de cette association est « d’appréhender de manière complète les opérations bénéficiant de financements d’origines multiples : européens, nationaux locaux, et qui relèvent du contrôle soit de la cour, soit des chambres régionales des comptes »114.
Une fois, les études préliminaires effectuées, le contrôle par lui-même est engagé et cette démarche se concrétise par l’envoi à l’ordonnateur d’un courrier du président de la juridiction lui signalant que la chambre va entamer un examen de sa gestion selon l’article 112 du décret du 23 août 1995.
Dans cette lettre, le président de la chambre fait mention de nom du conseiller nommé pour instruire l’affaire. En pratique, la lettre précisera les enquêtes thématiques auxquelles la chambre participe, faisant l’objet de rapport particulier, ce qui permettra à l’ordonnateur concerné de situer le contexte du contrôle.
Toutefois, dans un autre cas, la chambre ne précisera pas l’objet du contrôle afin que la collectivité ne procède pas à l’épuration des dossiers « à risque » ou pouvant disparaître…Pour ces dossiers sensibles, ce sera sur place que le conseiller et l’assistant de vérification procèderont au dépouillement.
Ainsi, le magistrat procède à l’étude des liasses soient les comptes produits par le comptable.
Plus précisément, selon BOYER et CASTELNAU, « La liasse est au comptable, donc au magistrat qui le contrôle, ce que la rivière est à la truite, à savoir : l’élément hors duquel la survie est impossible »115. Ainsi, ce document constitue un énorme paquet (3 à 5 Kg) où le magistrat va puiser les preuves irréfutables de l’irrégularité.
Dans un premier temps, il procèdera à l’envoi de questionnaires à l’organisme contrôlé concernant, par exemple, des demandes d’organigrammes, des détails sur les procédures de passation des marchés publics ainsi que des demandes de fichiers de fournisseurs permettant notamment d’affiner les critères de choix du thèmes de contrôle.
Puis, et pour les organismes présentant une masse financière importante, le conseiller à la chambre régionale des comptes ira sur place ce qui lui permet un gain de temps ainsi qu’un échange avec le contrôlé. De plus, le magistrat pourra poser des questions de plus en plus précise afin d’affiner sa réflexion et le contrôle.
De même, le magistrat poursuit la procédure par la prise de contact avec l’ordonnateur de la collectivité ou de l’organisme concerné. Lors de l’entretien, le magistrat exposera les domaines contrôlés tout en réservant la possibilité d’étendre le contrôle si les éléments découverts s’y prêtent.
Il est à noter que, dès la création des chambres régionales des comptes, aucun texte ne régissait le caractère contradictoire de la procédure. Toutefois, l’usage de la cour des comptes, repris par les chambres régionales des comptes, était que le magistrat rencontre l’ordonnateur afin de lui faire part de ses principales constatations et ce à l’issue du contrôle.
Ainsi, la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 dite « loi Galland » a consacré le principe d’un entretien préalable avec l’ordonnateur et a modifié l’article 87 de la loi du 2 mars 1982 en ajoutant à propos des observations que celles « ne peuvent être formulées sans un entretien préalable entre le magistrat rapporteur ou le président de la chambre et l’ordonnateur de la collectivité concernée ».
De plus, cet entretien permet de réduire la marge d’erreur de la chambre. Toutefois, pour des dossiers importants, certaines chambres peuvent communiquer des éléments écrits en vue d’une meilleure préparation de l’entretien préalable permettant à l’ordonnateur de répondre de façon plus ou moins pertinente aux questions posées par le magistrat instructeur 116.
Pour ce type d’entretien, le magistrat peut se déplacer au siège de la collectivité. Il est à noter que la présence du président de la chambre est très rare et se limite à des affaires particulièrement importantes ou lorsque l’ordonnateur en a manifesté le désir. De plus, la loi du 6 février 1992 a étendu l’entretien préalable aux ordonnateurs qui étaient en fonction lors de la période contrôlée et ce qu’ils soient encore ou non en fonctions.
La loi du 29 janvier 1993 a donné pouvoir aux magistrats d’auditionner toutes personnes mises en cause dans les observations. Ainsi, ces lois récentes permettent aux magistrats de disposer de tous les moyens nécessaires pour la réalisation d’un bon contrôle. Cette phase est très importante car elle conclut l’instruction et précède la délibération de la chambre117.
Une fois ces études réalisées et suite à l’entretien préalable avec l’ordonnateur, le magistrat va procéder à la rédaction d’un rapport. Ce rapport contiendra l’ensemble des observations que le conseiller formulera sur la gestion examinée et sera signé par le magistrat puis déposé aux greffes. Les suites de la procédure présentent quelques changements par l’introduction de la loi du 21 décembre 2001.
Lire le mémoire complet ==> (L’évaluation de l’efficacité de la dépense publique dans le contrôle de la gestion opéré par les Chambres Régionales des Comptes)
Mémoire de DEA – Mention FINANCES PUBLIQUES – Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Université Lille 2 – Droit et santé – Ecole doctorale n° 74

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