La protection des zones humides par rapport à la ressource en eau

Une protection éparse – Sous-Section 2 :
Aux niveaux internationaux, communautaire et national, les zones humides sont l’objet de différentes réglementations et conventions spécifiques. Ainsi, leur protection est juridiquement et spécifiquement reconnue et organisée en tant que telle.
Cependant, les zones humides sont aussi et essentiellement prises en compte par un éventail large de diverses réglementations, conventions, labels, instruments fonciers ou planificateurs qui favorisent leur sauvegarde et leur conservation, mais uniquement de façon indirecte. En effet, ce ne sont pas les zones humides en tant que telles qui sont visées, mais les milieux, les habitats, les paysages, que représentent les zones concernées, ou encore les espèces, les ressources naturelles présentes dans ces zones.
Quoi qu’il en soit, ces divers systèmes de protection mentionnent généralement les zones humides, et sont de fait bénéfiques à leur conservation. Par l’intermédiaire de la gestion et la conservation des habitats de l’avifaune, pour ne citer qu’un exemple, c’est la zone humide, elle-même, qui fera l’objet de la protection.
1. Protection par rapport à la ressource en « eau »
Une zone humide peut être définie comme un territoire où l’eau est le principal facteur qui contrôle le fonctionnement du milieu naturel, de la vie animale et végétale associée. C’est pourquoi la présence d’eau est l’un des critères de définition des zones humides. Ces dernières jouent d’ailleurs un rôle primordial concernant la ressource eau. Elles participent par exemple à l’épuration de l’eau.68 La gestion et la protection de la ressource en eau vont donc naturellement de pair avec celles des zones humides.
Plusieurs textes législatifs (au niveau communautaire également), traitant de la gestion de l’eau, organisent une protection certaine des zones humides.
a. La Loi sur l’eau du 16 décembre 196469
La loi du 16 décembre 1964 est essentielle par le fait qu’elle institue le principe de gestion équilibrée de la ressource en eau.70 Aussi, elle met en place une nouvelle approche de la gestion de l’eau : une approche géographique.71 Ce sont plus globalement les régimes et la répartition des eaux qui sont visés par cette loi, ainsi que la lutte contre la pollution. Les agences de l’eau sont crées par cette loi.

68 Rapport « Bernard » ; précité, p. 71.
69 Loi n°64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution (J.O du 18 décembre 1964, p. 11258).
70 GILLET Sarah, « Projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques », Zones Humides Infos, n° 49, 3ème trimestre 2005, p. 28.
71 LONDON Caroline, Environnement et instruments économiques et fiscaux, L.G.D.J., Systèmes Droit, Andrézieux-Bouthéon, novembre 2001, p. 67.

b. La Loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau72
Outre donner la première définition légale d’une zone humide en droit interne73, cette loi décrit l’eau comme « patrimoine commun de la Nation »74, dont la protection est d’intérêt général.75 La gestion équilibrée de la ressource eau, que cette loi préconise, nécessite la « préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ».76
L’ensemble de la loi touche moins directement les zones humides, mais les concernent pourtant par de nombreux aspects telles que toutes les mesures concernant la police de l’eau.77
Ainsi sont énumérées les fonctions liées aux zones humides, toutes en relation avec l’eau. Sont par exemple visées « la protection des eaux, la restauration de la qualité de l’eau, la valorisation de l’eau comme ressource économique, et la promotion d’une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau ». Les plans de prévention des risques définissent par ailleurs les prescriptions techniques et les interdictions afin d’assurer le « libre écoulement des eaux et la conservation, la restauration ou l’extension des champs d’inondation »78. Cette disposition permet le maintien d’une des fonctions naturelles des zones humides, c’est-à-dire leur fonction d’épuration et d’expansion des crues.
Certains travaux, à effets négatifs sur les milieux, doivent être soumis à déclaration ou autorisation.79 Tel est le cas pour les assèchements ou drainages de marais, ainsi que pour tous travaux modifiant le mode d’écoulement ou le prélèvement de l’eau. Des sanctions administratives et pénales sont alors prévues. Il est par ailleurs prévu des délits de pollution des eaux80 ou d’altération du biotope81.

72 Loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau (J.O n° 3 du 4 janvier 1992) modifiée par la Loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur (J.O n° 298 du 23 décembre 1992) et par la Loi « Barnier » précitée ; codifiée aux article L.211-1 et suivants du Code de l’environnement.
73 Article 2 de la Loi sur l’eau de 1992, précitée.
74 Article 1 de la Loi sur l’eau de 1992, précitée.
75 Article 1 de la Loi sur l’eau de 1992, précitée.
76 Article 2 de la Loi sur l’eau de 1992, précitée.
77 Telles que la nomenclature des activités, versement des eaux et affilié, compétence des collectivités etc.
78 Article 16 de la Loi sur l’eau de 1992, précitée.
79 Article 10 de la Loi sur l’eau de 1992 et Décret n° 93-743 du 29 mars 1993 relatif à la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application de l’article 10 de la loi no 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau (J.O n° 75 du 30 mars 1993). Codifiés à l’article L. 241-2 du Code de l’environnement.

Enfin, il est prévu que les collectivités territoriales peuvent entreprendre l’exécution de travaux visant la protection et la restauration des zones humides.82
La Loi sur l’eau83 contient donc des dispositions importantes permettant une protection des zones humides. Cette protection doit être prise en considération dans la mesure où le maintien et la sauvegarde des zones humides jouent un rôle primordial dans la gestion équilibrée de la ressource en eau, objectif phare de la Loi sur l’eau.
c. Les SDAGE et les SAGE
Les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) et les Schémas d’Aménagement des Eaux (SAGE) sont la réponse à la volonté du gouvernement de prendre en compte systématiquement les zones humides dans les politiques de planification.84 Ils ne constituent pas en eux-mêmes des mesures de protection mais ont tout de même une influence sur la conservation de ces zones.85
C’est la Loi sur l’eau de 1992 qui les institua. Les articles 3 et 4 de cette même loi définissent les SDAGE86, alors que les articles 5 à 7, les SAGE87. Ils représentent les instruments français de mise en œuvre de la politique communautaire dans le domaine de l’eau.
Les SDAGE fixent pour chaque bassin ou groupement de bassins88 les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource eau.

80 Article L. 432-2 et L. 216-6 du Code de l’environnement.
81 Article L. 411-1 al. 3 du code de l’environnement.
82 Article 31 de la Loi sur l’eau de 1992, précitée, codifié à l’article L. 211-7 du Code de l’environnement.
83 Loi sur l’eau de 1992, précitée.
84 En réponse aux préconisations du Plan d’action nationale des zones humides.
85 ROMI Raphaël, Droit et Administration de l’environnement, Domat, Droit public, Montchrestien, 5e éditions, Paris, février 2004, p. 376.
86 Complétés par la circulaire du 15 septembre 1994.
87 Mis en application par le Décret n° 92-1042 du 24 septembre 1992 portant application de l’article 5 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau et relatif aux schémas d’aménagement et de gestion des eaux (J.O n° 225 du 27 septembre 1992).
88 Les SDAGE ont été institué à l’échelle de six grands bassins hydrologiques

Ils sont en fait des cadres d’action communs pour les acteurs de l’eau.89
Dans le cadre des SDAGE, les principales zones humides du bassin en question doivent être identifiées, et leur conservation prévue. Les SDAGE ne créent pas eux-mêmes de nouvelles règles juridiques, mais constituent pourtant des instruments juridiques dans la mesure où l’Etat s’engage à faire respecter ces documents. Ainsi, les SDAGE sont juridiquement opposables à l’Etat, aux collectivités locales et aux établissements publics.90 Des principes de protection tels que le respect de l’intégrité du milieu sont affirmés.
Les SAGE doivent, quant à eux, fixer les objectifs plus précis de préservation des zones humides. Ils sont institués au niveau de chaque bassin versant, et leurs périmètres prévus par les SDAGE. Ainsi, une zone humide doit être incluse en totalité dans le périmètre d’un seul SAGE.
De plus, toutes les décisions et tous les programmes administratifs concernant le domaine de l’eau doivent être compatibles avec les objectifs de ces schémas, et prennent de ce fait en considération la conservation des zones humides. Il a été rappelé par la Loi d’orientation agricole de 200691 que les SDAGE et les SAGE ont l’obligation de prendre en compte les zones humides. Quant aux décisions ne concernant pas le domaine de l’eau directement, elles devront néanmoins prendre en compte les objectifs fixés.92

89 JOUSSEAUME Claude / RETKOWSKY Yvan, « Les SDAGE, une démarche cohérente et prospective pour gérer l’eau et les milieux aquatiques », Zones Humides Infos, n° 19, 1er trimestre 1998, p. 8.
90 JOUSSEAUME Claude / RETKOWSKY Yvan, « Les SDAGE, une démarche cohérente et prospective pour gérer l’eau et les milieux aquatiques », précité, p. 9.
91 Loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole (J.O du 6 janvier 2006, p. 229 texte n° 2).
92 JOUSSEAUME Claude / RETKOWSKY Yvan, « Les SDAGE, une démarche cohérente et prospective pour gérer l’eau et les milieux aquatiques », précité, p. 9 ; et LE LOUARN Patrick, Les zones humides et le droit, , précité, Titre 2, chapitre 2.
93 Circulaire n° 94-81 du 24 octobre 1994 (B.O du Ministère de l’équipement, des transports et du tourisme n° 33, 10 décembre 1994).

d. La Circulaire du 24 octobre 1994
Dans le cadre des contrats de rivière, la circulaire du 24 octobre 199493 souligne que le Plan décennal de restauration et d’entretien de rivières vise également la préservation des zones naturelles d’expansion des
crues.94 De plus, les opérations d’entretien, de restauration et de sauvegarde des zones humides seront financièrement compensées par une aide du Ministère de l’Environnement.
e. La Directive cadre sur l’eau (DCE) du 22 octobre 200295
Il s’agit d’un document d’orientation au niveau européen. Il ne comporte pas de définition des zones humides, qui ne sont pas le centre de cette directive, mais la description des zones humides est mise en relation avec les masses d’eau. Des mesures qui permettront de protéger les zones humides découlent de cette directive.
L’article 1 stipule : « prévenir toute dégradation supplémentaire, préserver et améliorer l’état des écosystèmes aquatiques, ainsi que, en ce qui concerne les besoins en eau, des écosystèmes terrestres et des zones humides qui en dépendent ». La directive a par ailleurs pour but de promouvoir l’utilisation durable de l’eau ainsi que de renforcer la protection de l’environnement aquatique. L’objectif central est de parvenir à un bon état des eaux d’ici 2015. Pour atteindre cet objectif, l’accent est notamment mis sur la prévention des dégradations sur les écosystèmes directement dépendants, les zones humides y comprises. 96
Dans le cadre de cette directive, les SDAGE doivent être mis en place suivant deux étapes : une liste de toutes les mesures nécessaires est établie, puis la faisabilité de celles-ci et leur calendrier étudiés avant leur mise en place définitive.97

94 Les zones humides sont donc directement visées en tant que zones naturelles d’expansion des crues ; c’est l’une de leurs caractéristiques.
95 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327 du 22 décembre 2000, pp. 1–73), modifiée par la Décision n° 2455/2001/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2001 établissant la liste des substances prioritaires dans le domaine de l’eau (JO L 331 du 15 décembre 2001, pp. 1–5). Transposée par la Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (1) (J.O du 22 avril 2004, p. 7327 texte n° 1).
96 GILLET Sarah, « Les zones humides dans la directive cadre sur l’eau (DCE) », Zones Humides Infos, n° 49, 3ème trimestre 2005, p. 16.
97 MULLER Eric, « Programme de mesures : le complément opérationnel du SDAGE », Zones Humides Infos, n° 49, 3ème trimestre 2005, p. 17.

f. La Loi sur l’Eau et les milieux aquatiques, du 30 décembre 200698
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques a pour but de mettre en place les outils nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par la directive européenne sur l’eau (DCE).
La protection des zones humides n’y est pas explicitement spécifiée, mais la loi supprime les dernières dispositions défavorables aux zones humides, comme l’assèchement des mares, le drainage ou encore la démoustication. Par ailleurs, l’amélioration de la gestion des eaux fait partie des objectifs de cette loi, ce qui sera bénéfique au bon fonctionnement des zones humides, bien qu’elles ne soient pas stipulées en tant que telle dans la loi.99
Il y a aussi un objectif général d’améliorer les conditions d’accès à l’eau ainsi qu’une rénovation de l’organisation de la pêche en eau douce. Les agences de l’eau sont réorganisées, et de nouvelles redevances sont mises en place. Enfin, est mis en place l’office national de l’eau et des milieux aquatiques, qui est un établissement public chargé de favoriser la gestion globale de l’eau et la protection des milieux aquatiques par des actions locales et nationales.100 Il est un appui aux gestionnaires de l’eau.
g. Défrichement et reboisement
Enfin, le défrichement peut être interdit par l’autorité administrative quand la conservation des bois et massifs est reconnue nécessaire à « l’existence de sources, cours d’eau et zones humides et plus généralement à la qualité des eaux ».

98 Loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (J.O n° 303 du 31 décembre 2006, p. 20285, texte n° 3).
99 CIZEL Olivier, « Les zones humides dans le projet de loi sur l’eau », Zones Humides Infos, n° 49, 3ème trimestre 2005, pp. 26-27.
100 Mis en place par l’article 88 de la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques, précitée. Codifié à l’article L. 213-2 du Code de l’environnement.

A l’opposé, le reboisement peut lui-même être interdit par le préfet qui réglemente les milieux naturels ainsi que la gestion équilibrée des eaux. 101

101 Article L. 311-4 du Code forestier, articles L. 126-1 et R. 126-1 du Code rural.

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Mémoire de fin d’études – Diplôme IEP
Université LYON 2 – Institut d’Etudes Politiques de Lyon

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