L’immobilier durable, premier levier du développement durable

L’immobilier durable, premier levier du développement durable

b. L’immobilier durable

L’immobilier, premier levier du développement durable

Premier consommateur énergétique, les acteurs du marché immobilier (promoteurs, investisseurs, architectes et utilisateurs) ont progressivement pris conscience de leur rôle essentiel et de la nécessité de reconsidérer en profondeur la manière de penser les immeubles. Les collectivités territoriales ont également dû intégrer le développement durable dans les schémas d’urbanisme et dans la gestion du parc de logement sociaux.

La prise en compte du développement durable dans l’immobilier concerne non seulement la réalisation, la construction de l’immeuble mais aussi son exploitation et sa démolition. L’enjeu de l’immobilier durable est donc lié à la totalité du cycle de vie du produit immobilier. Le premier constat concerne donc les projets neufs des promoteurs et investisseurs qui ne peuvent désormais écarter une certification ‘verte’ pour les nouveaux projets, sous peine d’être ‘disqualifiés’. Du côté des grands utilisateurs, quitte à investir massivement dans un nouveau bâtiment, autant respecter les normes environnementales qui deviendront rapidement incontournables.

i. Un parc hétérogène

Le deuxième constat concerne le parc existant ; c’est de loin le plus grand défi de l’immobilier durable. Des millions de m² ont été construits ou rénovés selon des critères de confort ou de construction qui n’intégraient pas la dimension développement durable. A titre d’exemple, 61% des surfaces qui composent le parc existant furent construites avant 1975 selon des normes énergétiques inadaptées aujourd’hui8. La remise aux normes de ces surfaces constitue un coût énorme. Pendant les années 1990, l’immeuble ‘prime’ était un immeuble bien placé, vitré toute hauteur, avec suffisamment de parkings et une consommation énergétique élevée. Paradoxalement, ces immeubles très énergivores pourraient s’avérer plus rapidement obsolètes que les actifs construits dans une période antérieure.

L’impact financier de la mise aux normes du parc existant constitue un enjeu important pour l’utilisateur et son bailleur, et soulève la question récurrente qui a alimenté de nombreux débats ces derniers mois : qui va payer ?

ii. Une réglementation complexe : entre obligation et incitation

La réglementation liée à l’immobilier est complexe et en constante évolution. Les lois, normes, certifications et règlements peuvent être rangés en deux catégories : ceux liés à une obligation, et ceux qui revêtent un caractère incitatif. Nous pourrions écrire un rapport entier sur ce seul sujet.

Quelques obligations

Le Code de la Construction et de l’Habitation dicte des règles strictes pour les immeubles tertiaires, notamment en matière de normes techniques, thermiques et sanitaires. Certains matériaux (comme l’amiante) sont interdits dans le cadre du CCH.

Les règlementations thermiques (dont la première fut édictée en 1974 applicable pour les bâtiments résidentiels), visent à limiter la consommation énergique des bâtiments. L’objectif des règlementations thermiques est de diminuer par 4 les émissions de CO² à horizon 2050, c’est le fameux ‘facteur 4’.

o Après la RT 2000 (applicable pour les immeubles tertiaires), c’est actuellement la RT 2005 qui s’applique pour les bâtiments neufs (et extensions des bâtiments existants).

Elle limite en moyenne à 130 kWh/an/m², avec des différences selon les 8 zones régionales prédéfinies. La RT 2005 fixe également des objectifs d’économie de 15% tous les 5 ans, avec un objectif global de parvenir à une consommation moyenne de 150kWh en 2020 et de 50kWh en 2050. Toutes activités confondues, la consommation moyenne se situe aujourd’hui à 300kWh. La marge de progression est donc importante.

L’immobilier durable, premier levier du développement durableo La nouvelle réglementation thermique en discussion est la RT 2012, qui vise un objectif de 50kWh d’énergie primaire pour les bâtiments neufs (soit l’équivalent de la norme BBC), et constitue une rupture importante avec la RT 2005. Elle impose une triple exigence sur l’efficacité du bâti (l’enveloppe), la consommation d’énergie et sur le confort d’été.

La RT 2012 incite donc les promoteurs à faire appel aux énergies renouvelables et soulève également la question de l’usage du bâtiment et du rôle important de l’utilisateur. En discussion dans le cadre du Plan Bâtiment Grenelle puis de la loi Grenelle 2, la RT 2012 fera l’objet d’un décret spécifique.

o Pour les bâtiments existants, la RT 2005 impose déjà des règles en matière de performance énergétiques dans le cadre des travaux de rénovations9, selon certaines conditions :

– La réglementation dite ‘globale’ applicable depuis 2008 pour les rénovations de bâtiments de plus de 1000m² SHON

– La réglementation dite ‘éléments par éléments’ applicable depuis 2007 pour toutes les rénovations.

Le DPE (Diagnostic de Performance Energétique) était jusqu’ici obligatoire uniquement dans le cadre d’une vente d’actif (pour le tertiaire) ; avec la loi Grenelle 2, il sera désormais obligatoire pour toute nouvelle location.

Son contenu est sommaire et parfois critiqué car très lié au comportement historique de l’utilisateur. Dans le cadre de la rédaction du Livre Blanc de l’Immobilier Durable par DTZ, le groupe de travail constitué à cette occasion suggérait de rendre le DPE obligatoire pour toute nouvelle signature de bail (ce qui sera le cas en 2011), et d’en améliorer le contenu. Les recommandations du Groupe Parc Tertiaire Privé, mis en place dans le cadre du Plan Bâtiment Grenelle contenaient une préconisation identique.

8 source : étude CBRE Focus Eco responsable Juillet 2009

9 Articles R131-26, 27 et 28 du CCH

iii. Certifications & Labels : une grande source de confusion

Dans un contexte d’économie verte, de nombreux labels et certifications ont vu le jour en France comme à l’étranger. L’objectif affiché est de positionner un immeuble par rapport à des cibles environnementales prédéfinies.

Pour l’utilisateur de bureaux, la compréhension de ces nouveaux référentiels est complexe, d’autant qu’il n’existe aucune certification internationale commune, et que chaque méthode tient compte de spécificités locales.

Il pourra se satisfaire d’une ‘étiquette verte’, ou bien, pousser l’étude des critères dans les détails, voire superposer les certifications. A titre d’exemple, pour la construction de son nouveau siège à Créteil, ESSILOR a visé une double certification HQE et BREEAM.

Le tableau ci-dessous résume les différentes certifications françaises et étrangères.

CertificationSigleOrigineDiffusionDate de mise en placeCaractéristiques
NF Démarche HQENorme Française – Démarche deHaute QualitéEnvironnementaleFranceFrance essentiellementPremière certification en 2005Certification d’une démarche et non d’un produit.14 cibles réparties en 4 thèmes : éco-construction, éco-gestion, confort et santé.Le bâtiment doit atteindre au minimum 3 cibles au niveau Très Performant, 4 cibles Performant et7 au niveau de Base
LEEDLeadership in Energy and Environnemental DesignUSA+ de 90 pays à travers le monde1999Système de cotation à points(scoring) :Certifié (40 à 49 points) Argent (50 à 59 points) Or (60 à 79 points) Platine (79 à 100 points)
BREEAMBuilding Research Establishment Environnemental AssessmentMethodUKUK Europe1990Utilisé pour les bâtiments neufs comme existants.Système de cotation à points(scoring) :Passable (25 à 39%) Bon (40 à 54%)Très Bon (55 à 69%) Excellent (70 à 100%)

La démarche HQE s’articule autour de 14 cibles réparties selon 4 thèmes

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Pour de plus amples informations, une brochure détaillée publiée par l’association HQE figure parmi les annexes.

Concernant la certification HQE, le choix des cibles à atteindre est laissé au maitre d’ouvrage ; il sera donc fonction des priorités de ce dernier. En comparaison, les normes LEED et BREEAM accordent une note globale, qui permet de comparer les immeubles plus facilement.

La certification HQE s’est imposée progressivement sur le marché immobilier français comme la principale norme de référence en matière de construction neuve, et a décliné son offre sur la rénovation, l’exploitation et différents types d’actifs (les entrepôts frigorifiques par exemple).

Analyse critique de la certification HQE

Certaines voix se sont élevées pour pointer les limites de cette certification. Certains architectes considèrent que la certification serait trop facile à obtenir, dès lors que le maitre d’ouvrage va définir les priorités de cibles en fonction des cibles les moins couteuses ; l’Ordre des Architectes ne fait ainsi plus partie de l’association HQE10 depuis 2005.

La critique la plus virulente à l’égard est venu de Rudy RICCIOTTI (Grand Prix National d’Architecture en 2006) qui dénonce, une dérive du ‘business vert’, de la normalisation et l’appropriation du terme HQE et de son ® comme marque déposée.

Il prône une architecture moins sophistiquée du point de vue technologique, un usage privilégié du béton (en raison de son empreinte environnementale favorable) et de se concentrer avant tout sur le respect d’objectifs de consommations énergétiques.11 Il est également reproché à la certification HQE de s’arrêter aux limites du terrain, et de ne pas prendre en compte la dimension transport.

Un bâtiment construit loin de tout transport en commun peut ainsi recevoir une certification HQE alors que cela génèrera des trajets en voiture plus importants. Certains utilisateurs interrogés regrettent également la ‘privatisation’ de cette norme et le monopole de la société Certivéa qui attribue cette certification.

10 Pour en savoir plus : http://www.architectes.org/developpement-durable/debats/l2019ordre-des-architectes-quitte-l2019association-hqe/l-ordre-des-architectes-quitte-l-association-hqe

11 Interview de Rudy RICCIOTTI disponible sur http://www.radioethic.com/l-invite-de-radio-ethic/rudy-ricciotti-hqe-les-renards-du-temple.html

Le consensus se fera-t-il autour d’une norme internationale ?

Les labels de performance énergétique

Les labels permettent de fournir des informations sur les performances énergétiques des bâtiments, plus particulièrement en liaison avec la RT 2005. Pour la France, on peut citer les principaux labels suivants :

LabelHPE (HauteTHPE (Très HauteBBC-Effinergie12(Bâtiment BasseBEPOS (Bâtiment à
PerformancePerformanceConsommation)Energie Positive)
Energétique)Energétique)
Consommation RT– 10%– 20%Pour les bâtimentsProduit plus
tertiaires,d’énergie qu’il
maximumn’en consomme
50kWh/m²

Avant ces labels français, d’autres ont vu le jour dans des pays plus avant-gardistes en matière d’immobilier durable : Minergie en Suisse ou PassivHaus en Allemagne.

12 Effinergie est une association française dont l’objectif est de promouvoir les constructions à basse consommation et de développer le référentiel correspondant

Quelles différences entre une certification HQE et un label HPE ou THPE ? La certification HQE valide une démarche globale dont la performance énergétique n’est qu’une des composantes, alors que les labels énergétiques sont liés à la performance énergétique des bâtiments. Par ailleurs, le comportement des utilisateurs n’est pas pris en compte dans les labels HPE et THPE.

Comme me le disait un ami anglais de l’immobilier, avec un brin d’humour : ‘En France, il y a autant de normes que de fromages !’. Attention à l’indigestion…

Vers une convergence des certifications : Sustainable Building Alliance

Soucieux de répondre aux attentes des acteurs de l’immobilier qui interviennent dans de nombreux pays, les 3 organismes de certification se sont rapprochés en 2008 afin de travailler sur la convergence des outils de mesure et de certification, accompagnés par une vingtaine d’autres d’associations nationales, au sein de SB Alliance13. En complément, le Programme Environnement de l’ONU (UNEP) a lancé un groupe de réflexion international relatif à une mesure commune de l’impact carbone et de la consommation d’énergie.

Six indicateurs sont suggérés : carbone, énergie, eau, déchet, qualité de l’air intérieur et rentabilité financière. En décembre 2009, le rapport ‘Common Carbon Metric 2009’ (présenté à l’occasion d’une réunion de l’ensemble des acteurs à Copenhague) propose un cadre commun pour les deux premiers indicateurs (carbone & énergie), à partir de données qui doivent être ‘cohérentes, mesurables, reportables et vérifiables’14. Les indicateurs retenus pour le moment sont : kWh/m²/an et kgCO²/m²/an, et déclinés par occupant (vs m²) si disponibles.

Dans l’analyse de ce rapport, Jean CARASSUS apporte trois précisions importantes : « Le cadre doit être transformé en outil opérationnel après consultation des professionnels de la construction et de l’immobilier.

La démarche doit progressivement concerner les autres indicateurs définis par SB Alliance. L’objectif n’est pas d’élaborer un seul label environnemental mondial mais de constituer un corpus commun aux principales certifications environnementales des immeubles. » Ces éléments sont confirmés par Alfonso PONCE, Secrétaire Général de SB Alliance15 : ‘la certification multiple est un phénomène inévitable qui continuera à se développer en combinant approches nationales et supranationales’.

En résumé, il n’y aura pas une norme unique remplaçant les autres, mais un socle commun de mesures. Les progrès de la démarche de l’UNEP et de SB Alliance seront à suivre de près dans les prochains mois.

iv. Une prise de conscience collective des professionnels de l’immobilier

Passé l’effet de mode, les acteurs de l’immobilier comprennent progressivement que le développement durable n’est plus une option. Ils identifient des opportunités et des risques : des opportunités financières, d’image ou d’amélioration du produit et du confort de l’occupant, et des risques d’obsolescence des immeubles, de dévalorisation des actifs ou des risques de santé.

Comme l’affirme Christopher HOLLOWAY, Président de Capital & Continental (promoteur et investisseur) : ‘La profession a l’obligation morale de continuer le mouvement déclenché par le Grenelle de l’Environnement’16.

Les différents sondages auprès des acteurs de l’immobilier confirment que l’immobilier durable est un concept désormais largement intégré dans leur stratégie :

  •  71% des utilisateurs interrogés par l’enquête DTZ-ARD sur l’immobilier tertiaire HQE en IDF, affirment intégrer le développement durable dans leurs pratiques quotidiennes.
  •  En 2008, toujours selon la même étude, 59 opérations (soit 1,318 millions de m², sur des immeubles de plus 5000m²) ont reçu une certification HQE en Ile-de-France, contre 27 opérations et 605 000 m² en 2008.
  •  86% du chiffre d’affaires de Bouygues Immobilier en 2009, était couvert par une certification environnementale (Rapport Annuel 2009) contre 28% pour 2008.
  •  7 utilisateurs sur 10 se disent favorables à la signature d’un bail vert17
  •  Pour leur prochain siège social, 84% des dirigeants de grandes entreprises cibleront un immeuble vert. 40% de l’échantillon considère que ce sera un impératif18. Dans la même étude, 80% des personnes interrogées se disent informées du calendrier des nouvelles normes environnementales.

Si les intentions affichées sont louables, la mise en pratique est plus complexe, et l’objectif du Grenelle de l’Environnement est d’accélérer le passage à l’action.

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