Une tentative de définition de la notion d’efficacité de la dépense publique – Partie I :
Chapitre I : Une approche moderne de la gestion publique basée sur des caractéristiques économiques
La mise en place de la modernité de la gestion publique est un travail long et une des priorités en matière de développement de la gestion publique.
M. Jean Pierre WEISS15 exprime parfaitement cette idée lors de l’élaboration du guide d’auto- évaluation du contrôle de gestion à l’usage des administrations d’Etat : « Les matériaux commencent à être livrés, le panneau annonçant le chantier est sur le point d’être posé, avec une date de début des travaux. Les ouvriers ont envie de construire la maison et ses habitants aspirent à l’occuper. Cela devra sans doute se faire par étapes successives. Les derniers étages ne seront pas achevés avant longtemps, mais le confort des premiers étages sera supérieur à celui des demeures actuelles. Cela encouragera donc à poursuivre le chantier. Les ouvriers s’appellent les agents du service public, les habitants sont les citoyens, les usagers, les contribuables. Le panneau annonce l’ouverture d’un grand chantier baptisé la modernisation de la gestion publique. La maison s’appelle le service public citoyen et on la trouve dans la rue de la démocratie »16.
Ce premier chapitre se proposera de dégager la notion de l’efficacité de la dépense publique tant au niveau des services de l’Etat que dans les collectivités territoriales car la recherche de la modernité n’est pas une conception purement étatique, ce souci semble avoir envahi toutes les administrations françaises.
La modernité de la gestion passe par l’introduction de techniques qui ont fait leur preuve dans le secteur privé notamment celles qui vont être liées à l’efficacité, terme significatif dans la politique de développement de l’entreprise privée (Section I).
Corrélativement, la mise en œuvre d’outils de contrôle, permettant d’asseoir les choix envisagés dans une approche qualitative, provient également du secteur privé et tend à se développer dans le public (Section II).
Section I : L’introduction du terme d’efficacité dans la sphère administrative
Depuis une quarantaine d’années, une intense activité est menée au sein des services administratifs de l’Etat et des collectivités locales afin d’améliorer la gestion. Ceci s’est traduit par la nécessité d’un changement de perspective de l’administration inséré dans un cadre de management rendant la gestion de l’administration plus efficace (§ 1.) et, parallèlement, a conduit à l’évaluation des politiques publiques qui constitue le deuxième axe sue la voie de la modernité (§ 2.).
Paragraphe 1 : L’émergence du management public
Selon Jacques MARSAUD, « Depuis quelques années, on assiste dans les collectivités territoriales à une certaine évolution de la gestion dont les caractéristiques et la tendance par rapport à la période passée peuvent laisser penser à une réorientation » 17. En effet, la dualité entre le public et le privé n’est plus aussi stricte malgré le fait que la définition des termes ne tend pas à rapprocher ces deux notions. De plus, les collectivités vont évoluer en s’inspirant des démarches utilisées dans le secteur privé, les adaptant à leurs propres spécificités.
De manière simple, le secteur privé est caractérisé par une logique d’entreprises avec un souci de rentabilité et de profit associé à la satisfaction des besoins du consommateur alors qu’au secteur public est attaché une idée d’intérêt général. Cette première approche montre que le secteur privé requière l’utilisation de prérogatives de gestion stratégiques, dont notamment la recherche de l’efficacité dans les choix effectués, tournées vers la réalisation des objectifs assignés à l’entreprise. En revanche, le secteur public affectera ses choix dans une optique de satisfaction de l’intérêt général et, de par ce biais, ne recherchera pas une gestion qualitative en priorité. De cette dualité, émane la notion de management qui est «… soupçonné d’être l’émanation de l’idéologie du secteur privé et comme tel hostile au secteur public »18.
Toutefois, certains auteurs ont dégagé la définition du management et essayé de tracer la frontière entre le public et le privé en posant comme LYNN19 que « le management privé est orienté vers la performance économique telle qu’elle est déterminée sur les marchés, tandis que le management public est orienté vers l’intérêt public tel qu’il est déterminé dans les forums politiques ». Cette définition a le mérite de délimiter les deux domaines mais elle semble relativement simpliste en ce sens qu’elle n’envisage qu’une orientation sur l’intérêt public de la dépense. Certes, celui ci constitue l’une des priorités de l’administration dont les finalités sont d’assurer le respect de l’ordre public et la satisfaction de l’intérêt général en ayant recours aux prérogatives de puissance publique mais la performance économique ou l’efficacité de la dépense a aussi été introduite dans le public par la règle dite des trois E20. En effet, il apparaît que « l’entreprise est devenue le modèle de référence qui est transposé dans le secteur public local »21.
« Les pères fondateurs » du management public moderne sont Fayol avec l’idée d’une « doctrine », Taylor qui présente le « management scientifique » et Weber : « la domination du savoir » qui ont, dès le début du siècle, cherché à transférer les méthodes du secteur privé dans le secteur public22.
L’origine de ce management public remonte à la volonté de modernisation de l’administration apparue en France avec la mise en place de la RCB23. En effet, cette première expérience en France s’est illustrée dans les années 1960, et plus précisément le 4 Janvier 1968.
Le gouvernement français décidait de s’engager dans une opération de RCB dont l’objectif était de trouver les moyens d’améliorer la performance des administrations. Ainsi, selon Alexis Quint24, l’objectif de la RCB est entre autre la recherche d’une plus grande efficacité.
« On retrouve à l’origine de la RCB, la vieille préoccupation des hommes politiques et des économistes soucieux de la meilleure utilisation possible des ressources disponibles »25.La RCB induit entre autres, une modernisation complète de la gestion des administrations ce qui a introduit les techniques de management héritée du secteur privé. En effet, avant l’introduction de cette idée véhiculée par la RCB, l’organisation de l’administration française était marquée par un cloisonnement, sources de dysfonctionnements et de pertes d’efficacité. En ce sens, « la RCB […] lutte contre les doubles emplois et […] détermine un nouveau type de spécialisation26 ».
De plus, d’autres phénomènes ont engendré la mise en place du management comme des changements d’ordre social avec le progrès, l’augmentation de l’activité féminine, le développement de la scolarisation de masse….De plus et inévitablement, la décentralisation a eu un poids important et, même, a été le moteur de cette transformation puisqu’elle a permis aux élus d’acquérir une plus grande autonomie dans leur gestion tout en les plaçant dans le cadre des contraintes budgétaires assignées aux collectivités, à titre d’exemple.
Au niveau local, le développement du management public va induire une idée de recourir à toutes les diligences nécessaires pour « agir efficacement sur le développement et l’aménagement de la ville, sur les grands problèmes de société »27. Ce management semble se manifester comme un changement profond des manières d’agir dans l’élaboration des politiques publiques afin qu’elles répondent tant aux attentes des administrés qu’elle ne grève pas le budget de la collectivité, en réalité, la collectivité sera gérée comme une entreprise sans le souci de rentabilité. Or, cette notion de rentabilité semble s’adapter à la spécificité des administrations. En effet, la notion de performance financière28 a été introduite dans l’application d’une politique publique en référence aux exemples étrangers.
En outre, l’administration utilisera des outils du secteur privé tels que la comptabilité analytique, le contrôle de gestion mais aussi une analyse financière prévisionnelle permettant à la commune d’avoir une analyse en terme de choix des investissements adaptés à sa spécificité. Puis, afin que ces outils de gestion puissent apporter une certaine efficacité à la politique publique envisagé ou au programme d’action, la gestion des ressources humaines ne doit pas être négligée. En effet, le personnel administratif doit disposer d’une formation afin d’adapter la gestion à ces instruments de performance financière29.
Toutefois, l’évolution des administrations se heurtent à un problème organisationnelle à tous les stades de la hiérarchie. En effet, pour que le système fonctionne de manière efficace, il faut une certaine unité au niveau des agents, soudés dans l’objectif de la réalisation du projet. Ainsi, l’information doit circuler dans des termes précis pour éviter les erreurs d’interprétations et ne doit pas être pléthorique afin de minimiser les risques de contradictions. Autant de détails, devant être scrupuleusement étudiés, qui permettent à chaque niveau hiérarchique de déterminer précisément leur rôle dans l’élaboration et l’exécution du programme30.
Quand l’efficacité de l’organisation administrative est mise en œuvre, il apparaît que les structures de contrôle peuvent être assises plus facilement. Or, dans le privé, l’incitation monétaire permet d’obtenir ce résultat. La structure rigide de la fonction publique tend à limiter le développement du projet et les seuls moyens de contrainte se retrouvent dans les risques de mauvaise notation, de rétrogradation ou de révocation dont sont passibles les fonctionnaires tels que le décrit leur statut. Mais constitue-t-il des armes suffisantes pour une évolution des mentalités ? En effet, le secteur privé dispose à ce stade d’un avantage indéniable dont est privé le secteur public.
Toutefois, afin d’apporter un soutien des citoyens et une certaine participation à la vie locale, la loi du 12 avril 200031 a introduit, dans les collectivités locales, le référendum communal permettant aux élus de faire approuver leur politique par les citoyens ce qui amène une nouvelle conception des relations avec les administrés et tend à permettre le développement de nouvelles méthodes de travail facilitant les réponses aux attentes des usagers.
Dans ce cadre, l’analyse du management public engendre inévitablement de porter un regard sur l’analyse des politiques publiques comme un outil essentiel de modernisation.
Voir conception du maire entrepreneur
Lire le mémoire complet ==> (L’évaluation de l’efficacité de la dépense publique dans le contrôle de la gestion opéré par les Chambres Régionales des Comptes)
Mémoire de DEA – Mention FINANCES PUBLIQUES – Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Université Lille 2 – Droit et santé – Ecole doctorale n° 74

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