Les quatre systèmes de pouvoir de Mintzberg

Les quatre systèmes de pouvoir de Mintzberg

2. Les quatre systèmes de pouvoir de Mintzberg : présentation générale

Nous allons à présent nous intéresser aux systèmes de pouvoir selon le cadre d’analyse de Mintzberg (2003).

Après une présentation générale de ce cadre d’analyse, nous nous intéresserons plus en détail aux quatre systèmes de pouvoir qu’il a définis.

Ainsi, dans son ouvrage consacré au pouvoir dans les organisations, Mintzberg (2003) distingue quatre systèmes de pouvoir :

Il indique que ces quatre systèmes tantôt concentrent, tantôt diffusent le pouvoir, parmi les membres de la coalition interne.

Dans le système d’autorité, le contrôle personnel permet la responsabilité tandis que le contrôle bureaucratique assure la stabilité.

Le système d’idéologie permet d’éviter les « tendances d’esprit de clocher » (Mintzberg, 2003, p.315) et de réunir l’ensemble des acteurs de la coalition interne autour d’un but commun de l’organisation.

Le système des compétences spécialisées assure que le pouvoir est bien aux mains de ceux qui disposent des connaissances et compétences critiques pour l’organisation.

Le système politique corrige les défauts des systèmes précédents en introduisant une certaine flexibilité du pouvoir et s’assure que chacun de ces systèmes peut avoir sa place sans qu’un seul d’entre eux ne domine.

3. Le système d’autorité

Koontz et O’Donnell (1974), définissent ce qu’ils appellent l’autorité fonctionnelle ainsi : « droit délégué à un individu ou à un département, de contrôler des procédés, des pratiques, des politiques particulières ou d’autres matières relatives à des activités dont la responsabilité appartient à d’autres départements. » (in Lambert, 2005, p.64)

On peut alors penser que les contrôleurs de gestion de par la nature de leurs missions disposent d’une autorité fonctionnelle.

Dans l’analyse de Minztberg, cette autorité fonctionnelle se rapproche du contrôle bureaucratique.

En effet, selon lui, le système d’autorité, se traduit par deux types de contrôle, le contrôle personnel et le contrôle bureaucratique. Deux types de contrôle vis-à-vis desquels les contrôleurs de gestion ont des positions très différentes.

a) Pas de contrôle personnel …

Mintzberg indique clairement les bénéficiaires de ce premier type de contrôle, dit personnel :

« Le système de contrôle personnel comporte ces moyens d’influence par lesquels le PDG et les cadres moyens interviennent directement dans la vie de leurs employés pour contrôler leur comportement. » (Mintzberg, 2003, p.180).

Ainsi, les analystes de la technostructure, groupe auquel appartiennent les contrôleurs de gestion, sont dénués de cette autorité.

Clairement, le contrôleur de gestion ne dispose jamais d’une autorité formelle de contrôle direct, et cela est reconnu par l’ensemble de la profession.

Ainsi, l’Apec (Association Pour l’Emploi des Cadres, 1996) indique-t-elle :

« en aucun cas, le contrôleur de gestion ne doit se sentir investi d’un quelconque pouvoir décisionnel. […] En effet, il s’assurerait l’inimitié d’une partie des responsables d’avis divergents ou disqualifiés par les choix d’entreprise et sa mission, à terme, risquerait d’être totalement compromise. (in Lambert 2005, p.92). ».

On est ici dans la première interprétation de la relation entre les services fonctionnels et la ligne hiérarchique selon Etzioni (1964) :

« les services fonctionnels n’ont en aucun cas une autorité administrative. Ils endossent un rôle de conseil auprès de la ligne hiérarchique qui est amenée à mettre en place des actions. Les services fonctionnels ne formulent pas d’ordres en direction des subordonnés opérationnels; si un changement ou une action doivent être menés, leur décision et mise en œuvre doit passer obligatoirement par la ligne hiérarchique. » (in Lambert, 2005, p.64)

L’exercice du contrôle direct peut s’effectuer sous plusieurs formes :

  • Par la transmission d’ordres directs : le contrôleur de gestion ne transmet d’ordres directs que dans le cas où il est manager et qu’il s’adresse à sa propre équipe.

« Dans ce service là dont j’avais la responsabilité on était 4. » [CGB, Topélec]

  • Mise en place d’une base de décisions :

« délimiter le cadre dans lequel les subordonnés peuvent agir de leur propre chef » (Mintzberg, 2003, p.211) : comme précédemment, le contrôleur de gestion n’établit de base de décision que pour son équipe, le cas échéant.

  • Examen des décisions prises : il n’appartient pas au contrôleur de gestion de juger des décisions prises, cela ne relève pas de son périmètre d’action. Il peut commenter des décisions mais non les évaluer réellement.

« Donc là on peut faire des commentaires dessus, on peut dire que la mise en place des nouveaux procédés par exemple n’a pas eu les bénéfices escomptés. Mais on peut pas dire : il faut faire ça à la place quoi. On peut juste dire : ça n’a pas marché, il faudrait trouver autre chose. » [CGU, Coolagro]

  • Attribution de ressources d’ordre financier qui « permet au directeur de déterminer arbitrairement, si un subordonné jouira d’une marge de manœuvre étroite ou large dans ses prises de décision » (Mintzberg, 2003, p.212). Il apparaît que le contrôleur, s’il n’a pas de pouvoir de décision sur le budget, a une influence très forte dans la mesure où il est l’architecte et l’animateur de cet outil :

« On a une voix forte, on est assez puissants dans la partie budget. » [CGU, Superauto]

b) Mais un contrôle bureaucratique

Mintzberg distingue un deuxième type de contrôle dans le système d’autorité, qui est le contrôle bureaucratique.

Selon sa définition, il comprend « ces moyens d’influence par lesquels l’organisation impose des normes à ses employés. Ces normes peuvent être appliquées au travail lui-même à travers des descriptifs de travail, des règles et des règlements, etc.; ou bien ils peuvent être appliqués au rendement à travers des plans, des planifications, des objectifs officiels, etc. » (Mintzberg, 2003, p.280)

Or ce sont les analystes de la technostructure, cette fois, qui sont responsables de ces missions, et par là ils sont donc détenteurs d’influence.

On est alors dans la deuxième interprétation de la relation entre les services fonctionnels et la ligne hiérarchique définie par Etzioni (1964).

Et on retrouve l’ambiguïté des missions du contrôleur que nous avons évoquée dans la première partie :

« ils ont un rôle de conseil auprès des opérationnels, mais ils ont également la responsabilité de certaines parties d’activités. » (Etzioni, 1964, in Lambert, 2005, p.64)

Ainsi, le pouvoir lié au contrôle bureaucratique semble être une source exclusive et très importante pour l’analyste, dont la mission est d’ « institutionnaliser » les tâches de l’encadrement ce qui par conséquent réduit leur pouvoir.

Comme le précise Mintzberg (2003, p.129), « en d’autres termes, les analystes sont embauchés afin de remplacer les contrôles personnels par des contrôles bureaucratiques. »

Dans le cas du contrôleur de gestion, il est évident que par l’ensemble des outils de contrôle qu’il est amené à créer, il restreint le champ de pouvoir des autres acteurs de la coalition interne.

Mintzberg prend l’exemple du budget : « ainsi un système de prévisions budgétaires mis en place par les analystes, enlève au cadre de niveau intermédiaire la liberté d’action pour répartir les ressources comme il le souhaiterait dans son unité. » (2003, p.202).

On peut aussi prendre l’exemple de la création d’un outil de flexibilisation de la main d’œuvre directe et indirecte qui contraint les cadres dans leur pouvoir de décision en matière d’organisation du travail de la main d’œuvre directe :

« En janvier on a décidé de suivre semaine par semaine les heures de présence de tous les gens, que ce soit de la MOD directe ou de la Main d’œuvre Indirecte. […]Et tout ça, ça se fait avec un outil. Il a fallu créer cet outil. Donc il faut être très innovateur. » [CGS, Superauto]

Mintzberg (2003), définit plusieurs critères pour ce contrôle bureaucratique :

  •  La formalisation du travail (règlements, procédures, descriptions de postes),
  •  La standardisation des performances et résultats (planning et systèmes de contrôle),
  •  La standardisation des qualifications et connaissances

Parmi ces trois critères il semble que seuls les deux premiers relèvent de la responsabilité des analystes de la technostructure.

Le contrôleur de gestion, quant à lui, et dans une optique de contrôle de gestion classique, est davantage concerné par le deuxième critère, c’est à dire la standardisation des rendements dont l’idée de base est qu’il faut « mesurer les résultats, à défaut de contrôler le processus […] Afin de rendre opérationnels ses buts formels, autant qu’il est possible, l’organisation s’efforce parfois de mettre en place une structure hiérarchisée d’objectifs, qui vient se rajouter à la superstructure pour s’assurer que chaque unité, voire chaque poste de travail ait comme mission d’atteindre des buts mesurés quantitativement, sur une période donnée. » (Mintzberg, 2003, p.214).

Par exemple, il est du ressort du contrôleur de gestion industriel de mesurer les rendements après exécution :

« Calcul de productivité par département par jour, calcul de rendement par jour par matière première, après c’était les marges par produit fini. » [CGU, Coolagro]

En outre, Hatch (2000) indique que l’un des moyens d’accroître son pouvoir est de contrôler les critères qui entrent en jeu pour la prise de décision. Le contrôle bureaucratique détenu par les analystes peut y contribuer.

Notons que le contrôleur de gestion en tant que tel n’est pas toujours représenté au sein des organes de direction.

Ainsi, le contrôleur est seulement présent au comité de direction dans le cas du contrôleur usine de Superauto. Cela n’aide pas à renforcer le pouvoir formel du contrôleur :

« Le problème c’est qu’effectivement on n’a pas de relais au comex, enfin un représentant à nous quoi. Donc la DAF elle s’occupe de plein de sujets différents et enfin… et c’est pas pour rien s’il y avait un directeur du contrôle de gestion avant … » [Topfringues]

Pour clore partie sur le système d’autorité, il convient de rappeler que si le contrôleur de gestion ne dispose pas d’autorité en matière de contrôle personnel, le contrôle bureaucratique est son principal moyen d’influence formel sur les autres membres de l’organisation.

Nous allons maintenant nous intéresser au deuxième système de pouvoir présenté par Mintzberg (2003).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Du rapport des contrôleurs de gestion au pouvoir
Université 🏫: Université Paris – Dauphine - Master 2 Contrôle de gestion
Auteur·trice·s 🎓:
Bénédicte Lécuyer

Bénédicte Lécuyer
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - 2008/2009
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