Les femmes dans le cinéma français pendant la nouvelle vague

Les femmes dans l’ombre des projecteurs et leurs fonctions – Chapitre 2 :
Notes méthodologiques
Après avoir défini la période à étudier, j’ai cherché quels indicateurs pouvaient m’éclairer sur la place occupée par les femmes dans le cinéma français. Il me fallait collecter ces informations afin de les regrouper et de les comparer pour enfin pouvoir interpréter les résultats obtenus. J’ai commencé par les revues de l’époque et quelques annuaires qui, comme nous l’avons vu, ne reflètent finalement pas la réelle présence féminine dans l’industrie cinématographique française des années 1950 et 1960. En ne retenant que certains cinéastes d’après des critères bien précis, tels leurs dates de naissances ou l’année de réalisation de leur premier long métrage, ces dictionnaires limitent les résultats et finalement, seule Agnès Varda ressort régulièrement.
C’est pourquoi, j’ai décidé d’appréhender la Nouvelle Vague non pas en tant que groupe composé de quelques réalisateurs mais comme un chrononyme, c’est-à-dire en tant que syntagme « servant à désigner une période spécifique de l’histoire90 », période qui s’étend approximativement de 1958 à 1962.
Je me suis alors demandé quels emplois exerçaient les femmes pendant ces quelques années où règne un renouveau cinématographique. Ainsi, dans les pages qui suivent, je parle de toutes les femmes de cette époque, peu importe leur âge, en évoquant leurs métiers. Professionnelles de l’industrie, scénaristes, maquilleuses ou techniciennes, leurs seuls points communs sont de travailler dans l’ombre des projecteurs et d’appartenir à un groupe dénommé « le sexe faible ». Toutes leurs fonctions sont différentes mais toutes permettent l’existence de l’œuvre filmique.
Les annuaires des professionnels du cinéma
J’avais alors l’ambition de retrouver les cartes d’identité professionnelle que délivre le Centre National de la Cinématographie à tous les nouveaux professionnels qui désirent travailler dans le milieu du cinéma, afin d’y compter le nombre de femmes. Malheureusement, il s’avère que ces archives sont très rares et peu ouvertes au public. Finalement, je me suis dit que c’était un mal pour un bien car ces cartes auraient bien sûr révélé quelques résultats, des chiffres à analyser, mais elles m’auraient enfermée dans le milieu professionnel, officiel, du cinéma. Or, à l’époque de la Nouvelle Vague plusieurs personnes faisaient ou tournaient des films sans autorisation ni aide du CNC ou sans que l’ensemble des techniciens ne soient dotés de la carte professionnelle, comme ce fut le cas lors du tournage de La Pointe Courte d’Agnès Varda.
Ainsi, je suis allée consulter d’autres archives : les annuaires des professionnels de l’époque. J’ai ainsi retrouvé les annuaires du cinéma et de l’audiovisuel, communément appelés « Bellefaye » du nom de l’éditeur, précieux guides de plus de 1000 pages publiés tous les ans depuis 1948, ainsi que les annuaires du spectacle. Ces derniers, qui paraissent chaque année aux éditions Raoult, réunissent les noms et adresses des professionnels du théâtre, du cinéma, de la musique, de la radio et de la télévision. Le « Bellefaye » est de ce fait plus intéressant pour ma recherche que le « Raoult » car contrairement à ce dernier il regroupe les contacts de personnes travaillant pour le cinéma et la télévision uniquement. Les professionnels sont libres de s’y inscrire chaque année et sachant que l’inscription est gratuite, on peut supposer qu’une majorité de professionnels y sont répertoriés.
Après avoir feuilleté plusieurs éditions de cet annuaire, j’ai finalement retenu quatre de ces « Bellefaye », ceux de 1950, 1955, 1962 et 1967.
• J’ai choisi l’annuaire de 1950 car il s’agit de la troisième édition du « Bellefaye » et je voulais une édition ancienne pour permettre les comparaisons.
• Celui de 1955 car c’est aux alentours de cette date que les choses commencent à changer dans le milieu du cinéma, avec les articles des jeunes critiques des Cahiers du Cinéma, avec le tournage de La Pointe Courte de Varda en 1954 ou encore avec la sortie de Et Dieu créa la femme de Roger Vadim en 1956.
• J’ai également opté pour le « Bellefaye » de 1962 car cette date représente la dernière année de ce « mouvement » Nouvelle Vague. « Né en 1958, il se dilue au cours de l’année 196291 » comme l’affirme en effet Jean-Pierre Jeancolas.
• Celui de 1967 enfin, car à ce moment là on parle moins de « Nouvelle Vague » et plus de révolution…Mai 68 n’est pas loin, le cinéma féministe des années 1970 non plus.
Grâce à ces annuaires j’ai recensé les divers métiers qui peuplent l’industrie cinématographique -de secrétaire de production à scripte en passant par chef opérateur ou encore distributeur- pour ensuite déterminer la part de femmes parmi les milliers de noms qui y sont énumérés. Pour identifier ce taux féminin, je me suis basée sur les prénoms des personnes présentées. Ci-dessous, une photographie présente quelques personnes recensées dans la catégorie « directeurs de la photographie » du Bellefaye 1962.
Photographie présentant une vingtaine de « directeurs de la photographie » en 1962
Photographie présentant une vingtaine de « directeurs de la photographie
Source : Annuaire du cinéma -« Bellefaye »- de 1962, page 1197.
En cas de prénom mixte ou d’absence de prénom, je n’ai précisé aucun sexe et ai retenu la mention « inconnu ».
Près de 100 000 cases remplies sous Excel plus tard, j’ai commencé à analyser les résultats. Ceux-ci sont présentés dans les pages qui suivent.
A noter que je révèle les différentes fonctions en deux parties distinctes, calquant ma présentation sur le cloisonnement établi par les annuaires qui divisent la profession en deux grands groupes :
• D’un côté les professionnels de l’industrie cinématographique : producteurs, distributeurs, directeurs de salles de cinéma ou encore exploitants.
• De l’autre les techniciens : scénaristes, monteurs, chefs opérateurs, décorateurs, cameramen, script-girls, administrateurs de production ou encore régisseurs d’extérieurs.
Comme eux, je présente en premier lieu les « professionnels », puis les techniciens.
La page 1180 de l’édition 1967 de l’annuaire « Bellefaye »
La page 1180 de l’édition 1967 de l’annuaire « Bellefaye »

Lire le mémoire complet ==> (Techniciennes et professionnelles du cinéma pendant la Nouvelle Vague :
Quels statuts et quelles fonctions pour ces femmes de l’ombre ?
)

Mémoire de Master 2 recherche – Esthétique, arts et sociologie de la culture
Université Paul Verlaine de Metz – UFR Sciences Humaines et Arts
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90 Frédéric Gimello-Mesplomb, Le cinéma des années Reagan, Paris, Ed. Nouveau monde, 2007, p.15.
91 Jean-Pierre Jeancolas, Le cinéma des français – la Ve république 1958-1978, op.cit., p.113.

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