L’objectif des licences libres de diffusion en ligne des œuvres musicales

L’objectif des licences libres de diffusion en ligne des œuvres musicales

Chapitre 2

L’essor des licences libres de droits

Section 1

L’objectif des licences libres

A. L’échange gratuit, fondement de l’internet

« Jamais la gratuité n’a été aussi présente, autant vantée, aussi disputée qu’à l’ère du numérique1 ». Le constat est en effet frappant. Le réseau internet est plus qu’un nouveau moyen de communication.

Ce n’est pas non plus un simple instrument de travail ou une source de loisir, c’est une nouvelle ère de production qui succède à l’ère industrielle qu’a connu le 20ème siècle. Il faut donc concevoir la dynamique économique différemment de ce que nous connaissions jusqu’à présent. Olivier Bomsel, dont les arguments sont contestés, explique ainsi qu’il « existe un lien entre gratuit et numérique ».

Ce lien est fondé sur un mécanisme central appelé « effet de réseau ».

Les effets de réseau tiennent une place essentielle dans la diffusion des innovations numérique. Pourtant, ces effets sont bien moins connus que les effets d’échelle qui ont permis le développement industriel au cours du siècle dernier.

Sans s’attarder sur ce phénomène économique, il importe d’en décrire les grandes lignes puisque ce sont les effets de réseau qui induisent la gratuité sur l’internet, et par conséquent, la diffusion gratuite d’œuvres musicales.

L’effet de réseau peut se définir comme un mécanisme d’externalité positive économique qui prévoit que l’utilité d’un bien pour un agent dépende du nombre des autres utilisateurs. C’est le cas de nombreuses technologies et service de communications, en particulier Wikipédia.

La dynamique de l’effet de réseau implique de flatter le consommateur. Le but recherché est d’augmenter l’utilisation d’un bien, donc toucher un maximum de consommateurs afin que l’utilité, et donc la dépendance à ce bien, soit accrue.

En France, le tollé contre les majors du disque est né de la contradiction entre les anciens modes de diffusion de la musique (vente de CD, radio) et les effets de réseau du Web faisant de l’internaute un pionnier de la consommation numérique. La technologie a pris une dimension culturelle.

S’agissant du marché de la musique, il est un point important qu’il convient de souligner. La propriété intellectuelle est plus aisément contournable que la propriété matérielle. En conséquence, le contrôle des ayants droit est difficilement applicable.

C’est ce qui avait justifié le déploiement massif des DRMS et mesures techniques de protection. Mais ce phénomène peut être une source additionnelle dont peuvent bénéficier tous les intervenants de la distribution. Il faut rappeler que l’économie du copyright s’est d’abord mise en place pour supporter les coûts inhérents à la diffusion des supports et non des œuvres.

Ainsi, en France, l’ordonnance de Moulins de 1556, première législation faisant obligation aux libraires imprimeurs de demander des « lettres de privilège » et d’indiquer leur nom et leur lieu de demeure, ne mentionne nullement les auteurs.

1 Olivier BOMSEL « Gratuit, du déploiement de l’économie numérique » Editions Gallimard, 2007

La numérique bouleverse donc la donne car ce n’est plus le support mais l’information, le contenu numérique et donc l’œuvre musicale en l’espèce, qui se retrouve au centre du problème économique de la création et de la diffusion des œuvres. Jusqu’à présent, le support faisait barrière à la diffusion incontrôlée de l’œuvre, c’est pourquoi les techniques des DRMS et mesures techniques se sont développées.

Après avoir souligné l’intérêt que représenterait l’abandon des DRMS, une question se pose au sujet de la diffusion d’œuvres musicales sur l’internet. Les effets de réseau peuvent- ils bénéficier aux auteurs qui décident de diffuser librement leurs œuvres ? En effet, il n’est plus nécessaire, aujourd’hui, de faire appel à un éditeur pour diffuser son travail.

La majeure partie des artistes utilise des logiciels de type Protools, véritables stations de travail audionumérique, utilisés par les studios d’enregistrement eux-mêmes. Dès lors, il semble que la propriété intellectuelle nécessite un regard nouveau et puisse bénéficier de règles du jeu différentes.

Si les artistes n’ont plus besoins des éditeurs pour se faire connaître, peut-être conviendrait-il de trouver d’autres modèles économiques leur permettant, à la fois de diffuser librement leur musique et de trouver une source de rémunération. Mais la question se posera de savoir de quelle façon des œuvres ainsi diffusées peuvent être protégées. Dans quelle mesure le droit d’auteur est préservé dans l’utilisation de licences libres de diffusion ?

L’objectif des licences libres, est la liberté offerte aux auteurs compositeurs de pouvoir diffuser librement leur travail, en autorisant, a priori, certaines utilisations. Il ressort de ce premier constat que l’objectif d’une licence de libre diffusion (qu’il conviendra de distinguer de la licence libre) est le partage et l’accès à la culture, deux caractéristiques propres à l’internet.

C’est la raison pour laquelle l’argument principal des développements suivants consistera à expliquer qu’il existe un lien entre la diffusion gratuite d’œuvres musicales et les caractéristiques mêmes de l’internet, la conséquence étant qu’une œuvre diffusée sur l’internet se retrouve nécessairement en libre accès tôt ou tard.

Ainsi, serait-il préférable d’organiser juridiquement, en amont, cet accès gratuit, plutôt que de tenter de s’en prémunir. Il importe alors de trouver un modèle économique vertueux qui garantirait la rémunération des auteurs et ayants droit.

Pourtant, d’un point de vue économique, la gratuité ne présente aucun avantage. Sur la base d’une analyse économique simplifiée, on pourrait tenter de croire que la gratuité induit une surconsommation néfaste.

Tel est le cas de produits qui se transforment en déchets, entraînant des effets d’encombrement et de pollution. Cependant, la question ne peut se poser de la même façon pour les biens culturels, plus encore lorsque ceux-ci circulent sur l’internet, c’est-à-dire en faisant l’économie de supports physiques traditionnels tels les CD. C’est alors l’ensemble du financement de la création qui devrait être révisé.

La gratuité pour l’internaute ne signifie cependant pas l’absence de financement. La publicité, par exemple, peut permettre de rémunérer les auteurs qui mettent gratuitement à disposition leurs œuvres.

En conséquence, certains avantages, plus d’ordre politique, social voir philosophique, peuvent être tirés de la gratuité de la diffusion et de la reproduction des œuvres. Les avantages ou inconvénients du point de vue du droit doivent être observés dans un deuxième temps. Quoiqu’il en soit, il est nécessaire de reconnaître à l’auteur d’une œuvre, la possibilité de diffuser, librement, gratuitement, son travail.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Diffusion en ligne des œuvres musicales : protection technique ou contractuelle ?
Université 🏫: Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
Simon BRIAND

Simon BRIAND
Année de soutenance 📅: Master 2 Droit de l’internet - 2006 – 2007
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