Jeux vidéo et Compétences transversales et transfert

4. 5. Compétences transversales et transfert 4. 5. 1. Qu’est-ce qu’une compétence transversale ? Cette expression est assez vague et abstraite et on ne saurait en donner d’emblée une définition claire. Le terme » transversal » évoque l’idée qu’il s’agit de compétences valables et utilisables dans plusieurs disciplines, dans différents contextes. Il évoque la possibilité d’acquérir des compétences d’abstraction, de généralisation, qui, une fois maîtrisées, donneraient au sujet apprenant la possibilité d’agir d’une manière appropriée dans plusieurs domaines, de s’adapter. Il s’agirait donc de compétences permettant de recycler certains aspects de ce que l’on a appris dans un domaine pour l’appliquer à d’autres domaines, ou encore, de faire passer certains éléments d’un contexte à un autre, de les rendre adaptables. Une compétence transversale serait donc, par exemple, ce qui permet de relier les différents types de savoirs entre eux, de trouver une cohérence au tout, et impliquerait une capacité de méta réflexion et d’abstraction de la part du sujet. Acquérir des compétences transversales voudra donc dire expérimenter une même compétence, dans divers contextes, et l’affiner pour n’en garder que l’essence, réutilisable pour appréhender et agir efficacement sur diverses disciplines, thématiques et situations. Mais ces compétences transversales ne peuvent bien sûr s’acquérir qu’une fois un certain nombre de compétences de base assimilées. Comme le souligne Philippe Perrenoud (1997) : « Au regard de l’échec scolaire, poser le problème du transfert pourrait apparaître comme un luxe, puisqu’il ne surgit que lorsqu’il y a des acquis. Avant de s’inquiéter du faible transfert de certains acquis, mieux vaudrait s’interroger sur leur simple existence. » Une autre idée est que ces compétences transversales proviendraient plus de l’aptitude des sujets à former qu’à mobiliser des compétences et ne seraient donc pas de simples connaissances. Pour Perrenoud, il s’agit là de schèmes d’ « acquis incorporés » dont la mise en oeuvre produit des « possibilités d’action », c’est à dire « des représentations disponibles en mémoire de travail, orientées vers l’action, qui peuvent être elles-mêmes construites à partir de représentations préalables disponibles en mémoire à long terme (connaissances stricto sensu et informations) ». Apprendre à mobiliser ses connaissances, trouver et exploiter des informations, exercer un jugement critique, ou encore communiquer de façon appropriée, par exemple, seraient donc des compétences transversales car elles requièrent une méthodologie qui ne va pas de soi et se construit au fil du temps comme résultat de la confrontation des sujets aussi bien à la vie de tous les jours qu’aux tâches qu’on leur assigne. 4. 5. 2. Le Transfert Le transfert est défini comme la capacité à appliquer quelque chose d’appris dans un contexte à un autre contexte et se traduirait par une performance améliorée sur une tâche en tant que résultat de quelque chose d’acquis sur une tâche antérieure. Les compétences concernées peuvent être de n’importe quel type : mémorisation, sensori-motrices, résolution de problème, raisonnement, etc. La question se pose donc ici de savoir si les compétences (savoirs, procédures) acquises lors de l’interaction avec le jeu vidéo, qu’il soit ou non à visée éducative, sont transférables à d’autres domaines. Si on part du principe que les capacités mobilisées sont indissociablement liées au contexte cognitif et social de leur réalisation, il semble difficile d’affirmer que les compétences acquises soient transférables. Mais l’apprentissage est-il réellement spécifique au contexte ? Dans les années 20, Thorndike affirmait que le transfert dépendait de la présence d’éléments identiques dans les situations d’apprentissage d’origine et les nouvelles. Pour Rey (1996), compétences et transfert sont indissociables : toute compétence est transversale puisque pour être transférée, il faudra bien qu’elle dépasse la situation initiale afin d’être réutilisée dans un autre contexte, aussi spécifique soit-elle… En cela, la multi-contextualisation que l’on peut mettre en place dans le cadre d’un jeu vidéo éducatif est un moyen efficace de s’assurer qu’une connaissance ne restera pas lettre morte. Et, en incitant parallèlement l’apprenant à adopter une démarche méta-cognitive afin de l’amener à se construire une compréhension, même floue, du type de démarche à adopter pour réinvestir ce qu’il sait déjà dans une nouvelle situation, on a toutes les chances de penser qu’un réel transfert puisse avoir lieu. Il est donc particulièrement important d’identifier ce qui permettra non seulement de garantir des acquis, mais également de favoriser leur réinvestissement. Lors de la conception d’un jeu vidéo, il est donc nécessaire de s’interroger sur la possibilité pour l’apprenant de transférer aux situations « naturelles » ce qu’il aura appris sur l’ordinateur et, si tel est le cas, s’il lui est possible de distinguer ce qui relève d’un transfert compatible avec des situations de la vie de tous les jours ou d’un transfert incompatible. Qui plus est, la nature des « mondes virtuels » et les différentes formes d’interactions possibles étant sous la maîtrise du programmeur et surtout des concepteurs, il est important de s’assurer que les représentations délivrées dans le jeu ne sont pas erronées ou aptes à conduire l’apprenant à construire des connaissances fausses. On peut ici établir une distinction entre deux catégories de transfert : le passage de l’activité ludique à une activité réelle et le transfert des compétences acquises dans le cadre du jeu à des activités techniques ou autres. Des études ont été menées par Patricia Greenfield et ses collaborateurs sur le transfert des capacités de représentation spatiale chez les enfants qui regardent beaucoup la télévision et il a été constaté que ces enfants avaient plus de facilité à identifier les angles de prise de vue. Ils ont d’autre part constaté que les sujets pouvaient acquérir des compétences telles que la représentation de circuits logiques au moyen de jeux conçus avec cet objectif et que cette connaissance était transférable à l’analyse des montages expérimentaux. Le fait que les situations nouvelles dans lesquelles l’apprenant est amené à exercer des compétences acquises par le biais de jeux vidéo soient proches des situations antérieures semble jouer ici un rôle important dans la réussite du transfert. Celui-ci serait également favorisé par la façon dont on présente le jeu à l’apprenant : des instructions explicites sur les règles du jeu et les stratégies possibles auraient un effet favorable sur les facultés de généralisation et de restructuration des connaissances ainsi que sur le sens que l’apprenant pourra donner à sa démarche. Le jeu vidéo aurait également un impact positif sur les performances des sujets en technologie et en mathématiques. Mais nous manquons dans ce domaine d’études expérimentales, à part, peut-être, dans le domaine des simulateurs de pilotage ou de conduite automobile, car il est plus facile d’en vérifier l’efficacité d’un point de vue pratique. D’autre part, en ce qui concerne le type d’apprentissage visé par certaines interfaces ludiques, on se demande bien avec quels autres types de dispositifs on pourrait établir des comparaisons. En effet, il semble difficile de modéliser les compétences requises par certains programmes, dans lesquels diverses compétences sont sollicitées et, si l’évaluation des performances obtenues s’avère difficile, celle du transfert n’en est que plus opaque. D’après Pierre Dillenbourg (1986), c’est la méthodologie utilisée dans le cadre des recherches sur l’efficacité de l’EAO qui pose problème : on met en général deux groupes d’individus face au même contenu d’apprentissage, l’un au moyen d’un didacticiel et l’autre dans le contexte d’une classe et on conduit les évaluations à l’aide d’un pré-test et d’un post-test. Les méthodes d’enseignement étant différentes, on ne sait finalement pas vraiment si on évalue la méthode ou le média… Mais l’objet de ce travail est d’analyser le potentiel des jeux vidéo pour l’éducation. Etudier en détail ce problème du transfert relèverait d’une toute autre démarche, plus expérimentale, et nous ne nous interrogerons donc pas plus avant sur ce point. Lire le mémoire complet ==> (Le potentiel du jeu vidéo pour l’éducation) Mémoire en vue de l’obtention du DESS Sciences et Technologies de l’Apprentissage et de la Formation Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education – Université de Genève

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