L’avenir de l’hospitalisation publique en France

2.3.2. – L’avenir de l’hospitalisation publique passe par une prise en compte des « recettes du privé »
La prise en compte des recettes du privé passe d’abord par un prise de conscience des difficultés et des errements organisationnels du secteur public hospitalier, les orientations de la Fédération Hospitalière de France semblent aller dans ce sens. Beaucoup s’accordent à dire que pour maintenir un certain niveau de qualité, il faut que la réforme de la T2A s’accompagne d’une nouvelle gouvernance. Mais avant tout, il semblerait urgent que le secteur public s’arme d’outils de suivi de gestion efficaces dont notamment une comptabilité analytique d’exploitation.

2.3.2.1. – La nouvelle gouvernance à l’hôpital

L’alinéa 8 de l’article 73 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit habilite le gouvernement « à réformer les règles de fonctionnement des établissements publics de santé, les règles et les modes d’organisation budgétaires et comptables ainsi que les règles de gestion des établissements de santé, adapter et aménager les compétences des agences régionales de l’hospitalisation en ces matières et réformer les règles de gestion des directeurs des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ».
Elle fonde ainsi les bases des travaux de la Mission d’Evaluation et d’Audit Hospitalier (M.E.A.H.) destinée à élaborer un nouveau schéma de gouvernance à l’hôpital. La modernisation de la gouvernance hospitalière s’articule autour de trois grands axes :
− une nouvelle organisation des pouvoirs au sein de l’hôpital,
− la simplification de l’organisation interne,
− et enfin la rénovation de la gestion des hommes et des procédures de nomination. L’hôpital public connaît un problème organisationnel grave avec une dilution des responsabilités telle qu’il est souvent très difficile de déterminer avec précision qui dirige qui et quoi. Avit présenté ses orientations qui ont été traduites juridiquement dans l’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 qui prévoit donc de revoir l’organisation de toutes les instances stratégiques et décisionnelles, avec en premier lieu les conseils d’administration, dont la composition sera modifiée. Son action sera recentrée sur la définition des stratégies et un pouvoir de contrôle46. De plus, la question de la présidence du conseil d’administration confiée de droit au maire de la commune pose problème car les établissements publics hospitaliers peuvent avoir une circonscription qui dépasse le territoire de la commune.

44 Lettre aux parlementaires sur la situation préoccupante des hôpitaux publics : sous-financement et difficultés de mise en œuvre de la T2A, Fédération Hospitalière de France, 7 avril 2005.
45Circulaire N° DHOS-F2/DSS-1A/2005/N° 356 du 26 juillet 2005 relative à la campagne tarifaire 2005 des établissements de santé antérieurement financés par dotation globale Circulaire N° DHOS/F3/F1/2005/103 du 23 février 2005 relative à la campagne tarifaire 2005 pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie exercées dans les établissements de santé privés mentionnés aux d) et e) de l’article L.162-22-6 du code de la sécurité sociale.

De plus, le nouvel article L. 6143-6-1 du Code de la Santé Publique prévoit la création d’une nouvelle entité, le Conseil exécutif qui aura une nature mixte, à la fois administrative et médicale et qui aura pour objectif de réconcilier les logiques différentes qui s’expriment à l’hôpital. Ce conseil préparera toutes les mesures nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet d’établissement et des projets pluriannuels.
De plus de nouveaux pouvoirs sont attribués au directeur de l’A.R.H. pour veiller à éviter les dérives et que les établissements ne mettent pas en place les mesures de gestion nécessaires. Le directeur d’A.R.H. disposera désormais d’un pouvoir d’injonction et d’un pouvoir de suspension conditionné à l’usage préalable du pouvoir d’injonction : il pourrait aller jusqu’à suspendre les pouvoirs du conseil d’administration si des manquements importants étaient constatés.
Concernant les instances consultatives, les missions de la commission médicale d’établissement seront recentrées sur la définition de la stratégie médicale et de la politique de la formation médicale continue et d’évaluation. De plus, l’ensemble des comités internes de l’établissement devraient voir leurs organisations et leurs missions revues.
Du point de vue de la simplification de l’organisation interne de l’hôpital devrait s’articuler autour d’une idée maîtresse, le principe de liberté d’organisation. L’hôpital doit rester libre de décider du mode d’organisation le plus adapté à sa situation. L’ordonnance du 2 mai 2005 prévoit ainsi la création de « pôles d’activités » qui obéissent à une logique de simplification et de déconcentration de la gestion47. Les pôles regroupent des secteurs ayant des activités communes ou complémentaires. Les chefs de pôles seraient à la fois médecins et gestionnaires et disposeraient de pouvoirs importants et il faudra ainsi favoriser l’outil contractuel. En effet, les contrats conclu entre le chef de pôle et le Conseil exécutif devront comporter une véritable délégation de gestion.
Les statuts des médecins hospitaliers devraient être simplifiés par voie réglementaire avec à terme seulement deux statuts : un statut de médecin titulaire et un statut de contractuel, ce qui assouplirait grandement la gestion du personnel. De plus, la fonction de directeur d’établissements devrait être revalorisée et sa gestion sera modernisée selon trois axes majeurs :
− la création d’un centre national de gestion pour assumer les tâches de gestion opérationnelle des carrières des directeurs avec une publication des postes en temps réel en fonction des besoins et non plus à dates fixes,
− La création d’un groupe ad hoc de 200 à 300 personnes destiné à alimenter les postes de chefs d’établissements des 200 plus grands hôpitaux de France,
− Une nouvelle procédure d’évaluation et de nomination des directeurs, qui seraient directement nommés par le conseil d’administration, est envisagée avec une profonde transformation de l’Ecole Nationale de la Santé Publique (E.N.S.P.).
Modifier la gouvernance est une étape essentielle pour parvenir à des taux de rentabilité comparables au secteur privé. Il serait néanmoins essentiel de lui adjoindre la mise en place de techniques comptables fiables fondées sur la comptabilité analytique d’exploitation.

2.3.2.2 – La mise en place de la comptabilité analytique dans le secteur public

À partir du système P.M.S.I., la M.E.A.H. souhaite que les établissements de santé, publics comme privés, mettent en place au moins des outils de comptabilité analytique pour permettre la réflexion sur les efforts de réduction des coûts. Pour pouvoir réduire les coûts, il faut en connaître la nature et la structure. Ces outils sont essentiellement :
− Le calcul des coûts des séjours et des G.H.M. qui permet de procéder à des comparaisons entre les établissements sur les pratiques médicales relatives à certaines pathologies. Cet outil exige des hôpitaux qu’ils soient capables de référer de nombreuses informations au patient et qu’ils puissent fournir le même travail que les 40 établissements de l’Échelle Nationale des Coûts : dans le cadre de la T2A, le coût d’un G.H.S. issu d’un G.H.M. pourra directement être comparé à son tarif,
− Le « tableau coût case-mix » (T.C.C.M.) compare le coût de l’établissement à celui de l’hôpital fictif produisant le même case-mix mais avec les coûts moyens fournis par l’Échelle Nationale des Coûts (E.N.C.). Cette comparaison peut être effectuée globalement ou selon toutes les composantes du coût d’un G.H.M. de la base nationale de coûts publiés par la D.H.O.S.,
− Des calculs de coûts par activité, dans le cadre de la base d’ANGERS qui comporte près de 100 établissements, publics surtout mais également privés, qui permet des comparaisons de coûts d’unités d’œuvre par rapport à des moyennes.
Lors de l’étude de 15 établissements publics et privés, la M.E.A.H. a pu dresser un bilan contrasté de l’utilisation de tels outils48. La mission note que les établissements publics et P.S.P.H. sont généralement bien dotés en outils de comptabilité et qu’ils suivent tous les principes du guide méthodologique de comptabilité hospitalière, 70 % d’entre eux établissent le T.C.C.M., 80 % calculent des coûts par activité et 60 % participent à la base d’ANGERS. Cependant, si ils possèdent les outils, ils ne s’en servent que très peu. Sur les sept établissements déclarant élaborer un T.C.C.M., seulement cinq déclarent en interpréter les résultats et un seul passe à l’étape de la formalisation…
Lire le mémoire complet ==> (Un nouveau mode de financement du service public hospitalier en France :
le passage à la tarification à l’activité dans le cadre du plan « hôpital 2007 »)
Mémoire Présenté et soutenu par Fabien LAFFITTE – Institut d’Etudes Politiques de LYON
Université LUMIERE LYON II

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