Expert-comptable et prévention des difficultés des entreprises

Université de 7 Novembre à Carthage

Institut Des Hautes Etudes Commerciales

Mémoire pour l’obtention de la maitrise en sciences comptables

Rôle de l’expert-comptable dans la prévention et le traitement
des difficultés des entreprises

Réalisé par: JEGHAM Amine

Encadré par: HAMZA Khaled

Année Universitaire
2001 – 2002

Introduction Générale :
Dans cet ère de mondialisation et de globalisation, l’environnement international est caractérisé par de profondes mutations : concurrence intense, inflation, évolution technologique..
La signature des accords de l’O.M.C et celle de l’Union Européenne illustrent l’adhésion de la Tunisie pour une économie de marché qui ouvre des perspectives de développement réelles pour le pays et porte en même temps de lourdes contraintes pour les entreprises tunisiennes.
C’est pourquoi, la Tunisie s’est engagée dans une politique de réforme économique et juridique pour se préparer à ces changements..
Entre autre, le législateur est intervenu par la promulgation de la loi 95-34 relative au redressement des entreprises en difficulté.
L’expert comptable, par cette loi, lui été confié plusieurs rôles:
D’abord, le déclenchement de l’alerte par le commissaire aux comptes pour prévenir ces difficultés et y remédier à temps.
Ensuite, dans le diagnostic de la situation économique du débiteur et par l’élaboration d’un plan d’assainissement et de redressement de l’entreprise.
En effet, l’expert comptable doté de sa formation multidisciplinaire (gestion, comptabilité, organisation..) peut apporter toute l’aide nécessaire pour rétablir la situation.
L’expert comptable, conseiller privilégié de l’entreprise peut jouer un autre rôle qui est la détection et la prévention des difficultés.
Outre la mission d’alerte qui lui est confiée lorsqu’il est commissaire aux comptes, l’expert comptable peut être sollicité pour une mission de conseil, de mise en place de système d’information, d’outils de gestion et d’aide à la décision.
Dans la phase du diagnostic, l’expert comptable se prononcera sur la viabilité de l’entreprise, les causes de ses difficultés, ses forces et faiblesses, et les opportunités et les menaces de l’environnement.
C’est une phase très importante pour la conception et l’élaboration d’un plan d’assainissement et de redressement de l’entreprise.
Enfin, L’expert comptable doit déterminer, dans la dernière étape, un plan d’actions pour redresser l’entreprise en difficulté et ce après avoir diagnostiqué la situation dans laquelle elle se trouve.
Notre analyse se fera comma suit :
– Un chapitre préliminaire traitera de la notion d’entreprise en difficulté et de son cadre juridique.
– Une première partie sera consacrée à l’étude des moyens de détection préventive des difficultés des entreprises et le rôle joué par l’expert comptable dans cette étape.
– La deuxième partie est une étude de l’approche du diagnostic global de l’entreprise, ses particularités et ses différentes phases.
– La troisième partie traite des possibilités et moyens d’assainissement et de redressement de ces entreprises en difficulté.

Chapitre préliminaire : Notion d’entreprise en difficulté

L’entreprise est un ensemble organisé de moyens humains, matériels et financiers qui a pour but la production d’un bien ou d’un service.
L’entreprise en difficulté est celle qui a cessé de fonctionner d’une manière harmonieuse.
La notion d’entreprise en difficulté est difficile à cerner en raison des divers modes d’analyse: on peut l’examiner à travers ses aspects économiques (situation financière, rentabilité, problèmes de trésorerie..) ou en recourant aux procédures collectives.
En effet, si on adopte une approche juridique, l’entreprise en difficulté serait observée à travers la notion de cessation de paiement.
Une approche économique l’observerait plutôt à travers la notion de continuité d’exploitation.

Section 1: Etat de cessation de paiements

Le législateur tunisien n’a pas défini la notion d’entreprise en difficulté mais il semble avoir étroitement lié la défaillance de l’entreprise à la cessation de paiements. En effet, l’article 445 du code de commerce (abrogé par la loi 95-34) dispose : « …est en état de faillite tout commerçant qui cesse ses paiements ».
Initialement, cette notion d’entreprise en difficulté était confondue avec celle d’insolvabilité: une entreprise qui ne paie pas une dette échue est considérée comme une entreprise en difficulté. La jurisprudence a évolué ensuite ,en distinguant l’état de cessation de paiements qui caractérise une entreprise en difficulté, de l’insolvabilité.
L’insolvabilité est la situation du débiteur qui est dans l’impossibilité de payer ses dettes parce que l’ensemble de son passif est supérieur à son actif.
La cessation des paiements est la situation du débiteur qui à l’échéance ne paie pas ses dettes puisqu’il ne dispose pas de liquidités suffisantes pour se libérer : il s’agit d’une crise de trésorerie.
En d’autres termes, il ne peut pas faire face à son passif exigible avec son actif disponible..
– Le passif exigible est l’ensemble des dettes échues, l’impossibilité de faire face au passif exigible se traduit souvent par un non paiement d’une dette exigible à son échéance. Ce non paiement ne peut être constaté tant que le créancier n’a pas réclamé le paiement pour constater la cessation de paiement.
Le passif exigible comprend les comptes courants dont le remboursement a été exigé par les actionnaires.
Pour les dettes, il faut s’assurer de leur caractère certain et liquide (la dette n’est contestée ni dans son existence, ni dans son montant, ni dans son mode de paiement).
– L’actif disponible est l’ensemble des valeurs facilement réalisables qui permettent au débiteur de faire face à ses échéances.
Il comprend les liquidités qui existent dans les comptes financiers (caisse et banque).L’actif réalisable à terme (les immobilisations corporelles, incorporelles et les stocks) est exclu de l’actif disponible.
Un débiteur solvable peut être déclaré en état de cessation de paiement s’il ne paie pas son passif exigible faute d’un patrimoine liquide.
Un débiteur peut être insolvable sans être déclaré en cessation de paiements si le passif exigible est inférieur à l’actif disponible, ou en utilisant des moyens frauduleux (chèques sans provisions, effets de complaisance..)
D’ailleurs, il est assez délicat d’établir l’insolvabilité d’une entreprise car il faudrait apprécier l’ensemble de son patrimoine et ce afin de déterminer si son actif couvre son passif.
La notion de cessation de paiements se distingue aussi de la situation irrémédiablement compromise. En effet, bien que ces deux notions se caractérisent par leur aspects durables, la situation irrémédiablement compromise (désespérée et sans issue) se caractérise par l’impossibilité de faire face à la continuité d’exploitation.

Section 2: Concept de continuité d’exploitation

P1) Principe de la continuité d’exploitation :

C’est le principe selon lequel l’entreprise reste en exploitation pour une durée indéfinie ou pour une durée suffisamment longue pour lui permettre l’exploitation de l’ensemble de ses investissements.
La continuité d’exploitation est une hypothèse sous jacente du cadre conceptuel Tunisien, elle « suppose que l’entreprise poursuit normalement ses activités dans un avenir prévisible et qu’elle n’a ni l’intention ni l’obligation de mettre fin à ses activités ou de réduire sensiblement leur étendue .Elle établit que l’entreprise est en mesure de réaliser les opérations envisagées et d’honorer ses engagements dans un avenir prévisible « .
Cette notion de continuité d’exploitation a été introduite par l’ordre des experts comptables de Tunisie dans sa norme n° 1 relative à la participation de l’expert dans l’élaboration des états financiers,  » les comptes annuels sont établis dans la perspective d’une continuité de l’exploitation. Dans le cas contraire, l’expert comptable tient compte des incidences de l’arrêt de l’activité de l’entreprise prévisible à la clôture de l’exercice « .

P2) Fondements du principe :

Le principe de continuité d’exploitation trouve son fondement dans la notion de permanence de l’entreprise.
L’application de ce principe engendre:
– Sur le plan économique: L’existence des moyens de financement permanents pendant la durée d’investissement.
– Sur le plan juridique: L’entreprise a une personnalité morale, une capacité de s’engager, une responsabilité distincte de celle qui l’ont crée. Elle a une durée de vie indéterminée sinon limitée à une échéance lointaine.
– Sur le plan social: La disparition d’une entreprise est considérée comme un drame social.

P3) Conséquences de la défaillance :

L’hypothèse de continuité d’exploitation est une condition nécessaire et préalable à la mise en œuvre des autres conventions comptables de base, son abandon se répercute par conséquent sur toutes les autres conventions.

* Au regard du principe du coût historique :

Selon ce principe, les biens sont inscrits à l’actif à leur coût d’origine, c’est à dire au coût réellement supporté par l’entreprise au moment de la transaction. .
En cas d’abandon du principe de continuité d’exploitation, les états financiers doivent être préparés sur une base différente. En effet, l’évaluation des éléments d’actifs à la valeur comptable nette n’est plus justifiée, ils seront évalués à leur valeur de réalisation et les éléments de passifs qui étaient classés selon un ordre d’exigibilité décroissant deviennent tous exigibles (la faillite implique la déchéance du terme).

* Au regard du principe de la permanence des méthodes :

Selon ce principe, les comptes doivent être établis suivants les mêmes méthodes de présentation et d’évaluation utilisées antérieurement.
Lorsque la continuité d’exploitation est compromise, les modes d’évaluations et de présentation des états financiers vont être modifiés. En effet, ce principe perd son intérêt puisque le principe du coût historique est abandonné. De même, le principe de permanence des méthodes est destiné à assurer la comparabilité des états financiers soit par la même entreprise d’un exercice à l’autre soit avec ceux d’une entreprise similaire établis à la même date; ce qui n’est pas le cas lorsque le principe de continuité d’exploitation est remis en cause.

* Au regard du principe de prudence :

Ce principe a été défini comme étant l’appréciation raisonnable des faits afin d’éviter le risque de transfert sur l’avenir d’incertitude susceptible de grever le patrimoine.
Contrairement aux autres principes, la remise en cause du principe de continuité d’exploitation n’entraîne pas l’abandon de ce principe. En effet, la prudence continue à prévaloir pour la détermination des charges et produits. Les plus-values ne sont constatées que si elles sont certaines, l’actif fictif sera totalement amorti, les autres actifs seront évalués à leur valeur liquidative .Ainsi, les frais occasionnés par la cessation de l’activité devront être prévus en respect de ce principe.

Section 3: Cadre juridique de l’entreprise en difficulté

La loi 95-34 relative au redressement des entreprises en difficulté marque un tournant dans l’histoire des procédures collectives en Tunisie.
En effet, l’ancien régime juridique d’avant 1995 donnait la priorité à la protection des droits des créanciers, sans aucune considération, et parfois au dépends de l’entreprise qui finira par disparaître et voir son patrimoine dilapidé sans compter la situation dramatique des salariés qui vont perdre leur emplois.
Désormais, le soucis majeur du législateur tunisien n’est plus le paiement des dettes aux créanciers: c’est plutôt le maintien en activité des entreprises qui connaissent des difficultés économiques puis la conservation des emplois; le paiement des dettes vient en dernière position par mis les priorités du législateur (article 1 de la loi 95-34).
Cette loi a donc pour objectif de préserver et de concilier les intérêts, parfois contradictoires, des différents intervenants (actionnaires, banques, créanciers..)
Le sort de l’entreprise en difficulté dépend étroitement de sa situation financière :
* Elle peut bénéficier du règlement amiable si elle n’a pas atteint le stade de la cessation de paiement et si sa demande est acceptée par le président du tribunal après avis de la commission de suivi des entreprises économiques.
Le président du tribunal peut ordonner la suspension des procédures de poursuite et d’exécution au recouvrement d’une dette antérieure à la date d’ouverture du règlement amiable.
Le président du tribunal désigne un conciliateur chargé de trouver un accord entre l’entreprise et ses créanciers et qui peut porter sur des remises de dettes ou de suspension des cours d’intérêt..
A défaut d’accord, le conciliateur rédige un rapport remis au président du tribunal qui rejette dans ce cas la demande de règlement amiable.
Le président du tribunal peut homologuer l’accord signé par les créanciers dont le montant des créances représente 2/3 du montant global des dettes et ordonner le rééchelonnement des autres dettes, quelle que soit leur nature, sur une période ne dépassant pas la durée de l’accord.(article 13 de la loi 95-34)
* Le règlement judiciaire est réservé aux entreprises qui se trouvent en cessation de paiement: l’intervention du tribunal est leur dernière chance.
Le prononcé du jugement d’ouverture de la procédure judiciaire est précédé par une enquête préliminaire au cours de laquelle seront appréciés la valeur et le bien fondé de la demande de règlement judiciaire par le juge commissaire (après avoir confié le dossier à un expert comptable ou un bureau d’étude pour diagnostiquer la situation économique et financière réelle de l’entreprise et les moyens de la redresser).
Si le travail effectué pendant la période préparatoire est insuffisant pour avoir une estimation de la situation réelle de l’entreprise, le tribunal désigne un administrateur judiciaire chargé de préparer un plan de redressement dans un délai ne dépassant pas 3 mois renouvelables une fois.
Au cours de cette période d’observation, toutes les poursuites individuelles et tous les actes d’exécution tendant au recouvrement d’une créance antérieure sont suspendus. Sont également suspendus, le cours des intérêts et des dommages et intérêts moratoires et les délais de prescription.(article 34 de la loi 95-34)
La priorité sera accordée aux dettes nouvelles de l’entreprise, nées à partir de l’ouverture de la période d’observation et qui sont en relation directe et nécessaire avec la poursuite de l’activité de l’entreprise.
Elles seront payées avant les précédentes créances, même si elles sont assorties de privilège ou de sûreté.(article 37 de la loi 95-34)
* La phase finale de la procédure de règlement judiciaire est un jugement :
– soit par la continuation de l’activité de l’entreprise
– soit la cession de l’entreprise
– soit la liquidation ou la faillite de l’entreprise.
Le tribunal décide de la poursuite de l’activité de l’entreprise sur la base du rapport de l’administrateur judiciaire s’il s’avère que l’entreprise a des possibilités sérieuses de poursuivre son activité avec le maintien , en tout ou en partie, de ses emplois, et le paiement de ses dettes (article 41 de la loi 95-34).
Le tribunal peut ordonner la cession de l’entreprise à un tiers, lorsque son redressement se révèle impossible et que sa cession constitue une garantie pour la poursuite de son activité ou le maintien total ou partiel des emplois et l’apurement de son passif (article 47 de la loi 95-34).

  1. Méthodes de prévision des défaillances des entreprises
  2. Le questionnaire des entreprises en difficulté
  3. Le diagnostic, étape préalable au redressement
  4. Le diagnostic stratégique de la situation de l’entreprise
  5. Le diagnostic opérationnel de la situation des entreprises
  6. Diagnostic financier des entreprises en difficulté
  7. Résultats du diagnostic de la situation de l’entreprise
  8. Elaboration d’un plan de redressement par voie de continuation
  9. Plan de redressement par voie de cession
  10. Préalables au plan de redressement, Conception d’un plan
  11. Mesures d’assainissement, Conception d’un plan de redressement

Sommaire :
Introduction générale
Chapitre préliminaire : Notion d’entreprise en difficulté
Section 1 : Etat de cessation de paiement
Section 2 : Concept de continuité d’exploitation
Section 3 : Cadre juridique de l’entreprise en difficulté
1ère Partie : La détection préventive
Section 1 : La prévention interne
Section 2 : La mission d’alerte du commissaire aux comptes
Section 3 : Les indicateurs de difficultés
Section 4 : Méthodes de prévision de défaillances des entreprises
Section 5 : Questionnaire des entreprises en difficulté
2ème Partie : Le diagnostic, étape préalable au redressement
Section1: Particularités du diagnostic
Section 2: Les différentes phases du diagnostic
3ème Partie: Elaboration d’un plan de redressement
Chapitre 1: Mesures prévues par la loi 95-34Section 1: Plan de redressement par voie de continuation
Section 2: Plan de redressement par voie de cession
Chapitre 2: Conception d’un plan de redressement
Section 1: Préalables au plan de redressement
Section 2: Mesures d’assainissement
Conclusion Générale
Bibliographie
Annexe

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