Réclamations effectuées par des tiers aux P & I Clubs

Réclamations effectuées par des tiers aux P & I Clubs

B. Les réclamations effectuées par des tiers

Afin d’examiner les demandes effectuées par les tiers, remarquons que la situation est différente en fonction des pays. Nous nous intéresserons surtout à ce qui se passe en Angleterre et en France.

En raison de la rédaction de leurs règles et plus particulièrement de la règle «Pay to be Paid», les Clubs ont toujours soutenu que les tiers n’avaient pas d’action directe contre eux.

– En Angleterre

Le «Third Parties Act» a semé le trouble dans les esprits. Il donnait un droit d’action directe aux tiers contre les assureurs de l’auteur du dommage au cas où celui-ci serait insolvable et dans certains autres cas.

Ce texte a eu des conséquences sur la manière des Clubs de gérer les réclamations lorsque la responsabilité du membre était établie et qu’il n’y avait pas d’action directe contre le Club. L’incertitude qui planait quant à l’application du «Third Parties Act» aux P & I Clubs a fait que les parties ont souvent conclu des compromis car personne n’était sûr de son droit.

Cependant, certains demandeurs ont essayé d’attaquer directement le Club pensant pouvoir écarter le règle «Pay to be Paid». Dans la décision «The Fanti», il fut jugé que les tiers pouvaient recouvrir directement du Club alors que dans la décision «Padre Island» les juges adoptèrent le point de vue contraire.

La Court of Appeal qui statua sur les deux décisions simultanément, décida que les Clubs étaient directement responsables envers les tiers et que par conséquent l’action directe était possibe.

La question fut ensuite débattue devant la chambre des Lords qui jugea que l’action directe contre les P & I Clubs était impossible en dépit du «Third Parties Act». Cette décision réaffirme la règle «Pay to be Paid» qui sert toujours de paravent aux Clubs.

– En France

La situation est beaucoup plus complexe. La loi du 13 juillet 1930, instaura comme en Angleterre, un droit d’action directe de la victime contre l’assureur. Cette règle fut consacrée par la Cour de Cassation par plusieurs arrêts. Cependant, la Cour y apporta des restrictions dès le début. C’est ainsi qu’elle précisait que le droit de la victime contre l’assureur «puise sa source et trouve sa mesure dans la convention antérieurement intervenue entre l’assureur et l’assuré.»

La Cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 15 juin 1981 se conforma aux recommandations de la Cour de Cassation et constata que le contrat souscrit près du United Kingdom P & I était régi par la loi anglaise et que cette dernière n’admettait l’action directe que dans des cas limités et notamment en cas de faillite de l’assuré. En l’espèce, ces conditions n’étant pas remplies l’action fut déclarée irrecevable.

En 1987, la Cour de Rouen admettait l’action directe. La demande des victimes fut acueillie par la Cour car le responsable du dommage était en faillite.

L’action directe fut ensuite écartée par plusieurs décisions récentes, mais elle fut de nouveau admise par la Cour de Rouen dans un arrêt du 13 juillet 1994.

Le problème fut alors posé devant la Cour de Cassation qui rendit l’arrêt Irini M. La Cour, reprenant les considérations de l’arrêt de la Cour d’Aix (celle-ci ayant refusé à la société Shell, destinataire d’une cargaison de fuel affectée d’un manquant le droit d’agir contre le Club assureur du transporteur), rejeta le pourvoi formé contre cet arrêt.

La Cour de Cassation considéra que: «C’est hors toute dénaturation du texte de la loi anglaise… que la Cour d’appel a décidé que la victime du dommage pouvant être indemnisée, l’action de la société Shell à l’encontre de l’assureur était irrecevable.»

La portée de cet arrêt selon le Professeur Bonassies est «très limitée, comme le démontre la seule référence qu’a faite la cour suprême à l’article 1134 du code civil».

Réclamations effectuées par des tiers aux P & I Clubs

Selon Patrick Simon, le droit applicable à l’action directe est celui qui régit le contrat d’assurance et non le contrat de transport ou la responsabilité quasi-délictuelle de l’auteur du dommage. Le Professeur Bonassies suggère quant à lui de rattacher l’action directe à la loi du contrat principal (ici le contrat de transport). Mais, selon lui, cela poserait tout de même quelques problèmes et la seule solution serait de mettre en place un texte (comme en matière de responsabilité du propriétaire de pétrolier).

Comme on peut le constater, le flou subsiste en droit français car ce problème est assez difficile à résoudre. Il ne reste plus qu’à espérer une décision plus claire de la Cour de Cassation ou attendre un texte purement hypothétique.

L’action directe contre le Club de protection et d’indemnité, nous offre une transition parfaite vers notre seconde partie, qui traitera des lettres de garantie Club, car comme nous le verrons la lettre de garantie émise par le Club permettra aux tiers de ‘contourner’ la règle «Pay to be Paid».

Dans cette première partie, nous avons essayé de comprendre le fonctionnement des Clubs et le rôle important qu’ils jouent s’agissant de l’assurance de l’armateur. A travers les règles de la classe P & I, nous avons tenté d’examiner la couverture offerte par les Clubs tout en insistant sur les dommages à la cargaison qui constituent environ le tiers des réclamations selon cette classe.

En suivant un ordre logique, nous nous sommes ensuite intéressés aux cas dans lesquels les Clubs devaient effectivement payer. Pour cela il fallait différencier la situation des membres de celles des tiers.

Comme nous avons pu le constater, le P & I Club est un maillon essentiel du monde maritime en sa qualité d’assureur. L’importance de son action sera encore accrue quand nous parlerons du P & I Club en tant qu’industrie de services, car en plus du rôle d’assureur responsabilité des armateurs, le P & I offre une gamme très étendue de services.

Third Parties (Rights against Insurers) Act du 10 juillet 1930.

Voir Section 1(3) du Third Parties Act.

Newcastle Protection and Indemnity Association v. Firma C-Trade S.A [1988]1 Lloyd’s Rep. 239.

Socony Mobil Oil Colne v.West of England Shipowners Mutual Insurance Association (London) Ltd.

Voir aussi dans le même sens Ali Galeb Ahmed et al. c. American Steamship Owners Mutual Protection and Indemnity Association Inc. et al. [1978] AMC 586.

[1989] 1 Lloyd’s Rep. 239.

Voir The Padre Island (No.2) [1990] Lloyd’s Rep. 191.

DMF 1982, p. 275: Navires Gelesiae et Radiant-Claudia.

Voir 17 décembre 1987, DMF 88, p. 477. Navire Sea Saint.

Voir Marseille, 12 janvier 1993, navire Amira, Revue Scapel 1993. 45 ou Bordeaux, 3 septembre 1993, navire Heidberg, DMF 1993. p. 731.

Voir DMF 1995. 540: Navire Heidi.

Voir DMF 1995. p. 531.

C.A Aix en Provence, 12 février 1993, DMF 1995 p. 532.

Voir le droit positif français en 1995, DMF 1996 p. 272.

Du nouveau sur l’action directe contre les P & I Clubs, DMF 1995 p. 525.

Les services offerts par les Clubs sont notamment caractérisés par leurs réseaux de correspondants mais aussi et surtout par l’émission de lettres de garantie, qui feront l’objet d’une étude dans la seconde partie.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les garanties clubs
Université 🏫: Université de droit, d’économie - et des sciences d’Aix-Marseille - Faculté de droit et de science politique
Auteur·trice·s 🎓:
Nicolas RICHARD

Nicolas RICHARD
Année de soutenance 📅: Mémoire - 1998
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