Le développement durable comme construction culturelle

1.1.3 Le développement durable comme construction culturelle

Devant l’impératif et l’urgence de la situation mondiale, les consciences se mobilisent et sont interpellées par la répétition des facteurs et des risques encourus par les multiples crises qui occupent quotidiennement l’actualité des agendas politiques nationaux et internationaux.

C’est en ce sens que se développent de manière toujours plus forte les idées, débats et expériences en faveur d’un autre mode de développement.

C’est pourquoi il convient d’analyser cette « évolution sociétale » dans la mesure ou les facteurs d’évolution de pensée sont en soit une construction culturelle au regard des différents courant d’analyses qui ont été développés lors des propos précédents, mais également un exemple atypique des relations pouvant exister entre culture et développement durable.

En effet, les crises qui seront succinctement présentées dans la continuité du propos sont en grande majorité de nature culturelle. La notion de culture recoupant, comme nous l’avons vu, nombre de dimensions de l’organisation quotidienne des sociétés humaines, son interprétation au regard de l’évolution de la pensée globale est intéressante à mener.

La connaissance de cette complexité est ici un réel facteur de compréhension, les facteurs culturels entrainant des réactions globales dont les réflexions autour d’un nouveau mode de développement participent à la construction d’un nouveau modèle culturel de pensée.

Cette distinction au sein d’un même ensemble culturel global, ici le Monde, n’est pas logique et se devait donc d’être précisé. On parle donc ici de facteurs d’évolution culturels, conséquences de limites elles-mêmes culturelles dans un contexte lui aussi pouvant être défini comme culturel.

Cette interprétation proposée relativement aux définitions qui furent données de la culture dans son sens le plus large montre combien la notion de culture et de développement durable sont ici liés dans le contexte d’une réflexion autour d’un mode de développement alternatif encore nommé « troisième voie ».

L’histoire contemporaine nous apprend que le Monde fut divisé en deux consécutivement à la seconde guerre mondiale. Emergeant sur les restes de l’Allemagne nazie et de ses alliés, les forces soviétiques et occidentales sous le joug américain purent se développer dans un contexte de guerre froide sur lequel il n’est pas utile de revenir ici.

Deux modes de développement se sont alors affrontés coexistent et s’affrontant de manière régulière à grand renfort de slogans, symboles et épreuves de force. Ainsi, un Occident de l’Ouest, libéral et capitaliste s’opposant dans ses fondements les plus profonds à un Occident de l’Est soviétique, égalitariste et totalitaire.

Durant plusieurs dizaines d’années, ces deux puissances à travers les Etats-Unis et l’URSS ancrèrent leur idéologie et leur mode de fonctionnement au sein de leur aire d’influence respective. Deux alternatives étaient alors proposées et l’histoire à la charge de pouvoir les comparer et de les analyser.

Le fait est que le socialisme étatique et totalitaire s’effondra avec la symbolique chute du mur de Berlin et du rideau de fer le 9 novembre 1989. Le système communiste soviétique cessa alors d’être un mode de développement envisageable au regard de ses actes et de la critique historique qui en est faite.

Le monde libéral et capitaliste dont l’influence se lisait déjà à travers le monde entier (intervention du FMI depuis 1944, création de l’OMC en 1995…) eut alors l’occasion de devenir le mode de développement presque unique de l’humanité toute entière.

Cet état de fait laisse place à une critique parfois virulente de la situation, ce système se basant en effet sur une totale liberté d’échanges et de concurrence dans un contexte mondialisé voire globalisé.

Des initiatives existent cependant à travers par exemple l’action des courants altermondialistes mais le système dominant reste écrasant et prépondérant.

L’année 1929 reste marquée comme une année noire du capitalisme mais la crise financière s’étalant de 2007 (crises des subprimes) à 2010 (krach boursier de 2008, récession économique…) est parfois considérée comme encore plus grave.

L’importance de la spéculation financière et des abus dénoncés par les économistes de tout bord ont terminé de lancer nombre d’acteurs universitaires et de terrains sur la recherche d’une troisième voie.

Cet épisode symbolique et symptomatique termine d’inclure dans la mentalité globale la nécessité considérée comme plus ou moins forte d’un mode de développement respectueux de l’environnement, des cultures et des hommes.

Cet impératif théorisé et accepté majoritairement par les accords du sommet de Rio participe à toute les échelles à l’inscription progressive des enjeux de durabilité dans la gestion publique.

A l’image du Grenelle de l’environnement à l’échelle nationale ou de la création de services consacrés au développement durable dans les collectivités locales, la notion de durabilité participe à un nouveau mode de gestion globale et donc à une évolution de la société.

Dans un article intitulé La crise : changer de cap, Ignacy Sachs développe à la fois une vision quadripartite de la crise ainsi qu’une solution tripartite pour y remédier.

Cet élément de réflexion permet tout à la fois de comprendre l’ampleur et les enjeux de la crise actuelle qui sont de nature très diverses tout en esquissant des pistes d’action pour un mode de développement qui ne serait ni égalitariste et totalitaire ni ancré dans une dérégulation vectrice de situations socialement, économiquement et écologiquement critiques.

Cette interprétation pourrait ainsi être considérée comme un ajout avec d’autres, à l’écriture d’un nouveau mode de développement vertueux facteur d’une évolution sociétale du développement durable dans une acceptation plus large de ses principes. Selon Sachs, la crise actuelle est en fait une accumulation de quatre crises différentes.

La première d’entres elles est la crise financière qui serait du au « capitalisme de casino » autrement dit à la spéculation sans limite créant une déstabilisation financière avec des conséquences très lisibles comme peuvent en témoigner la fluctuation des prix des matières premières victimes de spéculation et dont les effets se lisent autant du coté des agriculteurs européens qui peinent à boucler leur budget total comme des paysans des pays en développement qui ne parviennent parfois plus à subvenir à leurs propres besoins.

Cette première crise tient également ses bases dans la spéculation immobilière aux Etats-Unis autrement appelée crise des subprimes aux conséquences sociales dramatiques.

C’est d’ailleurs en ce sens que Sachs considère une seconde crise socio-économique organisant la crise globale. Cette crise, fruit de la première n’est entre autre composée que des conséquences sociales de la crise financière à l’image des centaines de familles américaines exclues de leur domicile en 2007 ou des effets dévastateurs de la spéculation dans les pays en développement à travers un développement global à plusieurs vitesses dont certaines entrainent la perdition de population.

La troisième crise encore une fois issue des deux premières seraient la crise du système international organisé autour de fonctionnement pouvant s’avérer dangereux pour la stabilité mondiale à l’image de la mise en cessation de paiement de certaines des plus grandes banques mondiales lors de la crise de 2008.

Cette troisième crise laisse également éclater les critiques envers les organismes chargés de réguler l’économie mondiale mais dont l’efficience fut remise en cause au regard de l’étendue de la crise financière actuelle.

Ignacy Sachs considère d’ailleurs dans son article que cette crise supplémentaire pourrait représenter la « fin d’une mondialisation fortement asymétrique ». Enfin, la quatrième crise, vraisemblablement la plus importante aux yeux de Sachs et du devenir de l’humanité est de nature environnementale.

L’auteur considère ainsi que l’irréductible sortie de l’utilisation des énergies fossiles correspond à la troisième grande transition « biotechnique » (dans un sens conférant la rationalisation d’éléments issus de la biosphère) après la sédentarisation humaine (domestication des espèces végétales et animales) et la découverte et l’utilisation de ces mêmes énergies fossiles qui viennent à manquer aujourd’hui.

Seule cette véritable crise mettrait en cause la pérennité humaine (et non celle la Terre comme il en est trop souvent entendu).

Sachs parle même de « fin de notre civilisation » en cas de réponse lente et non adaptée qui pourrait être donnée à cette crise sans précédent dans sa nature.

En ce sens, l’auteur fixe deux priorités absolues comme devant être le cœur de cette troisième voie de développement : la lutte contre le réchauffement climatique qui met biologiquement en danger l’espèce humaine ainsi que l’extinction de la pauvreté dans le monde qui reste le problème éthique majeur du mode de développement actuel.

« Sans verser dans l’optimisme épistémologique, qui considère que l’humanité sera toujours à même de résoudre en temps utile les problèmes se posant à elle, il est permis de croire que ces défis peuvent être relevés », l’auteur tenant malgré tout à inscrire sa réflexion dans la véritable écriture d’un nouveau mode de développement.

Pour cela, il propose des pistes d’actions axées autour de trois éléments différents.

Avant toute chose, Sachs précise pour que ce qu’il convient de considérer comme des paradigmes puissent être opérés, il conviendra de renforcer de manière très forte la coopération et les échanges entre pays industrialisés et pays en développement.

La première des solutions avancée par l’auteur est de « développer le hors marché » à travers notamment le renforcement des réseaux universels de services sociaux à l’image de la santé ou de l’éducation qui participent au bien être des populations tout en étant traditionnellement en dehors de toute logique marchande.

En solidifiant ces éléments non marchands mais vecteurs de développement, Sachs propose de réduire l’influence globale des marchés dans l’organisation de la vie quotidienne des consommateurs et ainsi de pouvoir en partie limiter leurs effets indésirables.

De la même manière, ce développement du « hors marché » se lit à travers par exemple les offres alternatives de production comme le recours à l’agriculture paysanne en remplacement de la consommation de supermarché… Parce que l’économie de marché est un facteur incontournable, le changer de l’intérieur en tout ou partie est également un recours possible, c’est d’ailleurs le sens de la seconde proposition de l’auteur.

En ce sens, il est proposé de développer l’économie sociale et solidaire au sein de l’économie marchande. Cette forme de marchandisation permet une appropriation collective des profits et la réponse à des impératifs qui sont plus sociaux que marchands.

De plus, ce mode de production bien que restant avant tout marchand se maintient de manière bien plus effective lors des différents aléas économiques car ne dépend pas des fluctuations relatives au secteur marchand traditionnel.

Enfin, Ignacy Sachs propose la sortie progressive mais rapide de l’utilisation des énergies fossiles en développant fortement l’accès et la production d’énergies dites vertes, à faible emprunte écologique.

La réduction globale de l’emprunte écologique humaine se basant tout à la fois sur la sobriété énergétique et la rationalisation de l’utilisation de l’énergie, par le remplacement des émetteurs gaz à effet de serre par des énergies renouvelables ainsi que par la technique de captation des gaz à effet de serre par une photosynthèse artificielle. L’auteur parle ainsi de l’émergence d’une « biocivilisation moderne».

La crise d’une ampleur encore jamais observée et aux conséquences qui pourraient être dramatiques n’est donc pas inéluctable et cette situation peut être considérée comme le meilleur moyen pour écrire collectivement (entre pays dits riches et pays dits pauvres) un nouveau mode de développement répondant à l’évolution sociétale faisant du développement durable une nouvelle voie.

Edgar Morin citant Hölderlin avance le fait que « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ». C’est en substance la théorie avancée par l’ouvrage La Voie dans lequel Edgar Morin développe son analyse de la situation actuelle avançant par exemple le fait que « la mort de l’hydre communiste et totalitaire à réveillé la pieuvre des fanatismes religieux et à stimulé le capitalisme financier » (Morin,17-36) mais que des perspectives existent à travers la Voie que propose l’auteur et notamment le refus de la pensée binaire entre par exemple les notions de croissance et de décroissance.

L’auteur dénonce une situation actuelle qui se solde par la course effrénée entre mondialisation, occidentalisation et développement.

Sans remettre radicalement en cause ces notions, Edgar Morin propose à l’instar d’Ignacy Sachs des possibilités de sortie de crise à l’image de la combinaison entre la mentalité de la décroissance et les aspects positifs d’une croissance économique axée sur les industrie verte ou encore sur l’économie sociale et solidaire… L’initiateur de la pensée complexe se propose donc de pouvoir raisonner de manière différente à travers un ensemble d’actions qui, cumulées, permettraient l’écriture d’un mode de développement novateur à l’image de ce que l’histoire a déjà connu avec les différents stades d’évolution industrielles connues par l’homme.

La mobilisation d’auteurs aussi éminents que Sachs ou Morin prouve l’importance et l’urgence de l’écriture d’un mode de développement plus respectueux de la biosphère en général.

En ce sens, le titre de l’ouvrage de Morin correspond aux aspirations d’un certain nombre de chercheurs et d’acteurs de la vie associative, sociale et économique comme en témoigne par exemple la tenue du Forum intitulé « Repenser le développement, la société civile s’engage » à l’initiative de l’association Nature Science Société.

Le développement durable dans sa philosophie et avant tout dans son aspect systémique peut en ce sens répondre en tout ou partie aux nouveau impératifs esquissés tant par les évolutions historiques, géopolitiques qu’économiques et de leur conséquences observables.

La prise de conscience globale des différentes strates de la société (comme en témoigne par exemple la percée du vote écologiste en France récemment) de l’impératif d’un développement responsable et durable fait connaitre à la société un véritable changement de paradigme.

Les débats restent ouverts et l’utilisation à des fins politiques notamment de ces notions n’est pas exclue par de nombreux observateurs. Il convient malgré tout de noter que la notion de développement durable et que la situation globale actuelle (multiplicité des crises, inégalités grandissantes…) poussent les individus à mener une réflexion différente de celle menée jusqu’à lors.

Enfin, la dimension culturelle de ce changement de paradigme est un facteur lui aussi déterminant dans la mesure ou l’assise de la notion de développement durable est un exemple typique de construction culturelle.

Définit le développement durable n’était pas l’enjeu principal de cette sous partie, même si l’essence de la construction d’une troisième voie présente l’ambition globale d’un développement qui se voudrait soutenable et durable.

Le développement durable et la culture ont donc étaient définis, de manière plus ou moins détaillée en fonction de leur nature mais toujours au regard d’une de l’autre. Il convient maintenant de pouvoir mettre en perspective ces deux notions dans les relations qu’elles peuvent entretenir ensemble.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Politiques culturelles et durabilité : Introduction au management de projet culturel et durable
Université 🏫: Université d'Artois - UFR EGASS (Economie, Gestion Administration et Sciences Sociales)
Auteur·trice·s 🎓:
Romain Plichon

Romain Plichon
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master 2 Professionnel, Développement des Territoires, Aménagement, Environnement - 2010/2011
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