Défense d’intérêts pénaux de l’assureur devant le juge répressif

Défense d’intérêts pénaux de l’assureur devant le juge répressif

b) La question de la défense d’intérêts pénaux

151. Incidence de la décision pénale sur la situation de l’assureur. L’assureur exclu du procès pénal n’est pas privé seulement de la possibilité de faire valoir des moyens de défense d’ordre purement civil.

Il se trouve également dans l’impossibilité de discuter devant le juge répressif des points qui, bien que relevant a priori plutôt de l’action publique, ont une influence sur l’appréciation du volet civil de l’affaire.

L’assureur subit non seulement les effets de la décision du juge répressif sur l’action civile, mais également ceux de la décision rendue sur l’action publique. Or, cette décision est revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée au criminel. Cette autorité erga omnes s’impose naturellement à l’assureur qui n’a pu participer aux débats.

152. Absence d’intérêt pénal de l’assureur; intérêt civil. Une précision s’impose d’emblée : l’assureur de la victime, du prévenu ou du civilement responsable ne justifie pas d’un intérêt pénal à agir lui permettant de participer au jugement de l’action publique.

Il ne peut prétendre être partie à l’action en répression car il ne défend que des intérêts d’ordre patrimonial. Son intérêt à agir est purement civil et ne légitime son intervention qu’à l’action civile.

Cependant, en raison de l’autorité absolue de la chose jugée au criminel, la décision du juge répressif sur l’action publique va lier le débat sur certains points qui vont affecter l’action civile. Cette décision va également s’imposer au juge civil saisi de l’action contre l’assureur qui n’a pu être attrait devant le juge répressif.

L’assureur a donc intérêt à pouvoir discuter devant le juge pénal de ces points qui, bien que relevant de l’action publique à laquelle il ne saurait prétendre participer, ont une incidence sur l’issue de l’action civile.

153. Intérêt à discuter des faits et de leur qualification pénale. Les points tranchés par le juge répressif dans le cadre de l’action publique, et qui vont affecter l’issue de l’action civile, concernent tant les faits que leur qualification pénale.

Il paraît tout à fait légitime que l’assureur soit mis en mesure de discuter des faits du dossier, qui sont la base à la fois de l’action publique et de l’action civile. C’est naturellement en tant que base de l’action civile que les faits doivent pouvoir être discutés par l’assureur devant le juge répressif.

Le contraire revient à admettre que l’assureur soit privé de la faculté de discuter les faits tels qu’établis devant le juge pénal, sa défense se résumant alors à des arguments de droit concernant la responsabilité civile et la garantie d’assurance.

Pour ce qui est de la qualification pénale des faits, il paraît plus surprenant que l’assureur puisse être admis à en débattre devant le juge pénal. En tout cas, il ne peut le faire dans le but d’influer sur l’issue de l’action publique.

Il doit cependant pouvoir le faire dans la mesure où une qualification pénale peut avoir une incidence sur la responsabilité civile ou sur la garantie d’assurance.

Car tel est bien l’enjeu de la participation de l’assureur aux débats pénaux : il s’agit pour lui d’influer la décision du juge répressif sur des points concernant la responsabilité civile et l’étendue du préjudice ainsi que le principe et la mesure de la garantie d’assurance.

154. Incidence de la décision pénale sur la responsabilité civile. S’agissant de la responsabilité civile, la culpabilité décidée par le juge répressif peut lier le débat, notamment sur son principe.

Cette affirmation doit être relativisée en considération de la tendance actuelle vers une plus grande indépendance de la responsabilité civile par rapport à la responsabilité pénale.

151 M. Patin : obs. à propos de Crim. 10 octobre 1957, RSC 1958 p. 416.

152 En ce sens G. Chesné : art. préc., p. 332 et les auteurs cités en note 3, dont notamment A. Besson (note sous Crim. 13 mars 1958, RGAT 1959 p. 204). Sur l’exercice de l’action civile par voie d’action et par voie d’intervention, cf. infra n° 544 et s.

153 G. Chesné : art. préc., p. 334.

154 Ph. Alessandra : op. cit., p. 62 et p. 76; G. Chesné : art. préc., p. 325.

En particulier, la loi du 10 juillet 2000 a consacré l’indépendance des fautes pénales et civiles d’imprudence268. Il n’en reste pas moins que l’établissement d’une faute pénale permet aisément la caractérisation d’une responsabilité civile pour faute.

Et lorsque l’appréciation du préjudice de la victime est le soutien nécessaire de la décision pénale, elle est revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée au criminel, et s’impose à tous; le débat civil est alors lié sur ce point.

Dans ces conditions, la décision du juge répressif est susceptible de nuire en premier lieu à l’assureur de responsabilité du prévenu ou du civilement responsable, lorsque la responsabilité civile de leur assuré est établie et ne peut plus être remise en cause.

Elle est en second lieu susceptible de nuire à l’assureur de la victime, en particulier lorsque la décision pénale conduit logiquement à écarter la responsabilité civile du prévenu ou du civilement responsable, ou rend son établissement plus difficile, ce qui compromet le recours subrogatoire de l’assureur.

Il se peut également que la décision pénale lie dans une certaine mesure le débat sur le fondement de la responsabilité civile de la personne poursuivie.

Par exemple, le régime de la loi du 5 juillet 1985 relatif aux accidents de circulation peut être rendu inapplicable à l’action en indemnisation par la reconnaissance de la qualification de violences volontaires commises avec un véhicule269 ou d’incendie volontaire du véhicule270, dans la mesure où les dommages ne résultent alors pas d’un accident.

155. Incidence de la décision pénale sur la garantie d’assurance. Certaines circonstances concernant la culpabilité du prévenu vont également avoir une incidence sur la mise en œuvre de la garantie d’assurance, qu’il s’agisse de prouver une condition de la garantie ou au contraire une exclusion.

Par exemple, la constatation ou non d’une effraction, circonstance aggravante du délit de vol, va avoir une incidence sur la garantie vol de l’assureur de dommages de la victime, dans le cas où la preuve de l’effraction est une condition de la garantie271.

En assurance de responsabilité, la motivation du juge répressif concernant l’intention délictuelle ou criminelle va lier le débat sur la faute intentionnelle au sens du droit des assurances, qui est une cause légale d’exclusion de garantie272.

L’absence de condamnation également peut avoir pour conséquence d’établir qu’un refus de garantie n’est pas fondé. Ainsi lorsque l’assuré est relaxé du chef d’escroquerie à l’assurance au motif que la mutilation volontaire n’est pas établie, l’assureur est tenu de lui verser l’indemnité au titre du contrat garantissant les accidents273.

De même, l’assureur de responsabilité automobile ne peut refuser d’indemniser la victime en invoquant un défaut de permis valable alors qu’il y a eu relaxe au bénéfice du doute du chef de conduite sans permis274.

156. Exercice des voies de recours. L’assureur a d’autant plus intérêt à participer au procès pénal que cela va lui permettre non seulement de prendre part aux débats, mais également d’exercer les voies de recours contre la décision rendue par le juge répressif.

Naturellement, il ne s’agira que du recours contre la décision sur les intérêts civils. Mais cela contribue déjà grandement à préserver les intérêts de l’assureur, même face à la décision rendue sur l’action publique, y compris lorsque celle-ci devient définitive faute de recours.

En effet, même en cas de recours sur les seuls intérêts civils, une partie à l’action civile est recevable à remettre en cause la qualification pénale des faits dans le cadre du jugement des intérêts civils275.

De la sorte, au lieu de se heurter à une décision pénale définitive rendue par le juge répressif de première instance, la partie à l’action civile peut obtenir de la juridiction pénale d’appel une décision plus favorable sur les intérêts civils. Cela est rigoureusement impossible à l’assureur exclu du procès pénal.

157. Pour résumer, on voit très clairement que l’assureur a intérêt à participer aux débats devant le juge répressif pour défendre sa position, sur des questions tant civiles que pénales.

155 G. Chesné : art. préc., p. 329.

156 Crim 14 mai 1956, Bull. n° 371. Cf. égal. Crim. 4 novembre 1927, DH 1928 p. 20.

157 Décrets n° 55-433 du 16 avril 1955 et n° 55-1265 du 27 septembre 1955.

Car en définitive, les intérêts civils de l’assureur seront affectés non seulement par la décision rendue par le juge répressif sur l’action civile, mais également par sa décision sur l’action publique, décisions revêtues de leurs autorités respectives de chose jugée.

Priver l’assureur de la faculté de participer aux débats devant le juge pénal, c’est l’empêcher de défendre ses intérêts devant ce juge alors que les décisions rendues lui seront opposables. Il y a là matière à s’interroger sur la question du droit au juge de l’assureur.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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