Commerce électronique soumis au système de TVA préexistant

Commerce électronique soumis au système de TVA préexistant

Titre I

Prestations de services fournies par voie électronique : régime transitoire de TVA et principes directeurs pour l’imposition du commerce électronique.

Maurice Lauré, inventeur de la TVA qui fut pour la première fois introduite en France en 1956, définit cette taxation comme « le seul impôt général sur la consommation :

calculé ad valorem

perçu sur les entreprises, qui l’incorporent à leur prix ;

pesant dans une égale proportion sur tous les coûts élémentaires de la fabrication, de la commercialisation d’un même produit, de manière à ne pas fausser les calculs grâce auxquels les entreprises maximisent leur productivité ;

capable de comporter des taux différents selon la nature des produits ou services, est une taxe sur le chiffre d’affaire appliquée dans chaque entreprise aux ventes selon les taux afférents à chaque produit, sous déduction des taxes facturées par les fournisseurs. »

La TVA est venue en remplacement des anciennes taxes sur le chiffre d’affaire dites « taxes uniques » et « taxes en cascades », car elles conduisaient à des discriminations en fonction des schémas de production ou de commercialisation et n’étaient pas neutres. En France, cette taxe était dénommée « taxe à la production », et avait été instaurée par une loi du 31 décembre 1936, en suppression d’une kyrielle de taxes préexistantes. Cette taxe était perçue une seule fois, au dernier stade de production, c’est à dire lors de la première vente du produit fini. Dès lors, l’inconvénient essentiel de cette taxe résidait dans le fait qu’il n’existe qu’un redevable, qui posait des problèmes de trésorerie au détaillant, même si ce dernier avait la possibilité de répercuter la taxe sur le prix facturé à ses clients. De plus, ceci impliquait qu’en cas de fraude, l’administration ne pouvait compenser à un autre stade du circuit économique.

D’autres Etats avaient quant à eux, adoptés en matière de fiscalité indirecte, des taxes en cascades, qui s’appliquaient à tous les stades de production, et étaient soumises à un taux plus faible du fait de l’effet cumulatif. Dans ces taxes, les inconvénients, découlent du fait que la charge fiscale est lourde du fait de la superposition des impositions, ce qui peut influencer le prix de vente au consommateur final, mais surtout, la charge fiscale est dépendante de la longueur du circuit économique. Un circuit long étant désavantagé par rapport à un circuit « intégré ».

Ces deux exemples de taxes, n’étaient donc pas neutres, ce qui ne pouvait satisfaire la Commission dans son projet d’harmoniser la fiscalité indirecte au niveau communautaire.

La Commission s’est donc largement inspirée du modèle français, entrée en vigueur en 1955 et définitivement généralisée en 1966. La loi de 1966, a consisté en une extension du champ d’application de la TVA et à la suppression de taxes qui continuaient de coexister avec elle, notamment, la taxe sur les prestations de services.

Lors de la directive du 17 mai 1977, toujours en vigueur mais maintes fois modifiée, le champ d’application de la TVA correspondait à l’ensemble des activités économiques, et qui s’applique encore aujourd’hui sous quelques réserves à l’ensemble des opérations économiques. L’harmonisation communautaire a été effectuée sous l’impulsion de la Commission, qui en vertu de l’article 93 du Traité de Rome, a pu mettre en œuvre la décision prise par les Etats membre en 1967 de créer un système commun de TVA, laquelle a été formalisée à la même date par la deuxième directive.

En effet, l’harmonisation des législations était rendue indispensable par l’instauration du marché commun, qui supposait un rapprochement des fiscalités indirectes. D’autant que lors de la Décision du 21 avril 1970, il a été prévu que la Communauté soit dotée de ressources propres, en retenant une part substantielle sur les recettes issues de la TVA.

La sixième directive, tout en offrant un cadre à l’harmonisation législative des Etats membres, prévoit la période transitoire nécessaire à cette fin, mais faute d’accord depuis, les Etats membres, ne sont pas sortis du régime transitoire. Dès lors des disparités subsistent, faute d’une harmonisation totale, notamment des taux applicables.

En matière de fiscalité indirecte, c’est donc la Commission et le Conseil de l’Europe qui possèdent le plus de pouvoir, ayant réduit au strict minimum la marge de manœuvre des Etats membres. Dans l’optique de la taxation indirecte du commerce électronique, même si la solution de créer une nouvelle taxe dans chaque Etat n’est pas envisageable du fait du caractère largement international de la question, elle est dans tous les cas, totalement interdite car les Etats membres se sont engagés à ne pas instituer de nouvelles taxes ayant la nature d’une taxe sur le chiffre d’affaire.

La TVA est donc désormais partiellement harmonisée et les grandes décisions sont proposées par la Commission au Conseil concernant son évolution, les Etats membres ne disposant plus de ces prérogatives comme c’est le cas en matière d’impôts directs.

Le point primordial, dans la taxation du commerce électronique réside dans l’impératif, formulé au plan international, selon lequel « les principes directeurs qui guident les gouvernements en ce qui concerne le commerce traditionnel doivent également les guider en ce qui concerne le commerce électronique ».

Dès lors, c’est le régime communautaire de TVA, préexistant au commerce électronique, qui a vocation à être appliqué au sein de l’Union européenne au commerce électronique pris au sens large du terme (Section I).

En effet, l’Union européenne s’est dotée depuis 1977 d’un cadre harmonisé de TVA, qui a vocation à permettre l’imposition de l’ensemble des activités économiques, et qui se présente comme un impôt à la consommation visant à n’être effectivement supporté que par le consommateur final.

Or, le Comité des Affaires Fiscales de l’OCDE, estime que « les règles existantes en matière de fiscalité permettent d’appliquer ces principes ». C’est pourquoi, jusqu’au 1er juillet 2003, date d’entrée en vigueur de la directive 2002/38/CE sur certains services fournis par voie électronique, aucune règle spécifique de TVA ne vise le commerce électronique, entendu au sens large comme strict, étant soumis aux mêmes dispositions que le commerce traditionnel.

Cette solution est en accord avec la condition de neutralité entre commerce traditionnel et commerce électronique, sur le plan théorique du moins. Car en pratique, on constate que le commerce électronique, faute d’un régime qui lui soit propre, est soumis à un patchwork de dispositions, dont l’application est loin de se conformer au principe de certitude précédemment énoncé, et conduit de ce fait à des cas de double imposition ou de non-imposition, contraires au principe d’égale concurrence et porteur d’insécurité juridique.

En effet, il s’est avéré que l’application stricte du régime de TVA, issu de la sixième directive de 1977, au commerce électronique posait en particulier des problèmes dans le cadre des transactions effectuées en totalité par voie dématérialisée, notamment au plan de leur qualification, mais surtout sur les implications de cette dernière sur les règles de territorialité, prévue par la sixième directive.

Ce constat de la nécessité, de la part des instances européennes, d’une réflexion afin d’adapter le régime de TVA aux services fournis par voie électronique, ce qui était rendu possible en dépit du moratoire sur la fiscalité du commerce électronique dans la mesure où « cette approche n’exclut pas de nouvelles mesures administratives ou législatives concernant le commerce électronique, ni des modifications de dispositions existantes, à condition que ces mesures soient destinées à faciliter l’application des principes fiscaux en vigueur et ne visent pas à imposer un traitement fiscal discriminatoire des transactions du commerce électronique ».

Ainsi, l’adaptation du régime intracommunautaire de TVA devait être dûment justifiée pour permettre toute évolution en matière de fiscalité indirecte du commerce électronique (Section II).

L’Union européenne est dans le cadre du consensus international en matière de fiscalité du commerce électronique, la première instance, à élaborer un régime de taxation propre aux transactions électroniques, mais sa marge de manœuvre est restée limitée compte tenu des conditions cadres imposées par les institutions internationales, mais également des intérêts divergents des Etats membres.

Section I

Le commerce électronique soumis au système de TVA préexistant

La TVA a l’avantage d’être un impôt à la consommation, réel et neutre en principe. Mais comme son histoire le fait ressortir, les grands principes de taxation, harmonisés en 1977, ont été rédigés compte tenu de l’activité économique existant à cette date. En effet, avec la TVA, on ne tient pas compte de la situation du redevable, le consommateur final, mais seulement de la valeur de l’opération et de sa qualification qui peut emporter des conséquences, notamment en matière de taxation.

C’est donc sur un schéma d’activités économiques traditionnelles que les principes de détermination de la TVA ont été mis en œuvre, postulant notamment d’une certaine proximité entre les opérateurs, et n’intégrant pas, c’est logique, des techniques de production ou de distribution alors inexistantes.

L’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ont fait ressortir en ce sens, les limites du régime commun, non pas en ce que la TVA ne leur soit pas applicable, mais dans les difficultés engendrées par leur application. En effet, le champ d’application de la TVA, pour assurer la neutralité, vise à permettre la taxation de l’ensemble des activités économiques.

Mais, on constate, que l’harmonisation n’est pas achevée, d’autant que le droit fiscal reste très lié à la culture juridique des Etats membre, et plus particulièrement encore au droit civil dont dispose ces Etats.

M.Lauré, Science fiscale, PUF, mai 1993.

Loi du 10 avril 1954 et décrets du 20 avril 1955.

Loi du 6 janvier 1966 applicable à compter du 1° janvier 1968.

Transposée en droit interne par la loi du 29 décembre 1978.

Première directive du 11 avril 1967.

Deuxième directive du 11 avril 1967.

Article 33 de la sixième directive du 17 mai 1977.

La définition du champ d’application de la TVA (A), la distinction entre les livraisons de biens et les prestations de services (B), ainsi que le cadre même du régime de TVA en vigueur au sein de l’Union européenne que constitue le régime transitoire mis en place par la sixième directive(C), sont autant de fondements de la TVA qui ont pu être mis à mal par l’émergence du commerce électronique.

Dresser les contours de ces notions permet, de mettre en exergue les limites de ces dispositions, face aux spécificités liées au nouveau mode de commerce offert par la société de l’information. En effet, la volonté de soumettre le commerce électronique à la TVA suivant les même règles que le commerce traditionnel, s’est heurtée aux limites même de ces règles qui pour la plupart se fondent sur des « présupposés » qui tombent devant la spécificité du commerce électronique.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
TVA et e-Services : la taxation des services électroniques
Université 🏫: Université Paris I Panthéon – Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
Mlle. Sophie Boytchev

Mlle. Sophie Boytchev
Année de soutenance 📅: Année 2002-2003
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