Rapport au sensible et expérience de la relation de couple

Rapport au sensible et Expérience de la relation de couple

Université MODERNE DE LISBONNE

Mestrado EN Psychopedagogie Perceptive

Rapport au sensible et expérience de la relation de couple

Rapport au sensible et Expérience de la relation de couple

« Enquête exploratoire auprès de praticiens-experts de la psychopédagogie perceptive »

Mémoire de Mestrado en Psychopedagogie Perceptive

Géraldine Lefloch

Direction Scientifique : Prof. Dr. Marc Humpich

Co-direction : Prof. Dr. Danis Bois

Février 2008

Remerciements

A Marc Humpich, qui par son soutien, son aide et ses conseils éclairés m’a permis de réaliser non seulement ce mémoire mais aussi mon projet relationnel d’un grandir ensemble au quotidien.

A Danis Bois, le chercheur, pour l’exception de son œuvre. A Danis Bois, l’homme, qui en s’étant autorisé tout de lui, m’insuffle l’envie d’incarner tout de moi.

A Eve Berger, Jeanne-Marie Rugira et Pierre Paillé pour leur amitié et leur accompagnement dans l’élaboration de ce mémoire.

A mes collègues et amis de la promotion 2005 – 2007.

Aux formateurs qui ont accepté de me livrer leur intimité pour que je puisse réaliser ce mémoire. A Maman et Raymond.

A Françoise et Daniel Vollant, Véronique Pontvianne-Etienne, Aude, Christèle, Nathalie, Marie-Aude, Thierry et à tous ceux qui m’ont soutenue dans ce travail.

Première partie : Contextualisation et problématique
Chapitre 1

Introduction – Rapport au sensible

Depuis toujours, en tout cas c’est le souvenir que j’en ai, les rapports humains et plus particulièrement ceux expérimentés dans des contextes de relation signifiante, m’interpellent, m’interrogent. Je précise que « relation signifiante » sera entendu dans ce mémoire comme une relation qui implique de façon affective les personnes qui la vivent.

C’est le cas par exemple de la relation vécue entre amis, de la relation parents-enfants et de la relation de couple.

Dès l’école primaire, puis bien plus tard à l’adolescence, je me souviens de quelques questions profondes qui nourrissaient déjà ma réflexion : « qu’est-ce que l’amitié ? », « comment ‘marche’ une relation ? », « pourquoi tant de difficultés de compréhension, tant de confrontations entre personnes qui disent s’aimer ? », « qu’est-ce que l’amour ? », « comment fonctionnent les rapports humains ? » ou encore : « y a-t-il quelque chose à comprendre des aberrations relationnelles ? ».

Quelques années plus tard, après des études de pédicurie puis de kinésithérapie, je rencontrai la fasciathérapie, à l’époque nommée « Méthode Danis Bois » du nom de son fondateur.

Je ne savais pas encore que cette méthode allait me permettre de répondre à quelques-uns de ces questionnements.

Suite à un problème de santé, j’avais eu l’occasion de tester sur moi-même l’efficacité de la fasciathérapie. Elle représentait alors pour moi une spécialité de la kinésithérapie et je décidai de m’y former dans le projet de pouvoir apporter à mes patients ce qui m’apparaissait comme un « plus », un complément thérapeutique.

Inconsciente, je l’étais. Mais j’avais des points forts : une ténacité, une curiosité et un fort penchant pour la relation d’aide.

De la spiritualité, au sens de « transformation de conscience » (Tolle, 2005, p.15), je n’en connaissais même pas l’existence. Ma surprise fut donc d’autant plus grande quand je fis en moi-même l’expérience consciente de ce que Danis Bois appelait le « mouvement interne ». Je dirais même que le bouleversement existentiel fut total.

Au début de ma formation en fasciathérapie, la perception que j’avais du mouvement interne était celle d’une force thérapeutique nouvelle sur laquelle j’allais pouvoir m’appuyer dans mon activité professionnelle.

Mais progressivement, quelque chose de plus profond naissait en moi en fréquentant ce mouvement qui était invisible à l’œil et pourtant très bien identifiable par la perception corporelle.

Plus qu’un outil thérapeutique, il se révélait porteur d’un sens; je le pressentais. Je dirais même qu’avec le temps, un sens à la vie se dévoila et, plus précisément encore, un sens à ma vie. Cette découverte me combla.

Le processus de mutation de mon existence était donc lancé : je voulais vivre au cœur de ce bonheur sans objet rencontré dans l’expérience du mouvement interne et je voulais partager cette découverte avec les autres (patients, proches….).

Que n’avais-je pas pensé là ! Rester au contact du mouvement interne et du « corps sensible »1 n’est ni chose facile, ni chose banale. Car c’est bien de transformation de soi dont il s’agit.

Mais la méthodologie proposée par Danis Bois est efficace et les travaux entrepris au Centre d’Étude et de Recherche Appliquée en Psychopédagogie perceptive (Cerap) le prouvent.

A la question « la relation au corps sensible a-t-elle un impact sur la transformation des représentations du sujet en formation ? » (Bois, 2007, p.38) l’enquête menée auprès de praticiens en psychopédagogie perceptive répond que non seulement il y a « transformation des représentations conceptuelles » (Ibid., p.344) mais également « que la personne, au contact de la relation au corps sensible, perçoit une réelle transformation de son secteur existentiel » (Ibid., p.345).

Allons plus loin. Au-delà de ces changements conceptuels et existentiels, qu’est-ce que cela apporte de vivre au contact du « sensible » dans la vie quotidienne ? Comment et dans quels sens se manifeste le renouvellement des attitudes comportementales ? Que donnent ces changements dans la sphère relationnelle ?

Pour en savoir plus, regardons de plus près quelques écrits du CERAP. Pour Christian Courraud « le toucher psychotonique [pratiqué en fasciathérapie] invite la personne à se centrer sur elle-même […]. Ce toucher de relation soigne la relation à soi, la présence à soi et le sentiment de soi » (2007, p.125-126).

Avec Hélène Bourhis, nous apprenons que non seulement la pédagogie du sensible enrichit la « potentialité perceptive » mais également qu’elle a un impact sur « la manière d’être » des étudiants (2007a, p.100).

Dimitri Dagot, quant à lui, nous partage que les étudiants en psychopédagogie perceptive développent des compétences nouvelles générant « une confiance en la vie, en l’avenir et des élans d’action significatifs » (2007, p.105)

Nous voyons bien dans ces quelques exemples que le rapport au sensible entraîne un réel changement dans le rapport de soi à soi.

On peut alors se poser la question avec Carl Rogers de l’influence sur la vie relationnelle d’un travail de transformation de soi et s’interroger sur le devenir des changements comportementaux dans les rapports interpersonnels : « Quelles sont donc les façons dont s’opèrent les changements de comportement des clients dans leur vie de famille, en conséquence d’une thérapie centrée sur la personne? » (Rogers, 1998, p.204).

1 Je détaillerai précisément ce que Danis Bois entend par « mouvement interne » et par « corps sensible » dans le chapitre « Cadre théorique ». Précisons pour le moment que le mouvement interne est expérimenté sous de multiples visages : une animation des différents tissus du corps, une force interne, un principe d’autorégulation physique et psychique de la personne, une conscience en mouvement. Le corps sensible, quant à lui, est le corps qui se donne à vivre quand il est animé par le mouvement interne.

En ce qui me concerne, après avoir, comme beaucoup de mes amis et collègues, passé plus de quinze années au contact du sensible à me laisser bouger dans mes représentations mentales, la relation à l’autre et les effets sur celle-ci d’une démarche de transformation au contact du corps sensible sont aujourd’hui au cœur de mes préoccupations, à la fois de praticienne et de chercheuse ?

Les travaux de recherche disponibles suscitent également ma curiosité en ce sens.

En effet, que veulent dire les participants de la recherche de D. Bois quand ils expriment : « Je suis moins à distance des autres » ou encore « je suis moins artificiel, moins périphérique, plus concerné par les autres » (2007, p.342) ?

De nouvelles questions émergent : qu’est-ce qui, dans le rapport au sensible, permet de se rapprocher de l’autre, d’être plus concerné par lui ? Comment se fait ce rapprochement ? Y a-t-il des lois relationnelles spécifiques quand on vit au contact du sensible ?

Il est un fait que le renouvellement de soi se prolonge jusque dans les sphères de l’intime. La sphère d’influence du sensible s’exerce ainsi jusque dans la relation amoureuse.

Si les questions relatives à la dynamique amoureuse ne sont aujourd’hui pas encore abordées explicitement dans les programmes de formation en psychopédagogie perceptive, les débats entre praticiens concernant l’influence du rapport au sensible dans cette sphère de l’amour sont omniprésents mais se tiennent en quelques sorte dans la « clandestinité ».

De plus, un certain nombre de mes collègues et moi-même sommes régulièrement sollicités, dans le cadre de notre activité professionnelle, sur le terrain de l’accompagnement de problématiques relationnelles et plus particulièrement sur les problématiques de couple.

Voici donc les éléments qui ont contribué à mon choix d’un projet de recherche autour du thème suivant : rapport au sensible et expérience de la relation de couple.

Chapitre 2

Contextualisation et problématique – la relation de couple

Pertinence personnelle

Le choix d’un tel sujet de recherche prolonge tout d’abord la façon dont je me perçois : en tant qu’être humain, je me vis comme étant née pour partager mon amour de la vie avec les autres.

Longtemps, j’ai été une personne extravertie qui se construisait en priorité au contact de l’altérité. Aujourd’hui encore, l’ « autre » continue de m’intéresser; mieux le comprendre dans sa différence me passionne.

Je suis de plus une personne de nature affective et émotionnelle et mon rapport à l’amour vécu au départ depuis cet endroit de moi, s’est enrichi du rapport au sensible.

Cette réalité de la transformation du vécu de l’amour mérite à mes yeux d’être explorée, d’être explicitée car elle m’a fait changer ma manière d’être dans mes relations à mes proches.

Et c’est dans le contexte de mes relations de couple et de mes relations familiales que ces changements ont été les plus flagrants, les plus visibles. L’éveil au sensible s’est accompagné pour moi d’un enrichissement du vécu amoureux, fait de perceptions nouvelles de l’autre et de moi-même.

J’ai découvert une proximité à l’autre totalement inédite, une impression de participer à une communion des cœurs, des corps et des présences, une rencontre profonde des êtres.

À certains moments, la relation de couple restait néanmoins confrontant : s’articuler avec la différence de l’autre restait un défi. Avec mes années d’expérience au contact du sensible, j’ai progressivement mesuré que j’avais là des outils, des pistes précieuses, à la fois pour pénétrer la pleine dimension de l’expérience de l’amour et aussi pour aborder de façon plus pertinente les « crises » incontournables.

Le déploiement de ma proximité au sensible amenait cependant d’autres constats. D’un côté, j’avais la forte impression de faire l’expérience d’un « renouvellement du moi », au sens défini par Danis Bois, c’est-à- dire : « un moi qui se construit sur la base de rapports éprouvés et conscientisés que la personne entretient avec son corps, avec ses actions et avec autrui […].

Il est un moi du présent, plastique, puisqu’il a la faculté de se renouveler à tout moment et à tout âge au contact de l’expérience vécue et comprise […]. La notion de Moi renouvelé contient l’idée d’une infinie possibilité de manière d’être » (Bois, 2006, pp.43-44).

D’un autre côté, ce sentiment tangible d’ouverture de mon être, tant perceptive que réflexive, se heurtait bien souvent à des modalités de comportement relationnel fortement empreintes d’habitudes et de limites.

Comment était-il donc possible de me vivre si « libre d’être » quand je me trouvais en présence de moi-même alors que je redevenais régulièrement réduite à de « vieux mécanismes » dans ma relation aux autres ?

L’explication était-elle à rechercher du côté des conditions privilégiées – dites « extra-quotidiennes » – dans lesquelles je faisais la découverte des aspects inédits de moi-même ? Était-elle plutôt à trouver dans l’attitude qui devenait la mienne quand je quittais le contexte privilégié de l’extra-quotidienneté?

Un autre élément de la pertinence personnelle que je tiens à livrer est en rapport avec mon souci de l’échange et de la communication. Je souhaitais avoir l’occasion de mettre à jour les nouvelles modalités relationnelles vécues par mes amis « experts » du sensible car j’avais envie de savoir quels étaient les effets de ce processus de transformation au niveau de leur relation de couple.

Ceci autant pour enrichir mes propres points de vue et nourrir ma réflexion que pour mieux les comprendre dans leurs choix relationnels.

Il est un dernier enjeu de ce travail de recherche qui se situe au carrefour des pertinences personnelles et professionnelles. En effet, ma pratique m’avait amenée à constater que mes capacités perceptives étaient très en avance sur mes aptitudes réflexives.

Je n’avais pas les moyens de restituer pleinement, par le discours, la richesse et les nuances de mon expérience vécue. En d’autres termes, il y avait un décalage entre ce que je vivais et ce que j’exprimais.

De plus, j’avais constaté qu’il m’était parfois difficile de communiquer ma passion du sensible auprès des personnes privilégiant la vie réflexive par rapport à la vie perceptive et expérientielle. Il me semblait que je manquais ici de capacités d’argumentation.

Rapidement, j’ai constaté que l’apprentissage de la recherche m’offrait de nouvelles aptitudes de réflexion et de communication. Le passage de la posture de praticien à celle de praticienne-chercheuse s’avérait ainsi l’occasion de développer en moi des potentialités non sollicitées jusqu’alors.

Dans ma pratique professionnelle et plus particulièrement dans l’entretien verbal, j’ai rapidement constaté que mes nouvelles ressources se révélaient efficaces. Mon argumentation, en devenant plus pertinente, permettait à mes patients d’accéder à de nouvelles compréhensions.

Pertinence professionnelle

Ma formation initiale et ma formation continue autour du travail proposé par D.Bois m’ont amenée à fréquenter des groupes de personnes sur le long terme et j’ai toujours, vu dans cette méthode, au-delà des apprentissages professionnels théoriques et pratiques, une aventure existentielle. J’étais une thérapeute de la personne plutôt qu’une thérapeute du symptôme.

Derrière leurs pathologies, c’étaient les gens qui m’intéressaient. Aujourd’hui d’ailleurs, les demandes d’accompagnement qui me sont faites concernent de plus en plus souvent des personnes aux prises avec des problématiques relationnelles.

Le présent travail de recherche m’offre l’occasion de me documenter sur les fonctionnements de la relation de couple dans le but de mieux connaître les enjeux et processus à l’œuvre.

Une enquête menée auprès de mes collègues permet plus précisément d’éclairer le carrefour « rapport au sensible et expérience de la relation de couple ». J’attends de ces connaissances qu’elles m’aident à enrichir mes compétences de thérapeute mais aussi de formatrice pour adultes sur ce sujet, tout en révélant l’originalité et les spécificités de la psychopédagogie perceptive dans ce domaine.

En ouvrant une nouvelle voie de questionnement, j’espère également susciter la curiosité des chercheurs du CERAP afin que, peut-être, certains s’associent à mes réflexions sur l’altérité et continuent avec moi à formaliser les incidences sur la vie relationnelle d’une démarche centrée sur la personne, dans le cadre de la psychopédagogie perceptive.

Pertinence sociale

Précisions contextuelles

La question des relations inter personnelles est une question qui occupe de nombreux champs disciplinaires ce qui montre l’importance de s’y intéresser. Examinons ce sujet de plus prêt.

L’être humain est un être de relation. La psychologie du développement a en effet clairement établi le rôle déterminant de l’environnement relationnel et affectif dans le développement de l’enfant (Bruner, Piaget, Vygotski, Wallon in Laval, 2002). La psychosociologie prolonge ce constat en plaçant l’adulte au cœur de son réseau d’interactions humaines (Houde, 2002).

Quant à la sociologie, elle fonde son point de vue sur le fait premier que « les individus sont interdépendants » (De Singly, 2004, p.20; 2000) et que cette interdépendance vaut tout au long de la vie. Dans son ouvrage Le soi, le couple et la famille, l’auteur mentionne en effet que cette « dépendance n’existe pas seulement du fait de l’inachèvement au moment de la naissance, le ‘petit homme’ ne pouvant survivre

seul; elle continue tout au long de l’existence, le ‘grand homme’ ayant, lui aussi, besoin de la connaissance et de la reconnaissance des autres » (2004, op. cit., p. 20).

La philosophie propose également de s’interroger sur la question de la relation à autrui. Hegel nous rappelle par exemple, qu’« il faut, pour le moins, être deux pour être humain » (cité par De Singly, op. cit., p.20). Le philosophe Louis Lavelle, quant à lui, dans son ouvrage intitulé L’erreur de Narcisse, nous invite à prendre conscience de l’importance pour chacun d’aller à la rencontre de son être.

Cependant, il rappelle à l’ordre sur les errances possibles d’une quête par trop égocentrée.

C’est ainsi que dans un paragraphe intitulé Réciprocité, il affirme avec force la priorité du vivre-ensemble : « Il ne faut pas s’étonner si le désir le plus profond qui gouverne notre conduite, c’est de trouver d’autres hommes avec lesquels nous aimions à vivre ou, quand nous avons plus de modestie et moins de confiance, avec lesquels nous supportions seulement de vivre.

Car nous sentons bien qu’il n’y a point d’autre problème pour l’homme que de savoir comment il pourra s’entendre avec les autres hommes. Et tous les malheurs de la vie viennent de l’impossibilité où il est d’y parvenir » (Lavelle, 1939, p. 33).

Même si l’on peut opposer au philosophe qu’il est un autre problème crucial pour l’homme, à savoir celui de parvenir à s’entendre avec lui-même, il n’en reste pas moins vrai que savoir vivre ensemble ne va pas de soi. Surtout quand des liens forts sont en jeu.

Depuis plus d’un demi-siècle, les chercheurs du domaine de la relation s’interrogent et posent le constat que l’état de la relation dans le monde n’évolue pas nécessairement. Les familles sont en crise, elles peinent à sortir grandies des inévitables conflits et les couples se cherchent (Druet, 2007).

Faut-il voir ici les conséquences d’une ère dédiée à la croissance de la personne ?

Approfondissons à travers de nouveaux constats issus, encore une fois, de la sociologie. Oui, c’est un fait que, depuis les années 1960, on assiste à un déclin des normes morales au profit de normes de type psychologique ou relationnel (De Singly, 2004, op. cit.).

Toujours pour De Singly : « Ce qui compte, dans les sociétés ‘individualistes’ occidentales, c’est le fait que tout individu, petit ou grand, vive dans un environnement favorable pour développer son identité personnelle, pour devenir un être singulier » (Ibid., p. 12). Et l’auteur d’ajouter : « Un ‘bon’ parent, un ‘bon’ partenaire’ c’est celui ou celle qui apporte cette aide personnalisée » (Ibid.).

Dans le cadre du couple, le partenaire n’est donc plus en priorité celui ou celle qui permet l’entrée dans la vie adulte et l’émancipation par rapport au milieu parental, ses rôles sont à redéfinir.

Poursuivons avec Taylor qui insiste lui aussi sur l’importance vitale des relations avec autrui pour se construire, quand il précise : « Être fidèle à moi-même signifie être fidèle à ma propre originalité qui est quelque chose que moi seul peux énoncer et découvrir » cependant il ajoute : « Ma découverte de ma propre identité ne signifie pas que je l’élabore dans l’isolement, mais que je négocie par le dialogue, partiellement extérieur, partiellement intérieur, avec d’autres.

Ma propre identité dépend vitalement de mes relations dialogiques avec les autres » (cité par De Singly, 2004, p. 24).

C’est ainsi que les proches, et en particulier le conjoint, se révèlent « des personnes décisives pour la construction de l’identité des individus. Ce sont des ‘autrui’ significatifs » (Ibid., p. 14).

Revenons à De Singly pour souligner « l’audace sociologique » qui est la sienne quand, à la suite de Taylor, il introduit dans le processus de socialisation de l’adulte la quête d’une « identité latente » que chaque individu aurait à découvrir en lui-même et par lui-même.

Ce point de vue sociologique est original en ce sens qu’il exige une conversion au « subjectivisme »; il y a là, comme le dit Taylor, une invitation à « une nouvelle forme d’introversion dans laquelle nous venons à nous penser nous-mêmes comme êtres dotés de profondeurs intérieures » (cité par De Singly, p. 24.).

Ce ne sont plus tant les rôles sociaux et la culture qui valorisent l’individu que l’authenticité au sens de la fidélité à ce « fond » de lui-même.

Si nous retrouvons une proposition similaire dans la psychologie humaniste (Rogers, op. cit.; Maslow, 1972), il est intéressant de noter que la quête, pour l’individu, d’une identité personnelle « cachée au fond de lui-même » (De Singly, 2004) semble relever d’un fait de société contemporain.

En ce sens, la psychopédagogie perceptive qui envisage la personne comme foyer de potentialités (Bois, 2007, p. 72) s’inscrit dans l’air du temps et vient apporter des éléments de réponse aux questions qui s’imposent alors : « Comment entrer en rapport avec son ‘identité latente’ ? Comment rejoindre ce ‘fond de soi-même’ ? Comment se laisser apprendre au contact de cette ‘profondeur intérieure’ ?»

La psychopédagogie perceptive, nous le verrons, propose une démarche d’enrichissement perceptif du rapport au corps comme voie d’accès à ce renouvellement du rapport à soi.

Les travaux menés dans le cadre du CERAP (Bois, 2007, op. cit.; Courraud, 2007; Bourhis, 2007; Cencig, 2007; Large, 2007; Humpich J., 2007) montrent que la psychopédagogie perceptive propose des moyens concrets face à ce « travail de tout individu [qui] est de parvenir à découvrir cette identité personnelle, cachée au fond de lui-même – cette identité que nous nommons ‘intime’ » (De Singly, 2004, p. 23).

Déploiement de la pertinence sociale

La pertinence sociale de notre recherche se révèle, alors, quand nous nous proposons de questionner l’influence de cette quête de soi sur le plan des liens sociaux et en particulier au niveau du couple.

En premier lieu, il ne faudrait pas croire que cette quête de soi efface la quête de l’autre. Marie-Christine Josso nous le rappelle quand, à partir d’un travail reposant sur les récits de vie, elle recense les différentes quêtes qui traversent l’existence humaine : à côté de la « quête du bonheur », de la « quête de connaissance » et de la « quête de sens », figure la triple « quête de soi, de l’autre et des nous » – au sens pour cette dernière de la recherche de communautés d’appartenance (Josso, 2007).

Notre questionnement de recherche s’inscrit dans cette vision de l’être humain en quête de soi, certes, mais inséré dans un contexte, entouré de personnes signifiantes pouvant participer à la « révélation de soi » (De Singly, op. cit.). Sur cette base, plusieurs questionnements guident notre projet. En quels termes les participants de notre étude s’expriment-ils sur la vie de couple ?

Quels liens font-ils entre leur quête identitaire via l’enrichissement d’un rapport à eux-mêmes et leur vie relationnelle, interpersonnelle, avec un « autrui » bien souvent hautement « significatif », à savoir leur conjoint ? Leur quête identitaire contribue-t-elle à renouveler la vision et l’expression de leur rôle de conjoint ? Se prononcent-ils sur les caractéristiques qui permettraient selon eux de faire d’autrui un « bon » partenaire ?

Ces questions me mobilisent car dans la vision contemporaine du couple, le partenaire est bien souvent amené à endosser la fonction de « coach », tentant d’apporter une aide personnalisée pour que l’individu puisse « devenir et rester lui-même ». Il est attendu dans cette fonction comme participant à installer « une ambiance permettant d’être ‘libres ensemble’ » (De Singly, 2000).

Quel challenge ! Cette demande introduit dans la dynamique du couple contemporain une « coloration pédagogique – même quasi thérapeutique (au sens étymologique) » (De Singly, 2004, p. 28).

Deux questions nous habitent alors : en quels termes les personnes investies dans une démarche de renouvellement du moi telle que défini dans les travaux de Danis Bois (Ibid.) réfléchissent-ils à cette dimension « formatrice » du couple ?

Une démarche qui offre progressivement les moyens d’une « liberté d’être soi » occulte-t-elle alors les dimensions humaines d’amour, de partage, de compassion et de tolérance vis-à-vis de l’autre ?

Il existe enfin un dernier élément de pertinence sociale que je tiens à souligner. Celui-ci se rapporte à la question du changement, de la transformation de la personne et des conséquences de celle-ci sur la vie de couple. De Singly s’exprime sans détour quand il avance : « Le soi n’est pas stable. Lorsqu’il se modifie, que faire du conjoint ? » (2004, p. 31).

En psychopédagogie perceptive, le processus de renouvellement du moi touche les sphères de la perception, de la représentation et du comportement. Nous sommes en droit de penser qu’il peut apparaître dès lors une tension entre des impératifs de fidélité à soi et de fidélité à l’autre, voire de continuité de l’union.

Encore une fois, De Singly est clair à ce propos : « L’identité personnelle changeant, le besoin d’un autre regard naît. Le conjoint parvient ou non à le fournir, la relation se prolonge ou non selon son niveau de reconversion. Il s’agit de concilier la fidélité à un soi changeant et la fidélité à l’autre (lui-même mouvant) » (Ibid., p. 42).

Dans ce cadre, le proche – dans notre étude, le conjoint – apparaît-il alors comme une aide ou comme un obstacle ? Ces questionnements sont-il ceux des participants de notre recherche ? Ces derniers font-ils mention de voies de passage pour accompagner le changement dans eux, dans l’autre, dans la relation elle-même ? Qu’est-ce qui unit et réunit deux personnes qui suivent la voie du changement ?

Si la psychopédagogie perceptive ouvre avec efficacité sur le déploiement de soi, offre-t-elle des pistes pour que cette croissance puisse s’accompagner conjointement de la croissance d’autrui au sein de cette sphère toute particulière qu’est la vie privée ?

Propose-t-elle un nouveau sens au « être ensemble »? À l’origine de la présente recherche, nous émettons l’hypothèse que la psychopédagogie perceptive avance effectivement des propositions pour une quête de soi qui n’isolerait pas des autres.

Ces propositions permettent-elles de rejoindre, voire d’aller plus loin que De Singly, qui à ce sujet avance : « Deux conditions permettent d’échapper à l’enfermement identitaire, à une quête de soi qui occupe une telle place qu’elle finit par rompre les liens de l’individu avec autrui et qu’elle juge tout ce qui n’a pas trait à son objet comme inintéressant : les relations d’une certaine qualité (dialogue) avec autrui, et le contenu de ces échanges, les valeurs évoquées (‘horizon de signification’) » (Ibid, p. 340) ?

Les recherches menées au CERAP, je le rappelle, illustrent le fait que l’enrichissement de l’ancrage identitaire dont témoignent les personnes qui s’investissent dans les cadres d’expériences proposés par la psychopédagogie perceptive s’accompagne conjointement d’une ouverture aux autres.

Même si les modalités de cet élan vers autrui n’ont pas encore fait l’objet d’une recherche conséquente, nous nous appuyons dès maintenant sur ces résultats de recherche pour avancer que la psychopédagogie perceptive étend son champ d’action du domaine du savoir-être-soi à celui d’un savoir-vivre-ensemble.

Notre étude entend mettre en lumière la portée psychosociale de cette discipline et son appartenance aux arts et pratiques de l’existence.

Pour conclure, s’intéresser à la sphère du couple, c’est se pencher sur l’une des plus petites organisations sociales, l’un des premiers maillons du grand groupe humain car comme le dit si bien Alberoni : « le couple est […] la plus petite des communautés » (1997, p.73).

Pertinence scientifique

Les éléments de pertinences scientifiques s’organisent autour de deux axes : d’une part les apports de cette recherche à l’avancement de la connaissance dans le champ des sciences humaines et sociales et tout particulièrement dans les sciences de l’éducation et de la formation et d’autre part, les avancées que devrait permettre ce travail dans la discipline même que représente la psychopédagogie perceptive.

Concernant le champ des sciences humaines et sociales, il est utile de souligner tout d’abord que cette étude aborde la « relation au sensible » et à ce titre, vient rejoindre et prolonger les tentatives de prendre en compte la dimension sensible de l’expérience humaine.

Même s’il y a lieu de ne pas confondre l’expérience sensible du monde (Alquier, 1961) et l’expérience du sensible que nous côtoyons en psychopédagogie perceptive (Humpich, Bois, 2007), il n’en reste pas moins vrai que ce projet entend contribuer au Retour du sensible en sciences humaines, pour reprendre le titre d’un article de René Barbier (1994).

En des termes très généraux, la présente recherche se veut participer à une meilleure connaissance entre autres de la dimension perceptive des interactions humaines au sein de la vie privée et en particulier du couple.

Concernant le champ des sciences de l’éducation et de la formation, nous nous inscrivons dans une perspective qui n’est pas sans rappeler le modèle des dynamiques formatrices avancé par Gaston Pineau (Pineau, 1991, p. 29-40).

Rappelons son origine, chez Rousseau, qui avançait la proposition suivante : « L’homme a trois maîtres : soi, les autres et les choses » (Rousseau, 1966).

Gaston Pineau quant à lui a su argumenter en faveur d’une modélisation tripolaire des interactions qui concourent à donner forme à un individu; celle-ci introduit trois dynamiques : l’autoformation en tant que formation centrée sur des processus essentiellement intra personnels, l’écoformation en tant qu’apprentissages réalisés au contact de notre environnement et enfin l’hétéroformation en tant que formation de soi au contact des autres.

l met en avant les dimensions formatrices de l’intimité dans la relation à autrui et de la solitude dans la relation à soi. Cette recherche peut se voir comme un prolongement de cette perspective formatrice du rapport à soi et à l’autre intime, tout en venant introduire la médiation corporelle sensible comme maillon central des interactions intra et interpersonnelles.

Il s’agira cependant tout autant d’aborder la question de l’intimité avec soi-même et de la solitude en présence de l’autre.

D’autre part, il est fortement question de médiation corporelle dans notre approche des apprentissages de vie (Bois, 2007). Bien que le corps soit encore le parent pauvre en sciences de l’éducation et de la formation (Berger, 2004, 2005), nous pouvons trouver les signes d’un intérêt nouveau pour sa prise en compte au sein de cette discipline.

Citons pour exemple le récent numéro de la revue Pratiques de formation sur le thème Corps et formation, dans lequel Christine Delory-Momberger avance : « Le corps est devenu maintenant un objet de recherche d’actualité en sciences humaines. […]

Le corps suscite aujourd’hui de nouvelles interrogations : quelle part prend-il dans les processus d’apprentissage formels et informels ? Qu’est-ce que signifie apprendre au niveau du corps ? Comment les expériences du corps participent-elles à la formation de soi ? » (2005, p. 7).

Notre étude se veut une contribution forte à cette prise en compte du corps en tant que média des apprentissages concernant le rapport à soi et la relation aux autres.

Une autre participation à l’avancée des connaissances au sein du champ de la formation peut s’entrevoir en référence aux tr

avaux de Marie-Christine Josso (2001; 2007, op. cit.) mentionnés à l’occasion de l’examen des pertinences sociales de notre projet. Concernant son étude de la dynamique des quêtes qui traversent l’existence humaine, il est temps de mentionner ici que les quêtes du bonheur, de la connaissance, du sens, de soi, de l’autre et de nous se révèlent selon l’auteur sous tendues et dépendantes d’une quête « d’attention consciente » (Josso, op. cit.).

Nous nous inscrivons là aussi en prolongement de ces réflexions, dans la mesure où l’éveil du rapport au sensible tel que nous l’abordons en psychopédagogie perceptive, s’accompagne du déploiement d’une présence à soi (Bois, 2007, p. 305-341).

Nous y reviendrons dans nos développements théoriques mais nous pouvons dès à présent mentionner qu’une des originalités de cette étude est précisément de mettre en avant la quête d’une qualité de présence comme fondement de la quête de soi et de la quête de l’autre – le rapport au conjoint cristallisant un exemple fort de cette dernière.

Que peut-on dire des effets d’un déploiement de cette présence à soi dans le rapport à l’autre intime ?

Plus généralement, en quels termes les quêtes portées par nos participants sont-elles formulées, quand nous les laissons s’exprimer autour du carrefour « rapport au sensible et expérience de la relation de couple » ?

Enfin, dernier élément de pertinence scientifique générale, nous avons fait le choix de faire appel à un point de vue multidisciplinaire et donc de contribuer à un éclairage riche en ce qui concerne les enjeux du rapport à soi et de la relation au conjoint.

La complexité des dynamiques à l’œuvre ici nous semble mériter un éclairage issu de la psychologie, de la psychosociologie, de la sociologie mais aussi des sciences de l’éducation, de la philosophie et bien sûr de la psychopédagogie perceptive, discipline dans laquelle notre travail de recherche s’inscrit.

Dans les développements théoriques, nous veillerons tout particulièrement à éviter la simple juxtaposition des références multiples. Nous tenterons de privilégier leur articulation au service d’un éclairage des questionnements centraux de notre recherche.

Au passage, ce sera l’occasion de dépasser les clivages et de mentionner les convergences et les tensions entre le biologique, le sociologique, le psychologique (Barbier, op. cit.), l’ensemble de ces dimensions de la personne humaine étant pris en compte dans notre travail.

En fait, c’est le parti pris de la formation de soi, cher à la psychopédagogie perceptive, qui permet de fédérer ces dimensions plurielles de la personne en un projet cohérent même si cette cohérence au sein de l’individu ne va pas de soi, qu’elle est à construire et que bien souvent se gagne au prix d’un travail fort.

Voici maintenant venu le moment de préciser en quoi ce projet se révèle pertinent au regard des avancées de la recherche menée au sein même de la psychopédagogie perceptive. Les travaux de Danis Bois feront ici référence et nous nous appuierons fortement sur sa recherche doctorale qui traite de l’influence du rapport au corps sensible sur la transformation des représentations chez l’adulte (2007, op. cit.).

Dans cette enquête, Danis Bois a mis en évidence les processus formatifs à l’œuvre dans l’éveil des potentialités perceptives.

Sa recherche établit clairement, nous le verrons plus en détail dans nos développements théoriques, que ce processus d’enrichissement du rapport à la perception du corps sensible emporte avec lui un déploiement de l’ancrage identitaire de la personne et une transformation de ses manières d’être. Si le cœur de l’enquête porte sur les dimensions intra personnelles de l’individu, la plupart des participants témoignent également d’une transformation du rapport à autrui dans le sens d’une réelle ouverture.

C’est ainsi que dans un tableau de synthèse intitulé « Tableau récapitulatif du processus de transformation au contact de la relation au corps sensible » (Ibid., p. 307), nous trouvons les témoignages suivants : « Je suis moins artificiel, moins périphérique, plus concerné par les autres » ou encore : « Je suis moins dispersé dans ma vie, plus ancré dans les actions, plus proche des autres ».

Ces exemples illustrent le résultat de recherche que nous soulignons à savoir qu’au contact des propositions de travail de la psychopédagogie perceptive, le déploiement d’une qualité de présence à soi se prolonge dans une proximité aux autres.

Cette recherche s’inscrit donc dans le prolongement direct de l’étude de Danis Bois en ce sens qu’elle entend investiguer les effets du rapport au sensible dans le secteur des relations interpersonnelles. L’originalité du projet est de situer délibérément l’enquête dans la sphère de la vie privée et plus particulièrement de la relation de couple.

Un autre élément de pertinence scientifique de ce projet réside dans le fait que notre enquête au carrefour du rapport au sensible et de l’expérience de la relation de couple ne peut que mettre en évidence la prégnance des représentations en la matière.

Pour revenir au travail doctoral de Danis Bois, alors même que son enquête laissait le choix aux participants de la représentation autour de laquelle ils voulaient témoigner, nous trouvons plusieurs personnes qui font référence à une représentation entrant dans le champ de la relation signifiante à l’autre.

En voici les plus significatives :

  • « Je croyais que pour trouver sa place dans la vie, il fallait SEULEMENT savoir se faire accepter, apprécier, aimer des autres » (A1, cité par Bois, 2007, op. cit., p. 173),
  • « Je pensais que l’amour venait de ‘l’autre’ et que cet amour devait durer toujours » (G1, cité par Bois, ibid., p. 191),
  • « L’autre ne respecte pas les limites de mon intimité » (I1, cité par Bois, p. 197),
  • « J’étais une personne condamnée à ne pouvoir vivre la plénitude de l’amour » (X1, cité par Bois, p.250).

Le rapport aux « ‘autrui’ significatifs » se présente comme un lieu de fortes représentations et d’intenses prises de conscience et la lecture approfondie des résultats de recherche avancés par Danis Bois donne à voir de fortes transformations dans ce champ de l’intime. Notre étude nous livrera peut-être de nouvelles connaissances autour de ces mêmes processus.

Cette prégnance des représentations en ce qui concerne le couple ou plus généralement l’amour est clairement identifiée dans la littérature. Donnons la parole au sociologue Serge Chaumier (1999, 2004, p. 11) par exemple :

L’amour est un domaine où les lieux communs abondent : ils sont entonnés en chœur par la ménagère et par le prix Nobel.

Chacun y va de son refrain d’idées préconçues, à l’occasion d’une discussion de café du commerce, d’un débat parlementaire ou d’un essai… Une conception culturellement limitée de l’amour est soudain universalisée et éternisée avec la conviction la plus absolue, donnant aux faits la certitude de l’évidence. Et le fait que l’univers occidental baigne dans une conception culturellement homogène de l’être amoureux ne contribue pas à relativiser les choses.

Ainsi est-il aujourd’hui admis par le plus grand nombre qu’il n’est d’amour humain véritable que conjugal et que celui-ci se concrétise dans la durée. Cette citation est également l’occasion de préciser qu’en tant que chercheuse, je ne me pense pas hors de la sphère d’influence de tels « allant-de-soi ».

Il est donc important d’affirmer ici que je suis totalement consciente que la relation au conjoint n’est pas la référence en matière d’amour humain. Au titre du rapport aux ‘autrui’ significatifs, il y aurait matière à enquêter autour des effets du sensible sur les relations parents/enfants par exemple. Même en centrant l’étude sur les rapports amoureux con

cernant les adultes, il est bien d’autres figures pour ceux-ci que celle du couple installé dans une durée. Toutefois, ces constats ne diminuent aucunement l’intérêt de mener une réflexion et une enquête dans le champ même de la relation de couple, sachant que nous prendrons le temps de définir plus loin les contours de ce que l’on entend communément par « couple ».

Il faut voir dans ce choix la décision de circonscrire l’enquête à un champ restreint mais restant fortement signifiant.

Enfin, dernier élément de pertinence de ce projet au vu des axes de recherche prospectés dans le cadre du CERAP, il s’inscrit en convergence avec les nombreux travaux menés par les praticiens-chercheurs dans le cadre de leur master en psychopédagogie perceptive, tous tentant de contribuer à mettre en lumière une science de l’humain qui serait sous tendue par la médiation d’un rapport au corps sensible2.

Parmi les plus significatifs de ces travaux qui à un moment ou un autre, évoquent le carrefour entre rapport au sensible et relations interpersonnelles, citons les recherches menées par Valérie Bouchet (2006), Christian Courraud (2007), Hélène Bourhis (2007a), Dimitri Dagot (2007), Lucas Aprea (2007), Sylvie Rosenberg (2007), Patrick Large (2007), Jean Humpich (2007), Doris Laemmlin-Cencig (2007).

Je souhaite terminer l’évocation de la pertinence scientifique de cette recherche en soulignant l’audace que représente cet initiative : en effet celle-ci ne pourra pas faire l’économie d’aborder le thème du rapport à l’amour.

Que penser alors d’une recherche qui se risque à explorer les rivages de cette donnée universelle qu’est l’amour et dont on pense généralement qu’elle relève de l’intime et du singulier, de l’expérience privée de chacun ?

Encore une fois, Serge Chaumier s’exprime à ce propos (2004, op. cit., p. 9) :

Parce qu’il est un bien susceptible d’être à tous et qu’il signifie la gratuité de l’existence, parce qu’il représente tout à la fois la transcendance, l’espoir d’un arrachement de sa seule condition matérielle, l’amour ne saurait être approprié par la seule parole savante. Les artistes, et surtout les écrivains et les cinéastes, en ont fait leur terrain privilégié.

Parce qu’ils en explorent les méandres tout en lui conservant son caractère énigmatique, et qu’ils savent laisser place aux mécanismes de projection et aux fantasmes, ils ménagent un espace de liberté dans lequel chacun peut puiser sa part de vérité et sa part d’imaginaire.

Je suis consciente qu’il existe donc dans les esprits une certaine réserve à confier une thématique liée à l’amour aux acteurs de la recherche universitaire, fut-ce pour une enquête.

Chaumier toujours : « La démarche du scientifique est accueillie plus froidement quand celui-ci prétend marcher sur les plates-bandes de cette ‘science’ détenue par tout un chacun. Aussi ne s’y aventure-t-il qu’occasionnellement, seulement comme clandestin, au détour d’une réflexion dans un ouvrage consacré à un sujet plus ‘académique’ ou lors d’un essai publié en marge de sa production légitime » (Ibid., p. 10).

Il faut reconnaître que le choix de ce thème de recherche est en partie motivé par le projet d’une investigation au cœur de l’intime et en particulier de l’intime des rapports amoureux.

Il y a là de ma part un double choix : tout d’abord, un désir de sortir la réflexion concernant ce thème central de l’existence du seul champ des débats privés au sein de la communauté des praticiens de la psychopédagogie perceptive; ensuite, ce projet se veut une tentative de confronter la mise en discours scientifique au difficile thème du rapport à l’amour afin de l’enrichir et peut-être de l’humaniser un tant soi peu. Nous laisserons Chaumier se faire une dernière fois l’avocat de notre position en la matière :

« Faut-il abandonner ce sujet qui préoccupe au moins une fois dans sa vie tout être humain aux moralistes, aux religieux et aux poètes, et inviter les scientifiques à ne se consacrer qu’à des sujets qui, à côté de celui-là, ne peuvent apparaître que futiles ? » (Ibid.).

Enfin, au-delà de la prégnance des représentations qui veulent que l’amour conjugal soit le référent dominant, les faits de société nous montrent que la réalité vécue est bien plus complexe et dynamique : « Au travers d’expériences diverses et contrastées s’élaborent de nouveaux modèles relationnels, dont l’apparition d’une autre façon d’aimer n’est pas le moindre apport.

Ce qui caractérise notre époque, c’est la multiplicité des formes et l’absence d’un référent unique, ce qui rend toute lecture unidimensionnelle caduque » (Ibid., p. 15).

Nous sommes animés de la conviction qu’à la faveur des propositions de la psychopédagogie perceptive, il est donné à l’être humain des ouvertures inédites pour participer au mouvement actuel de « métamorphose qui invente de nouveaux rapports, de nouvelles façons d’être ensemble, de faire lien et de donner du sens à une commune existence » (Ibid., p. 16).

Ces projet de recherche se veut être un apport documenté sur les plans théorique et empirique à ce que nous trouvons pertinent de nommer un mouvement de « renouvellement du nous » (Humpich, 2007).

2 Pour un tour d’horizon des travaux de recherche menés au CERAP, le lecteur pourra consulter le site internet de notre centre d’études : www.cerap.org

Question de recherche

À ce stade de notre réflexion, notre objet de recherche est constitué du carrefour « rapport au sensible et expérience de la relation de couple ». Notre projet est de mener une enquête auprès de praticiens experts de la psychopédagogie perceptive dans le but premier de recenser en quels termes ces personnes s’expriment à ce propos, quelles sont les expériences dont ils font état et quelles sont les réflexions que leur vécu déclenche.

Dans la dynamique de la découverte perceptive que propose aux apprenants notre approche, l’accent est mis sur les dimensions du rapport au corps et du rapport à soi; ce n’est qu’une fois ces mêmes rapports enrichis que le praticien va accompagner les prises de consciences et les réflexions qui s’offrent alors et qui concernent le rapport aux autres, le regard sur les situations et les événements de la vie quotidienne (Bois, 2006; Rosenberg, 2007, op.cit.).

Du point de vue de la psychopédagogie perceptive, la dynamique de la découverte se déploie donc dans un premier temps au sein de la sphère intra personnelle pour ensuite seulement s’étendre au contexte interpersonnel.

C’est en cohérence avec cette dynamique que notre question de recherche va interroger les effets du rapport au sensible sur l’expérience de la relation de couple. Il y a là un choix de privilégier une dynamique de cause à effet qui nous amène à formuler notre question dans les termes suivants :

« Quels sont les effets du rapport au sensible sur l’expérience de la relation de couple chez des personnes expertes de la psychopédagogie perceptive ? »

Ce choix d’un mouvement allant du rapport au sensible à la relation de couple sera également le nôtre au niveau de nos développements théoriques, nous le verrons au chapitre suivant.

Il nous faut cependant dès maintenant ouvrir la possibilité que notre enquête nous amène à envisager les effets réciproques de la relation de couple sur le rapport au sensible. Nous ne faisons ici qu’émettre l’hypothèse d’une influence des relations interpersonnelles sur le rapport que la personne entretient avec elle-même, avec son corps et avec ce que nous présenterons en détail comme relevant de l’expérience du sensible. Les cadres même de l’expérience proposés en psychopédagogie perceptive nous y invitent déjà fortement.

La découverte par l’apprenant du rapport au corps sensible se fait en effe t à la faveur d’une réciprocité : sans l’expertise et la qualité de présence du psychopédagogue, la découverte par l’apprenant du rapport à son corps sensible s’avère quasiment impossible.

Au passage, nous nommons ici la dimension « hétéroformatrice » (Pineau, 1991, op. cit.) de la psychopédagogie perceptive, parfois sous-estimée au profit de la dynamique d’autoformation (Ibid.), fortement mise en avant dans notre pratique.

S’il est vrai que le projet de la psychopédagogie perceptive est de donner les moyens à l’apprenant de devenir autonome dans la découverte des sensations et dans les apprentissages qui peuvent en découler, la dimension de l’accompagnement par le praticien reste déterminante dans le parcours des personnes.

Quand nous recentrons notre réflexion au service d’une déconstruction de notre question de recherche, nous pouvons donc poser deux sous-questions :

  1. le rapport au sensible vient-il modifier l’expérience de la relation de couple ?
  2. la relation de couple influence-t-elle le rapport au sensible ?

Examinons maintenant les différents termes de notre question de recherche. Le premier, à savoir «les effets », renvoie à une dynamique d’influence. À ce titre, nous aurions pu privilégier une enquête autour de la dynamique thérapeutique ou tout du moins régulatrice des dysfonctionnements du couple. Notre recherche aurait alors privilégié la dimension « curative » de notre psychopédagogie (Cencig, 2007, op. cit.).

Notre approche se définit en effet comme investissant le carrefour soin/formation (Ibid.) et notre expérience professionnelle d’accompagnement des personnes en difficulté dans leur relation de couple nous y inviterait.

Ce n’est pas la direction que nous allons privilégier, préférant envisager les « effets du rapport au sensible sur l’expérience de la relation de couple » dans leur dimension de découverte et d’apprentissage.

C’est donc à la compréhension des processus de « formation de soi » et de « renouvellement du nous » que nous allons nous consacrer. Cependant, quand nos participants feront mention de voies de passage dans les difficultés qu’ils rencontrent en relation et que ces voies de passage apparaissent comme étant issues de leur fréquentation du sensible, nous en rendrons bien évidemment compte.

Le deuxième terme de notre question de recherche introduit la notion de «rapport ». Il est important d’introduire le lecteur au fait que la psychopédagogie perceptive se définit comme une « science des rapports » (Bois, Austry, 2007). Allons plus loin en avançant que les rapports dont il est question ici peuvent être d’une triple nature : perceptive, réflexive et comportementale. Cette richesse multidimensionnelle du rapport est bien développée dans le travail doctoral de Danis Bois (2007, op. cit., p. 76-78).

La notion de rapport telle que nous l’entendons dans notre étude met également en scène une dimension d’implication. Il s’agit d’un rapport qualitatif, résultat d’une proximité avec l’expérience tout autant qu’avec soi-même au sein de l’expérience.

Nous renvoyons ici le lecteur à la notion d’ « éprouvé » (Berger, Bois, 2007). Constat central pour notre étude, il est important de préciser ici que le rapport au sensible est éducable. Il s’agit là d’un résultat de recherche amené par les travaux de Danis Bois, 2007, op. cit., pp.275-286). C’est cette éducabilité que le praticien en psychopédagogie perceptive entend mettre en œuvre dans son action d’accompagnement.

Enfin, la notion de rapport comporte une dimension de subjectivité; celle de l’expérience en première personne. Pour une analyse très approfondie de ces derniers éléments, nous renvoyons de lecteur au travail de Sylvie Rosenberg, qui approfondit les statuts du sujet, de l’expérience, de la subjectivité et de la connaissance, tels qu’ils se définissent au sein de notre approche (Rosenberg, 2007, op. cit.).

Le troisième terme de notre question de recherche introduit la notion du « sensible ». Dans le champ des sciences humaine et sociales, le sensible se rapporte à l’expérience du monde que la personne fait par la médiation de ses cinq sens. Ce rapport direct est généralement opposé au rapport réflexif dans lequel s’installent une distance et une dynamique d’élaboration du sens mobilisant la réflexion et le discours.

Pour un développement de cet abord du sensible, nous recommandons au lecteur les travaux de René Barbier et en particulier à ses développements autour de l’ « écoute sensible » (Barbier, 1994; 1996; 1997).

Il serait intéressant de mettre en convergence et en contraste le concept du « sensible en sciences humaines » et la notion du sensible telle que nous l’entendons dans notre approche (Bois, 2001; 2007, op. cit.; Berger, 2006; Berger, Bois, 2007, op. cit.; Humpich, Bois, 2007).

Pour des raisons de concision, nous privilégierons dans notre cadre théorique une présentation des spécificités du « sensible en psychopédagogie perceptive » fondée sur l’évocation du parcours de découverte perceptive de cet univers, méconnue des personnes qui font appel à notre accompagnement.

« L’expérience » est le quatrième terme de notre question de recherche3 (Pour une analyse fine du concept d’expérience en sciences de l’éducation et en psychopédagogie perceptive, nous renvoyons le lecteur à Bois, 2007, p. 62-81; Humpich & Bois, 2007). Nous nous contenterons d’avancer ici qu’en matière de rapport au corps, c’est l’accès à la nouveauté perceptive qui signe l’entrée dans la dynamique de la découverte expérientielle.

Il faut préciser ici qu’une des originalités de la psychopédagogie perceptive est de mettre en place des cadres d’expériences, des mises en situations baptisées d’« extra-quotidiennes ».

En effet, le rapport que nous entretenons avec notre corps est tellement automatisé que celui-ci ne nous donne que peu d’informations véritablement novatrices au quotidien. La notion d’expérience extra-quotidienne est bien décrite dans la littérature se rapportant à notre pratique (Bois, 2006).

Dans notre étude, nous souhaitons privilégier les dynamiques de la découverte et les processus d’apprentissages. La notion d’expérience que nous abordons renvoie donc également aux dimensions de l’expérience formatrice telles qu’elles sont interrogées en sciences de l’éducation (Josso, 1991b, op. cit.).

Cependant, s’il fallait dégager l’essence de cette notion en psychopédagogie perceptive, nous avancerions l’énoncé suivant : « l’expérience formatrice que nous proposons commence avec la donnée interne d’un inédit perceptif, d’une ‘première fois’; autour de ce ‘contenu de vécu’ sans trace mnésique, l’apprenant va déployer un double mouvement de découverte et d’apprentissage » (Bois, 2007, littérature grise).

Les deux derniers termes de notre question de recherche sont associés dans l’expression : «la relation de couple ». Nous l’avons évoqué lors de l’examen des pertinences de notre projet, cette étude est le résultat d’une forte motivation de notre part de prospecter la sphère des relations signifiantes. Entrent dans ce registre les relations d’amitiés, les relations parents/enfants, les relations amoureuses.

Nous pourrions aussi y faire figurer les relations contribuant aux apprentissages de nature existentielle et spirituelle comme celles qui se donnent à vivre dans la proximité d’un « guide », d’une personne particulièrement « éveillée », en contact avec le « réel », comme nous le décrit si bien Yvan Amar par exemple (2005).

Notre choix s’est plutôt porté vers les relations amoureuse et plus particulièrement vers la relation de couple, en tant que figure signifiante mais en aucun cas unique de l’implication amoureuse.

À travers la notion de «relation », nous souhaitons mettre en avant la dimension processuelle des interactions entre les personnes. Ceci signifie que nous n’interrogerons pas directement les enjeux liés à la dimension « statutaire » du couple (De Singly, 2004). Nous accorderons par exemple peu d’importance dans notre étude au fait que nos participants soient mariés, « pacsés », en concubinage ou encore sans aucun statut marquant civilement leur union.

3 Pour une analyse fine du concept d’expérience en sciences de l’éducation et en psychopédagogie perceptive, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages de D. Bois (2007, op. cit., p.62-81) et M. Humpich & D. Bois (2007, op. cit).

D’autre part, au sein des processus à l’œuvre dans une relation de couple, nous aurions pu cibler l’étude autour de certains des axes suivants :

  • la dynamique d’articulation avec la différence de l’autre;
  • la dimension affective des enjeux relationnels;
  • les processus « thérapeutiques » à l’œuvre entre les partenaires;
  • les effets d’un enrichissement du rapport au corps sur la vie sexuelle des personnes en présence;
  • les dynamiques d’accordage et d’opposition concernant la confrontation des valeurs et des cultures propres à chacun (Kaufmann, 1993; 2004; 2007);
  • etc.

Nous nous centrerons sur les processus de découverte et de formation de soi.

Autre choix de réduction à l’œuvre au sein de notre projet, nous n’aborderons que le cas de couple hétérosexuels. Que le lecteur n’y voit aucune dynamique d’exclusion mais simplement le choix de nous focaliser sur des enjeux parfois directement liés aux interactions homme/femme.

Nous sommes cependant conscients que l’homosexualité ou la bisexualité offrent nombre de dynamiques relationnelles signifiantes et permettent notamment d’avancer que parfois, « on ne tombe pas amoureux d’un homme ou d’une femme mais d’une personne » (De Singly, 2004).

Toujours pour cibler notre étude, nous choisissons de ne pas prospecter les effets du rapport au sensible sur l’expérience de la relation de couple dans le secteur particulier de la parentalité. Il y a fort à parier qu’une enquête effectuée spécifiquement auprès d’adultes-parents s’exprimant sur leur expérience de couple en relation avec les enjeux d’accompagnement des enfants donnerait à voir des processus très significatifs en ce qui concernent les effets du rapport au sensible.

Enfin, en ce qui concerne ce que nous entendons par «couple » dans la présente étude, nous allons être confrontés à la difficulté de donner un contour clair à cette notion qui aujourd’hui, prend des formes très variables. Nous aurons l’occasion de proposer quelques définitions dans notre cadre théorique.

Pour simplifier, avançons dès maintenant que nous interrogerons des personnes qui vivent ou ont vécu « en couple », au sens d’un espace partagé – un lieu de vie – et d’une durée permettant un certain accompagnement des processus mis en jeu dans les interactions entre les partenaires.

Là aussi, nous sommes tout-à-fait conscients qu’il est d’autres relations qui mériteraient étude. Ce serait par exemple le cas des « explorations érotiques » mentionnées par Alberoni (2005) ou encore des rencontres signifiantes qui se trouvent appartenir à l’espace et au temps classiquement définis comme étant ceux de l’« extra-conjugalité ».

Le lecteur trouvera une réflexion très panoramique concernant les formes multiples des rapports amoureux dans l’ouvrage de Paule Salomon, Bienheureuse infidélité (2005), ou encore dans les écrits de Michel Onfray.

Dans sa Théorie du corps amoureux (2000), ce dernier entend en effet « en finir avec la monogamie, la fidélité, la procréation, la famille, le mariage et la cohabitation associés » et invite « à une théorie du contrat appuyée sur la seule volonté de deux libertés célibataires ». La preuve en est qu’il ne saurait y avoir une vision unique, un référentiel commun à tous en matière de relations amoureuses.

Enfin, dernière caractéristique de notre étude mais non la moindre, nous mènerons notre enquête auprès de personnes vivant ou ayant vécu en couple avec un ou une partenaire également en démarche de formation de soi, centrée sur le rapport au sensible.

Il y a là une réduction considérable de notre objet de recherche mais en contrepartie, la possibilité de pénétrer plus en profondeur les enjeux relationnels liés à la fréquentation du sensible.

Il est très clair qu’une enquête sur les processus à l’œuvre dans les relations de couple au sein desquelles l’un des partenaires investit dans la formation au contact du sensible, mais pas l’autre, serait urgente, tant cette « figure » est répandue dans la population des personnes impliquées dans un travail autour de la psychopédagogie perceptive.

Une telle enquête est dès maintenant à inscrire au rang des perspectives qui devraient pouvoir être dégagée à la fin de la présente étude.

Objectifs de recherche

Dans les pages qui précèdent, nous nous sommes donnés les moyens de problématiser notre recherche et de déconstruire notre questionnement. La définition de nos objectifs s’en trouve grandement facilitée.

Le premier objectif sera donc de recenser en quels termes les personnes interrogées s’expriment à propos des effets du rapport au sensible sur leur expérience de la relation de couple. C’est un objectif très ouvert et conforme au caractère exploratoire de notre recherche.

De quoi parlent nos participants quand ils sont invités à témoigner sur ce sujet ? Quelles sont leurs découvertes en la matière ?

Il nous semble en effet prématuré de cibler davantage notre enquête. Nous faisons l’hypothèse que notre étude révélera un premier contenu, qui, après analyse et discussion, laissera voir dans quelles directions précises la recherche mériterait d’être approfondie.

Le deuxième objectif est conforme à la dimension de psychopédagogie de notre pratique. Il s’agit pour nous de cerner les processus d’apprentissage à l’œuvre au carrefour du rapport au sensible et de la relation de couple. Rappelons que notre approche s’inscrit dans une dynamique de « formation de soi » et que nous entendons interroger les aspects de cette « révélation de soi » quand celle-ci se tient au cœur de la relation de couple.

Qu’apprennent nos participants sur la scène hautement significative du rapport au partenaire amoureux ?

En quoi leurs représentations sont-elles mises à l’épreuve ?

Parviennent-ils, chacun à leur façon, à avancer sur le difficile chemin d’un « savoir-être-soi au milieu des autres » ?

Apportent-ils ou pas une contribution à un « savoir-vivre-ensemble » ?

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2 réflexions au sujet de “Rapport au sensible et expérience de la relation de couple”

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