Les effets des mesures de la "troisième voie"

Les effets des mesures de la « troisième voie »

Sous-section II – Les effets des mesures de « troisième voie »

Les mesures alternatives aux poursuites ont des co

nséquences sur l’action publique qui permettent de mieux appréhender l’expression de « troisième voie ».

De plus, le fait que les mesures soient prises en dehors de toute poursuite et produisent sur l’action publique les effets que nous verrons en fait des mesures exclusivement réparatrices.

1 – Les effets sur l’action publique

Comme nous l’avons vu, le terme d’ « alternative aux poursuites » signifie que les mesures sont prises par le procureur de la République et exécutées par l’auteur des faits en dehors de toute poursuite

. Ce qui nous intéresse alors est de voir les conséquences sur la prescription de l’action publique et les effets par rapport à l’action selon le résultat obtenu par la mesure.

Nous savons que le déclenchement des poursuites, que ce soit par le Ministère public ou par la partie civile, interrompt la prescription de l’action publique.

Le problème, c’est qu’avec les mesures alternatives aux poursuites le parquet apporte une réponse pénale à l’infraction constatée tout en ne déclenchant pas les poursuites et donc nous ne connaissons pas ce qu’il advient du délai de prescription de l’action publique.

La mise en œuvre des mesures alternatives aux poursuites produit-elle le même effet que le déclenchement des poursuites ou la prescription de l’action publique est-elle simplement suspendue ? C’est l’article 41-1 du Code de procédure pénale qui nous donne la réponse puisque le législateur y a inséré un alinéa précisant que la procédure relative aux mesures alternatives aux poursuites « suspend la prescription de l’action publique ».

Ceci signifie que ces mesures provoquent un arrêt temporaire du cours de la prescription qui, à la différence de l’interruption, n’en anéantit pas les effets accomplis, notamment le temps déjà couru, et se traduit par un allongement du délai correspondant au temps de suspension.

Il faut donc comprendre que le délai de prescription de l’action publique recommence à courir à partir de où il s’était arrêté, du fait de la mise en œuvre par la parquet d’une mesure alternative aux poursuites, et ce dès que la mesure prend fin.

Il nous reste donc à savoir comment les mesures de l’article 41-1 du Code de procédure pénale prennent fin et quels en sont les effets sur l’action publique.

A l’inverse de la composition pénale, qui nécessite le consentement du délinquant pour pouvoir être mise en œuvre par l’autorité de poursuite, les mesures alternatives aux poursuites sont imposées par le procureur de la République à l’auteur des faits.

En revanche, ce dernier reste toujours libre d’honorer ou non les mesures prises à son encontre et de son comportement lors de l’exécution de celles-ci résultera des effets différents.

Selon que l’auteur des faits exécute ou non les mesures nous parlerons de succès ou d’échec, cependant, dans les deux cas les mesures alternatives aux poursuites prennent fin.

Puisque le procureur de la République a recours aux mesures de l’article 41-1 lorsqu’il estime qu’elles sont suffisantes pour réparer le dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou d’aider au reclassement de l’auteur des faits, il apparaît peu probable qu’en cas de succès de la mesure il souhaite engager des poursuites.

Et ce quand bien même il le pourrait, le délai de prescription de l’action publique n’étant pas écoulé et l’article 6 du Nouveau code de procédure pénale ne prévoyant pas l’exécution des mesures alternatives aux poursuites parmi les causes d’extinction de l’action publique.

En effet, n’oublions pas que l’objectif du législateur lorsqu’il a institué les mesures alternatives aux poursuites, et des parquets avant lui, était de trouver une solution à l’encombrement des tribunaux répressifs et de remédier aux trop nombreux classements de pure opportunité d’affaires, causés par un manque de temps, où pourtant il aurait été bénéfique d’apporter une réponse judiciaire.

Si le procureur de la République poursuivait la personne malgré que celle- ci ait exécuté les mesures cela aurait non seulement l’effet inverse souhaité mais en plus ça viderait totalement les mesures de leur sens puisque ce serait l’aveu de l’inutilité des mesures alternatives aux poursuites.

Par conséquent, lorsque les mesures sont exécutées par l’auteur des faits le procureur de la République considère que la réponse pénale était suffisante et qu’il n’a pas besoin de poursuivre.

L’exécution de la mesure aboutira à une « non poursuite », pour reprendre l’expression de Serge Guinchard et Jacques Buisson21. En réalité, ceci équivaut à un classement de l’affaire, mais c’est une nouvelle forme qui apparaît avec les mesures alternatives aux poursuites.

Ils sont désignés classements « sous condition » pour les différencier des classements « secs » car, à la différence de ceux que connaissait notre droit jusque là, dans lesquels l’affaire était classée sans aucune contrepartie pour l’auteur des faits, le délinquant doit ici exécuter des mesures prises à son encontre par le parquet s’il espère ne pas être poursuivi.

Nous avons vu que lorsque le procureur de la République traite le délinquant par le biais d’une mesure alternative aux poursuites c’est qu’il estime que les faits commis sont trop graves pour classer purement et simplement le dossier, mais pas assez pour engager des poursuites.

Un cas de conscience se pose alors lorsque l’auteur des faits n’exécute pas les mesures prises à son encontre.

En effet, en cas d’échec dû au comportement du délinquant, le procureur de la République doit-il considérer que l’affaire n’est pas assez grave pour y donner suite ou, au contraire, doit-il considérer que les faits sont trop graves pour laisser la personne s’en sortir aussi facilement ? Le législateur est venu soulager la conscience des parquets en indiquant la voie à suivre.

L’article 41-1 du Code de procédure pénale s’est vu doté d’un nouvel alinéa issu de l’article 70 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 qui dispose qu’ « en cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de l’auteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre une composition pénale ou engage des poursuites ».

Le mode impératif des verbes indique que, si la situation est restée inchangée, le procureur de la République a l’ordre d’engager des poursuites ou de mettre en œuvre une composition pénale.

Les effets sont donc totalement différents selon que l’auteur des faits exécute ou non les mesures alternatives aux poursuites puisque, dans un cas la personne voit son affaire classée et dans l’autre elle se verra, au mieux, proposée une composition pénale et, au pire, poursuivie.

Nous pouvons aisément comprendre cette interdiction de classer l’affaire quand l’auteur des faits n’a volontairement pas exécuté les mesures parce que ça laisse penser qu’il n’a pas pris conscience de la gravité de son acte et de la chance dont il a bénéficié en étant traité de cette manière et qu’un classement risquerait de le conforter dans cette idée.

Les objectifs des mesures alternatives aux poursuites et les effets de leur exécution ou de leur inexécution sur la suite à donner à l’affaire révèlent la nature particulière de ce type de mesures.

21. S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, Edition Litec, 1997.

2 – Des mesures réparatrices

Comme nous l’avons déjà dit, lorsque le procureur de la République décide de recourir au rappel à la loi, à l’orientation de l’auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, à la demande de régularisation de la situation, à la demande de réparation du dommage ou à la médiation entre le délinquant et sa victime, il doit sincèrement penser qu’une telle mesure a toute les chances d’aboutir à la réparation du dommage causé à la victime, au reclassement de l’auteur des faits ou à la cessation du trouble résultant de l’infraction.

Le fait que ces objectifs soient expressément énoncés dans l’article 41-1 du Code de procédure pénale nous renseigne sur la nature à donner à ces mesures.

Toutes ces mesures, qui pourtant n’ont rien à voir entre elles, renferment en leur sein l’idée d’un dédommagement du préjudice par l’auteur et le rétablissement de l’équilibre détruit par le dommage.

Le but des mesures alternatives aux poursuites est de réparer un dommage et aider la personne à rester dans le droit chemin, non de punir un délinquant.

D’ailleurs, le fait que l’exécution de la mesure par l’auteur des faits aboutisse à un classement de l’affaire malgré que le délai de prescription de l’action publique continue à courir confirme la nature réparatrice des mesures alternatives aux poursuites.

Les effets des mesures de la "troisième voie"

Alors qu’il serait encore possible d’engager des poursuites à l’encontre de l’auteur des faits une fois les mesures appliquées, le procureur de la République estime que l’affaire a reçu la réponse pénale adéquate et qu’une mesure plus sévère n’aurait pas lieu d’être.

Il estime que les objectifs visés par la mesure ont été atteints. Les mesures de l’article 41-1 du Code de procédure pénale permettent aux victimes éventuelles une réparation plus rapide que si elles se constituent parties civiles au procès pénal tout en étant aussi efficace, voire même plus efficace parce que dans ce cas là l’auteur des faits a intérêt à bien exécuter la mesure s’il espère le classement de l’affaire, et donnent une chance à l’auteur des faits de réparer son erreur sans subir de condamnation.

Tout semble fait pour que la rencontre entre l’auteur de faits de faible gravité et la justice ne soit pas traumatisante, que la victime ne soit pas oubliée et que la personne quitte la sphère judiciaire avec la sensation d’avoir eu la possibilité de réparer le dommage causé par son acte sans pour autant avoir été traitée comme un délinquant.

Comme nous pouvons le constater, la dimension pédagogique dans les mesures alternatives aux poursuites est très présente.

Le rôle de ces mesures est de faire prendre conscience à l’auteur des faits de l’erreur de sa conduite et de permettre la réparation du dommage dans des affaires de peu de gravité qui donnaient bien trop souvent lieu à un classement « sec » de la part du procureur de la République, y étant contraint par manque de temps.

Pour résumer notre pensée nous pourrions rebaptiser les mesures alternatives aux poursuites, à la manière des professeurs Guinchard et Buisson, d’« alternatives réparatrices »22.

22. S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, Edition Litec, 1997.

Au regard de ce que nous venons de développer, nous cernons mieux pourquoi les mesures alternatives aux poursuites ont été qualifiées de mesures de « troisième voie ».

Il faut se rappeler qu’avant qu’elles n’existent l’autorité de poursuite n’avait le choix qu’entre le classement « sec » ou l’engagement des poursuites.

Si le procureur de la République considérait que la réparation du dommage et la remise de la situation dans l’état antérieur à celui-ci étaient suffisantes mais nécessaires, il n’avait aucune solution sinon d’engager les poursuites contre l’auteur des faits.

Mais face à l’encombrement des juridictions répressives et face à la lourdeur et à la lenteur de la procédure classique, le procureur de la République se retrouvait souvent contraint d’opter pour le classement « sec », préférant logiquement voir comparaître devant le juge répressif les auteurs des infractions les plus graves.

C’est pour sortir de ce dilemme que les parquets se sont aménagés une troisième voie d’action sans en attendre la consécration par le législateur, qui est intervenue à travers les lois n° 93-2 du 4 janvier 1993 et n° 99-515 du 23 juin 1999.

La « troisième voie » signifie que les mesures prises par le procureur de la République à l’encontre de l’auteur des faits, aussi différentes les unes des autres que peuvent l’être le rappel à la loi ou l’orientation vers une structure sanitaire ou professionnelle par exemple, tendent à réparer le trouble à l’ordre public occasionné et le dommage causé à la victime alors même que les poursuites ne sont pas déclenchées et aboutissent au classement de l’affaire quand elles ont été exécutées par l’auteur des faits, sans jamais être une cause d’extinction de l’action publique.

La « troisième voie » offre la chance à l’auteur des faits de réparer son infraction sans subir de peine et sans se constituer de passé pénal puisque les mesures alternatives aux poursuites de l’article 41-1 ne donnent pas lieu à inscription au casier judiciaire.

Finalement, la « troisième voie » est le pouvoir donné au parquet d’ordonner à l’auteur des faits d’exécuter des mesures réparatrices avant de classer l’affaire.

Il convenait d’approfondir l’examen des mesures alternatives aux poursuites afin de mieux comprendre pourquoi certaines personnes considèrent que la composition pénale n’est rien d’autre qu’une nouvelle mesure de la « troisième voie ».

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le Caractère Hybride De La Composition Pénale
Université 🏫: Lille 2, Université droit et santé - Faculté des sciences juridiques politiques et sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Emilie Deschot

Emilie Deschot
Année de soutenance 📅: Ecole doctorale des sciences juridiques, politique et sociale (n°74) - 2005/2006
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