Les modèles d’inspiration de ZARA et H&M

1.1.2. Les modèles d’inspiration de ZARA et H&M

On l’a souligné plus haut, hormis le recours exclusif à des stylistes de renoms, les enseignes H&M et ZARA intègrent au sein de leurs départements une cellule de stylistes destinée à la création des collections.

Pour ce faire deux recherches s’imposent dont l’une fondée sur le flair et l’intuition (quoi que) et l’autre sur la création de produits. Avoir le bon flair c’est faire usage de son intuition et de sa raison afin de s’imprégner des courants sociaux dominants et des modes de vie (sports, fêtes, loisirs, voyages, événements etc.).

C’est aussi tenir compte de la culture (internet, télévision, radio, cinéma, livre, architecture, musées, exposition, concerts musicaux…), s’informer dans les magazines, archives, biographies, affiches…). « Les postes d’observation des comportements sont plus influents que les créateurs auprès des différents secteurs de l’habillement. Le styliste voyage par nécessité afin de s’inspirer de tendances. [….]

Le styliste observe surtout les jeunes, les nouveaux comportements, écoute des musiques d’adolescents, lit des bandes dessinées, fréquente les musées, les marginaux, les artistes, accumule des images au hasard de livres, de films, d’expositions, de photos, de maisons, d’objets…… Il observe en parallèle les courbes de vente et les destinations de vacances qui informent sur l’imaginaire des consommateurs.»129

129 Vincent Ricard F., Raison et passion, La mode 1940-1990, op. cit., p.92.

Les équipes de style H&M et ZARA issus des départements Design et Achat puisent leur inspiration de la rue, de voyages, des médias, d’instituts de tendances, de salons, d’expositions et d’histoire de la mode130. Guillaume Erner parle de « snacks créatifs » consistant à capter « l’air du temps ».

« Les couturiers n’ignorent pas le monde extérieur, simplement, ils sont plus attentifs à certains types d’informations qu’à d’autres »131.

130 Document fourni par H&M En savoir plus sur H&M 2007.

131 Erner G., Victimes de la mode ? Comment on la crée, pourquoi on la suit, op. cit., p.122.

Il y a une inspiration des influences esthétiques extérieures à la mode qui se retrouvent dans les tendances. Lors que l’on se rend sur le site Internet d’H&M, une rubrique « inspiration » est disponible.

L’on peut y voir des sortes de panneaux de tendances, avec des ambiances, de la musique, des croquis autour de divers thèmes. Par exemple pour l’été 2007, l’enseigne s’est fortement inspirée de l’Australie.

En plus de la collection de maillot de bain, créée par la chanteuse d’origine australienne Kylie Minogue, on peut voir des ambiances autour du surf.

On y reviendra132.

132 Fig. 26. Collection H&M Loves Kylie, http://www.fanpop.com/spots/fashion-and-celebrity/images/65076/title/h-m-kylie-minogue.

Sarah Piekarski (sur LinkedIn), acheteuse prêt-à-porter femme chez Massimo Dutti, l’une des huit marques à côté de ZARA, Bershka, Stradivarius, Pull and Bear, Kiddy’s Class, Oysho et Zara Home, détenues par la maison mère INDITEX, explique que les stylistes, de la même manière que les équipes H&M, trouvent leur inspiration en effectuant des shoppings dans le monde (Asie, New York, Londres, etc.), en observant les gens dans la rue, par Internet, les défilés de créateurs, les marques peu connues et en se rendant dans des showrooms et chez des fournisseurs.

De la même manière qu’H&M, l’enseigne ZARA établit des panneaux de tendances qui sont disponibles sur son site Internet.

Toutefois, leur travail consiste principalement à reconduire des modèles qui ont bien performés la saison précédente.

Le système informatique ainsi que les stores managers, faisant le lien entre les magasins et le siège social, permettent de repérer ces modèles qui sont ensuite réinterprétés par les équipes de styles.

ZARA et H&M fondent leurs collections sur les performances des produits et privilégient ainsi la demande du marché à la collection.

Aussi, on vient de démontrer que pour être en adéquation avec la demande, ces firmes recourent à un bureau de tendance en ligne, Worth Global Style Network dont l’adresse Internet est www.wgsn.com.

Ce bureau de tendance emploie des personnes basées dans le monde entier (Londres, Paris, New York, Hong Kong, Tokyo, Los Angeles, Milan, Barcelone, etc.) dont la mission est de recueillir des interviews, de mener des analyses et des enquêtes, d’observer les défilés de mode et la population locale, etc., pour en extraire des tendances. Celles-ci sont collectées au jour le jour et mises en ligne133.

Cependant, la principale source d’inspiration des équipes de style de ZARA reste les marques de luxe. Comment ZARA s’y prend-elle pour reproduire des collections de marque de luxe ? D’après Marie Pierre Lannelongue, les informations circulent de manière informelle, voire illicite, dans le milieu de la mode.

S’il existe des gens qui aident ZARA et les autres, ceux-là pourraient être d’abord les photographes qui assurent parfois jusqu’à dix shows par jour un peu partout : Paris New-York, Londres, Milan etc.

Ces professionnels « sont les pivots d’un système qui a fait de la médiatisation un passage obligé. Leurs photos revendues par des agences constituent, pour les maisons, la toute première des publicités. Mais il arrive aussi qu’ils les revendent en sous-main à des industriels de la fringue pas chère.  Il y a beaucoup de suspicion, encore peu de preuves et de très rares exemples de pros pris la main dans le sac… »134

133 Tungate M., Le monde de la mode. Stratégies et (dessous) des grandes marques. D’Armani à ZARA, op. cit., p.85.

134 Ibid., p.209.

Aussi un certain nombre de rédactrices de mode ayant accès en priorité aux modèles des marques de luxe serait susceptible de transmettre des images et des informations à des industriels.

Mieux encore, nul n’est besoin de mobiliser de grands moyens pour s’informer.

Il suffit souvent de suivre les émissions télévisées spécialisées à la retransmission des événements de mode et de s’approvisionner de magazines relatant de manière exhaustive les différents défilés tout en décrivant, photos à l’appui, les futures tendances émergentes. Toutefois, le véritable tournant de la mode c’est incontestablement Internet.

Auparavant, les marques étaient réticentes à l’idée de mettre en scène des images de défilé sur Internet de peur de se faire copier par le Sentier.

De nos jours, le site Style.com de l’édition Américaine de Vogue en association avec le magazine Women’s Wear Daily a réussi à convaincre les marques de l’utilité de figurer sur le net. Désormais, les marques rivalisent d’ingéniosité pour y figurer car elles savent que ne pas y être pourrait leur desservir côté audience.

Partant de là, les défilés deviennent accessibles à tous en léger différé.

Tout se passe comme si on y était avec en plus l’avantage d’avoir une retranscription détaillée des tenues.

« Un styliste de chez ZARA n’a donc pas à user de subterfuges pour se faufiler dans les salles des shows.

Devant son ordinateur à La Corogne, il peut déjà prendre des notes. »135

Ce qui peut légitimement pousser les marques à se poser aujourd’hui la question de savoir s’il est nécessaire d’organiser des défilés de mode.

Car comme on vient de le voir et au risque de se répéter, « L’une des raisons de cette interrogation, tient au fait que les images d’un défilé sont disponibles sur le web moins d’une heure après que le créateur ait salué.

Une couverture élargie via internet signifie que les acheteurs qui représentent les magasins ne sont plus obligés de se rendre sur place aux défilés.

Et cela signifie aussi que les faussaires et autres contrefacteurs peuvent avoir des copies des vêtements à vendre avant même que les créateurs d’origine aient terminé de prendre les commandes des acheteurs. »136

135 Lannelongue M-P., La mode racontée à ceux qui la portent, op. cit., P.211.

136 Tungate M., Le monde de la mode. Stratégies et (dessous) des grandes marques. D’Armani à ZARA, op. cit., p. 153.

 

Une inquiétude partagée par Didier Grumbach, président de la Fédération française de la couture, du Prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode. Ce professionnel qui gère l’organisation qui fait tourner les collections de Paris ne peut donc s’empêcher de dire qu’il :

« Ne s’agit pas seulement d’une inquiétude, c’est un suicide collectif.

Evidemment, aucune règle ne dit que les créateurs doivent faire des présentations au public.

Mais ils veulent conserver une visibilité et il n’y a rien de tel qu’un défilé de mode pour montrer leur art.

C’est une façon de diffuser leurs idées.

C’est un outil. »

Le trafic d’information

Je ne suis jamais certaine de l’origine des tendances.

Mais je me demande si tout ne débute pas avec la fabrication des tissus. »

(April Glassborow, responsable des achats pour les collections internationales de designers chez Harvey Nichols.)

La copie ne se fait pas toujours à priori, c’est-à-dire une fois les collections publiées, parfois, elle se fait en amont.

Le salon de tissu Première Vision qui se déroule tous les ans en septembre et février à Villepinte, au nord de Paris, est un véritable parc d’attraction pour les professionnels de la mode.

Cet événement influent permet à peu prés à 800 fabricants de tissus venus de l’Italie, de la France, du Japon, du Portugal, de la Suisse, de la Grande Bretagne etc., d’exposer « leurs collections aux équipes de style et aux acheteurs ».

Les tissus qu’on y achète serviront seulement à la collection de l’année suivante.

« Dans ce hangar aux dimensions insensées, où il n’est pas rare de devoir se déplacer en voiturette de golf, Christian Lacroix, Dries Van Noten, Giambattista Valli de chez Ungaro, les équipes de Gucci, PRADA,

Dior et Vuitton croisent celles de ZARA, H&M et consorts. »137

Dans les stands, les gens ne se mélangent pas, chaque couturier entouré de son équipe fait ses choix dans un coin.

Une fois qu’une étoffe est retenue, il n’est plus question de la présenter à une autre maison de couture ; on la met tout simplement de côté car elle est réservée.

« Beaucoup de transactions se font après le salon, dans le secret des studios où les fournisseurs se déplacent.

Il arrive souvent que, avec un certain sens du commerce, on bonimente.

On confie à un client hésitant : “Les Italiens m’ont pris beaucoup d’imprimés à fleurs cette saison”.

On lui susurre : “Je ne le dis qu’à vous mais les gens de chez PRADA ont adoré les pois”. »138

Ce salon, comme la plupart des organisations de ce genre, est très sélectif ; les viseurs doivent prouver qu’ils y vont pour acheter une quantité importante de tissus aux exposants.

Mais il arrive que certains visiteurs y extirpent des échantillons qu’ils expédient en Asie dans le but de les copier à prix accessibles.

D’autres se contentent de commander des tissus basiques en grande quantité afin de remplir, en quelque sorte, leur engagement d’achat aux exposant car l’objectif majeur pour eux est bien entendu d’y glaner des informations importantes sur les tendances à venir.

Ils font ainsi fabriquer les tissus les plus pointus dans les pays où la main d’œuvre est moins chère.

Ce même phénomène se rencontre aussi dans les salons de cuirs.

Tous les ans, les fabricants proposent de nouvelles matières qu’ils considèrent comme étant incontournables pour la saison.

« Il y a fort à parier que le cuir argenté a été la vedette des salons il y a deux ans.

À l’été 2003, un grand nombre de griffes, au premier rang desquelles PRADA et Gucci, ont proposé des chaussures argentées.

Cette coïncidence peut être mise sur le compte de l’air du temps. Le doré a fait florès, l’argenté s’imposait comme la suite logique.

Mais les équipes des grandes maisons ne s’offusquent pas forcément des similitudes : faire de l’argenté en même temps que ses concurrents, c’est l’assurance d’être dans le ton.

Donc sur le devant de la scène.

Les rédactrices de mode ne peuvent pas passer à côté de la tendance et font à coup sûr des photos sur le thème “argent”.

Tout circule donc.

Dans les usines où se fait la mode encore plus qu’ailleurs.

C’est le cas notamment en Italie, où la majeure partie des belles marques font fabriquer leurs souliers, leurs sacs et leurs vêtements. »139

137 Lannelongue M-P., La mode racontée à ceux qui la portent, op. cit., pp.221-222.

138 Ibid., p.222.

139 Lannelongue M-P., La mode racontée à ceux qui la portent, op. cit., p.223.

Les fabricants auxquels les marques confient la fabrication de leurs collections ne sont pas toujours d’une discrétion absolue. «

Dans les usines, les armoires dans lesquelles on entrepose les formes de chaussures (l’équivalent du “patron” pour les vêtements) sont fréquemment en libre accès… même quand elles portent la mention “interdit” »140. Ainsi lorsqu’un fabricant trouve que telle marque a déniché une bonne trouvaille, il n’hésite pas à faire en profiter les autres ne serait ce qu’implicitement.

Selon Marie-Pierre Lannelongue c’est de cette manière qu’une coupe donnée ou une forme spéciale peut se retrouver chez les autres marques. Il peut aussi arriver que les dirigeants de l’usine proposent aux uns de voir ce que font les autres.

« Certains fabricants font leur beurre en produisant des pièces qui sont des digests des modèles de leurs clients.

Ils peuvent y apposer leur griffe ou les proposer à des chaînes de grande distribution qui n’ont plus qu’à y coller leur étiquette.

Pas besoin de faire travailler un bureau de style… »141 Les rumeurs courent que ZARA fabrique ses chaussures en procédant de la sorte. On ne peut donc plus s’étonner de l’étrange ressemblance des chaussures ZARA de celles de PRADA, Gucci ou Sergio Rossi. Un des exemples flagrant concerne les sandales ZARA très proches des sandales « Bondage » Sergio Rossi.

140 Ibid., pp.224-225.

141 Ibid., p.225.

Sergio Rossi@ Net a Porter

Fig. 3. Sergio Rossi@ Net a Porter.

Les sandales « Bondage » Sergio Rossi en question sont celles portées par la blogeuse au milieu de l’image.

Si celles-ci valent 500 euros, la version que propose ZARA à côté ne coûte que 50 euros.

Les idées circulent surtout en Italie et ainsi va la mode.

De telles pratiques motivées par des raisons commerciales sont difficilement défendable ne serait-ce que pour des raisons éthiques.

L’éthique sert à restructurer les obligations des acteurs aussi bien au sein de leurs entreprises qu’à l’extérieur.

Car, affectés par plusieurs facteurs émanant de leur organisation et de leur vie quotidienne, ces derniers seraient dans la tentation d’outrepasser un certain nombre de normes sine qua non à la survie de l’entreprise.

Le respect de l’éthique s’avère capitale au sein de l’entrepise en ce sens qu’elle permet de veiller à la concurrence déloyale suceptible de nuir le coeur de l’économie et donc de la captation de la firme.

L’éthique qui s’applique ici est d’odre interne ; elle est fondée par les impératifs, devoirs et obligations des fournisseurs en vers leurs clients.

Elle pousse les fournisseurs à tenir un comportement conforme aux règles de la concurrence loyale.

Ces derniers doivent avoir connaissance des obligations qui leurs sont imputables face à leurs clients.

Garantir ces obligations et normes permet d’assurer la pérennisation du système.

L’existence d’un code de l’éthique apposé sur les murs de l’enseigne et intégré au centre de la culture de l’entreprise pourrait permettre aux membres de l’organisation d’enpêcher la circulation et la fuite d’informations confidentielles. Cependant, cette pratique a de forte chance de disparaître à l’avenir dans la mesure où les grandes marques possèdent désormais leurs propres usines de fabrication.

En résumé, plusieurs acteurs seraient susceptibles de transmettre des informations confidentielles aux industriels tels que ZARA et H&M.

Les photographes de mode pourraient avoir un rôle dans la circulation de modèles de marques de luxe dont les clichés seraient revendus.

Les rédactrices de modes sont également incriminées car elles ont accès en priorité aux modèles et pourraient également les revendre.

Les journaux effectuant des reportings sur les semaines des défilés ont, eux aussi, la possibilité de répandre l’information.

Enfin lors du grand rassemblement Première Vision, qui accueille les marques de luxe, mais aussi ZARA et H&M, il serait courant que certains fournisseurs fassent part des choix de tissus de la concurrence.

Il y a donc une influence des fournisseurs qui font circuler l’information en orientant leurs clients dans le choix d’une gamme de coloris, de tissus, etc., engendrant une convergence du milieu de la mode vers certaines tendances.

Les fabricants qui ont un libre accès aux patrons et aux prototypes, n’hésiteraient pas à les dévoiler.

Toutefois, ZARA et H&M ne bénéficient pas du même réseau de fournisseurs.

Ces suppositions peuvent constituer des facteurs d’explication, mais ne peuvent être considérées comme des faits effectifs.

Aussi l’extrême médiatisation des défilés joue-t-elle un rôle majeur dans la « copie » de modèle de prêt-à-porter de luxe par ZARA.

En effet les sites Internet comme vogue.com, ou style.com, en diffusant les défilés presque instantanément, contribuent à amplifier ce phénomène. Ce processus de copie relève t-il d’une inspiration créatrice ou innovatrice ?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La captation de la jeune clientèle en matière de mode : Le cas D’H&M et ZARA
Université 🏫: Université PAUL VERLAINE METZ - Sciences de l’information et de la communication
Auteur·trice·s 🎓:
Xavier Manga

Xavier Manga
Année de soutenance 📅: Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l’université Paul Verlaine Metz - Le 15 décembre 2010
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