Les limites du viager immobilier en France

E- Les limites du viager

En dépit de ses attraits et de la pertinence de son fonctionnement dans le contexte de la France actuelle, le viager reste un marché confidentiel. Certes, celui-ci est une plein explosion, mais on peut se demander d’une part pourquoi il est jusqu’à présent demeuré un marché marginal, d’autre part si il peut à l’avenir constituer un sérieux concurrent à la vente classique.

Pour ce faire il convient d’observer les facteurs pouvant constituer des freins à l’essor du viager.

Viager méconnu

Le viager pâtit en effet d’une méconnaissance sévère dans la population. Tous nos interlocuteurs le soulignent, « si vous allez dans la rue et demandez au premier inconnu ce qu’est un viager, je pense que vous pourrez attendre longtemps avant d’obtenir une réponse précise » s’amuse l’un de nos interlocuteurs.

Il est impossible de trouver des chiffres sur la perception du viager, aucune étude ne s’étant, à notre connaissance, penchée sur la question. Pour tenter de suppléer à cette insuffisance, nous avons réalisé un questionnaire grâce à la plate-forme Surveyshare, celui-ci figure en annexe, et c’est en conjuguant les entretiens auprès des professionnels, les résultats de ce questionnaire, et les analyses figurant dans les rapports officiels que nous allons essayer d’appréhender le thème de la perception du viager.

Il faut toutefois souligner que le questionnaire comporte des biais et n’a pas prétention à concurrencer la précision des analyses des instituts de statistiques officiels, il s’agit plus de tenter de trouver des informations à notre propre échelle. Un premier biais à souligner est le nombre de répondants, 90 personnes ont rempli ce questionnaire, ce qui est suffisant pour avoir une idée de la réalité mais n’a pas vocation à la rendre avec exactitude. Le deuxième biais est l’homogénéité des répondants qui sont 77% des étudiants en études supérieures, plutôt favorisés puisque 79% s’estiment plus aisés que leur classe d’âge.

Concernant la connaissance du viager, 88% affirment avoir déjà entendu le terme mais seulement 63% savent à quoi il se rapporte et peuvent en donner une définition.

la connaissance du viager

Parmi nos sondés, le viager semble être relativement connu, même si il ne supporte pas la comparaison avec une vente classique puisqu’on peut légitimement supposer que plus de 63% des gens savent définir une vente.

La distinction entre connaissance active (savoir définir et comprendre) et la connaissance passive (avoir été en contact avec un concept) est ici particulièrement pertinente puisqu’il y a un fossé de près de 26% entre la connaissance passive et la connaissance active du concept de viager. Or,en l’absence de marketing, seule la connaissance active d’un produit peut déboucher sur un acte d’achat, puisque celui-ci demande une démarche consciente de la part du client.

D’emblée le marché du viager partirait avec un public potentiel d’acheteurs/vendeurs qui ne concernerait que 63% de nos sondés. On a donc un phénomène de méconnaissance du viager.

Le viager incompris : le poids de la morale

Pour l’acheteur 

Si 98% de nos sondés non propriétaires déclarent souhaiter accéder à la propriété, seuls 51% envisagent d’acheter en viager, une fois le viager défini à l’ensemble des sondés.

Les limites du viager immobilier en France Les limites du viager immobilier en France

On observe donc que le viager part avec un désavantage criant par rapport à la vente classique puisque sur 100% de personnes pouvant comprendre et définir le concept seulement 51% envisagent l’éventualité d’un achat en viager. On voit tout de suite que le pourcentage serait évidemment encore plus bas si l’on s’adressait à un public à qui le viager n’a pas été expliqué.

Comment se fait-il que le viager soit d’emblée écarté par presque une moitié des sondés ? Quels sont les freins à la transaction du côté de l’acheteur ? Quelles sont les raisons les plus pertinentes et celles qui comptent le moins dans l’obstacle à l’achat ? Telles sont les questions auxquelles nous allons essayer de répondre maintenant.

Un contrat n’est viager que si il comporte un aléa et que celui-ci correspond à l’espérance de vie du vendeur. L’acheteur, poussé par un rationalisme financier, est ainsi accusé de parier sur la mort d’autrui, à défaut de la désirer.

La représentation du viager dans la littérature en est un bon exemple. Rappelons-nous du conte de Maupassant Le Petit Fût qui dépeint par quelles ruses maître Chicot pousse la mère Magloire, dont il a racheté la ferme en viager, à une mort précoce. Le cinéma s’est aussi emparé du sujet, avec Le Viager de Pierre Tchernia, qui expose comment la famille Galipeau parie sur la mort du vieux Martinet en acquérant son bien en viager indexé sur le cours de l’aluminium.

Le cuisant déboire de cette double spéculation-le crédirentier survit à leurs mauvaises intentions et le cours de l’aluminium s’envole- est rendu comme une juste rétribution de l’immoralité des acheteurs. Ces deux exemples montrent le fantasme collectif d’un acheteur meurtrier sinon dans la réalité du moins dans la théorie et le décrit comme une créature sans foi ni loi, motivée par le seul appât du gain.

Cet aspect malsain de la vente est sans doute issu du face à face inconfortable de deux personnes physiques, l’une ayant un intérêt rationnel au décès de l’autre.

Cette assertion est confirmée par notre questionnaire, puisque 42 % des sondés affirment que l’achat en viager leur serait plus difficile pour des raisons morales (oui :13%, probablement : 29%).

l’achat en viager

De même, 38% des interrogés affirment que la pression sociétale, définie comme la honte ou le complexe de dévoiler à ses proches l’achat en viager serait pour eux un frein à l’achat. Même si le pourcentage de « oui »(3%) est négligeable par rapport au pourcentage de « probablement », ce qui montre que les sondés sont moins définitifs sur cette idée de pression sociétale que sur la notion de moralité.

pression sociétale

On voit donc que l’image de l’acheteur en viager, sa mauvaise représentation dans l’imaginaire collectif est aussi un obstacle à l’achat.

Etrangement la religion ne semble pas être un réel frein à l’achat puisque seuls 3% l’ont mentionnée comme limite à un achat en viager, alors même qu’une écrasante majorité des sondés déclare appartenir à une religion (74%)

achat en viager

On peut dès lors observer que si l’achat en viager constitue pour une moitié des interrogés une option non envisageable, il s’agit d’entrée de jeu d’un marché qui perd une moitié de la demande. Comme le souligne l’un de nos interlocuteurs « Si l’on assiste depuis quelques années à une recrudescence de la demande, nous sommes conscients, de même que la plupart des vendeurs que le complexe à l’achat doit être rétribué du côté de l’offre par des conditions intéressantes. Il est sans doute impossible de chiffrer l’impact du complexe à l’achat sur le prix de vente, mais c’est un sujet qu’on aborde parfois avec nos interlocuteurs»

On comprend donc que l’acheteur en viager n’est guère quelqu’un d’estimable dans l’inconscient collectif et que les influences de la pression sociétale (image de l’acheteur), et le complexe moral (pari sur la mort d’autrui) constituent des freins au développement du marché.

Pour le vendeur

Si l’acheteur est décrié, la position du vendeur n’est pas davantage bien acceptée par les normes sociétales. Les développements suivants doivent beaucoup aux travaux de Mme Férial Drosso dans son ouvrage intitulé Le Viager ou les ambiguïtés de droit à la propriété dans les Travaux Préparatoires du Code Civil

Au début du XIXe un débat fit rage entre défenseurs du maintien du viager et ceux qui combattaient un instrument dépeint comme une aberration. Les premiers soutenaient le viager au nom de la lutte contre la misère économique et l’incertitude du grand âge.

Les seconds se réclamaient de la morale et condamnait un « pari immonde ». Les juristes ont finalement estimé que l’incapacité financière ou physique à satisfaire ses besoins pouvait justifier le recours au viager, dans le seul cas où le vendeur n’avait pas de descendants.

Pourquoi poser cette condition si restrictive ? Pour « distinguer la chose de l’abus que l’on peut en faire » écrit Honoré Duveyrié. C’est donc cette notion d’abus qui est au centre du débat, dans un contexte où la transmission est un impératif quasi sacré.

Toute décision de s’aliéner pour son seul profit un patrimoine familial, déshéritant ainsi sa descendance est jugé éminemment condamnable dans une société encore largement basée sur l’héritage comme discriminant social. « Elle était considérée comme l’expression la plus achevée de l’égoïsme et de la cupidité, du mépris de la famille et de la société. Cette suspicion de jouissance et de dilapidation s’oppose à la juste tempérance du bon père de famille, qui hérite, travaille, accroît le patrimoine avant de transmettre à la génération suivante une possession qui le dépasse ».

Bien pire, la spoliation des descendants s’exprime dans la pierre dont chacun connaît la valeur symbolique dans l’histoire d’une famille. Cette idée de bien familial, intangible et inaliénable dans l’esprit de beaucoup reste profondément ancrée dans les mentalités.

Ce rapport sentimental avec une propriété ou un bien immobilier n’existe pas avec les biens meubles. Et la vente d’un bien considéré comme « familial » est perçu comme une dilapidation et prend vite une coloration dramatique.

Ainsi on observe dans notre questionnaire que 35% des sondés repoussent l’idée d’une vente en viager pour un bien dont ils auraient hérité. La distinction avec un patrimoine non hérité est aussi pertinente puisque seulement 29% affirment qu’ils ne pourraient pas vendre en viager un bien qu’ils auraient acheté eux même. Les individus sont donc plus à même de vendre un bien acheté qu’un bien hérité.

Certes nous ne sommes plus au XIXe et la société est aujourd’hui bien plus fondée sur la notion de réussite personnelle que de patrimoine familial, mais on peut légitimement se demander si le viager est pour autant bien compris et accepté dans un cadre qui continue malgré tout à valoriser à la transmission comme le prouvent les nombreuses dispositions légales et fiscales visant à la favoriser.

Par ailleurs, le viager reste donc, dans l’inconscient collectif, un moyen de déshériter ses enfants . Seulement 6,5% de nos sondés déclarent pouvoir vendre en viager si ils ont des descendants, contre 46% s’ils n’en ont pas.

Bien sûr nous avons vu dans la partie précédente que la volonté de déshériter est effectivement une motivation du viager mais celle-ci est complètement marginale. Nous avons au contraire constaté comment dans la majorité des cas, le recours à la vente viagère est une façon d’optimiser ou de faciliter une transmission. Il semble qu’il y ait donc une véritable mécompréhension dans le public des avantages réels que peut apporter le viager.

avantages réels que peut apporter le viager

le complexe moral/sociétal du viager

On a donc compris que le complexe moral/sociétal du viager constituait une véritable limite à son expansion et s’exprimait de deux manières. Côté acheteur l’idée du pari sur la mort d’autrui paraît poser problème. Côté vendeur, l’idée de spoliation des héritiers reste profondément attachée au viager.

Est-ce à dire que ces limites ne sont pas franchissables? Une meilleure connaissance du viager par la population est aujourd’hui sans doute capitale au plein développement du marché, mais plus critique encore est la véritable compréhension des avantages réels de la vente viagère et le démantèlement de l’image caricaturale qui lui est associée.

Côté acheteur, élever la conscience que le viager est aussi une manière de contribuer à l’autonomie des personnes âgées. Côté vendeur, comprendre que le viager n’est pas une transaction monolithique qui s’adresse aux seules personnes dépourvues d’héritiers ou à celles souhaitant déshériter leurs enfants.

Mais au contraire, que cette transaction est la seule qui permette autant d’adaptabilité aux différents besoins, et qu’elle est surtout un formidable outil de transmission. Cette prise de conscience peut être facilitée par des campagnes de sensibilisation dans les médias ainsi qu’un soutien plus actif dans le travail de pédagogie, notamment par les notaires qui se trouvent dans une situation privilégiée pour conseiller lors des transmissions.

Le Risque : un contrat consubstantiellement risqué

Un troisième type de limite du marché du viager réside dans sa nature fondamentalement risquée. Le risque est de loin la première raison d’un refus d’envisager le viager parmi nos sondés, puisque 51% des sondés déclare que le risque constituerait pour eux un frein à l’achat.

Le Risque : un contrat consubstantiellement risqué.

Ce risque se développe en plusieurs volets que nous allons maintenant distinguer, la question sous tendant celle du risque étant de savoir sur qui celui-ci s’applique avec le plus de poids, ou encore si les risques du viager sont les mêmes pour les différentes parties en présence.

Le risque actuariel

La grande partie des contrats de gré à gré sont indexés sur l’inflation. Que ce passe-t-il dès lors que l’inflation réelle ne se comporte pas comme les prévisions l’entendaient.

Une situation inflationniste est un danger certain. En cas d’inflation galopante, l’acheteur peut être rapidement plongé dans un marasme économique. En effet, son revenu augmentera avec l’inflation, mais d’une part il ne croîtra pas forcément dans les mêmes proportions, d’autre part il peut exister un décalage entre la hausse de l’inflation et la hausse du revenu.

Dans les deux cas, l’acheteur se retrouve dans la position pénible de voir son pouvoir d’achat amputé avec une rente à verser qui elle, n’est que plus importante. L’inflation est donc l’ennemie de l’acheteur.

Le risque d’indexation

La loi laisse toute latitude aux différentes parties pour ce qui est du choix de l’index. Si beaucoup de contrats sont indexés sur l’inflation, d’autres peuvent l’être sur n’importe quel indice : le prix de l’essence, de l’or, de la baguette de pain… En pratique on voyait un certain nombre de viagers indexés sur le prix de l’énergie.

Cette solution est aujourd’hui déconseillée par tous les professionnels, au vu de la grande volatilité des marchés de l’énergie au cours des dernières décennies. Une indexation sur l’essence peut aujourd’hui s’avérer fatale à l’acheteur, mais aussi au vendeur. C’est la raison pour laquelle les excentricités dans le choix de l’index ont tendance à disparaître.

Trouver le bon viagériste : la question de la transparence des calculs

On a vu dans la partie précédente que les valorisations d’un viagériste à l’autre, voire d’une annonce à l’autre au sein d’un même cabinet offraient des variations surprenantes. S’il est normal que les biens varient d’une évaluation à l’autre, il est important que ce relativisme reste dans une fourchette raisonnable, sinon cela signifie qu’une des parties voit ses intérêts lésés. « A partir du moment où tous les viagéristes sont censés utiliser la même méthode, je ne vois pas comment on peut justifier des écarts de valorisation.

C’est gênant, mais un certain laxisme nous semble exister puisqu’on observe des variations proprement ahurissantes, de 40 à 180% pour des biens aux caractéristiques totalement identiques : même âge/ même sexe du vendeur, même type de bien » remarque l’un de nos interlocuteurs.

Plusieurs interlocuteurs ont souligné le problème de la multiplication des acteurs sur le marché depuis quelques années, d’outsiders qui n’ont pas toujours l’expérience requise pour offrir des biens dont l’ingéniérie financière aura été effectuée de manière raisonnable. « Le viager exige de multiples compétences, des compétences de vente immobilière bien sûr, mais aussi des connaissances actuarielles, ainsi que des capacités de suivi après vente, car il s’agit de transactions qui peuvent s’étaler sur des dizaines d’années.

C’est un job de spécialiste, et, nous semble-t-il humblement, il existe aujourd’hui des carences certaines notamment en terme de compétences actuarielles » remarque l’un d’entre eux.

Le choix des différents critères du calcul de la rente ne doit pas être effectué à la légère au risque de spolier le vendeur ou de voler l’acheteur. Or les viagéristes ne pratiquent guère la transparence sur les méthodes de calculs, même vis-à-vis de leurs clients ce qui constitue un risque certain.

Nous avons vu dans la partie précédente les explications possibles du relativisme des valorisations : utilisation de différentes tables de mortalité, choix du taux de rendement des logements, choix de l’indexation, à ceux là s’ajoute l’intérêt à la vente. « Dans les endroits où il y a concurrence, certaines agences peuvent faire signer un mandat d’exclusivité sur la base de conditions de vente alléchantes. De cette façon elles garnissent plus facilement leur portefeuille d’offre.

Le bien ne trouvant pas preneur, le vendeur « finit par atterrir » et est obligé de revoir ses exigences à la baisse. » remarque l’un de nos interlocuteurs , avant de conclure « l’incohérence dans la présentation de offres constitue clairement un frein au développement du viager aujourd’hui. »

Les risques spécifiques au vendeur

Pour le vendeur, les risques sont plus limités que pour l’acheteur. En effet, mis à part le péril d’un calcul de la rente qui lui soit défavorable, le principal risque est la défaillance de l’acheteur. C’est pourquoi des garanties sont théoriquement nécessaires, le problème étant que le marché du viager compte relativement davantage d’offre que de demande.

Le vendeur ne peut donc se montrer trop exigeant. D’un autre côté en cas de défaillance, certes la rente cesse d’être versée, mais le vendeur n’a aucune obligation de restitution ni du bouquet, ni des rentes versées jusqu’alors, et c’est à l’acheteur de trouver un repreneur, faute de quoi, le vendeur reprend l’ensemble de ses droits sur le bien.

Les risques spécifiques à l’acheteur

L’acheteur supporte des risques bien plus conséquents que le vendeur et beaucoup d’interlocuteurs ont souligné l’importance de ce déséquilibre. Le viager peut en effet être défavorable à l’acheteur sous deux aspects

-Dans les conditions contractuelles : pour l’un de nos interlocuteurs, les conditions de revalorisation de la rente en cas de libération anticipée du bien, à l’occasion d’un départ en maison de retraite par exemple, sont très pesantes pour l’acheteur. « Dans la plupart des cas, la revalorisation de la rente est alors proprement ahurissante, de l’ordre de 40% du jour au lendemain, ce qui en terme de prévisibilité peut être insoutenable pour beaucoup d’acheteurs potentiels ».

Cette clause de libération anticipée des lieux, si elle se justifie du côté du vendeur, présente un risque colossal pour l’acheteur, avec comme contrepartie la possibilité d’un défaut de paiement pour le vendeur.

– Dans le calcul de la rente. Si l’on utilise des tables non retraitées, l’acheteur se fera léser. En effet le risque d’antisélection est spécifique au viager et n’existe pas dans le monde des assurances.

Cela fait sens de prendre une assurance si l’on pense être en mauvaise santé, en revanche, la vente d’un bien en viager alors qu’on se sait en fin de vie n’est pas une décision rationnelle, c’est pourquoi les candidats à la vente en viager vivent en pratique plus longtemps que la moyenne. Les tables de mortalités non retravaillées aboutissent donc à une sous estimation de l’espérance de vie du vendeur.

Un autre risque pour l’acheteur, lié cette fois ci à l’évolution sociologique de la société, est celui de l’incertitude plus grande concernant l’avenir présent. « Les jeunes actifs connaissent aujourd’hui des perspectives professionnelles moins assurées que leurs aînés.

La quasi certitude de ne pas avoir de carrière linéaire, les aléas de la vie familiale induisent nécessairement des variations de revenu très sensibles. » Or, la condition sine qua non d’un achat de viager est la visibilité des revenus, sans quoi ce type d’investissement devient périlleux.

L’impact du taux moyen de prêt immobilier

La grande alternative au viager est l’achat par emprunt. Or, l’un des avantages incomparables du viager pour l’acheteur est que le vendeur joue le rôle du banquier gratuitement, puisqu’il accepte un étalement du règlement d’un capital et ce sans exiger d’intérêts. Cependant le viager, est comme on l’a vu, par essence un contrat aléatoire et donc risqué. On a donc la relation suivante.

En période de taux élevés, l’acheteur potentiel y réfléchira à deux fois avant d’effectuer un emprunt dont il devra payer ensuite le remboursement non seulement du capital mais également des intérêts. Il favorisera donc plus volontiers l’option du viager qui lui offre cet étalement du paiement sans versement d’intérêts, avec toutefois la le désavantage de l’aléa.

En période de taux bas, l’acheteur achètera plus volontiers par emprunt puisque le coût du capital est faible et le risque limité. Le viager souffre alors plus cruellement de la concurrence de l’emprunt.

Nous sommes actuellement dans une période de taux bas et pourtant le marché du viager prospère. Pourquoi cette incohérence ?

D’une part parce qu’en période de cherté de l’immobilier, au vu de l’importance des sommes, il est important pour les acheteurs de réaliser des économies sur les intérêts, qui peuvent vite devenir colossaux, quand bien même les taux sont peu élevés.

Même si cela suppose de supporter un aléa plus important. D’autre part parce que comme le remarque l’un de nos interlocuteurs, « si l’on observe des interactions entre le niveau des taux d’emprunt et l’évolution du marché en viager, il faut toutefois noter que l’alternative emprunt/viager ne joue que pour une partie des acheteurs potentiels.

L’emprunt et le viager sont en effet deux démarches distinctes : un acheteur ou un investisseur ayant recours à l’emprunt souhaite entrer en jouissance du bien immédiatement, qui pour l’habiter, qui pour en tirer des rentes. L’achat en viager s’adresse à des personnes prêtes à effectuer un « gel » de leur investissement contre la possibilité d’une plus value plus importante à la fin du contrat. »

Si il y a donc une relation reconnue entre viager et taux d’emprunt, celle-ci reste relative et n’a d’impact principalement que sur les primo accédants, pour qui l’entrée en jouissance du bien est une exigence pressante, et qui auront donc tendance à privilégier l’emprunt sauf en situation de taux élevés. Certains de nos interlocuteurs remarquent donc qu’il y aurait malgré tout une demande plus élevée pour le viager si les taux d’intérêts l’étaient aussi.

Le risque : une limite à modérer

Nous avons vu que le risque demeure le principal à l’achat. Pourtant cet obstacle est à relativiser en soulignant deux facteurs peu connus du néophyte.

D’une part, le risque de défaut est tempéré par l’apparition d’un marché du rachat de viager. En effet, la loi a pris en compte le poids de l’incertitude pesant sur l’acheteur et les drames résultant d’un défaut de paiement.

Une disposition légale autorise donc l’acheteur à revendre ses droits et à transmettre les obligations qui y sont attachées à un tiers en cas d’impossibilité de paiement. Il récupère ainsi son capital, ainsi qu’éventuellement une partie des rentes.

Le marché du rachat de viager correspond à environ 20% des ventes. Ce chiffre permet d’estimer le nombre de défaut de paiement. L’opportunité d’une revente de viager constitue une véritable « sortie de secours » pour l’acheteur piégé par une obligation de versement de rente plus longue ou plus élevée que prévue.

D’autre part, des produits d’assurance ont été développés récemment et autorisent une élimination ou du moins un partage du risque pour l’acheteur.

Le procédé est le suivant : un acheteur effectue tous les versements en une fois. D’une part le bouquet au vendeur, d’autre part une somme correspondant à la somme prévisionnelle des rentes à une compagnie d’assurance. Cette compagnie d’assurance sera ensuite chargée du versement de la rente jusqu’à la fin du contrat. Ce type d’assurance permet donc le partage du risque en deux parties.

-le risque financier est supporté par l’assurance.

-le risque d’occupation est supporté par l’acheteur.

L’avantage de ce type de transaction est la possibilité de réaliser une « bonne affaire » pour l’acheteur en ne supportant qu’un risque très limité. Bien évidemment, la contrepartie est que ce type de prestation n’est pas gratuit.

En résumé, on comprend donc que les limites du viager se décomposent en deux grandes parties.

Les freins sociologiques à la transaction que sont d’abord une méconnaissance du viager doublée d’une caricature de ses tenants et aboutissants, ensuite un complexe moral, enfin une question d’image. Ces freins évoluent toutefois avec le temps, et la médiatisation du viager, le travail de pédagogie mobilise aujourd’hui toute la profession.

Comme le souligne l’un de nos interlocuteurs « casser l’image du viager est un enjeu certain, c’est pourquoi notre stratégie internet se décompose en deux plateformes : d’une part un site d’achat/vente, d’autre part un site pédagogique expliquant les avantages et les inconvénients du viager pour l’acheteur et le vendeur ».

Un troisième interlocuteurs ajoute « l’intérêt des médias pour la question depuis quelques années nous permet de réaliser un travail d’éducation du public. Regardez le nombre d’articles consacrés au viager qui devient significatif quand il y a vingt ans personne n’en parlait. Nous surfons sur la vague de l’interrogation sur l’avenir des retraites et le questionnement sur la paupérisation des personnes âgées.

Ainsi je vais lundi participer à une émission sur RTL pour parler du viager. » Enfin, un troisième interlocuteur conclut « il faut aujourd’hui passer à la vitesse supérieure et effectuer un véritable marketing du viager comme les compagnies d’assurance peuvent le faire avec leurs propres produits. Cela fait partie de la stratégie de Koesion en tant que fond, et nous allons investir dans de la publicité grand public à partir de l’année prochaine ».

Ensuite, la limite du viager liée aux risques est inséparable de l’essence du contrat. On peut toutefois souligner d’une part qu’il n’y a pas de gros profits sans risque, d’autre part que le viager, par les différentes déclinaisons qu’il propose (viager occupé, viager sans rente, viager libre, viager à occupation limitée, viager à rente limitée) ainsi que les produits de réassurance qui existent maintenant permet à l’acheteur de fixer très précisément la barre du risque qu’il accepte de prendre. Il peut ainsi acheter en viager avec un risque lié à la seule occupation, ou à l’inverse à la seule rente ou opter pour des contrats plus risqués mais potentiellement plus profitables.

Si le viager n’est pas un marché sans limites, on voit donc que celles-ci sont relatives et peuvent évoluer dans le temps. Reste à savoir si le viager, qui parait une réponse adaptée à tant d’enjeux de la France d’aujourd’hui restera un marché de niche ou si l’on peut tabler sur un maintien de son expansion, voire si l’on peut imaginer qu’il devienne un jour un concurrent de la vente classique ? Cette remarque nous amène donc à essayer de déterminer les perspectives du viager.

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