I.2. Explication de l’accès au crédit et du plafonnement du niveau de l’endettement pour les entreprises formelles du secteur manufacturier marocain: tests à l’aide des modèles Probit et Tobit
Nous considérerons que les caractéristiques des entreprises sont perçues comme des signaux envoyés par les entreprises aux banques. L’estimation économétrique va permettre de voir dans quelle mesure ces signaux sont perçus.
I.2.1.Présentation des variables des modèles retenus
Tableau 10 : signification des variables du modèle retenu

VariablesSignification
DECOUVER=1 si l’entreprise a bénéficié de découvert bancaire ; 0 sinon
PLAFONDLe plafond du découvert ou le montant de la ligne de crédit accordé
Par la banque ;
NIVEDUC=1 si le chef de l’entreprise a un niveau d’éducation supérieur ; 2 secondaire,3
primaire et 4 sans éducation
INVEST=1 si l’entreprise déclare avoir des opportunités d’investissement
prometteuses; 0 sinon.
MACHINES=1 si l’entreprise utilise des machines automatiques ; 0 sinon
CONTROLE=1 si l’entreprise utilise des ordinateurs pour contrôler ses machines ;0 sinon
AGESEL’âge de l’entreprise
SEXE=1 si le chef de l’entreprise est de sexe masculin; 0 sinon
ACT1=1 si l’entreprise exerce dans le secteur des aliments; 0 sinon
ACT2=1 si l’entreprise exerce dans le secteur du textile ; 0 sinon
ACT3=1 si l’entreprise exerce dans le secteur de l’habillement; 0 sinon
ACT4=1 si l’entreprise exerce dans le secteur du cuir ; 0 sinon
ACT5=1 si l’entreprise exerce dans le secteur des machines électriques ; 0 sinon
ACT6=1 si l’entreprise exerce dans le secteur des produits chimiques ; 0 sinon
ACT7=1 si l’entreprise exerce dans le secteur du plastique ; 0 sinon
GARANTNombre de garanties offertes par l’entreprise à la banque
FORMJUR1=1 si l’entreprise est une personne physique ; 0 sinon
FORMJUR2=1 si l’entreprise est une SARL ; 0 sinon
FORMJUR3=1 si l’entreprise est une société anonyme ; 0 sinon
FORMJUR4=1 si l’entreprise est une coopérative ; 0 sinon
TAILLELa taille de l’entreprise ou le nombre d’employés
R1INV=1 si le motif d’investissement pour lequel l’entreprise a demandé le crédit est
l’amélioration de la qualité des produits existants et/ou l’introduction d’un ou de plusieurs nouveaux produits ; 0 sinon
R2INV=1 si le motif d’investissement pour lequel l’entreprise a demandé le crédit est
l’augmentation de la production des produits existants; 0 sinon
R3INV=1 si le motif d’investissement pour lequel l’entreprise a demandé le crédit est
la réduction du coût unitaire de production ; 0 sinon
R4INV=1 si le motif d’investissement pour lequel l’entreprise a demandé le crédit est
le remplacement des équipements abîmés ou obsolètes ; 0 sinon
REG1=1 si la région dans laquelle opère l’entreprise est : Casablanca, Rabat ou10
Settat ;0 sinon
REG2=1 si la région dans laquelle opère l’entreprise est Fès ; 0 sinon
REG3=1 si la région dans laquelle opère l’entreprise est Tanger ; 0 sinon
REG4=1 si la région dans laquelle opère l’entreprise est Nador; 0 sinon
PARTMLa part de l’acquisition importée des équipements
CRDBQ=1 si l’entreprise a déjà emprunté auprès de la banque ; 0sinon.

I.2.2. Analyse des déterminants de l’accès au crédit bancaire : utilisation du modèle Probit
Le tableau suivant présente les résultats du modèle « probit » estimé par la méthode du maximum de vraisemblance. Ce modèle permet d’étudier les déterminants pour qu’une banque accorde des facilités de découvert aux entreprises.
Nous ne représenterons pas les soubassements théoriques de ce modèle (cf. Madala (1989), chapitre 8).
Etant donné que nous utiliserons des variables polythomiques dans ce modèle, nous aurons à éviter une des modalités pour quelques variables exogènes concernées pour éliminer la colinéarité.
Tableau. 11 : Explication des déterminants du rationnement du crédit pour le cas des entreprises formelles.

VariablesCoefficientsT de Student
Constante0,7647,413
NIVEDUC-0,384-2,104*
NINVEST-0,114-0,030
MACHINES0,4901,364
CONTROLE0,4090,102
AGESE0,3132,450*
SEXE-0,611-0,895
PARTM-0,367-1,024
ACT10,2720,323
ACT2-0,973-1,338
ACT3-0,156-2,189*
ACT40,6120,714
ACT 5Réf
ACT6-0,111-1,318
ACT7-0,795-0,952
FORMJUR1-0,241-3,223*
FORMJUR2-0,712-2,141*
FORMJUR3Réf
FORMJUR4-0,204-1,131
TAILLE0,1630,229
R1INV0,1183,856*
R2INV0,8972,897*
R3INV0,5901,547***
R4INVRéf
REG10,5601,976**
REG20,1651,748***
REG3-0,521-0,892
REG4Réf
Log de vraisemblance-330,3099
F de Fisher4,84
R2 ajusté0,11
Nombre d’observations747

* significatif à 1% ou 2%, ** significatif à 5%, *** significatif à 10%
Le modèle est significatif dans son ensemble (F de Fisher supérieur à 2) malgré la faiblesse du R2 ajustée.
A partir de cette estimation, on peut déduire les résultats expliquant l’accès aux facilités de découvert bancaire :
– La probabilité de bénéficier de facilités d’un prêt diminue lorsque le niveau d’éducation du chef de l’entreprise diminue (coefficient de signe négatif statistiquement significatif)11. Un niveau d’éducation faible, peut être perçu par la banque comme un signe du risque d’une mauvaise gestion ou d’une incapacité à montrer les informations nécessaires pour la banque.
– Le secteur d’activité de l’entreprise ne semble pas avoir un effet significatif sur l’accès au crédit, à part le secteur de l’habillement dont le coefficient est négatif. Cela veut dire qu’une entreprise qui exerce dans le « SECTEUR 5 » à savoir le secteur des machines électriques, aura plus de chances d’avoir accès au crédit qu’une entreprise qui opère dans le secteur d’habillement. Cela peut être expliqué par l’efficacité technique12 de ce secteur. En effet, selon Joumady (2001)13 qui a travaillé sur le même type d’enquête, le secteur électrique et électronique a une efficience moyenne plus élevée.
– Selon le rapport du ministère de l’industrie et du commerce, l’âge de l’entreprise est apparenté négativement à l’investissement en équipement et en machines, ce qui pourra constituer un facteur décourageant la banque à prêter à l’entreprise. Un résultat contraire se vérifie au niveau de notre modèle. Cela peut être dû au fait qu’une entreprise bien établie inspire confiance au banquier. La banque octroiera plus facilement des crédits à une entreprise de bonne réputation. Si l’entreprise est ancienne, cela signale une réputation mieux établie qu’une entreprise de création récente.
– Une entreprise qui appartient à la région 1 (qui regroupe Casablanca, Rabat ou Settat) a l’avantage de bénéficier mieux du crédit qu’une entreprise opérant à Nador. Cela peut être dû aux caractéristiques des entreprises qui choisissent de s’installer dans la région 1. Casablanca est la ville ou se trouve la majorité des entreprises, elle possède en plus une infrastructure importante. Settat a attiré un nombre important d’entreprises, malgré son isolement relatif dans le centre du pays14. Quand à Rabat, c’est la région où les services publics sont meilleurs.
– La région 2 qui représente Fès est également favorisée en matière d’accès au crédit par rapport à la région de Nador. Cela peut être expliqué par la nature des activités qui caractérisent cette ville. Fès se spécialise essentiellement dans l’habillement et la transformation des produits alimentaires. Ces activités étant à forte intensité de main d’œuvre, les facilités de découvert, prêts qui ne sont pas à long terme, sont la forme prédominante de financement bancaire, confirmant ainsi les constations de Fafchamps, Pender et Roboinson (1995, cité dans le rapport du MIC sur le secteur manufacturier marocain). Encore plus, Fès fait partie des zones les moins industrialisées. Dans ces zones, les entreprises qui s’y installent bénéficient des avantages fiscaux et d’autres facilités. Les banques sont sollicitées pour leur octroyer des crédits plus facilement.
– Une entreprise de grande taille pourra fournir des garanties de remboursement au banquier. Cela permet de réduire le problème d’asymétrie d’information qui entraîne le risque de défaut de remboursement. La banque sera donc plus favorable à lui accorder un crédit. Cependant, cette variable ne semble pas avoir un effet significatif sur la stratégie de sélection des banques. Le manque de maturité des banques marocaines, expliquent peut être ce comportement : elles ne connaissent pas encore qu’une performance économique est un gage de sûreté pour leur financement. Une taille importante augure d’une relativement bonne capacité d’organisation et de gestion, de l’existence d’un capital important et donc un gage de solvabilité.
– Une entreprise qui demande un prêt pour améliorer la qualité des produits existants, ou augmenter sa production ou encore réduire le coût unitaire de la production a plus de chances d’avoir un crédit qu’une entreprise qui le demande pour remplacer les équipements abîmés ou obsolètes. Selon le rapport du MIC, les entreprises dans leur majorité estiment qu’elles pourraient obtenir les fonds des banques si elles avaient une possibilité d’investissement.
I.2.3 Analyse des déterminants des facilités du plafonnement du niveau d’endettement
Tableau 12 : Résultats de l’estimation des déterminants des facilités de plafonnement

VariablesCoefficientsT de Student
CONSTANTE-0,682-1,356
NIVEDUC-0,358-0,636
GARANT0,1213,545*
CRDBQ0,1870,203
INVEST0,1421,193
MACHINES0,5550,528
CONTROLE0,4343,730
AGESE0,2294,003
SEXE-0,223-1,097
PARTM0,7582,733*
ACT10,5612,373***
ACT20,2721,278
ACT3-0,494-0,234
ACT4-0,105-0,429
ACT5Réf
ACT60,4331,753
ACT70,2410,994
FORMJUR11,1490,994
FORMJUR20,4431,127
FORMJUR30,7391,892
FORMJUR4Réf
TAILLE0,6578,038
R1INV0,04270,496
R2INV0,08160,780
R3INV-0,0149-0,158
R4INVRéf
REG10,1470,010
REG2-0,465-1,647***
REG3-0,102-0,520
REG4Réf
Log de vraisemblance-774,5842
F de Fisher13,48
R2 ajusté0,33
Nombre
d’observations
557

* significatif à 1% ou 2%, ** significatif à 5%, *** significatif à 10%
Le modèle est significatif dans l’ensemble avec un bon R2(0,33). Quand aux résultats constatés au niveau de la significativité des différentes variables explicatives, on peut conclure que:
– Le nombre de garanties agit positivement sur le plafond du découvert une fois la banque donne un avis favorable à l’entreprise. Les garanties demandées aux emprunteurs lors de l’octroi d’un prêt sont considérées comme une technique de management courante pour les banques. En effet, ces garanties permettent aux banques de diminuer les conséquences de la sélection contraire et cela minimise les pertes de la banque en cas de défaut de remboursement de la part de l’emprunteur. Il s’agit là d’un comportement de différentiation de la part des banques envers les entreprises, et ainsi le crédit est moins rationné (Bester (1985), cité dans Joumady (2001)).
– L’âge de l’entreprise agit positivement sur le plafond du découvert. En effet, si l’entreprise est ancienne, cela signale une réputation mieux établie qu’une entreprise de création récente. Ce qui inspire confiance au banquier.
– La part de l’acquisition d’équipements importés (variable : PARTM) influe positivement le plafonnement du crédit. On peut expliquer ce résultat par le fait qu’une entreprise qui importe des machines pour son équipement est une entreprise qui a des relations avec des entités étrangères et cette situation peut signaler à la banque que d’autres personnes ont fait confiance à cette entreprise et qu’elle ne peut être que solvable ;
– Les entreprises qui exercent dans le secteur alimentaire, toutes choses égales par ailleurs, ont accès à des plafonds plus élevés. Cela peut être expliqué par le fait que ce sont des entreprises qui ne sont pas très concurrencées et leur production est généralement destinée à l’export, ce qui donne lieu à un chiffre d’affaire important et par conséquent à un bon résultat. Chose qui encourage les banques à leur accorder des plafonds beaucoup plus importants.
– Les sociétés anonymes bénéficient d’un plafond important de découvert par rapport à la référence (les coopératives). Cela tiendrait à la rigueur et la responsabilité qui caractérisent ces sociétés notamment en terme de garantie et de provision.
– La variable taille de l’entreprise est significative et agit positivement sur le plafonnement. L’introduction de cette variable est justifiée par l’hypothèse qu’une entreprise importante pourra fournir des garanties de remboursement au banquier. Notre résultat est confirmé par Borensztein et Lee ((1999), cité dans Joumady (2001)). Mais, (Jaramillo, Schiantarelli et Weiss(1992), cité aussi par Joumady (2001)) ont trouvé que la variable taille n’est pas significative. Cela laisse à penser qu’il pourrait y avoir, dans notre modèle, une corrélation partielle entre la taille et le statut de l’entreprise (société anonyme). En effet, les sociétés anonymes sont généralement de grande taille.
– L’appartenance des entreprises à une région quelconque ne semble pas agir sur la décision de la banque d’augmenter le plafond du crédit, à l’exception de la région de Fès qui agit négativement, toutes choses égales par ailleurs, sur cette décision. Cela peut s’expliquer par la faible implantation des banques par rapport au nombre important d’entreprises dans cette région. En effet, la région de Fès ne compte que 79 guichets de banques contre 557 unités industrielles15. Ce qui augmente la sélectivité et conduit par conséquent à un effet négatif sur le plafond du crédit.
D’après l’analyse qui a précédé, on peut conclure que même les entreprises formelles qui sont des structures solides par rapport aux entreprises informelles rencontrent des difficultés de financement. On suppose que la situation pour les micro entreprises est plus grave, surtout si on sait qu’entre les banques et les micro entreprises, il y a une absence d’expérience, de formation et une méconnaissance mutuelle qui se traduisent par une forte auto- sélection dans la demande et une offre très sélective (Brugger et Rajapatirana (1995), cité dans Laouali et Tritah (1998)).
Quelle stratégie de sélection la banque adopte t-elle donc pour minimiser la probabilité de défaut de la micro entreprises ? existe-il dans les caractéristiques des micro entreprises des signaux permettant de révéler le type « solvable » ou « non solvable » du débiteur ?
Lire le mémoire complet ==> (Risque, incertitude et financement des micro entreprises au Maroc
Etude comparatiste avec les entreprises formelles du secteur manufacturier marocain
)

Mémoire pour l’obtention du DESA – UFR « Econométrie Appliquée à la Modélisation Macro et Microéconomique »
Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et sociales – Université Hassan II
_________________________________
10 Le «ou» ici est inclusif
11 Ici les modalités de la variable « Niveau d’éducation » sont prises du plus haut niveau au plus bas niveau.
12 Une entreprise est techniquement efficace lorsqu’elle se situe sur la frontière des possibilités de production, c’est à dire qu’avec une quantité déterminée de facteurs, elle obtient le plus haut niveau d’output réalisable (Joumady (2001)).
13 Il a travaillé sur 600 entreprises des industries de transformation au Maroc, observés sur la période de 1987 à 1996.
14 Les administrations antérieures ont accordé à Settat une structure d’incitations spéciale et particulièrement attrayante.
15 Annuaire Statistique, Direction de la Statistique, 2000.
 

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