La définition des zones humides en France

Définition des zones humides – Sous-Section 2 :
Toute délimitation va de pair avec une définition. Il était donc nécessaire de définir, d’un point de vue juridique, les zones humides pour pouvoir cerner les milieux concernés, afin de leur appliquer les textes de protection.
Turner, en 1992, définit l’appellation « zone humide » comme pouvant désigner tout élément du continuum reliant l’environnement aquatique à l’environnement terrestre.37 Juridiquement, c’est la Convention de Ramsar qui donne la définition des zones humides au niveau mondial. La première définition en France vint avec la Loi sur l’eau de 1992.38
1. Au niveau national
C’est la Loi sur l’eau de 1992 qui donne la première définition légale d’une zone humide en France. Cependant, certaines législations antérieures reconnaissaient et définissaient partiellement certaines zones humides.
On peut citer l’exemple du droit de la chasse qui donnait comme définition des marais, la suivante : « terrains périodiquement inondés sur lesquels se trouve une végétation aquatique ». Cette définition a d’ailleurs été étendue par le juge au « terrain non cultivé, très humide ou incomplètement couvert d’eau, qui est sans écoulement, et de plantes aquatiques ».39
a. Première définition légale d’une zone humide en droit français.
L’article 2 de la Loi sur l’eau du 3 janvier 1992 stipule que « les zones humides sont des terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre, de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année».40

37 Rapport « Bernard » précité, pp. 50-51.
38 Loi n°92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau (J.O n° 3 du 4 janvier 1992), précitée.
39 Nîmes, 8 janvier 1966 (B.O. C.S.C., 1966, p. 78).
40 Codifié à l’article L. 221-1 du Code de l’environnement.

b. Précisions de cette définition
Le Décret n° 2007-135 du 30 janvier 200741 précise les critères de définition et de délimitation des zones humides figurant à l’article L. 211-1 de Code de l’Environnement.
L’article 1er de ce décret stipule dans son premier point que « les critères sont relatifs à la morphologie des sols liée à la présence prolongée d’eau d’origine naturelle et à la présence éventuelle de plantes hygrophiles. En l’absence de plantes, la morphologie des sols suffit à définir une zone humide. »
La délimitation de ces zones se fait grâce à la « cote des crues ou du niveau phréatique pour les zones humides intérieures », et grâce à « la fréquence et l’amplitude des marées pour les zones humides littorales ».42
Cette délimitation doit être cohérente avec les deux critères de définition, c’est-à-dire la « morphologie des sols » et la « végétation hygrophile ».
Le présent décret ne s’applique pas pour « les cours d’eau, plan d’eau, canaux et infrastructures créés en vue du traitement des eaux usées ou pluviales ».43
2. Au niveau international
Au niveau international, la définition des zones humides est donnée par la Convention de Ramsar.
Les zones humides entendues au sens de la Convention de Ramsar, sont : » des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres «.44

41 Décret n° 2007-135 du 30 janvier 2007 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides figurant à l’article L. 211-1 du code de l’environnement (J.O n° 27 du 1 février 2007, p.1968, texte n° 49).
42 Article 1er, paragraphe 2, du Décret n° 2007-135 du 30 janvier 2007, précité.
43 Article 1er, paragraphe 4, du Décret n° 2007-135 du 30 janvier 2007, précité.
44 Article 1 de la Convention de Ramsar.

Les Etats partis à la Convention peuvent ajouter aux étendues précédemment définies des « zones de rives ou de côtes, adjacentes à la zone humide et des îles ou étendues d’eau marine d’une profondeur supérieure à dix mètres à marée basse, entourées par la zone humide , particulièrement lorsque ces zones, îles ou étendues d’eau, ont de l’importance en tant qu’habitat des oiseaux d’eau ».45
3. Confrontation et compatibilité des deux définitions
La Convention de Ramsar, étant une convention de droit international classique, ne s’applique pas aux particuliers.46 Le Ministère de l’Environnement en France prend donc en compte la définition fournie par la Loi sur l’eau de 1992. Idem, le juge de droit interne, en cas de conflit, s’appuiera sur cette même loi.
Le juge administratif a statué sur la Loi sur l’eau de 1992 comme étant « conforme » à la Convention de Ramsar.47 Même si elle n’est pas identique, la définition fournie par la loi de 1992 est « compatible » avec la Convention.
Plusieurs problèmes ont pourtant été soulevés quant à la définition française.
Tout d’abord, sont exclus les cours d’eau ainsi que les plans d’eau ; critère d’ailleurs confirmé par le décret du 30 janvier 200748. Il est cependant convenu que les plans d’eau de faible taille (type étangs) sont inclus dans la définition.
En outre, la profondeur n’est pas un critère de la définition contrairement à la Convention de Ramsar. Ce critère est pourtant caractéristique de ces espaces, étant donné que les zones humides sont des zones d’interface entre terre et eau. Une profondeur trop élevée qualifierait la zone comme zone aquatique et non plus zone humide. Ainsi, pour les étendues d’eau douce, la référence a été établie à deux mètres. Pour les zones intertidales, entre deux et six mètres, dépendant de la marée.

45 Article 2-1 de la Convention de Ramsar.
46 Le droit international classique s’adresse avant tout aux Etats, sauf si clause particulière précisant l’effet direct des normes concernées.
47 Poitiers, 9 janvier 1997, Couvert c./ Ligue pour la protection des oiseaux et autres (R.J.E. 3/1997, p. 423 et R.J.E. 3/1998, p. 355).
48 Décret n° 2007-135, précité.

Un autre problème est à soulever : celui du degré d’artificialisation. Ce dernier ne rentre en effet pas en compte dans les définitions. Pourtant, les zones doivent comporter un certain nombre de caractéristiques biologiques. Par exemple, si le fond et la rive sont inorganiques, la zone n’est évidemment pas répertoriée comme une zone humide.
Par ailleurs, la loi49 tout comme le décret relatif à la définition et la délimitation des zones humides50 ne font référence qu’aux « plantes hydrophiles ». Pourtant, il convient de supposer que les plantes hélophytes (sur les berges) et les plantes hygrophytes (plantes aquatiques fixées ou nageantes) sont aussi visées.
Enfin, il reste le problème des espaces limitrophes aux zones humides. Doivent-ils être inclus aux zones humides malgré le fait qu’ils ne présentent pas toutes les caractéristiques propres aux zones humides ? Ils participent pourtant à l’écosystème général. Certaines de ces zones tampon sont incluses dans la convention de Ramsar comme les rives et les côtes ainsi que les îles. Aussi devront « être intégrés les secteurs dont le caractère humide n’est plus apparent, mais qui conserve un intérêt sur le plan du fonctionnement hydraulique et écologique de l’ensemble du site ». Par ailleurs, la commission technique des zones humides propose un espace de fonctionnalité c’est-à-dire un « espace proche de la zone humide ayant une dépendance directe et des liens de fonctionnalité évidents avec la zone humide », mais qui n’est pas la zone humide à proprement parler.51
Malgré le manque de consensus sur la délimitation des zones humides, celles-ci ont été reconnues et définies sur le plan international et national. Divers réglementations et instruments de protection leur sont désormais applicables.

49 Loi sur l’eau de 1992, précitée.
50 Décret n° 2007-135 du 30 janvier 2007, précité.
51 CIZEL Olivier, « Les différentes définitions des zones humides et leurs implications », précité, pp.2-4.

Lire le mémoire complet ==> (Fiscalité et protection des zones humides)
Mémoire de fin d’études – Diplôme IEP
Université LYON 2 – Institut d’Etudes Politiques de Lyon

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