2éme partie: Le diagnostic, étape préalable au redressement
Lorsque le dispositif de détection préventive est insuffisant ou inefficace, le recours à des outils plus élaborés comme le diagnostic est nécessaire.
L’expert comptable peut être sollicité pour l’établissement d’un diagnostic de la situation de l’entreprise en difficulté et les moyens à mettre en oeuvre pour son redressement.(articles 10 et 22 de la loi 95-34)
Cependant, le diagnostic d’une entreprise en difficulté a ses particularités: l’environnement est méfiant, la situation financière est délicate, le climat social est dégradé..
Section 1: Particularités du diagnostic
P1) Définition et objectifs :
G.Brown(1) en donne la définition suivante: « il a pour objectif de déceler les points faibles et les points forts de l’entreprise, pour corriger les premiers et exploiter au mieux les seconds ».
Une autre définition peut être donnée: « c’est l’identification des symptômes de dysfonctionnement et la détermination de leurs causes ».
Donc un diagnostic a pour objectif l’évaluation de la situation de l’entreprise par la détermination des du stade de difficulté dans lequel elle se trouve et la recherche des causes de difficulté.
Ce diagnostic est différent de celui établi en matière de détection préventive qui est axé sur les risques de défaillances de l’entreprise. Il s’intéresse plutôt au traitement des difficultés après leur constat.
P2) Caractéristiques :
Selon J.F Daigne(2), un bon diagnostic doit :
-Evaluer les risques, recenser ses forces, cerner ses faiblesses.
-Apprécier l’environnement et les partenaires de l’entreprise.
-Faciliter le positionnement de l’entreprise sur son marché.
-Etre clair et rapide.
-Expliquer les causes essentielles des difficultés.
-Permettre la synthèse: donner un avis sur la viabilité de l’entreprise.
– Définir une stratégie sociale, économique et financière.
– Recueillir l’adhésion des dirigeants.
– Dresser un inventaire des solutions envisageables.
– Préciser les mesures de redressement et en donner un ordre de priorité.
– Définir une stratégie sociale et mettre en place les mesures de reclassement du personnel.
Ce diagnostic doit être aussi positif et constructif, en évoluant de l’analyse du passé par la détection des origines des difficultés vers les contraintes du futur, en exploitant le potentiel de l’entreprise d’une façon optimale.
P3) Contraintes :
* Durée :
Le facteur temps est très important pour le sauvetage de l’entreprise: tout retard dans la détection des causes de défaillances peut être fatal pour la survie de l’entreprise car cela risque d’aggraver la situation et diminuer par conséquent les possibilités de redressement.
L’article 22 de la loi 95-34 a prévu le délai de2 mois pour diagnostiquer la situation économique et financière de l’entreprise en difficulté et élaborer un plan de redressement. Toutefois, ce délai a fait l’objet de plusieurs critiques car la durée du diagnostic varie avec la taille de l’entreprise, la diversité et la complexité de ses produits et services, son organisation, son système d’information..
* Fiabilité des données :
La fiabilité de l’information constitue un vrai problème dans les entreprises en difficulté: le risque de manipulation des chiffres comptables est réel.
Un bon diagnostic doit être fait sur la base d’informations fiables. Cependant, la pratique ressort la difficulté d’accès à l’information.
Cela est du aussi à la méfiance et la crainte des dirigeants qui ont une tendance naturelle à déformer la réalité à cause du climat de crise et de tension qui caractérise une entreprise en difficulté.
Pour pallier à ses insuffisances, une démarche psychologique est nécessaire pour la validité des entretiens avec les dirigeants. Certes, ces derniers sont les mieux situés pour appréhender la situation de l’entreprise mais face à leur manque d’objectivité, l’expert comptable doit s’appuyer sur d’autres éléments:documents comptables, système d’information…
La qualité de l’information est une condition nécessaire pour établir un diagnostic fiable.
* Coût :
Une bonne qualité du diagnostic nécessite un investissement financier, matériel et humain assez délicat pour une entreprise en difficulté.
Cependant, il vaut mieux supporter le coût du diagnostic à court terme pour éviter des répercussions plus graves sur l’entreprise à long terme.
La loi 95-34 a prévu que le fonds de développement de la compétitivité industrielle participe à hauteur de 70% du coût de l’étude préparée par l’expert comptable (article 3 bis).
L’expert comptable devra garder à l’esprit cette contrainte pour que les avantages obtenues de l’information restent supérieurs aux coûts qu’il a fallu pour la produire.
* Niveau de compétence :
Un diagnostic complet d’une entreprise exige des connaissances techniques dans divers domaines, le recours à des spécialistes peut s’avérer indispensable.
Chaque intervenant doit posséder certaines qualités pour mener à bien cette mission à savoir: l’objectivité, la compétence, l’esprit de synthèse et un sens psychologique développé.
Les conditions de réussite et de crédibilité du diagnostic dépend étroitement de l’expérience et du savoir faire des analystes.
P5) Articulations d’un diagnostic :
Selon J.F Daigne(1), tout diagnostic sous-entend 2 conditions sine qua non :
– Accepter la remise en cause des choix stratégiques.
– Tenir compte de l’évolution économique, sociale, juridique, technique dans la projection de l’entreprise à moyen terme.
En effet, le diagnostic s’articule en 6 parties :
– Planification
– Inventaire des lieux
– Evaluation et recherche des solutions
– Définition des mesures de redressement
– Exécution du plan
– Contrôle des résultats et analyse des écarts
P6) Méthodologie du diagnostic :
Le professionnel doit avant d’entamer sa mission de diagnostic, recueillir les renseignements nécessaires sur l’entreprise et collecter les documents indispensables à sa mission.
A) Prise de connaissance générale de l’entreprise :
C’est la première démarche à accomplir: elle doit permettre de recueillir tous les renseignements sur l’entreprise et sur les conditions d’exercice de son métier.
* Renseignements sur l’entreprise :
Les renseignements s’articulent autour des dossiers suivants constituent le dossier permanent du professionnel.
– Dossier Juridique :
Le dossier juridique comprend notamment les statuts, la structure du capital social, procès verbaux, les divers contrats, les certificats de propriétés, les rapports du commissaire aux comptes.
– Dossier économique :
Il comprend les statistiques sur les marchés et les produits, la liste des principaux clients et fournisseurs, l’étude du marché, les moyens et techniques de production.
– Dossier fiscal :
Il comprend tous les documents et déclarations des exercices non prescrits.
– Dossier social :
Il comprend le nombre des salariés, les déclarations sociales, la convention collective du secteur, le personnel d’encadrement et de direction, les salaires non payés et la nature des contrats de travail.
– Dossier sur le système d’information :
Il comprend la fiabilité et la pertinence du système comptable, la description du manuel des procédures, le contrôle interne et la description du service comptable.
* Renseignements sur les conditions d’exercice du métier :
Les renseignements sur les conditions d’exercice du métier de l’entreprise sont de nature à orienter le professionnel pour la conception d’un bon diagnostic.
B) Collecte des documents indispensables à la mission du diagnostic :
Les documents comptables et financiers de l’entreprise constituent une source d’informations essentielles pour évaluer et apprécier la situation économique et financière de l’entreprise.
Il convient donc de recueillir pour les 3 dernières années le bilan, la liste d’acquisition d’immobilisations, tableau d’amortissement, les échéances du principal et intérêts sur crédits, les documents de la comptabilité analytique de gestion, compte d’exploitation et bilan prévisionnel.
Les sources externes tels que les fournisseurs, les banques, les clients, etc..peuvent nous fournir des informations très utiles sur l’entreprise et son activité.
Rôle de l’expert-comptable dans la prévention et le traitement des difficultés des entreprises
Mémoire pour l’obtention de la maitrise en sciences comptables
Institut Des Hautes Etudes Commerciales – Université 7 Novembre De Carthage
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(1) J.F Daigne, « dynamique de redressement de l’entreprise », Editions d’organisation, 1986, page 99.
 

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