La marque Cetelem : la marque héros à la place du consommateur

La marque Cetelem : la marque héros à la place du consommateur

2. ACTION : narration de la marque Cetelem : la marque héros à la place du consommateur

En se mettant dans la peau de sa cible : le consommateur, Cetelem fait du sujet du schéma actantiel, un héros de la consommation dont la quête est d’assouvir sans entrave et sans limites ses désirs de consommation.

La campagne illustre majoritairement le rôle le l’adjuvent, tenu par Credito, qui personnalise à la fois la marque et renvoie l’image mythologique du génie, personnage qui a pour mission dans les contes d’accomplir les vœux du héros.

Il renvoie l’image d’une consommation heureuse et naturelle par sa bonhomie (image toute en rondeur) et sa simplicité (difficile de faire plus « nature » qu’une figurine en gazon). A la différence des spots publicitaires où Credito accompagne le client, il est seul sur Second Life pour vivre ses envies. Il représente en fait le sujet puisqu’il consomme sur le monde virtuel, comme un avatar.

Cette image de Credito seul héros de la consommation est à rapprocher des spots télévisés très courts qui introduisent « la fiction du lundi » sur TF1100. L’opposant est indirectement présent dans l’action de Credito sur Second Life qui est d’accueillir et d’aider les arrivants à se repérer sur le monde virtuel.

Schéma actantiel

La marque Cetelem - Schéma actantiel

CONTRAT : Credito est le garant d’une consommation simple et naturelle. Cetelem s’engage auprès de ses clients pour les accompagner dans leur consommation (ex : « Credito hippi », « Cetelement votre »)

COMPETENCE : La consommation de Credito sur Second Life et le service qu’il rend aux nouveaux arrivants en les accueillant (Reason why » )

PERFORMANCE : « C’est si simple de consommer ». Consommation du client semble facilitée par Credito (« Moment of truth »)

SANCTION : Consommer sans contrainte même sur un monde virtuel

Credito à travers Second Life offre la même image à ses cibles que dans la vraie vie, on déplore cependant que la marque n’ait pas eu les moyens d’exprimer la « simulation du crédit », son cœur de métier, dans la deuxième vie comme elle le fait déjà sur des bannières publicitaires sur le web (cf. Annexe 19).

Conclusion de la deuxième partie– Opportunités et Risques encourus

1. Légitimité à entrer dans un métavers

De part leurs âges « mythiques », leur secteur d’activité (le crédit à la consommation pour Cetelem, le voyage pour Europ Assistance) et leur esprit pionnier qu’elles puisent dans l’ADN de la marque, l’histoire de leur groupe, nos deux marques ont pleine légitimité à entrer dans un métavers.

Lorsque leur image peut être en contradiction avec l’image de Second Life, comme c’est le cas d’Europ Assistance, nous avons vu qu’il suffit à la marque d’introduire la notion de risque même fictif, pour s’affirmer dans son rôle de repère de marque. Nous pouvons donc penser que le déploiement de leur stratégie de pionnières sur le métavers est réussi.

A travers les histoires de marque qu’elles racontent d’elles-mêmes, Europ Assistance et Cetelem valident la vision du monde véhiculée par Second Life et en cela touche la communauté des résidents de Second Life : « Tous ces groupes veulent entendre des histoires qui valident leur vision du monde » recommande Christian Salmon avant de citer Seth Godin :

« C’est l’histoire et non le produit ou le service que vous vendez qui satisfait le consommateur »101

Il n’en est pas moins vrai que dans ces mondes d’interaction et de co-construction, ces histoires qui sont aussi des images risquent d’être détournées et déformées par les résidents. Il n’est plus de communication sans risque pour une marque depuis que les internautes ont pris le pouvoir (soit depuis l’avènement du Web 2.0).

2. L’Egocasting ou le narcissisme de marque à travers le Web 2.0 : confirmation de l’hypothèse 1

En termes d’images, Europ Assistance et Cetelem surfent sur la tendance née du Web 2.0 celle que J. F Gervais appelle l’egocasting dans son ouvrage « Web 2.0, les internautes au pouvoir », pour décrire comment les utilisateurs se mettent en scène en s’appropriant les nouveaux outils d’édition d’internet : « Avec YouTube et les UGC (User generated Content : contenu généré par l’utilisateur), nous quittons le monde des mass-media, pour celui de l’égocasting102 ».

Elles ont su tirer parti de cette tendance forte du Web 2.0 qui est d’exposer, de projeter sur le réseau des réseaux une identité de soi et de se regarder exister pour les autres et pour soi.

100 En piste pour la fiction du lundi avec le crédit Cetelem http://www.dailymotion.com/related/3595625/video/x252ck_cetelemhiphop_ads Cetelem Disco – 1 juin 07 – En piste pour la fiction du lundi avec le crédit Cetelem http://www.dailymotion.com/related/3638247/video/x252ds_cetelemdisco_ads

101 Christian Salmon, Storytelling, ibid, p. 38 / Seth Godin, Tous les marketeurs sont des menteurs. Tant mieux, car les consommateurs adorent qu’on leur racontent des histoires, Maxima, Paris, 2007, p. 31

102 Jean-François Gervais, Web 2.0 – les internautes au pouvoir, blogs, réseaux sociaux, partage de vidéos, mashups,… Edition Dunod, p. 81, 2007

103 Lire à ce sujet les conclusions qu’en tire François Laurent dans http://www.intelligencecollective.info/ : Billet du 29/02/2008 : L’affaire Société Générale.

Lire aussi le rapprochement que fait Christian Salmon avec le storytelling ou la pratique de l’art de la narration dans un chronique du Monde du 1er février 2008 : Un héros de notre temps, par Christian Salmon.

Cette attitude que nous observons aujourd’hui a été rendue possible par les blogs, les flux RSS, la convergence des supports médiatiques (internet, mobile) qui ont fait de nous à la fois des consommateurs et des producteurs d’information mais surtout des producteurs de nos propres identités, des identités fragmentées en fonction des réseaux dans lesquels nous nous inscrivons (cf Annexe 4 : le mapping de Dominique Cardon).

Nous l’avons vu, à travers l’analyse des shémas actantiels des campagnes, les marques ont donc trouvé dans le métavers le plus en vue, l’opportunité de construire encore leur image et donc leur réputation.

Cette première conclusion nous permet de confirmer notre première hypothèse.

Une marque de service trouverait dans un métavers, monde de simulation, l’opportunité de matérialiser son service : une façon de simuler dans la deuxième vie le rôle qu’elle souhaiterait tenir auprès des consommateurs de la première vie. Toutefois, force est de constater que nos deux marques n’osent pas entièrement basculer dans l’esprit de liberté et de rêves de Second Life.

Elles sont tellement ancrées dans leurs réalités (le risque pour Europ Assistance / le pouvoir d’achat pour Cetelem), qu’elles ont bien du mal à sortir du carcan de ces réalités pour s’en affranchir et oser aller plus loin.

De peur de se perdre sur un métavers, les marques se brident et s’exposent en fait bien timidement. Si on peut facilement le comprendre pour Europ Assistance, on le déplore pour Cetelem qui aurait pu au moins profiter du monde de la simulation que représente Second Life pour jouer sur son premier service : la simulation de crédit.

C’est un service qui est mis en exergue dans les campagnes de bannières internet notamment (Cf Annexe 19 : bannière Cetelem sur Yahoo avec un bouton « Je simule »), mais qui, sur Second Life a été relégué aux pages web du site internet de Cetelem auquel renvoie un écran dit de « simulation » ( cf. image dans Annexe 19).

2.1. Identité et réputation de marque : confirmation de l’hypothèse 2

La réputation sur le web se confond aujourd’hui avec l’identité même de la marque. En témoigne le succès d’un site portail comme TrustPlus qui permet de vérifier la notoriété d’un interlocuteur avec lequel on souhaite rentrer en contact (notamment au cours d’une transaction).

La réputation d’une personne se fait et se défait à la vitesse du web, c’est-à- dire à une vitesse qui n’a rien de comparable avec la vraie vie dans la mesure où le web est virtuel. En témoigne l’affaire « Jérôme Kerviel » en janvier 2008 et ses répercutions sur le web.

Le « trader » fraudeur de la Société Générale, désavoué et traîné dans la boue par sa direction, est passé en l’espace de quelques jours, du statut d’ennemi public numéro un, au statut de héros du web, en passant par celui de victime, le « Dreyfus de la banque »103.

De nouveaux outils sont apparus pour rechercher tout ce qui se dit d’une entité ou d’une marque sur le réseau des réseaux, notamment dans les blogs et les wikis, des outils dont les contenus sont moins bien indexés et moins bien repérés par les traditionnels moteurs de recherche dont le tout puissant Google. « Les marchés sont des conversations » aime à répéter François Laurent qui dans un billet104 du blog « Intelligence Collective » fait la réclame d’un logiciel de « tracking » appelé AMI qui permet de pénétrer la sémantique du web.

Un outil dont devrait se doter toute marque qui souhaite exploiter le Web 2.0 et anticiper les tendances et les risques, affirme François Laurent.

Elles ont aussi su tirer parti de la formidable force du Web 2.0 en tant que pouvoir d’influence et de diffusion de cette réputation à travers son auditoire. Dans « Ce qui va changer les Marques »105 J-N Kapferer prédisait l’importance que prendrait Internet dans la communication d’une marque : « Internet, cette voix spontanée, libre, jouit d’un pouvoir d’influence fort.

Certains cabinets de conseil se sont rebaptisés cabinets d’e-influence. Cela passe par des sites non officiels, mais très actifs, par des prises de parole dans des forums thématiques […], par du e-lobbying, etc. ». Aussi ne manque t-il pas de souligner l’importance de la communication online aujourd’hui dans son livre « les nouvelles sentinelles de la réputation ».

La communication d’une marque ne naît donc pas nécessairement de la marque elle-même, mais du bruit généré autour d’elle ; si J.N. Kapferer signale le danger d’une marque muette, il met également en garde l’absence de bruit autour de la marque.

Ce constat nous permet de confirmer l’hypothèse 2 : Les marques auraient trouvé dans les nouveaux usages nés du Web 2.0 de quoi asseoir leur réputation.

2.2. L’attractivité d’une campagne sur Second Life

Les marques auraient tort de se priver de communiquer sur le Web : les chiffres sont éloquents qui placent aujourd’hui Internet comme troisième média publicitaire en France. Internet connaît actuellement la plus forte progression en terme d’investissements publicitaires avec 23,9% d’augmentation des budgets par rapport à ceux de 2007. 106

Une campagne sur Second Life coûte bien moins cher qu’une campagne publicitaire :

Europ Assistance a parlé d’environ 40 000 euros. 30 000 pour Second Life / 15 000 pour la campagne italienne et environ 2000 euros pour la location de fichiers opt in de 1000Mercis.

3. Un « risque » à double tranchant : validation de l’hypothèse 3

Le risque qu’introduit la marque dans sa rumeur est à double tranchant, car nous l’avons vu, une double injonction paradoxale peut brouiller le message d’origine. Même si la marque donne tous les indices pour que son message soit décodé avec humour, la marque ne risque-t-elle pas de discréditer son cœur de métier : l’assurance dans la vraie vie dans des situations parfois tragiques qui elles, ne sont pas fictives ?

Que penser d’une marque qui se moque de son produit (service) en le présentant comme la solution d’un problème qui n’existe pas ?

Si Europ Assistance est capable d’agir ainsi sur un monde virtuel, le client pourrait penser qu’il en est de même dans la vie réelle. Car, nous l’avons vu, simuler sur un monde virtuel c’est participer à une réalité augmentée d’autre chose. Or l’assurance offerte par Europ Assistance ne sert à rien (la marque l’explique d’emblée sur son site événementiel), l’offre virtuelle risque donc de discréditer son action dans la vie réelle107.

Outre l’originalité de la campagne qui a connu un franc succès à travers les retombées presse, il n’en demeure pas moins que celle-ci laisse perplexe en terme d’efficacité sur la réputation de la marque. Si l’auditoire garde en mémoire l’aide que la marque a apportée dans sa démarche sur l’île en facilitant l’entrée sur Second Life et en donnant les clés pour comprendre cet univers (tutoriel ou didacticiel), alors Europ Assistance a réussi à faire comprendre que sa vision du service passe par un accompagnement de ses clients où qu’ils soient.

Si l’auditoire n’a retenu que le canular (la rumeur) des accidents de téléportations et la police d’assurance fictive, alors il peut y avoir risque de confusion entre les produits de la première et de la seconde vie.

Nous pouvons donc ici confirmer la troisième hypothèse que nous avions posée. En instrumentalisant la notion de risque physique dans un univers qui en est dépourvu, la marque prendrait elle-même des risques pour sa réputation : le risque du discrédit.

4. Briller par son absence : difficulté à vivre l’ubiquité

Cetelem est en parfaite adéquation avec les valeurs de Second Life. Une marque qui se veut proche de ses clients ne pouvait trouver mieux en termes de stratégie que de se mettre à la place des avatars, consommateurs en puissance. Toutefois, elle brille aussi par son absence dans un monde sans limite (ni géographique, ni temporelles) où tout se vit dans l’instant. Comment une seule personne, peut-elle assurer à elle seule la présence de la marque sur un métavers ?

En décembre 2007, la responsable de l’opération expliquait qu’une réorientation stratégique avait entraîné l’abandon de la démarche sur Second Life. Elle avait pourtant projeté des permanences internationales sur la portion d’île de Cetelem. Elle-même étant contrainte à des objectifs financiers forts, avait du très vite renoncer à assurer sa permanence « française » sur Second Life.

De même, une fois l’opération événementielle passée, l’île d’Europ Assistance est demeurée vide, nulle permanence n’ayant été prévue.

Le numéro un de l’Assistance 24h/24 comme le numéro un de la consommation pouvaient-ils se passer d’une présence ubiquitaire ? Via le groupe d’amis et surtout l’objet virtuel (cf. partie 3 du mémoire), les marques peuvent instaurer une relation avec les résidents sans avoir à assurer forcément une permanence « physique ».

Une présence perpétuelle peut en effet fort bien s’envisager via la technologie des robots virtuels de type « Skaaz » ou « My Cyber Twin », ces agents intelligents capables de dialoguer à la place et en l’absence d’une personne physique.

En dépit des risques évoqués, nous pensons que les marques ont bien fait d’expérimenter le métavers le plus abouti : Second Life. D’abord parce que l’histoire des NTIC nous l’a appris, ce sont les pionniers qui ont participé aux débuts incertains d’Internet en 1995 qui ont ensuite su tirer leur épingle du jeu et devenir sur le web des acteurs incontournables de leur marché.

Enfin, comme nous l’enseigne J-N Kapferer dans « Les Sentinelles de la réputation », une marque muette court un risque bien plus grand et aurait plus à craindre de l’absence de bruit autour d’elle.

5. Passer à côté des clients du métavers

Toutefois en axant leurs opérations sur des objectifs d’image et de réputation, les marques passent à côté de l’audience sur le métavers, c’est-à-dire qu’elles négligent des prospects en ne tirant pas entièrement partie de ces nouveaux consommateurs que le Web 2.0 a transformé en intelligence collective, ces contributeurs capables d’interagir avec elles en feed-back et qui sur Second Life expriment pleinement leur créativité consumériste.

104 François Laurent, « AMI Opinion Tracker », Blog Intelligence collective, billet du 9/04/08 – http://www.intelligencecollective.info/

105Jean-Noël Kapferer, Ce qui va changer les marques, Paris : Editions d’Organisation, 2002 (Deuxième édition, 2005)

106 Investissements publicitaires mondiaux – Prévisions 2008. Source: Greenwich Consulting, parues dans le journal “Le monde” du 31/01/08 : – Presse: +3% (183,7 milliards) / Télévision: +7,1% (180,3 milliards)/ Internet: +23,9% (44,6 milliards)/ Radio: +3,6% (37,8 milliards)/ Affichage: +8% (27,1 milliards)/ Cinéma: +10% (2,2 milliards)

107 Cette idée nous a été glissée par une personne bien placée chez Europ Assistance pour juger l’action en question. La personne y a vu plus de danger que d’intérêt pour la marque mais il faut mettre au crédit des personnes du groupe que ce même esprit d’entreprise – qui véhicule des valeurs d’empathie – est aussi emprunt de pessimisme et de prudence, une vision du monde qui s’intègre bien dans un contexte d’assurance.

En cherchant à instaurer un lien fort et durable avec une cible indirecte, elles passent donc à côté des résidents de Second Life. Dans la troisième partie, nous essaierons d’ouvrir des pistes qui permettraient à une marque de services de construire une relation avec ses cibles, soit d’envisager une stratégie marketing qui tirerait profit des opportunités offertes par ces mondes synchrones que sont les métavers.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Approches de deux marques de services dans Second Life
Université 🏫: Université De PARIS IV – SORBONNE CELSA - Ecole des Hautes Etudes en Sciences
Auteur·trice·s 🎓:
Brunet Sylvie

Brunet Sylvie
Année de soutenance 📅: Mention : Information et Communication - Promotion 2006
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