La filiation maternelle de l’enfant né de la gestation pour autrui

Une convention (de gestation pour autrui) dont l’illégalité est contournée par les parties – Section I :
II – La contrariété des systèmes juridiques favorisant la fraude
A – Les contournements avérés de la loi
2 – Les subterfuges pour établir la filiation maternelle
L’établissement de la filiation paternelle ne suscite pas de difficulté particulière. Le père est celui qui a fourni le sperme (paternité biologique), la filiation paternelle est fondée sur la reconnaissance de ce dernier, et s’il s’agit du mari ou du concubin de la femme stérile, elle sera inattaquable. Le recours à une convention de gestation pour autrui ne peut permettre à quiconque de contester sa paternité.
Mais, en raison de l’illégalité de la convention en France, il est nécessaire de trouver des stratégies pour établir la filiation maternelle à l’égard de la femme commanditaire143. Trois subterfuges ont été répertoriés : la simulation d’enfant (a), l’accouchement dans l’anonymat et l’adoption par le conjoint stérile (b) et enfin le consentement de la mère gestationnelle à l’adoption de l’enfant qu’elle a mis au monde (c).
a) La simulation d’enfant
Le premier est de faire accoucher la mère « porteuse » sous le nom de la femme qui dèsire être la mère de l’enfant : c’est une supposition d’enfant (appelée aujourd’hui simulation) et un faux en écritures publiques, infractions punies par le Code pénal. Ce procédé a été utilisé dans les cas de « fausse mère porteuse » c’est-à-dire lorsque la femme donne l’enfant qu’elle ne voulait pas assumer ou lorsque l’enfant a été enlevé à sa mère biologique, par force ou mensonge.
A titre d’exemple, nous pouvons citer le cas d’un couple de concubins, condamnés par la Cour d’appel de Paris, le 19 mars 1999, qui les a reconnus coupables du délit de simulation et de dissimulation d’état civil d’un enfant. Ils étaient aller chercher le bébé au Brésil et avaient réussi, avec la complicité de deux médecins, à le faire déclarer comme né de la femme et de son mari dont elle était séparée de fait. Le 12 janvier 2000, leur pourvoi a été rejeté144.
b) L’accouchement de la mère gestationnelle dans l’anonymat et l’adoption par le conjoint stérile
Le second procédé est de faire en sorte que la mère gestationnelle accouche dans l’anonymat, que le père reconnaisse l’enfant et que son épouse demande ensuite l’adoption. Ce procédé a été utilisé efficacement jusqu’à l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 31 mai 1991. Depuis la loi du 8 janvier 1993, l’accouchement dit « sous X » qui permet à la femme qui accouche de ne pas révéler son identité, est entré dans le Code civil à l’article 341-1. A la différence de la remise à l’aide sociale à l’enfance (ASE) avec demande de secret (CASF, art. 61 et 62), l’accouchement sous X n’empêche nullement le père de reconnaître son enfant : la loi permet seulement à l’aide sociale de lui faire payer les frais d’accouchement. Le procédé pour établir un lien de filiation de l’enfant à l’égard de la femme commanditaire est donc l’adoption de l’enfant par le conjoint stérile, que les tribunaux accueillent généralement avec bienveillance.
Mais le 31 mai 1991, la Cour de cassation semblait vouloir mettre fin à l’utilisation de cette stratégie. Cependant, au nom de l’intérêt de l’enfant d’avoir une mère adoptive (puisque la mère « porteuse » n’en voulait pas), certains tribunaux ont résisté à la position prise par l’Assemblée plénière en prononçant l’adoption de l’enfant145.
c) Le consentement de la mère gestationnelle à l’adoption de l’enfant qu’elle a mis au monde
Depuis l’arrêt de l’Assemblée plénière de 1991, le troisième procédé utilisé pour rattacher l’enfant né d’une mère « porteuse » à la femme qui le souhaite, a été de le laisser reconnaître par sa mère biologique, qui consent directement ensuite à l’adoption au profit de l’épouse, l’obligation de remettre l’enfant de moins de deux ans à l’ASE ne s’appliquant pas dans ce cas (C. civ. art. 348-5).
C’est ainsi qu’il a été procédé dans l’affaire jugée par le tribunal d’Aix-en-Provence le 5 décembre 1984146 alors que la mère porteuse était la sœur de la femme stérile ; et qu’il aurait dû être procédé dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Poitiers le 22 janvier 1992147 : l’ex- mari refusant son consentement, la cour de Poitiers a prononcé l’adoption simple et non plénière pour protéger l’enfant des erreurs des adultes.
Toutefois, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 23 avril 2003148 a refusé que la mère « porteuse » se voit retirer l’autorité parentale, qui le cas échéant, aurait permis à l’épouse du conjoint d’adopter les enfants.
En l’espèce, un couple français recourt à une mère gestationnelle en Angleterre qui accepte de porter les enfants de ces derniers après une fécondation in vitro. Après la naissance, les enfants sont remis au couple et la mère porteuse ne s’est plus manifestée. Au bout de trois ans, le père saisit le tribunal de grande instance d’une demande de retrait de l’autorité parentale de la mère porteuse, cette dernière étant d’accord avec cette mesure. Le tribunal et la cour d’appel rejettent cette demande car les conditions du retrait (article 378-1 du Code civil) ne sont pas réunies, à savoir la défaillance maternelle et l’existence du danger. Le défaut de soins et de direction est caractérisé, en revanche, il n’est pas démontré que ce défaut d’intérêt ait manifestement mis les enfants en danger. La cour de cassation rejette le pourvoi. Le fondement réside dans le fait que le retrait de l’autorité parentale ne constitue pas une sanction des parents, mais une mesure de protection de l’enfant, c’est pourquoi le danger doit être caractérisé.
Mais les époux disposent d’autres possibilités. Le père pourrait saisir le juge aux affaires familiales (JAF), sur le fondement de l’article 372-2-1 du Code civil, aux termes duquel, « si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents ». Cette solution éloigne juridiquement la mère porteuse, mais n’accorde rien à la mère génétique.
La mère gestationnelle pourrait également, avec l’accord du père, saisir le JAF aux fins de déléguer, volontairement, son autorité parentale à la mère génétique, en vertu de l’article 377 du Code civil ; l’article 377-1 du Code civil permettrait aux époux d’obtenir un exercice partagé de l’autorité parentale. Mais là encore, on risque de leur opposer un refus en invoquant le détournement de l’institution149.
En outre, toutes ces mesures sont toujours provisoires et rien ne dit que la situation de fait actuelle va perdurer. En cas de séparation des époux, par exemple, la mère génétique ne disposera guère que de l’article 371-4 alinéa 2 du Code civil pour voir fixer par le JAF les modalités de ses relations avec les jumeaux, mais peut on vraiment la considérer comme un tiers150 ?
Il en résulte que les solutions juridiques ne servent guère l’intérêt de l’enfant issu d’une convention de gestation pour autrui. Par conséquent, les avocats encouragent à la discrétion pour éviter toute opposition.
Lire le mémoire complet ==> La convention de gestation pour autrui : Une illégalité française injustifiée
Mémoire présenté et soutenu vue de
l’obtention du master droit recherche, mention droit médical
Lille 2, université du Droit et de la Santé – Faculté des sciences juridiques, politiques et économiques et de gestion
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143 Dictionnaire permanent de bioéthique, n° 47 à 51, p. 1280 ; « Procréations assistées et stratégies en matière de filiation », J.C.P. 1991, I, 3505, note RUBELLIN-DEVICHI.
144 Cass. Crim., 12 janvier 2000, n° 99-82.905, n°379 ; également T. corr. Nanterre, 7 février 1999.
145 CA Pau, 19 février 1991, n° 685/91 : D. 1991, p. 380, note V. LARRIBAU-TERNEYRE ; D. 1992, Somm. p. 59, obs. DEKEUWER-DEFOSSEZ
146 TGI d’Aix-en-Provence, 5 décembre 1984 : J.C.P.1986, II, n°20561 note BOULANGER; R.T.D. civ.1986, p. 578, obs. RUBELLIN-DEVICHI (J.), D. 1987, Chr. p. 189.
147 CA Poitiers, 22 janv. 1992, n° 73
148 Civ. 1ère 23 avril 2003, J.C.P. G.2004, II, 10058, note BOURRAT-GUEGUEN (A.).
149 MASSIP (J.), note ss Cass. Civ. 1ère, 23 avril 2003: LPA 29 oct. 2003, p. 10.
150 GOUTTENOIRE-CORNUT (A.) et MURAT (P.), « L’intervention d’un tiers dans la vie de l’enfant », Dr. Fam.2003, Chr. 1.

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