Sale-and-leaseback : créateur de valeur sous certaines conditions

Sale-and-leaseback : créateur de valeur sous certaines conditions

II. Le sale-and-leaseback est créateur de valeur sous certaines conditions

Nous allons tenter de comprendre comment l’immobilier peut créer de la valeur au travers des principaux arguments évoqués par la littérature existante. Il ne s’agit pas ici de répondre à la question de manière dogmatique.

En effet, l’externalisation de l’immobilier s’inscrit dans un contexte par définition unique et non reproductible. Cependant, nous nous sommes attachés à prendre en compte les critères qui nous semblaient être les plus pertinents, et applicables à un maximum de situations, pour apprécier la pertinence d’une opération d’externalisation. Ces critères sont la réallocation des fonds, l’inefficience partielle des marchés, la fiscalité, et le « timing » de l’opération.

i. Dans la théorie classique, la création de valeur vient de la réallocation des ressources

Selon la théorie classique des marchés à l’équilibre, l’annonce d’un sale-and-leaseback devrait être neutre, voire même déclencher un signal négatif destructeur de valeur. C’est pourquoi, dans la théorie classique des marchés à l’équilibre, la création de valeur va nécessairement dépendre de la réallocation des ressources dégagées par le sale-and-leaseback.

a. Dans la théorie classique, l’externalisation de l’immobilier serait un signal négatif

Nous nous plaçons ici dans le cadre de la théorie classique des marchés à l’équilibre.

Le prix des actifs intègre à tout moment l’information pertinente disponible. Nous supposons qu’il n’y a pas d’impôts sur les sociétés, ni de coût de faillite. Nous analysons la création de valeur, du point de vue de l’ensemble des pourvoyeurs de fonds. Nous définissons la création de valeur par le « résultat de la capacité de l’entreprise de réaliser des investissements dont le taux de rentabilité s’avère être supérieur aux taux de rentabilité exigé ». (Définition du Vernimmen)

Dans le cadre de la théorie classique des marchés à l’équilibre, Miller et Upton (1976), considèrent la location comme une source de financement au même titre que la dette. Ils expliquent en anglais : « Long term leasing would not expand a firm’s net borrowing power; its use merely substitutes indirect borrowing for direct borrowing » (Miller and Upton, Leasing, Buying, and the cost of capital services, 1976).

Dans cette perspective, la location financière est un financement hors-bilan qui ne saurait tromper les marchés. Elle ne génère pas de Valeur actuelle nette positive en soi et n’est donc pas a priori une opération créatrice de valeur.

Elle pourrait même être un signal négatif. Sans projet nouveau annoncé au marché, le sale-and-leaseback serait interprété comme une baisse inattendue de la rentabilité espérée des projets en cours, qui nécessiterait par conséquent un financement supplémentaire. A priori, l’externalisation de l’immobilier devrait donc être neutre, voire négative du point de vue de la valeur.

Cependant, si le crédit-preneur externalise son immobilier, c’est qu’il y trouve un avantage. Dans le cadre de la finance moderne, l’externalisation de l’immobilier, doit donc être d’un certain point de vue perçue comme étant créatrice de valeur par le management du crédit-preneur sinon, elle ne serait pas réalisée en pratique.

En effet, on peut supposer d’une part que l’opération est réalisée dans l’intérêt de l’entreprise (si elle ne l’était pas, elle ne serait pas aussi répandue, ni déclarée publiquement). D’autre part, de nombreuses opérations réussies (par exemple, la cession par HSBC en Sale-and-leaseback de son siège à Londres), nous montre qu’une création de valeur est effectivement possible. D’où vient alors la création de valeur potentielle ?

b. Explications dans le cadre de la théorie classique

Certains prétendent que l’externalisation de l’immobilier crée de la valeur lorsque la rentabilité de l’actif économique (ROCE) du projet dans lequel l’entreprise investit les ressources dégagées, est supérieure au ROCE de l’actif immobilier.

Cet argument laisse à penser que l’argent gelé dans l’immobilier serait mieux exploité s’il était investi dans le « core business » de l’entreprise. Ainsi, il serait alors capable de délivrer à ses actionnaires une meilleure rentabilité en suivant cette règle mécanique.

Dans ce cas, les sociétés risquées dont les pourvoyeurs de fonds exigent une rentabilité élevée, supérieure à celle de l’immobilier, ne devrait en aucun cas posséder leurs murs. Inversement, les sociétés dont le « core business » bénéfice d’un coût moyen pondéré du capital inférieur à la rentabilité de l’immobilier devraient toujours être propriétaires.

Ce raisonnement est faux. En effet, il suppose que le coût moyen pondéré du capital d’une entreprise reste constant. A supposer que cette hypothèse soit vraie, elle conduirait l’entreprise à investir dans des projets de plus en plus risqués, avec une rentabilité attendue de plus en plus élevée, tandis que le coût moyen du capital resterait constant. Il y aurait une contradiction car, bien au contraire, le coût moyen pondéré du capital s’ajuste au changement du profil de risque de l’entreprise.

Dans la théorie classique, la réallocation, purement financière, d’actifs à l’équilibre ne permet pas la création de valeur. Le choix d’une source de financement par rapport à une autre, n’est pas non plus, en principe, créateur de valeur.

Pour un risque donné, les pourvoyeurs de fonds exigeront un taux de rentabilité similaire. En effet, si les taux de rentabilité exigés venaient à diverger entre le financement par endettement, et le financement par sale-and-leaseback, les entreprises se financeraient toutes via la ressource la moins chère compte tenu du risque. Ce qui aurait pour conséquence de rééquilibrer les taux des deux ressources.

Ainsi, dans la théorie classique, l’externalisation de l’immobilier réalloue le portefeuille d’actif de l’entreprise, sans conséquence sur la valeur. D’autre part, la création de valeur ne peut pas non plus venir d’un financement plus avantageux. Elle doit donc nécessairement provenir de l’utilisation des fonds levés.

Pour créer de la valeur, les fonds dégagés par l’externalisation de l’immobilier doivent donc être réinvestis à un taux de rentabilité supérieur au coût exigé du capital par les pourvoyeurs de fonds. Le projet doit être porteur d’un avantage stratégique susceptible de créer des imperfections dans les marchés, et dégager une rente économique. C’est à cette condition, dans la théorie des marchés à l’équilibre, que l’externalisation crée de la valeur.

c. L’impact de l’externalisation de l’immobilier sur le cours de bourse

Dans un marché efficient, si le projet est créateur de valeur, l’annonce de l’externalisation au marché fera monter le cours de bourse. Au contraire, si le projet est destructeur de valeur, c’est-à-dire que la rentabilité attendue du projet est inférieure au coût moyen pondéré du capital exigé, l’intégration de l’information par le marché fera baisser le cours de bourse (ceci, même si la rentabilité espérée du nouveau projet est supérieure à la rentabilité de l’immobilier, compte tenu du risque plus élevé du nouvel investissement).

Cependant, dans un marché semi efficient, (seule l’information disponible est intégrée dans la valeur des actions) la réaction du marché dépendra en grande partie du profil de l’entreprise, de la qualité de son management, des perspectives du secteur, et du type d’activité financée.

Si le management a mauvaise réputation auprès du marché, alors lever des capitaux supplémentaires aura probablement un impact négatif sur le cours de bourse. Car le marché verra d’un mauvais œil le financement d’un nouveau projet qui aura de grandes chances de détruire de la valeur. Enfin, plus l’opération est importante par rapport à la taille de l’entreprise, plus l’impact sur le cours de bourse de l’externalisation aura tendance à être élevé.

ii. La prise en compte de l’inefficience partielle des marchés

a. L’inefficience partielle des marchés

Jusqu’à présent nous avions fait l’hypothèse que les marchés étaient efficients (ou semi-efficients), et nous avons tenté d’expliquer comment l’externalisation de l’immobilier pouvait créer de la valeur sous cette hypothèse.

Seiler, Chatrath, et Webb (2001) ont essayé de mesurer l’impact de la détention d’immobilier sur le risque systématique (Béta), et sur le taux de rentabilité exigé par les actionnaires. Seiler, Chatrath, et Webb ont utilisé un échantillon de 80 entreprises, de 1985 à

1994, et n’ont trouvé aucune preuve que la détention d’immobilier avait un impact sur le coût moyen pondéré du capital global de l’entreprise. Compte tenu des résultats de Seiler, Chatrath, et Webb (mais aussi, ceux de Hite, Owers, et Rogers (1984), ceux de Miles (1989) et bien d’autres) on peut supposer que les marchés ne sont que partiellement efficients concernant la valorisation des actifs immobiliers détenus par l’entreprise.

b. Conséquences du constat d’inefficience du marché financier

1. Les actifs immobiliers sont souvent sous-valorisés

On a vu précédemment que, d’après les études empiriques, l’immobilier était généralement valorisé par les analystes au même coût moyen pondéré du capital que le « core business ». Par conséquent, les entreprises dont le coût moyen pondéré du capital est supérieur à la rentabilité des murs, souffrent d’un patrimoine immobilier sous-valorisé par le marché, car le taux d’actualisation qu’on applique à ses cash flows futurs est surévalué.

Par conséquent, si l’on poursuit le raisonnement, les entreprises dont le coût moyen pondéré du capital est supérieur à la rentabilité de l’actif immobilier, auront intérêt à externaliser leur immobilier. Au contraire, les entreprises dont le coût moyen pondéré du capital est inférieur à la rentabilité de l’actif immobilier, auront intérêt à détenir leur immobilier, leur immobilier étant survalorisé par l’application d’un coût moyen du capital anormalement faible.

Cependant, comme le rappelle Golan (1998) la pierre d’achoppement de ce raisonnement, est que le marché ne peut rester ignorant éternellement. Les marchés réajustent leur évaluation face à des changements trop marqués.

D’autant plus que les nombreuses études sur le sale-and-lease-back ont eu tendance à « éduquer » les marchés financiers concernant l’appréciation des actifs immobiliers (de manière similaire la déconsolidation a elle aussi perdu de son intérêt, car le financement hors bilan est désormais pris en compte par la plupart des analystes).

2. La préférence pour « la pureté des titres cotés »

Une autre manière de démontrer l’intérêt des entreprises à ne pas investir dans les titres cotés est tout simplement de concevoir cette opération d’un point de vue purement financier. Une entreprise a la possibilité de garder et de réinvestir sa trésorerie ou de la rendre à ses actionnaires sous forme de dividendes ou rachat d’actions.

Si le cash est réinvesti, le coût d’opportunité est, le taux de rentabilité exigé que les actionnaires auraient pu obtenir en investissant dans un actif financier au profil de risque similaire. Appliqué aux investissements immobiliers, la capacité des entreprises à investir dans le secteur immobilier devrait être comparée aux SIIC par exemple.

En effet, les actionnaires auraient pu investir dans des véhicules d’investissement immobilier ou des entreprises au lieu d’investir dans de l’immobilier via l’entreprise. Or, il semble clair qu’un investisseur professionnel soit le mieux placé pour contrôler les risques et réaliser des profits dans ce secteur, par rapport à un non professionnel, peu à même de diversifier le risque, ou de choisir les investissements pertinents sur le marché immobilier.

le marché immobilier.

Source : Brealey et Myers

3. La possibilité d’un arbitrage sur le coût du financement

Dans le cadre d’un marché à l’équilibre, pour un même risque, toutes les sources de financement ont le même coût. Cependant, dans le cadre d’un marché partiellement inefficient, il devient possible d’imaginer, qu’une source de financement ait été souscrite à « bon marché ».

C’est-à-dire, dans le cadre d’un sale-and-lease back, obtenir un financement de départ plus important que prévu, ou inversement des rendements plus faibles que ceux qui sont habituellement pratiqués. Par exemple, lorsque HSBC à cédé en crédit bail son siège à l’investisseur espagnol Metrovacesa, HSBC a obtenu un taux très largement inférieur à ceux du marché. L’investisseur espagnol a en effet avancé 1,1 milliards de livres sterling contre un rendement de moins de 4% par an.

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