Les acteurs du marché de l’art: Mondialisation du marché de l’art

II. Les acteurs du marché de l’art
Les acteurs du marché de l’art 1990 – 2002 : La mondialisation du marché de l’art
Le cas français : Réforme des ventes publiques (2000) Rapprochements et restructurations
Les acteurs du marché de l’art
A la fin du 19ème siècle, le système artistique repose sur trois piliers : l’artiste – le marchand ou la galerie – le collectionneur.
Au siècle suivant les critiques d’art prennent plus d’importance, ainsi que les acheteurs institutionnels.
A partir des années 1960 – 70, les galeries – leaders, les collectionneurs et les acteurs culturels comme les musées ou les grandes manifestations internationales apportent leur caution à une œuvre d’art, comme le faisait autrefois le passage au « salon », comme une sorte de nouvel académisme. Jusqu’en juillet 2000, en France, les commissaires – priseurs ont le monopole des ventes publiques d’objets d’art.
En 1996 : arrivée des « auctioneers »
La concentration du marché des ventes aux enchères s’est effectuée entre les mains de deux grandes multinationales : Sotheby’s et Christie’s. Comme pour le secteur du cinéma, on parle de deux « majors ».
La mondialisation du marché de l’art
En dix ans, la physionomie du marché a changé au profit des Etats-Unis alors que la France a subi un déclin irréversible en raison d’une fiscalité plus lourde qu’en Grande-Bretagne ou en Amérique du Nord. (T.V.A. et droit de suite). Christie’s, Sotheby’s et Phillips ont réalisé 79% des enchères d’œuvres d’art dans le monde en 2001 grâce à leurs réseaux et une savante politique de relations publiques.
Toutefois, ces maisons se livrent à une guerre féroce et à terme il n’y aura de la place que pour deux d’entre elles, voire une seule.
Les cotes de certaines œuvres contemporaines se sont envolées et certains artistes ont été portés au pinacle dans les ventes, comme Maurizio Cattelan, Jeff Koons, Damien Hirst ou Tom Friedman dont la promotion a été assurée par des maisons comme Christie’s.
« Les prix finissent par ne plus reposer sur la moindre rationalité », souligne le magazine Capital (M6), qui évoque aussi la guerre que se livrent François Pinault et Bernard Arnault pour le contrôle du marché de l’art alors que les marges de profit sont bien plus faibles et aléatoires que dans le luxe.
Ce panorama du marché de l’art n’oublie pas les grands collectionneurs mondiaux sans qui les maisons de ventes ne seraient rien, Ronald Lauder, Leon Black, Henry Kravis ou Donald Fisher, le patron des vêtements Gap pour ne citer que ceux-là qui s’impliquent aussi dans la vie artistique américaine et financent des musées et des projets. (Source : 28 février 2002, enquête de« Capital » M6)
L’état français a commencé à réagir face à cette mondialisation et au risque du déclin de l’activité du marché de l’art français.
Le rapport GAILLARD *(8) fait l’état « des atouts et des handicaps d’un marché national en voie de marginalisation.
C’est dans ce contexte de libéralisation du marché que la commission des finances a voulu intervenir pour présenter une série de mesures de nature à accompagner les évolutions en cours et renforcer « l’attractivité » du marché de l’art français, tout en protégeant un patrimoine national à caractère mobilier, dont il serait hypocrite de ne pas reconnaître qu’il est menacé par le processus actuel de mondialisation du marché de l’art.
Depuis qu’a été mis en place le nouveau régime de contrôle à l’exportation des oeuvres d’art par la loi du 31 décembre 1992, la France se vide de son patrimoine. Elle accuse un solde « positif » dans le domaine des oeuvres d’art de deux milliards de francs par an, qu’il faudrait pour être juste corriger de cet exode invisible d’œuvres achetées pour quelques milliers de francs ou quelques centaines de milliers de francs chez nous et vendues quelques centaines de milliers de dollars voire quelques millions de dollars aux Etats-Unis. »
A la suite de ce rapport, le sénat a adopté une proposition de loi le 9 mars 2000, portant diverses mesures fiscales tendant au développement du marché de l’art et à la protection du patrimoine national. Le problème est donc politique. On objectera que les objets d’art ont toujours circulé dans le monde, autrefois par les pillages et aujourd’hui de manière plus civilisée.
Le rapport constate aussi « parallèlement, on voit également se faire jour des synergies entre les mondes de l’art et Internet ».
Le cas français : Réforme des ventes publiques
Jusqu’au 10 juillet 2000, date de la nouvelle loi, le statut des commissaires – priseurs était celui d’officier ministériel, ayant le monopole de la vente (volontaire) d’objets d’art en France.
A la suite d’une plainte déposée par Sotheby’s auprès de la commission européenne, visant à ouvrir le marché de l’art français aux maisons de vente étrangères, les sénateurs et députés ont finalement adopté une loi supprimant le monopole des commissaires – priseurs pour les ventes aux enchères volontaires. Cette ouverture libérale reste cependant très encadrée par les pouvoirs publics.
Les études des commissaires – priseurs, après indemnisation par l’état, deviennent des sociétés commerciales à part entière, agréées par le conseil des ventes volontaires.
Les études vont se regrouper au sein de nouvelles sociétés commerciales, comme par exemple, en Juillet 2002 : Les commissaires – priseurs Hervé Poulain et Rémy Le Fur, suivis de Claude Aguttes qui ont rejoint Francis Briest au sein du groupe Artcurial, installé au rond-point des Champs – Elysées.
Les experts peuvent aussi, sous certaines conditions, être agréés par le conseil des ventes.
En juillet 2001, ont été votés les décrets d’application de cette loi. Certains commissaires – priseurs, comme Jacques Tajan *(9), jugent cette réforme trop étatiste, notamment pour les ventes de gré à gré, le prix de réserve, les garanties financières exigées trop élevées…).
Ces sociétés souffrent aussi, par rapport aux sociétés internationales, de la fiscalité élevée, du droit de suite, la T.V.A. qui les handicapent.
Les commissaires-priseurs de Paris, réunis jeudi 13 juin 2002, ont adopté les statuts de Drouot Holding. Cette structure succède, conformément à la loi du 10 juillet 2000, à la Compagnie des Commissaires-Priseurs de Paris pour l’activité de ventes volontaires. Les ventes judiciaires relèveront désormais de la Compagnie des Commissaires-Priseurs Judiciaires de Paris.
Important : la loi inclut les ventes par voie électronique (Internet) au dispositif réglementé, hors les opérations de courtage aux enchères par voie électronique se caractérisant par l’absence d’adjudication et l’intervention d’un tiers.
Lors de la discussion de la Loi de finances pour 2002, un rapport du sénat dresse un état des rapports de force économiqueentre les anciennes études de commissaires-priseurs, les 50 meilleures maisons de vente françaises en chiffre d’affaires et différents graphiques témoignant de la part de la France dans le marché mondial de l’art, avant le « Big Bang ».(l’ouverture du marché français).
1er semestre 2001(10) (les 3 premières études)
CA en euros Opérateur
11 485 968 Piasa
8 932 901 Tajan
8 688 987 Bries
Au 1er semestre 2000, Tajan occupe le premier rang avec un chiffre d’affaire de 8 678 312 Euros, suivi de Piasa avec 7 097 265 Euros.
Conséquences de la libéralisation du marché français
La réforme des ventes aux enchères a libéré le marché hexagonal. Le patrimoine national est une vitrine alléchante qui aiguise les convoitises des maisons de ventes étrangères. *(10)
Conséquences : en une vente Sotheby’s s’octroie 17% du marché, détrônant pour la première fois la maison Tajan sur la plus haute marche des commissaires-priseurs en matière d’œuvres d’art. * (10)
« De profonds changements dans le paysage français des ventes aux enchères d’œuvres d’art : 23% de part de marché pour Sotheby’s et Christie’s
Pendant que des rumeurs bruissent sur l’hypothétique rachat de Drouot, Sotheby’s et Christie’s s’emparent du marché français. »
Chiffre d’Affaires des vente s aux enchères d’œuvres d’art Répa rtition par pays durant le 1e r trimestre 2002 source © Artprice.com
Les acteurs du marché de l’art: Mondialisation du marché de l’art
Nombre d’œuvres d’art proposées aux enchères Ré partition par pays durant le 1er trimestre 2002 source © Artprice.com
Les acteurs du marché de l’art: Mondialisation du marché de l’art
Il faut dire que le marché français est particulièrement attractif : hausse des prix (+4,16% depuis mars 2001), du chiffre d’affaires et du nombre de transactions, baisse du taux d’invendus sont autant de signaux de la bonne tenue des ventes aux enchères sur le vieux continent au cours du 1er trimestre 2002.
Face à la montée des ventes d’art contemporain américain, dont la qualité reste à éprouver, la France possède le plus grand réservoir d’œuvres d’art classé. Grand est alors l’appât du gain.

Classement des meilleures ventes au 1er trimestre 2002 (source © Artprice.com)
chiffre d’affairesLotsMaison de VenteLieudateIntitulé
60 879 389 €44Christie’sLondon04-févr-02Peinture impressionniste -Peinture moderne -Sculpture
23 130 096 €30Sotheby’sLondon05-févr-02Peinture impressionniste -Peinture moderne
18 890 838 €87Sotheby’sNew-York24-janv-02Peinture ancienne -Dessin/Gouache ancien -Objets d’Art
12 392 060 €118Sotheby’sNew-York24-janv-02Peinture ancienne
11 144 798 €33Christie’sLondon04-févr-02Peinture moderne -Sculpture

Les commissaires – priseurs ont conservé le monopole des ventes judiciaires. Ils ont déposé une plainte au Tribunal de Grande Instance de Paris et demandent l’annulation de la vacation du 28 septembre 2002 consacrée par Christie’s à 35 sculptures d’Alberto Giacometti. Elles proviennent de la succession d’Annette Giacometti, sa veuve. Christie’s, qui en tant que société commerciale n’a pas le droit d’organiser de ventes en cas de succession.
Effets de la mondialisation du marché : Les grands rapprochements et les restructurations
La mondialisation du marché s’accompagne d’une concentration du nombre d’acteurs importants.
Les multinationales des ventes aux enchères, Christie’s et Sotheby’s organisent des ventes dans la plupart des métropoles mondiales. Toutes deux sont des sociétés commerciales cotées en bourse. Elles sont présentes dans plus de quarante pays.
Elles sont entrées en concurrence directe avec les marchands en organisant des« private sales », ventes privées qui éloignent l’auctioneer de sa fonction théorique d’arbitre.
Les deux majors concurrentes mais néanmoins complices, ont été convaincues d’avoir contrevenu à la loi antitrust américaine, en pratiquant une politique commune de tarification.
(L’ancien président de Sotheby’s, Alfred Taubmann a été condamné cette année à un an de prison ferme et 7,5 M de $ d’amende. M. Taubman, 76 ans, qui a démissionné du poste de président de la société mais en reste l’actionnaire majoritaire, avait frauduleusement et en connaissance de cause conspiré avec la direction de Christie’s afin de fixer à un niveau élevé les commissions facturées aux acheteurs et vendeurs lors des ventes effectuées par leur intermédiaire. Christie’s, est parvenue à s’assurer l’immunité en dénonçant la première l’entente illégale aux autorités américaines.)
Christie’s, d’origine britannique, a été fondée en 1766 par James Christie avec un seul bureau à Londres.
Première maison de vente aux enchères dans le monde, Christie’s organise près de 1000 vacations par an, couvrant 80 spécialités, dans ses salles en Australie, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, à Hong Kong, en Israël, en Italie, aux Pays- Bas, en Suisse, et aujourd’hui, en France. Grâce à son implantation mondiale, Christie’s a la possibilité d’être en rapport avec vendeurs et acheteurs de tous les continents.
Christie’s a été acquise en 1998 par le financier français François Pinault. Son groupe a racheté l’étude Piasa, seconde étude française, Piasa et Christie’s demeurant indépendantes au sein de la holding Artemis.
En 1999, Bernard Arnault, PDG de LVMH a racheté des sites de ventes aux enchères ou pris des participations dans leur capital. Il a ensuite pris le contrôle de Philips, troisième maison de vente aux enchères au monde, et plus récemment de l’étude Tajan, première étude française.
Beaucoup de mouvements et de négociations sont actuellement en cours, et ne font sans doute que commencer.
La position dominante des maisons de vente anglo-saxonnes est confortée par la maîtrise des réseaux :
– un réseau de correspondants appartenant à tous les milieux, mais spécialement bien implanté dans ce qu’il est convenu d’appeler la bonne société
– un vivier de collectionneurs ou tout simplement d’acheteurs, approché ou entretenu grâce à des opérations de relations publiques, qui sont, soit déjà des clients, soit des enchérisseurs connus,
– un réseau de spécialistes, notamment en art ancien, conservateurs, professeurs d’université, chercheurs, avec lesquels leurs spécialistes entretiennent de bonnes relations, et qui acceptent de donner ou de confirmer des attributions.
Les maisons de vente aux enchères proposent à certains clients des facilités financières.
L’affaire des Iris de Van Gogh
L’affaire des Iris de Van Gogh témoigne du dérapage auquel peuvent donner lieu les pratiques qui aboutissent à faire douter de la sincérité des prix de vente publique.
En novembre 1987, Sotheby’s adjugeait un tableau de Van Gogh Les Iris pour la somme fabuleuse de 53,9 millions de dollars à M. Alan Bond, sous enchérisseur sur Les Tournesols du même artiste, vendus par Christie’s, en mars 1987, pour 39, 9 milliards de dollars.
En fait, deux ans après on apprit que Sotheby’s avait avancé la moitié du prix d’achat des Iris contre la garantie du tableau lui-même et d’autres tableaux déjà détenus par l’homme d’affaire australien. Il semble que des propositions de conditions de paiement ait été faites avant la vente. Certains purent en conclure que cela avait encouragé l’inflation des prix et notamment facilité la vente des tableaux récupérés en contrepartie. Mais, ce qui apparaît avéré, c’est que les 49 millions de dollars ont bien été versés et que Sotheby’s, outre le » buyer’s premium » de 10 %, récupéra ce qui lui était dû, intérêt et principal. Enfin, et de façon très anglo-saxonne, Sotheby’s ne tarda pas à réagir en annonçant qu’il n’accepterait plus de prendre l’objet acheté en garantie et ne prêterait plus sur aucun objet d’art à moins de douze mois après son achat. La maison de vente récupéra les Iris qu’elle réussit à vendre au musée Getty.
Malgré les bons résultats annoncés pour 2002, tout n’est peut-être pas si rose au royaume des multinationales de l’art.
Certains professionnels disent que les grandes maisons comme Sotheby’s et Christie’s sont mal en point, victimes de leurs frais fixes très lourds. Elles ont dû faire de gros efforts financiers pour installer des sièges sociaux à Paris. L’immeuble de Sotheby’s à New-York occupe 40 000 m2 et celui de Christie’s 31 500 m2. Les soucis judiciaires de Sotheby’s lui ont coûté très cher en amendes et frais d’avocats.
Philips pour gagner des parts de marché a pratiqué un dumping sur les prix garantis aux vendeurs. La société propose un prix garanti plus élevé que la concurrence et s’engage à payer la différence si l’enchère n’atteint pas ce prix.
Ce système a coûté très cher à Bernard Arnault, propriétaire de Philips, qui vient de revendre ses parts, en 2002, mais aussi sûrement aux autres maisons.
Lire le mémoire complet ==> (Le marché de l’art et Internet
Quel avenir pour la vente en ligne d’œuvres d’art ?
)

Mémoire de fin d’études – IMAC – MST2

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