Avantages et Inconvénients d’investir dans des économies d’énergie

5. Tiers investisseur 115
5.1. Principe
Le principe du tiers investisseurs dans le domaine des énergies est assez simple: un propriétaire qui n’a pas la possibilité d’investir dans un bâtiment pour faire des économies d’énergie va demander à un tiers de réaliser cet investissement à sa place. Les économies libérées par l’investissement seront pour partie laissées au propriétaire et pour une autre partie, retournées au tiers investisseur jusqu’à la durée du contrat prévue initialement. Ce dernier rentabilisera donc de cette façon son investissement.
Figure 7: Le mécanisme du «tiers investisseur»
Le mécanisme du "tiers investisseur"
Source : Fedesco116

115 QUICHERON, M., «Le rôle du tiers investisseurs pour les investissements en efficacité énergétique dans les bâtiments du secteur tertiaire », 2006, ULB.

L’appel à un tiers investisseur semble être une bonne solution, permettant avec peu de risques (qui sont à la charge du tiers investisseur) et peu de capital des investissements rentables qui seraient restés impossibles autrement. Comment se fait-il dès lors que le recours à de tels organismes ne soit pas plus répandu?
Nous allons ici tenter d’inventorier les avantages, inconvénients, risques et opportunités qui sont liés au rôle du tiers investisseur. En d’autres termes, réaliser une analyse SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats).
5.2. Avantages
5.2.1. Avantages généraux:
* Le TI (tiers investisseur) prend la responsabilité totale de toutes les phases du projet: conception, étude de réalisation, installation, exploitation, suivi des consommations.
* Le client n’est plus confronté à une multitude d’intermédiaires mais à un seul point de contact, avec un seul contrat établi.
* L’ensemble des frais sont financés par le TI: étude préliminaire, installations, suivi et maintenance.
* Ces frais sont remboursés intégralement par les économies réalisées, dans des proportions et sur une durée fixées d’avance par le contrat.
* Le client devient propriétaire des équipements dès leur installation.
5.2.2. Avantages financiers:
* Le maître d’ouvrage ne doit pas engager de fonds propre ni réaliser d’emprunt auprès d’une institution financière. C’est le TI qui apporte les capitaux nécessaires.
* Le remboursement est lié aux économies réellement obtenues.
* La transparence des frais engagé est totale
* Le TI est lié à une garantie de performance qui court tout le long du contrat.
* Etant propriétaire des installations, le client a accès à un ensemble d’aides (certificats verts, subsides) et de déductions fiscales (mais pas dans le cas des SISP, voir le point 6.2).
* Le fin des payements a lieu dès le remboursement complet des coûts de réalisation ou au pire, à la fin de la durée maximale de remboursement initialement prévue par le contrat.
* Le matériel et les économies réalisées reviennent intégralement au maître d’ouvrage à la fin du contrat.
5.2.3. Avantages pour les ressources humaines et les services
* Apport de compétences qui ne sont pas toujours présentes ou disponibles chez le client.
* Possibilité de faire réaliser la maintenance par le TI ou à défaut de prévoir une formation du personnel.
* Les gestions financière, technique, des achats d’énergie et des activités ne relevant pas des activités principales du client sont déléguées.

116 http://www.energymons.be/download/conf09/20091026_fedesco.pdf

5.2.4. Avantages organisationnels et environnementaux
 Le recours aux TI rend possibles des économies d’énergie qui n’auraient pas pu se faire à cause de l’obstacle de l’investissement. C’est d’autant plus le cas si l’investissement réalisé ne profite pas au propriétaire mais à son locataire. En l’absence du problème de l’investissement, le propriétaire aura moins d’objections, d’autant qu’il améliorera la qualité de son logement.
5.3. Inconvénients
* Du temps et du personnel ayant les compétences requises sont nécessaires à la négociation du contrat qui sera signé avec les tiers investisseur.
* Le travail que demande la constitution d’un dossier et la recherche de rentabilité de la part du tiers investisseur excluront les projets ne dépassant pas une taille critique (de l’ordre de 100.000 EUR117 de consommation énergétique annuelle). Plus important encore, il faut que les économies d’énergie qui seront réalisées soient suffisantes pour générer un bénéfice intéressant pour les deux parties.
* Les contrats ont souvent une durée minimale de 5 ans. Cela demande que des frais généraux soient engagés et peut constituer un problème politique pour des opérateurs publics.
* Les contrats engagent les parties pour des délais généralement longs. Cette perte de flexibilité peut apparaître comme un problème. Lorsque des désaccords surviennent, il est donc important qu’il existe une bonne entente entre partenaires afin de faciliter leur solutionnement.
* L’intervention d’un tiers investisseur entraîne un surcoût net (déduction faite des intérêts) de l’ordre de 9 à 14%. Mais elle permet aussi de réaliser un projet rentable alors que cela n’aurait pas été possible autrement.
* En cas d’augmentation importante du coût de l’énergie, la part des bénéfices pris par le tiers investisseur peut s’avérer importante. Il faut donc que les modalités du contrat prévoient ce cas de figure si le client tient à une répartition plus équitable des bénéfices.
* Le tiers investisseur peut décider de ne réaliser que les investissements les plus rentables, limitant de ce fait le potentiel d’économies réalisées.
* Il est difficile de répartir les économies réalisées entre la société de logements sociaux et ses locataires afin d’aboutir à une situation qui profite à tous.
* Les locataires ne peuvent bénéficier des économies d’énergie réalisées qu’après plusieurs années, ce qui crée une inégalité entre ceux qui loueraient le logement avant la fin du contrat et les suivants.

117Source : http://re.jrc.ec.europa.eu/energyefficiency/pdf/publications/ECEEE%202005%20paper%204%20209%20final.pdf

5.4. Facteurs favorisant l’appel à un TI
* La volonté de diminuer les risques d’un investissement
* La nécessité de répondre à des normes environnementales de plus en plus strictes
* La sensibilisation à la protection de l’environnement
* La possibilité d’externaliser les activités liées à la maintenance des infrastructures
5.5. Les obstacles
* Le rôle du tiers investisseur est parfois mal connu
* L’appel à un TI étant complexe, il rend le processus décisionnel plus long
* La difficulté d’estimation des économies réalisables, de la consommation de référence, des facteurs d’influence (confort, météo,…) grâce auxquels on peut calculer une rentabilité. Ces paramètres sont également difficiles à expliquer au client.
* Les méthodes de calcul de rentabilité (temps de retour, taux de rentabilité interne, valeur actuelle nette,…) donnent parfois des résultats divergents, ce qui rend la prise de décision difficile.
* Plus les risques sont élevés et difficile à estimer, plus le TI prendra une marge importante
* Pour le TI, il est nécessaire de disposer d’une équipe, avec les compétences adéquates, pour effectuer le suivi du projet et de ses performances.
* Les règles de passation de marchés dans le secteur public empêchent parfois de faire appel à un TI car l’offre la moins chère ne sera probablement pas celle de l’investissement le plus important donnant des économies plus importantes. De plus, le montant des investissements n’est pas nécessairement connu lors de la rédaction ducahier des charges pour le TI.
* Toujours dans le secteur public, lorsqu’une réduction des coûts énergétiques entraine en parallèle une diminution du budget alloué à l’institution, il n’y aura pas d’incitant à réaliser ces économies.
5.6. Solutions pour la levée de certains de ces obstacles
* Informer les utilisateurs potentiels sur le rôle et l’action des tiers investisseurs, par des conférences, des séminaires, les média, mais également en menant des projets pilotes qui peuvent être donnés en exemple. Mais il faut également aller plus loin que l’information en donnant une véritable formation à l’ensemble des acteurs concernés par cette problématique, y compris les banques.
* Il faudrait standardiser le calcul des économies d’énergie, pour avoir une base de discussion commune à tous et ainsi éviter certains conflits qui pourraient apparaître entre l’investisseur et le client.
* Une standardisation menée à plusieurs niveaux permettrait de réduire les coûts initiaux pour les deux parties. Elle pourrait s’appliquer à la gestion des projets, à la constitution de cahiers des charges types ou de contrats types. Mais ce n’est pas une solution universelle car il n’existe pas de contrat pouvant s’appliquer à tous les cas de figure. Ils peuvent cependant servir de base de négociation. Et, à condition que ces contrats soient suffisamment explicités dans un manuel clair et qu’ils soient connus d’un large public, ils permettront réellement de simplifier les transactions.
* Le secteur public doit servir d’exemple, d’autant qu’il est lui-même un gros consommateur d’énergie et qu’il peut lancer des projets d’envergure, avec un impact important, à la fois du point de vue énergétique et sur celui de la notoriété. En outre, les autorités ont un rôle à jouer via les primes accordées pour les économies d’énergie car elles augmentent la rentabilité des investissements et donc aussi le nombre des projets potentiels.
* Il est également important de lever les obstacles administratifs et juridiques qui rendent problématique l’appel à un tiers investisseur. Et cela particulièrement en ce qui concerne les règles de passation des marchés publics.
* L’instauration d’un système d’accréditation pour les tiers investisseurs permettrait de renforcer la confiance du client et d’éviter que n’importe qui puisse s’installer sur ce marché.
7. Conclusion
De nombreuses primes et aides peuvent faciliter les investissements dans les économies d’énergie. Mais pour les sociétés de logements sociaux, il existe parfois des obstacles à leur obtention. Que ce soit au niveau fédéral à cause de l’impossibilité de bénéficier d’une déduction fiscale, au niveau régional par la difficulté à connaître par avance leur montant, au niveau européen à cause de la lourdeur de la démarche. Une réflexion doit être poursuivie pour voir s’il est possible (ou souhaitable) de lever certains de ces obstacles. A cause de leur mode de financement (subsides et crédits) ainsi que de la mauvaise connaissance qu’elles en ont, les sociétés immobilières de service public S.I.S.P. font également peut souvent appel au tiers investisseur.
Conclusion personnelle
Il peut donc exister des obstacles à l’obtention d’aides. Mais c’est parfois leur utilisation même qui peut poser problème.
Dans le cas de la cogénération par exemple, nous avons vu que le fait de rechercher une rentabilité maximale engendre le report d’un investissement rentable dans l’espoir qu’une modification de la règlementation ne rende l’opération encore plus intéressante.118
Il y a deux façons de voir cette situation. La première est de se dire qu’il est inacceptable de que les sociétés d’électricité réalisent 75% de bénéfice en revendant au prix fort et qui plus est à des personnes économiquement fragilisées une énergie qui a été produite grâce à des investissements réalisés par la société de logement sociaux qui abrite ces mêmes personnes.
La seconde est de considérer que les investissements réalisés dans cette unité de cogénération servent à produire de la chaleur de façon efficace, et par la même occasion de l’électricité, en partie utilisée (pour les communs donc), et en partie revendue à une société extérieure, ce qui est une opération écologiquement et financièrement avantageuse.

118 2.4. de ce chapitre

Il est permis de trouver perfectible ou scandaleuse (le curseur entre ces deux sentiments sera placé en fonction des opinions de chacun et de la façon de les exprimer) la situation observée du premier point de vue. Mais il serait également regrettable et dans un sens aussi injuste envers les locataires, de ne pas réaliser un investissement qui serait rentable. Un tel refus ou à tout le moins un report de la décision d’investissement, basé sur le fait que l’on espère une meilleure répartition des bénéfices serait un exemple de ce qui est appelé, dans la théorie des modes de négociation, une situation «perdant-perdant». Alors que la réalisation de l’investissement donnera une situation «gagnant-gagnant»119.
La stratégie qui devrait être adoptée selon moi ici est donc:
1. Dans un premier temps, et après confirmation de sa rentabilité, réaliser cet investissement.
2. Ensuite, si on tient à ce que les bénéfices de cette opération soient répartis d’une façon qui est plus favorable aux S.I.S.P et à leurs usagers, il faut demander que les règles juridiques soient modifiées afin que les sociétés de logements sociaux puissent revendre à leurs locataires l’énergie produite grâce aux investissements qu’elles ont elles-mêmes réalisés ou qu’elles puissent en tirer un plus grand bénéfice.
Il semble qu’une décision allant dans ce sens sera bientôt prise. Le projet serait de donner une surcote aux certificats verts afin de compenser la faiblesse du prix de revente de l’électricité.120 Le dilemme est donc moins brûlant.
Mais la question peut se reposer ailleurs. Et par exemple cas le cas du tiers investisseur. L’appel au tiers investisseur est possible dans le cas des logements sociaux.121 Un des obstacles est la mauvaise connaissance de ce mécanisme. Mais ce type de financement soulève aussi d’autres questions. Comme nous l’avons vu, le bénéfice des économies réalisées sera, dans les premières années, utilisé pour rembourser l’investissement du tiers investisseur (Figure 7). Pourra-t-on dans ce contexte, éviter les injustices entre locataires ? En effet, une personne qui louera le logement lors des premières années sera désavantagée par rapport à une autre qui disposera du logement après que le tiers investisseur ait récupéré sa mise. Et faut-il vraiment se lancer dans une telle opération si les locataires n’en voient, dans un premier temps, pas les avantages ?
Ici aussi nous sommes confrontés à un autre paradoxe : faut-il écarter une situation «gagnant-gagnant» dont les bénéfices ne seraient pas répartis de façon équitable ? La question de l’équité est complexe et je n’aurai pas la prétention d’y répondre ici. Mais il faut éviter qu’elle ne soit érigée en dogme et n’empêche par là de prendre des décisions qui seraient profitables.

119 Source : http://www.enap.uquebec.ca/didactheque/html-fra/outils/informateur/negociation/nego-modes.htm
120 Entretien avec Monsieur Bernard Van Nuffel, conseiller à la cellule logement du cabinet du Secrétaire d’Etat au logement, août 2010
121 Exemple de marché public faisant appel à un tiers investisseur : http://avis.marchespublics.wallonie.be/avis.marches.publics/documents/Pam/Avis/300737.html

Lire le mémoire complet ==> (Les économies d’énergie dans le secteur des logements sociaux)
Mémoire de Fin d’Etudes en vue de l’obtention du grade académique de Master en Sciences et Gestion de l’Environnement
Université Libre de Bruxelles – Institut de Gestion de L’environnement et Aménagement du Territoire

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les économies d’énergie dans le secteur des logements sociaux
Université 🏫: Université Libre de Bruxelles - Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire
Auteur·trice·s 🎓:
David Melis

David Melis
Année de soutenance 📅: Mémoire de Fin d’Etudes en vue de l’obtention du grade académique de Master en Sciences et Gestion de l’Environnement - 2010-2031
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