Conclusion du contrat de travail: de type particulier et Portage salarial

§2 – La conclusion du contrat de travail
Un contrat de travail est une « convention par laquelle une personne, le salarié, met son activité professionnelle à la disposition d’une autre personne, l’employeur ou patron, qui lui verse en contrepartie un salaire et a autorité sur elle »2. L’article L. 121-1 du code du travail précise qu’il « est soumis aux règles du droit commun », et qu’il « peut être constaté dans les formes qu’il convient aux parties contractantes d’adopter ». La première partie de cet article est valable pour tout type de contrat de travail, les règles concernant la capacité des contractants, les vices du consentement, l’objet et la cause du contrat sont applicables. Mais la seconde partie concernant la forme du contrat de travail n’est valable que pour les contrats à durée indéterminée, le principe étant que la forme écrite n’est pas nécessaire, le salarié devra uniquement être renseigné, par écrit, de certain éléments essentiels du contrat. Cette obligation écrite d’information communautaire1 étant remplie à l’occasion d’un bulletin de paye, d’une lettre d’engagement ou d’un contrat de travail écrit. Le principe en droit français n’est pas l’exigence d’un écrit au contrat de travail comme condition de validité, mais le prêt de main- d’œuvre est une situation particulière et différente du contrat de travail à durée indéterminée. Le législateur en a tiré des conséquences et a, pour ce qui est des formes de prêt de main- d’œuvre légalement encadrés, prévu des solutions différentes du droit commun, nous sommes face à un contrat de travail de type particulier (A.). Mais le portage salarial n’est pas, lui, légalement encadré, c’est une situation de fait. Il est alors fait appel aux différentes solutions qu’offre le code du travail, avec des applications plus ou moins d’heureuses (B.).
A – Un contrat de travail de type particulier
Le contrat de travail conclu entre l’employeur et le salarié qui sera prêté, dans le cadre de l’intérim, du travail à temps partagé et des groupements d’employeurs est particulier. Il déroge pour partie au droit commun du contrat de travail et ce sur deux points : sa forme et son contenu.
Le contrat de travail à durée indéterminée n’a pas à être, en sa forme, écrit aux fins de condition de validité. Les salariés embauchés par un groupement d’employeur ou une agence d’intérim bénéficient, selon le code du travail en ses articles L. 127-2 et L. 124-4, d’un contrat de travail écrit. Cette formalité doit être accomplie « au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant la mise à disposition » (art. L. 124-4) pour ce qui est de l’intérimaire. Il n’est imposé aucun délai au groupement d’employeur sur ce point mais l’on peut penser qu’elle doit avoir lieu avant toute mise à disposition car certaines modalités du placement sont définies dans le contrat de travail. La sanction en cas d’absence d’écrit est la requalification en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée. Le but en est simple, le salarié doit être informé de l’opération de prêt de main-d’œuvre et dans le cadre de l’intérim, ce dernier étant dérogatoire du droit commun, l’écrit garanti que toutes les conditions nécessaires à ce que l’intérim ne tombe pas dans la prohibition du prêt de main-d’oeuvre soient remplies1. L’article L. 124-27 du code du travail précise « qu’un contrat de travail est signé entre le salarié et l’entreprise de travail à temps partagé », il n’est pas explicitement précisé qu’un écrit est demandé mais l’insertion du verbe « signer » peut laisser présumer à l’établissement d’un écrit. Les textes ne précisent pas non plus quelle sanction assortira l’absence d’écrit, mais une convention de travail non écrite s’analysera en un contrat de travail de droit commun. Le législateur impose l’écrit pour les contrats de travail à ces trois formes de prêt de main- d’œuvre, le salarié est informé du type de contrat auquel il souscrit. Mais l’exigence d’un écrit est complétée par une seconde exigence : un contenu précis au contrat.
La signature d’un contrat de travail dans l’optique d’un prêt de main-d’œuvre est une situation particulière, un écrit est donc exigé, écrit au contenu particulier. Le législateur impose un minimum de renseignements et mentions obligatoires dans ces contrats de travail, ces mentions ont deux objectifs : vérifier que la législation a bien été respectée et informer le salarié. L’intérimaire recevra un contrat de travail comportant la reproduction des mentions obligatoires du contrat de mise à disposition2, l’indication de la qualification du salarié et des modalités de sa rémunération indemnité de précarité de l’emploi comprise, inscription de la période d’essai éventuelle, clause de rapatriement, le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l’organisme de prévoyance dont relève l’entre prise de travail temporaire, enfin mention est faite de la faculté de l’embauche du salarié à l’issue de la mission par l’utilisateur3. A cette énumération on comprend bien le but recherché par la précision d’un contenu minimum obligatoire, le salarié ne passera que peut de temps dans l’enceinte même de l’entre prise de son employeur donc l’information est placée dans un écrit, le rappel des obligations légales rend ce contrat témoin du déroulement légal des choses. Le contrat de travail conclu entre le salarié et un groupement d’employeurs a lui aussi un contenu précis. « Les conditions d’emploi et de rémunération, la qualification du salarié, la liste des utilisateurs potentiels et les lieux d’exécution du travail »4 sont indiquées. Ce contrat doit servir à fixer certaines règles avant tout départ en mission, règles qui seront donc connues et acceptées des deux parties. Si on ne peut pas fixer précisément l’activité qu’exécutera le salarié, sur quel poste, à quels horaires et en quel lieu précis l’activité de prêt de main- d’œuvre le rendant impossible, on doit, à tout le moins, fixer un cadre général. Le travail à temps partagé contient lui une autre particularité, le contenu obligatoire du contrat de travail semble avoir été oublié lors du vote de la Loi. L’article L. 124-27 alinéa 3 précise que le contrat de travail « inclut également une clause de rapatriement du salarié ». Le terme « également » laisse supposer que d’autres mentions obligatoires existent, mais un examen approfondi du texte nous apprend le contraire. Le législateur a-t-il volontairement gardé le silence ou bien sommes nous face à un oubli ?
C’est en raison de la particularité de la situation que le droit commun de la formation du contrat de travail est écarté pour le prêt de main-d’œuvre. Le législateur a pris acte de ces relations de travail triangulaires et y applique une législation particulière. Une situation n’est cependant pas encore prise en compte par le droit du travail en tant que telle, employeurs et salariés utilisent les solutions juridiques déjà existantes pour le portage salarial.
B – Le portage salarial
Le porté et la société de portage vont donc conclure un contrat de travail afin que le porté bénéficie du statut de salarié. Mais cette situation n’est pas encadrée légalement comme peuvent l’être l’intérim, le travail à temps partagé et les groupements d’employeurs. Les protagonistes doivent alors utiliser les solutions qu’offre le droit du travail. On remarque alors que la solution employée n’est pas unique mais multiple, chaque société de portage fait un choix qui en général ne satisfait pas totalement à la situation.
La majorité des sociétés de portage « semblent préférer proposer au consultant un contrat à durée déterminée, dont la durée est calquée sur celle de la mission »1. La loi énumère limitativement les cas de recours au contrat à durée indéterminée à l’article L. 122-1-1 du code du travail, il s’agit du remplacement d’un salarié absent, de l’accroissement temporaire de l’activité et des emplois à caractère saisonniers. Il faut également préciser que ces cas de recours concernent non pas l’entreprise utilisatrice mais l’employeur du salarié, l’entreprise de portage. Cette dernière ne pourra pas invoquer un surcroît d’activité chaque fois qu’elle enverra un salarié en mission, cela relève de l’activité normale de l’entreprise. Le contrat de travail à durée déterminée, bien qu’utilisé, ne semble pas correspondre à l’activité de portage, son utilisation crée le risque de la requalification en contrat à durée indéterminée.
A l’utilisation, comme support juridique du contrat de travail à durée indéterminée se pose un problème encore plus large, la validité du contrat de travail. Le contrat de travail est caractérisé par le lien de subordination juridique entre salarié et employeur. Or, la société de portage ne contrôle pas le déroulement de la prestation de travail, elle règle seulement les aspects administratifs de l’activité, perçoit les honoraires et les restitue partiellement sous forme de salaires. La chambre sociale exige qu’en pratique le salarié soit placé sous l’autorité de la société pour caractériser la subordination juridique1. Si il existe un lien de subordination juridique entre le porté et la société de portage alors le contrat de travail sera valide, à l’inverse l’absence du lien de subordination rendra le contrat de travail invalide, la relation sera requalifiée par le juge, ce dernier n’étant pas tenu par la qualification donnée par les parties.
Il semble bien évident que l’utilisation du contrat de travail est hasardeuse pour le portage salarial. Le législateur ne s’est pas (encore ?) emparé de la question du portage salarial, situation de fait pourtant déjà largement pratiquée, de ce fait les portés et les sociétés de portage se trouvent dans une situation difficile concernant le support juridique de leur relation.
Le tiers à la relation de travail, l’entreprise cliente, n’est pas encore physiquement présent lors du recrutement du salarié et de la conclusion du contrat de travail. Pourtant les règles habituelles ne sont pas suivies car le tiers est déjà présent dans l’optique de la relation de travail. L’employeur prend en considération ce fait et réalise son premier contact avec le salarié, le recrutement, en fonction de son client. Le législateur prend acte de ce fait et organise la conclusion du contrat de travail en conséquence. Quant à l’impact sur la création du lien d’emploi il n’est pas uniforme à ce stade. En fonction des attentes du client l’employeur sélectionnera plus ou moins difficilement ses salariés, la création du lien d’emploi en est donc plus ou moins rapide. Les contraintes légales à la conclusion du contrat de travail existent, mais se sont là plus des contraintes à caractère informatif qui peuvent même parfois être remplies après le départ en mission du salarié2. Cela crée-t-il une lenteur au départ en mission ou cela renforce-t-il le lien entre le salarié et son employeur, l’obligation d’un écrit rendant inévitable leur rencontre. Le constat ne peut être que mitigé à ce stade du développement. Mais si la présence du tiers à la relation de travail interfère déjà dans la phase de recrutement du salarié une seconde chose interfère également : la loi.
Lire le mémoire complet ==> (Le lien d’emploi et le tiers dans le cadre du prêt de main d’œuvre)
Mémoire présenté et soutenu en vue de l’obtention du Master Droit « recherche », mention « droit du travail »
Ecole doctorale des sciences juridiques, politique et de gestion (n°74) Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Lille 2, université du droit et de la santé

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