La représentation des salariés en France – Prêt de main-d’œuvre

Rapports collectifs de travail – Chapitre II :
Tout salarié entretien des rapports avec son employeur mais également avec d’autres personnes lors de l’exécution de son contrat de travail. Ces seconds rapports ne s’organisent pas autour du lien de subordination et du contrat de travail. Les relations professionnelles, opposées aux rapports de travail proprement dits, sont des relations de confrontation, négociation, contrôle ou coopération, établies à la périphérie et pour le gouvernement des rapports d’emploi1. Malgré la particularité des rapports de travail dans le cadre du prêt de main-d’œuvre, salariés et employeurs n’échappent pas à la réalité des relations professionnelles. Des acteurs autres que le salarié et les employeurs interviennent lors de l’exécution de la prestation de travail, le salarié nouera des relations avec eux. Les rapports entretenus avec ces acteurs sont une partie des rapports entretenu et correspondant à la vie du lien d’emploi. Ils seront à l’étude afin de déterminer si leur forme renforce ou fragilise la vie du lien d’emploi.
Nous allons, a nouveau, utiliser comme outil la comparaison. Tout salarié entretiens les rapports définis ci avant ; comparons le statut du salarié de droit commun à celui du salarié prêté pour déterminer les forces et les faiblesses du second. Il faut remarquer que l’activité de portage et celle de travail à temps partagé offrent peut de réponses au niveau des rapports collectifs de travail. Dans le cadre du portage ils doivent exister, mais mis à part l’existence de syndicats recherchant la légalisation de l’activité ou son application en respect du droit du travail, nous n’avons pu rassembler aucune information. Dans le cadre du travail à temps partagé, aucune mesure spécifique n’a été prévue en matière de rapports collectif de travail.
Le gouvernement des rapports d’emploi contient deux dimensions. La première dimension est la représentation du personnel (Section I.). La représentation est, en droit civil, « le procédé juridique par lequel une personne, appelée représentant, agit au nom et pour le compte d’une autre personne, appelée représenté »2. En droit du travail, le salarié bénéficie d’une représentation à plusieurs niveaux et dans différentes fins. Mais la force de cette représentation est-elle la même en droit commun que dans le cadre du prêt de main-d’œuvre, ou alors la particularité de l’activité de prêt de main-d’œuvre entraîne des particularités au niveau de la représentation des salariés renforçant ou fragilisant cette dernière ?
Seconde dimension du gouvernement des rapports d’emploi : la négociation collective (Section II.). La négociation collective permet aux destinataires du droit du travail d’élaborer, pour partie, ce dernier ; ils sont acteur de la création des modes de régulation de l’activité « travail ». La négociation collective rassemble « l’ensemble des discussions » et des accords conclus en conséquence, « entre les représentants des employeurs ou des organisations professionnelles d’une part, et des syndicats de salariés d’autre part »1. La négociation collective joue à plusieurs niveau (national, de branche, entreprise établissement,…) et la négociation est en elle-même soumise à un certain formalisme. Nous rechercherons la réalité de la négociation collective dans le cadre du prêt de main d’œuvre.
Section I – La représentation des salariés
Les salariés prêtés bénéficient d’une représentation par différents acteurs et à des fins différentes selon les acteurs. Le législateur cherche à assurer la représentation de ces salariés, malgré leur situation particulière de partage de temps entre deux entreprises. Le cadre (employeur de fait ou de droit) n’est pas toujours adéquat à la représentation du salarié. Pourtant cette représentation est l’un des éléments nécessaire à la régulation des rapports professionnels en droit du travail français. Nous allons rechercher si, malgré l’absence d’unité de lieu de travail, le salarié prêté bénéficie d’une représentation à la hauteur des attentes.
Deux types d’acteurs concourent à la représentation du personnel. Les institutions représentatives du personnel (ci après IRP), exercent leurs fonctions au niveau de l’entre prise (§1.). Les syndicats eux, exercent leurs fonctions au niveau de l’entreprise également mais pas uniquement (§2.)
§1 – Les institutions représentatives du personnel
Les institutions représentatives du personnel sont limitativement énumérées par le droit du travail. Les délégués du personnel (ci après DP), sont des représentants élus du personnel, ils exercent leurs fonctions dans le cadre de l’entreprise ou de l’établissement. Ils sont chargés de faire observer les conditions de travail et transmettre les réclamations du personnel à l’employeur. Ils bénéficient d’un statut particulier et d’heures de délégations pour remplir leurs fonctions. Le comité d’entreprise (ci après CE), est composé du chef d’entreprise et de représentants élus du personnel. Il a pour but d’associer les représentants élus à la marche de l’entreprise. Enfin, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail réunit travailleurs élus, employeur et membres de l’administration du travail (ci après CHSCT). Il est chargé de prévenir les accidents du travail, de veiller à l’application des règles de sécurité et de contribuer à l’amélioration des conditions de travail.
Les employeurs dans le cadre du prêt de main-d’œuvre, n’échappent pas aux obligations afférentes aux IRP. Cependant le salarié à une situation particulière, de partage de son temps entre deux employeurs. Des règles particulières d’accès aux IRP existent pour ces salariés (A.). De plus les IRP doivent mener des actions particulières envers les salariés prêtés (B.).
A – Conditions particulières d’accès
L’employeur de droit ainsi que l’employeur de fait sont soumis aux règles des IRP. Ils sont donc tenus de mettre en place les DP, CE et CHSCT dès lors que sont atteints les seuils de onze et cinquante salariés, rien de particulier a cela. C’est au stade de la prise en compte du salarié prêté dans le décompte des effectifs qu’existe la particularité. Le législateur a pris en compte la situation particulière du salarié et en a tiré des règles spécifiques. L’ordonnance du 24 juin 2004, réformé la mise en œuvre des dispositions du Code du travail faisant référence à une condition d’effectif, les modalités de calcul des seuils sont harmonisées pour l’intérim et les groupements d’employeurs. L’article L. 620-10 du Code du travail prévoit que les travailleurs temporaires et de groupements d’employeurs sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise utilisatrice « au prorata de leur temps de présence au cours des douze mois précédents ».l’article L. 620-11 du Code du travail précise que les travailleurs intérimaires sont pris en compte dans le décompte des effectifs de l’ETT dès lors qu’ils ont été liés « par des contrats de travail temporaires pendant une durée totale d’au moins trois mois au cours de la dernière année civile. Les salariés prêtés sont pris en compte, pour le décompte des effectifs, au sein de l’entreprise utilisatrice et de l’entreprise de l’employeur de droit.
Des conditions particulières existent également quant à l’électorat et à l’éligibilité. L’intérim et les groupements d’employeurs suivent des règles analogues. N’étant pas membres de l’entreprise utilisatrice ils ne peuvent accéder aux élections en tant qu’électeurs ou éligible au sein de l’entreprise utilisatrice. Ils sont, par contre, liés à l’employeur de droit par un contrat de travail, ils peuvent être électeurs et éligibles à ce titre. Mais ils doivent alors respecter quelques conditions d’ancienneté. Ils peuvent participer à l’élection des DP et du CE ; trois mois d’ancienneté au cours des douze mois précédents leur confèrent l’électorat, six mois d’ancienneté au cours des 18 mois précédant la confection des listes leur confèrent l’éligibilité1. L’ancienneté est appréciée en totalisant les périodes au cours desquelles les intéressés ont été liés à l’entreprise par un contrat de travail au cours de la période considérée. La période est réduite six mois en cas de création d’entreprise ou d’ouverture d’établissement.
Les salariés prêtés sont pris en compte pour l’accès aux IRP, cependant ils doivent faire preuve d’un certain attachement à la communauté de travail, traduit par leur temps de présence dans l’entreprise.
B – Actions particulières des IRP
Les IRP ont des actions précises à remplir en présence de salariés prêtés.
Le CE de l’entreprise utilisatrice exerce un certain contrôle sur l’utilisation des travailleurs temporaires. Il doit être consulté préalablement en cas de recours à l’intérim pour certains motifs. Ces motifs sont le départ définitif d’un salarié sous CDI dont le poste sera supprimé. La consultation porte alors sur la suppression du poste et sur l’utilisation en conséquence de l’intérim. Le CE est consulté, ensuite, en cas de commande exceptionnelle à l’exportation ou d’accroissement temporaire d’activité ou de tâche occasionnelle non durable. Le CE est ici l’un des garant de la bonne utilisation de l’intérim.
Chaque trimestre dans les entreprises d’au moins 300 salariés et chaque semestre dans les autres entreprises le CE est informé sur la situation de l’emploi. A ce titre l’employeur lui indique le nombre de salariés temporaires dans l’entreprise et le nombre de jours effectués par les salariés intérimaires pendant la période considérée2.
Le CE peut réagir en cas de nombre important de salariés intérimaire et il a un droit de consultation sur la formation renforcée à la sécurité des intérimaires. Par ces possibilités d’action, le CE de l’entreprise utilisatrice prend part à la gestion de l’utilisation de l’intérim.
Le CHSCT est lui consulté sur certains points : les demandes de dérogation à l’exécution de travaux dangereux, l’établissement de la liste des postes présentant des risques particuliers et les modalités d’accueil et de formation renforcée à la sécurité des titulaires de ces postes. Il veille donc à la sécurité, à l’hygiène et à la bonne exécution des conditions de travail du salarié prêté.
Le DP peut transmettre les réclamations des salariés intérimaires non seulement au sein de l’entreprise de l’employeur de droit mais également auprès de l’employeur de fait. Ces revendications, individuelles ou collectives, doivent porter sur les problèmes de rémunération et de conditions de travail, les moyens de transport collectifs et le bénéfice des installations collectives1. Ceci est du à la similitude des situations du salarié au sein de l’entreprise utilisatrice et de celle de son employeur.
Le législateur a pris connaissance de la particularité de la situation du salarié prêté, il en a tiré des conséquences portant sur l’accès aux IRP et les fonctions particulières de ces derniers. Les fonctions particulières des IRP eu égard aux salariés prêtés ont en général pour fonction de prendre en compte ce salarié et d’améliorer son intégration au sein de l’entreprise. Cependant l’accès des salariés aux IRP est limité par les textes. Il est déjà difficile de faire connaître l’existence et le rôle des IRP aux salariés éclatés sur différents lieux de travail, à cela s’ajoute des difficultés légales. Enfin il n’est pas aisé pour les IRP d’appréhender la situation de salariés étalés en des lieux différents. Le syndicat rencontre-t-il les mêmes difficultés ?
§2 – Les syndicats
Le délégué syndical représente, dans l’entreprise, les intérêts du syndicat. A ce titre, il est considéré par certain comme ne faisant pas partie des représentants du personnel. Mais on peut opposer que se sont les salariés de l’entreprise, et eux seuls, qui deviennent délégués syndicaux (ci après DS). Question intéressante : le salarié prêté peut-il devenir DS ? (A.). De plus les syndicat ont un lien avec les salariés en cas d’action en justice (B.).
A – La fonction de délégué syndical
Un DS peut être désigné par tout syndicat représentatif dans une entreprise, dès lors que cette dernière emploie au moins cinquante salariés, conformément à l’article L. 412-11 du Code du travail. La loi ne défini pas précisément les compétences du DS, ils ont une fonction de représentation et de défense des salariés syndiqués ou non, ils assurent la défense des intérêts collectifs des salariés au sein de l’entreprise et peuvent donc présenter toute réclamation ou revendication.
La prise en compte des salariés prêté dans le décompte des effectifs de l’entreprise au titre de la mise en place des DS, suit les mêmes règles énoncées dans le paragraphe précédent. Les salariés d’un groupement d’employeur et les salariés intérimaires sont pris en compte pour la mise en place et donc l’accès aux DS, mais peuvent-ils devenir eux-mêmes titulaires des fonctions de DS ?
Seuls les textes relatifs au travail temporaire précisent la possibilité, pour un salarié prêté, de devenir DS au sein de l’entreprise de son employeur. Peut-être existe-t-il la possibilité pour les autres salariés prêtés de devenir DS par analogie aux textes concernant l’intérim. L’article L. 412-14 du Code du travail prévoit cette faculté, en son alinéa 2. Le salarié peut devenir DS au sein de l’entreprise de son employeur si il rempli certaines conditions d’ancienneté, condition de la preuve d’un certain attachement à l’entreprise. Il doit avoir rempli une condition d’ancienneté de six mois. Hors le salarié intérimaire travaille rarement six mois d’affilé pour l’ETT, l’ancienneté du salarié est appréciée en totalisant les périodes de mise à disposition effective. La relation de travail de l’intérimaire n’est pas linéaire, elle est en pointillés ; en conséquence, et pour prouver le lien d’attachement certain du salarié à l’entreprise, les six mois d’ancienneté doivent être acquis au cours des dix-huit mois précédant la désignation du DS. Le législateur a même démontré sa volonté d’une représentation plus rapide d’un DS en cas de création d’entreprise ou d’ouverture d’établissement ; le délai est alors réduit à six mois (précédant la désignation du DS).
Le salarié prêté est pris en compte au titre de la mise en place du DS et il peut même parfois devenir lui-même DS. On cherche à créer des liens forts entre le DS et les salariés prêtés, après tout le DS et le défenseur des intérêts collectifs des salariés. Mais le DS peut-il facilement accéder aux informations concernant les salariés prêtés, sachant qu’ils ne sont sous contrat de travail qu’au temps de l’exécution de la mission qui s’effectue dans les locaux d’une autre entreprise. De même, le salarié a-t-il facilement accès au DS, connaît-il seulement son existence, quelles informations a-t-il ? Afin de pallier à ces difficultés dues à l’éloignement, l’article L. 412-8, alinéa 6, oblige l’employeur à remettre aux salariés prêtés les communications syndicales, si besoin est par voie postale. Cette opération est aux frais de l’employeur et doit être respectée au moins une fois par mois.
Le salarié peut devenir DS dans l’entreprise de son employeur, mais si il ne l’est pas il doit être informé par l’employeur des communications syndicales. Le salarié intérimaire peut prendre conscience plus facilement d’appartenir à la collectivité des salariés. Autre présence du syndicat auprès des salariés : l’action en justice.
B – L’action en justice
Le syndicat peut agir en justice, tout d’abord pour défendre ses intérêts propres, pour défendre les intérêts du salarié et enfin pour défendre les intérêts collectifs de la profession. Le premier et le troisième type d’action, n’offrent pas de particularité dans le cadre du prêt de main- d’œuvre. En revanche l’action exercée au nom du salarié est plus intéressante, en ce qu’elle concerne la faculté directe de défense des intérêts personnels du salarié par le syndicat. Par souci d’assurer l’exercice réel des droits et actions des salariés, le syndicat est autorisé à mener ce type d’action en justice contrairement aux principes de droit français1. Le syndicat, si il est représentatif, peut agir au nom du salarié, même si ce dernier n’appartient pas au syndicat concerné, dans certains cas.
Les articles L. 124-20 et L. 127-6 du Code du travail offrent la possibilité pour le syndicat d’agir en justice au nom du salarié intérimaire ou du salarié d’un groupement d’employeurs. Le syndicat pourra agir afin de faire respecter la réglementation relative au travail temporaire et aux groupements d’employeurs. Le syndicat n’aura pas à justifier d’un mandat exprès du salarié, cependant il doit en avertir le salarié et ce dernier ne doit pas s’y être opposé. Le syndicat doit apporter la preuve de l’absence de refus du salarié, si dans les quinze jours suivant l’information au salarié, ce dernier n’a pas exprimé de refus il sera considéré comme ne s’y opposant pas. Le salarié peut toujours intervenir à l’instance.
Il faut ajouter que non seulement le syndicat se trouvant au sein de l’entreprise de l’employeur peut agir mais également celui de l’entreprise utilisatrice. Le syndicat né chez l’utilisateur a une meilleure connaissance du lieu d’exécution du travail, de l’employeur de fait et de la situation de l’intérimaire. Sa capacité d’agir en justice est donc importante. Le souci de protéger le salarié prêté sur son lieu d’exécution du travail est en partie assuré.
Sur le plan de la représentation du salarié, le prêt de main-d’œuvre fait preuve de particularisme. Le souci constant est d’assurer une meilleure représentation malgré la situation d’éloignement. Mais parfois ce souci conduit à distribuer les compétences des représentants entre l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de l’employeur. Le salarié est déjà en situation d’éloignement de son employeur, la complexité de la situation ne l’incitera pas plus à se rapprocher de ses représentants. Les rapports entre salarié et représentants ne sont pas facilités par l’organisation de l’activité du salarié. La présence du tiers ne renforce pas ces rapports, au contraire elle les fragilise ; c’est encore ici un exemple de fragilité causé au lien d’emploi par la présence du tiers. Etudions maintenant le second pan des rapports collectifs de travail : la négociation collective.
Lire le mémoire complet ==> (Le lien d’emploi et le tiers dans le cadre du prêt de main d’œuvre)
Mémoire présenté et soutenu en vue de l’obtention du Master Droit « recherche », mention « droit du travail »
Ecole doctorale des sciences juridiques, politique et de gestion (n°74) Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Lille 2, université du droit et de la santé
 

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