La sauvegarde des zones humides par les aides financières

Des outils économiques originaux : aides financières et contractuelles – Section 3 :
Caroline London inclut les aides financières et subventions dans les instruments fiscaux de protection de l’environnement.250 En plus des diverses exonérations fiscales et taxes bénéficiant à la conservation des zones humides, il existe un certain nombre d’aides financières.
La finalité des aides financières est de permettre une activité à caractère extensif sur les zones visées par l’objectif de protection. En effet, les zones écologiquement fragiles le deviennent d’autant plus avec l’intensification de l’exploitation. Ainsi, la baisse de l’exploitation, pour être suivie par les agriculteurs, doit être assujettie d’aides financières. Pourtant, la défiscalisation et le versement d’aides ne sont pas garants en eux-mêmes d’une meilleure gestion de l’espace concerné, en terme d’efficacité environnementale. C’est pourquoi, il est apparu utile de mettre sur pied des systèmes de convention de gestion de type contractuel.251

250 LONDON Caroline, Environnement et instruments économiques et fiscaux, précité, p. 14.
251 SORIA Olivier, « Fiscalité et protection de l’environnement », précité, p. 10.

Sous-Section 1 Les aides financières
1. La « Prime à herbe »
Le but de la « prime à herbe » est d’inciter à maintenir les surfaces herbagères, et donc de dissuader les mises en culture. Mise en place depuis le Décret du 29 mars 1993252, cette prime est basée sur la surface, et calculée par hectare (de 40 à 78 euros par hectare). Elle concerne environ 74 000 bénéficiaires représentant une surface de 5 millions d’hectares.
Elle semble bénéficier plus aux espaces situés en zones de montagne, mais concernent tout de même les zones humides.253 Elle ne constitue pas une mesure agri-environnementale car les objectifs environnementaux à respecter ne sont pas mentionnés.254
2. Le Fond de gestion de l’espace rural
Mis en place par la Loi d’orientation pour l’aménagement et développement du territoire et décret du 5 avril 1995255, ce fond rémunère l’entretien et la réhabilitation d’espaces agricoles en voie d’abandon. De plus, il finance la lutte contre les risques naturels, ainsi que la conservation de la biodiversité et du paysage rural, et la gestion des espaces fragiles telles que les zones humides. A la fin des année 1990, ce fond s’élevait à environ 500 millions de francs.256 Il est mis sous la responsabilité du préfet du département.257

252 Décret n° 93-738 du 29 mars 1993 instituant une prime au maintien des systèmes d’élevage extensifs (J.O du 30 mars 1993, p. 5591).
253 SORIA Olivier, « Fiscalité des zones humides », Zones humides infos, n° 2, juillet 1993, p. 7.
254 BAZIN Pierre, « Petit point de vue sur les mécanismes agri-environnement en général et le CTE en particulier », Zones Humides Infos, n° 24, 2ème trimestre 1999, p. 4.
255 Loi n° 95-115 du 4 février 1995, précitée, et Décret n° 95-360 du 5 avril 1995 relatif au fonds de gestion de l’espace rural (J.O n° 82 du 6 avril 1995, p. 5499).
256 Soit environ 76 millions d’euros.
257 METAIS Michel, « Fonds de gestion de l’espace rural », Zones Humides Infos, n° 8, 2ème trimestre 1995, p. 7.

3. Le programme LIFE
L’Union Européenne met à disposition divers fonds structurels, qui ont pour objectif d’accompagner le développement égal des différentes régions de la communauté. Ce sont les actions visant la cohésion économique et sociale de l’Union. Ainsi, l’Irlande doit par exemple beaucoup de son développement économique récent au Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), le fond communautaire visant le développement régional. On peut également citer le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), qui finance certains projets de développement rural. La totalité des fonds structurels représentent un des pôles majeurs du budget de l’UE, qui a consacré 43% de ses dépenses en 2006 à ce domaine.
Quant au programme LIFE, il a été institué conformément à la directive du 21 mai 1992258, et finance les actions prioritaires en matière d’environnement. Ce programme regroupe en fait, de façon plus globale, des programmes existants déjà : Action spécifique à la Méditerranée (MEDSPA), Action pour la conservation de la nature (ACNAT) et l’action spécifique à la région nord de la Communauté (NSRSPA). LIFE devient alors l’instrument financier pour l’environnement, institué en vue de continuer les actions déjà entamées ainsi que de les élargir.
Le programme LIFE englobe trois domaines : la conservation de la nature (LIFE – Nature, 47% du financement), la mise en œuvre de la politique de l’environnement (LIFE- Environnement, 47% du financement), et enfin les actions en direction de pays tiers (LIFE- Pays, 6 % du financement).259 Les deux premières sections bénéficient aux zones humides. 16 projets ont vu le jour en France entre 1992 et 1995.

258 Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206 du 22 juillet 1992, pp. 7–50).
259 DESMOULIN Gil, « Les aides financières de la communauté européenne en matière de protection de l’environnement : un exemple de subsidiarité budgétaire et financière ? », Revue Française de finances publiques, n° 90 « Finances publiques et protection de l’environnement », mai 2005, p. 102.

Les aides européennes sont désormais conditionnées à la réalisation des obligations fixées. Ainsi, l’Etat peut supprimer les aides ou subventions allouées aux agriculteurs quand ces derniers ne répondent pas aux obligations liées à l’environnement : bonnes pratiques agricoles, diversité des cultures, conservation des prairies.260
4. L’indemnité spéciale zone humide
La proposition d’une indemnité stable spéciale zone humide (ISSZH) pour équilibrer, sur le plan économique, l’exploitation en prairie par rapport à la mise en culture, a été avancée dès la deuxième réunion du Comité de Coordination du Plan d’Action Zones Humides.261 Répondant à la même logique que les autres aides financières, cette indemnité contribuerait à la sauvegarde des zones humides par incitation financière.
Cette motion en faveur d’une indemnité spéciale zone humide est basée sur la Loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006262, qui stipule que les « activités d’élevages rendent de précieux services à la société ». L’article 88 énonce que le gouvernement « s’attache à soutenir le maintien des activités traditionnelles et économique dans les zones humides qui contribuent à l’entretien des milieux sensibles, notamment les prairies naturelles et les marais salants ».
L’aide comprend le handicap des milieux concernés ainsi que leur utilité publique. L’intérêt et l’efficacité de cet outil a été démontré par l’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), qui répond à la même logique. Cette indemnité existante a montré ses preuves de faisabilité sur le marais poitevin.263 D’où la demande d’extension à toutes les zones humides.
Cette indemnité serait aussi une réponse possible à l’objectif fixé dans la loi DTR et réaffirmé par le Plan de développement rural pour l’hexagone 2007-2013, de la mise en place d’un plan pour l’élevage en zones humides.264

260 CIZEL Olivier, « Protection et gestion des zones humides Révions du SDAGE RMC », Groupe d’histoire des zones humides, Pôle Relais lagunes méditerranéennes, septembre 2006, p. 109.
261 Réunion ayant eu lieu le 28 juin 1996.
262 Loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole (J.O du 6 janvier 2006, p. 229 texte n° 2), précitée.
263 Pôle relais lagunes méditerranéennes, « Motion en faveur d’une indemnité spéciale zone humide ».
264 Pôle relais lagunes méditerranéennes, « Motion en faveur d’une indemnité spéciale zone humide ».

Le montant de l’aide réclamé s’élève à 150 euros par hectare.
5. Les aides des agences de l’eau
Ces agences ont été créées par la Loi du 16 décembre 1964265 pour contribuer à la régénération de la ressource en eau et lutter contre la pollution des eaux. Elles ont pour objectif de mettre en place « des actions d’intérêt commun au bassin ou groupe de bassin ». Ainsi, elles ont défini une politique de préservation des zones humides, du fait de leur intérêt concernant la ressource en eau. Les agences se placent alors dans un objectif de développement durable, dans la mesure où protéger les zones humides aujourd’hui, c’est protéger la ressource en eau pour demain.266
Leurs moyens financiers sont constitués par des redevances sur le prélèvement sur l’eau ainsi que sur certains rejets polluants. Les redevances prélevées permettent de financer le traitement des eaux usées ainsi que des actions envers la protection de la ressource en eau. C’est ce dernier objectif qui touche la protection des zones humides. Ainsi, les agences dirigent certains travaux de rénovation et des projets de recherche.
L’engagement à un programme d’action défini par les SDAGE, précisant les pratiques de gestion des zones humides, a pour conséquence le versement d’aides des agences de l’eau. Cinq nouvelles redevances ont été mises en place par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques267, dont la redevance pour la protection des milieux aquatiques, qui auront pour conséquence d’accroître les moyens de ces agences et de développer leurs mesures de protection envers les zones humides.

265 Loi n°64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, précitée.
266 AMEZAL Aïcha, « La politique des Agences de l’eau en matière de protection des zones humides », Zones Humides Infos, n° 19, 1er trimestre 1998, p. 10.
267 Loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, précitée.

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Mémoire de fin d’études – Diplôme IEP
Université LYON 2 – Institut d’Etudes Politiques de Lyon

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